Communiquer la science par le débat

Transcription

Communiquer la science par le débat
Supplément
Synthèse du colloque 2013
L
e 18 octobre 2013, l’Institut Pasteur a accueilli le colloque
Communiquer la science. Cette quatrième édition proposait de réfléchir aux moyens de faire dialoguer scientifiques
et citoyens par le débat. Pour Sylvain Coudon, directeur
de la communication et du mécénat de l’Institut, le colloque aurait pu s’intituler : Quelle communication entre les
sachants et les non-sachants ? Ou : comment ne pas dépendre des seuls
médias comme intermédiaire ? L’interaction et le débat avec les nonsachants sont pour l’Institut des activités importantes. Outre les actions
classiques, telles que les conférences, il s’est lancé dans des opérations
plus dynamiques et interactives. Ainsi, lors de l’inauguration du nouvel
Articles
de Yannick
Blanc,
Chevalier,
auditorium
François
Jacob, un
tchatFrançois
a été mené
avec les Elisabeth
lecteurs duGrosdhomme-Lulin,
jour- LA REVUE DE LA COMMUNICATION PUBLIQUE
Christian
de
La
Guéronnière,
Jacques
Lévy,
Christian
Leyrit,
nal 20 minutes. Et, plus innovant encore, un live tweet a été organisé Guy
le Lorant,
Grégoire
Laurence
Monnoyer-Smith,
Bertrand
Pancher,
mois suivant
surMilot,
France 5.
Pour ouvrir
les débats, Sylvain
Coudon
a luXavier Patier,
Christophe
Richard,
Patricksur
Rifoe,
Cécile
Speich,
la conclusion
d’un Piednoël,
article duJacky
quotidien
Le Monde
l’affaire
Séralini :
Jean-Pierre
Triquet,
Catherine
Wihtol
de
Wenden,
Pierre
Zémor
« Un travail scientifique de piètre qualité peut donc, en lui-même, ne
pas faire avancer la connaissance, mais créer les conditions du savoir. »
PAROLE
PubliOue
n°5
avril 2014
Programme du colloque
Organisé le 18 octobre 2013 à l’Institut Pasteur
Animation du colloque par Fabienne Chauvière, France Inter
1
Accueil
par Sylvain Coudon, directeur de la communication
et du mécénat de l’Institut Pasteur
3
Ouverture
par Bernard Emsellem, président de Communication publique
4
L’évolution du débat sur la science en
Europe et la position de la France
par Brice Laurent, chercheur au centre de sociologie de l’innovation de Mines ParisTech
5
Points de vue et attentes des producteurs
de science et des citoyens
5
Introduction par Aline Chabreuil, vice-présidente
de Planète Sciences
5
Communiquer la science par l’échange et le débat,
actions, avis et attentes des organismes de recherche
par Nicole Chémali, directrice de la communication
de Genopole®
6
Points de vue de scientifiques par Hervé Chneiweiss,
directeur de recherche au CNRS et président du
comité d’éthique de l’Inserm et Alice René, responsable de la cellule réglementation bioéthique du
CNRS et membre du comité consultatif national
d’éthique (CCNE)
8
Contribution du chercheur dans les controverses environnementales par Jacques Méry, socio-économiste
de l’environnement, Irstea
9
Points de vue des élus par Marie-Christine Blandin,
sénatrice, présidente de la commission de la culture,
de l’éducation et de la communication du Sénat
10 Les citoyens et les associations dans les échanges
avec les scientifiques par Loïc Blondiaux, président
du comité scientifique du GIS “participation du public, décision, démocratie participative”
13
14
15
16
Ateliers sur des exemples d’échanges et de
débats entre scientifiques et citoyens
Description, forces et faiblesses, retour sur investissement
« Les cafés du gène », Nicole Chémali, Genopole®
« Santé en questions », Anaïs Petit, Inserm et
Nedjima Debah Universcience
« Jouer à débattre », Aude Vedrines, association
L’arbre des connaissances et Boris Gobert, enseignant en SVT à Montrouge (92)
« Fin de la faim », Anne Grange, Universcience
16
Perspectives sur le débat public d’après
les travaux de l’IHEST
par Marie-Françoise Chevallier-Le Guyader, directrice de l’IHEST
18
Table ronde
Michel Alberganti, journaliste scientifique, producteur de l’émission « Science publique », France
Culture
Michel Callon, professeur de sociologie à l’école
des mines de Paris
Dominique Donnet-Kamel, responsable de la mission Inserm-associations de malades
Étienne Klein, directeur de recherche au CEA
23
conclusion
12 Études de cas
12 Introduction par Françoise Bellanger, Communica
12
tion publique
« Parcours migratoires », initier les lycéens au débat de société par Marie-Lise Sabrié, directrice de
la communication de l’IRD et Raphaëlle Nisin, chargée de médiation avec les jeunes (IRD)
2
« CEASPHERE » un outil intranet pour se préparer au débat par Céline Gaiffier, responsable de la
communication interne du CEA
« PICASO Alternatives », identifier et prendre en
compte les demandes sociétales préalablement
au débat, le rôle du facilitateur par Bernadette de
Vanssay, sociologue, consultante en sociologie de
l’environnement et Ginette Vastel, directrice de la
communication de l’Ineris
Suivre et mettre en débat un domaine de recherche
émergent par Solène Margerit, coordonnatriceadjointe de l’Observatoire de la biologie de synthèse
Cigéo, le débat public sur des applications scientifiques à impact sur la société par Sébastien Farin,
chef de projet débat public à la direction de la communication de l’Andra
Synthèse du colloque
Synthèse rédigée par Peggy Pircher avec la collaboration de Françoise Bellanger et Aline Chabreuil
Communiquer
la science par le débat
Regards croisés entre producteurs de science et citoyens
ouverture
B
ernard Emsellem, le président de
Communication publique, a pour sa
part expliqué qu’aux yeux de son association, « le débat ne fait pas débat », il est
légitime et fait partie intégrante de son référentiel. Il s’agit ensuite de savoir de quel débat on parle, sous quelle forme. La question
du débat ne va pas de soi pour une institution. Le débat induit un changement radical :
les gens ne sont plus considérés comme les
simples destinataires d’une communication,
des publics, mais comme des parties prenantes. Et dans une certaine mesure, les parties prenantes veulent peser sur la décision,
prendre en main le devenir de l’institution.
Mais dans la relation qui s’installe, que
fait-on de l’échange ? Un mot est à la
mode chez les communicants : conversation. Il introduit une idée de durée dans la
relation. Le débat apporte quelque chose
de plus, l’idée d’un échange productif, de
confrontation et de construction ; on progresse ensemble par l’interaction.
3
En matière de science, le citoyen doit
s’empa­
rer, non pas de la science ellemême, mais de ses résultats. On a d’un
côté le sachant, qui a une légitimité par la
compétence, et de l’autre le citoyen, dans
sa dimension politique, qui est le récep­
teur des résultats de la science. Il y a là
deux compétences ; leur confrontation est
riche. Le débat nécessite le respect de
l’autre, il peut faire l’objet d’une véritable coproduction, même s’il se termine
sur des points de vue différents, voire
divergents.
Avec Internet et Wikipédia, on ne peut
plus se limiter à une communication
« top down » ; chacun peut se perfectionner, les citoyens viennent au débat avec
des compétences augmentées. Le revers
de la médaille, c’est que tout le monde se
pense compétent. Dans les débats sur la
science, ce qui est intéressant, c’est qu’il y
a à la fois le respect de la matière et l’envie
d’aller­plus loin. 
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L’évolution du débat
sur la science en Europe et
la position de la France
Il n’y a aucune
corrélation
entre niveau
d’information
sur la science et
niveau de confiance
envers les
technologies.
E
n introduction, Brice Laurent, chercheur au centre de sociologie de
l’innovation de Mines ParisTech, a
proposé un éclairage européen concernant
l’évolution du débat sur la science. Un rapport de la direction générale de la recherche
de la Commission européenne de 2011 sur
la communication sur les nanotechnologies met en évidence que les institutions
européennes considèrent que l’équation
selon laquelle plus d’information amène
plus d’acceptation des technologies est
fausse. Ce modèle dit « du déficit », qui
considère que les oppositions à la technologie seraient dues à un déficit de connaissance, ne fonctionne pas. Il n’y a aucune
corrélation entre niveau d’information sur
la science et niveau de confiance envers les
technologies. À l’inverse, le rapport estime
qu’il faut donc privilégier le modèle du
dialogue. La Commission européenne est
ainsi passée d’un modèle « top down » à un
modèle « bottom up ».
La stratégie de Lisbonne en 2000 visait
à faire de l’Europe la première économie
mondiale fondée sur la connaissance. Et
pour y parvenir, il fallait s’assurer que
l’image de la science était positive. Or le
constat était que le progrès scientifique
inspire des craintes, tout autant que des
espoirs, et qu’il y a un écart grandissant
entre le monde scientifique et les citoyens
européens. La stratégie de Lisbonne était
donc censée combler cet écart, notamment par le dialogue.
mais aussi la recherche européenne. La
commu­
ni­
ca­
tion de la science participe
ainsi à la définition des politiques de la
recherche et des politiques économiques
de l’Union européenne.
En 2012, la direction générale de la recherche­de la Commission européenne
observe une baisse de la confiance envers
la science, confiance qui reste cependant
élevée, passant lors des cinq années précédentes de 78 % à 66 %. La stratégie de
Lisbonne « 2.0 » (la stratégie dite « Europe
2020 ») promeut une union poli­
tique
fondée sur l’innovation. Le moyen de
définir les priorités serait de se centrer
sur les questions qui préoccupent les citoyens­européens. Apparaît là une logique
sous-jacente au modèle du dialogue, qui
consiste à identifier les défis sociétaux qui
inquiètent les citoyens, pour pouvoir y
répondre.
La situation en France est un peu différente, elle ne souffre pas, contrairement
aux institutions européennes, du même
problème de légitimité démocratique.
Mais on est passé de façon similaire du
modèle du déficit au modèle du dialogue.
Depuis quelques années, des dispositifs participatifs, parfois inscrits dans la
loi, sont introduits, telle la commission
nationale du débat public (CNDP).
Mais ce qui est frappant, c’est la multiplication des débats­sur la science qui
s’accompagne d’une multiplication des
oppositions. La plupart des réunions publiques sur les nanotechnologies ont été
interrompues par des opposants, même
chose pour le débat sur le projet Cigéo
de traitement des déchets radioactifs. Les
raisons de ces oppositions sont peut-être
à chercher dans le fait que les décisions
sont déjà prises, que le calendrier du débat et celui du projet industriel se chevauchent, ou que les opposants font un
calcul bénéfice-risque…
C’est la multiplication
des débats sur
la science qui
s’accompagne
d’une multiplication
des oppositions.
De même, le premier rapport cité dit que
l’objectif de la science et de la recherche
européenne est de passer d’un modèle
du « public understanding of science »
(compréhension publique de la science) à
un modèle du « scientific understanding
of the public » (compréhension scientifique du public). Le renversement est
intéressant. Au début la communication
consistait à expliquer au public ce qu’est
la science, la nouvelle politique entend
comprendre­de façon scientifique le public, afin d’adapter la communication
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4
Le modèle du dialogue ne conduit pas
nécessairement à un consensus ; ce n’est
pas négatif, c’est une extension du domaine de la démocratie. Pour Brice
Laurent, le débat n’est jamais un espace
neutre, exté­rieur à la fabrication des décisions qui engagent la science. De plus,
la standardisation des formes de communication ou de participation n’est pas
acquise. Ainsi, le modèle du débat de la
CNDP est parvenu à se standardiser sur
les projets d’infras­truc­ture, mais appliqué aux grands programmes de politique
scientifique, il se heurte à des difficultés.
Points de vue et attentes
des producteurs de science
et des citoyens
Lors d’un premier échange avec la salle,
un doctorant en sciences de l’information a remarqué que la plupart des débats
science/société sont organisés dans des
espaces scientifiques et à l’initiative de
chercheurs ou d’institutions publiques.
Et quand ces débats sont le fait d’associations non scientifiques, les chercheurs,
risquant de se faire « démonter », ne se
déplacent pas. Un ancien chercheur du
CNRS a ensuite tenu à lever une ambi­
guïté concernant l’expression : « compré­
hen­
sion scientifique du public ». Elle
signifie : compréhension par les scientifiques du public et non compréhension de
façon scientifique du public. Autrement,
on aurait l’impression que les scientifiques
étudient le public, pour mieux le manipuler et rendre acceptable la science. Il
rejette, d’ailleurs, le mot « acceptabilité ».
Brice Laurent ajoute, pour sa part, que
dans ce passage du « public understanding
of science » au « scientific understanding
of the public­ », reste la même dichotomie
entre la science et le public, avec l’idée que
le public­serait quelque part, qu’on pourrait le mesurer et ainsi adapter les déci­
sions qui le concernent. Enfin, selon un
participant, chargé de mission au CNRS,
pour que les citoyens se saisissent des questions scientifiques de manière pertinente,
il n’y a pas de moyen plus efficace que de
les faire participer à la science. 
A
line Chabreuil, vice-présidente de
Planète sciences, a présenté la première partie du colloque, consacrée aux regards des différents acteurs.
Comment mettre en débat les questions
vives de la science et leur impact ? Quand
le faire ? Tous les domaines de recherche
doivent-ils être ouverts­à la discussion ?
Autant de questions abordées sous des
angles différents : du point de vue des institutions de recherche par Nicole Chémali,
de celui des scientifiques par Hervé
Chneiweiss, Alice René et Jacques Méry,
des élus par la sénatrice Marie-Christine
Blandin, et enfin d’un universitaire, Loïc
Blondiaux.
Mais avant ces interventions, un film1 recueillant­la parole de citoyens, à la Défense,
dans le xviiie arrondissement de Paris et
sur un marché à Viarmes (95), a été projeté. Le réalisateur a été confronté au refus
de répondre de nombreuses personnes. La
plupart ne se sentent pas concernées par la
science ou estiment qu’il y a des problèmes
plus urgents. Pour Aline Chabreuil, c’est à
prendre en considération, il faut amener
les citoyens à se sentir acteurs complets du
dialogue avec les scientifiques. 
Communiquer la science par
l’échange et le débat, actions,
avis et attentes des organismes
de recherche
N
icole Chémali, directrice de la
commu­ni­ca­tion de Genopole®
qui a pour mission de participer
au débat citoyen sur les enjeux éthiques,
1. Le film « Communiquer la science par le débat » a été réalisé par Swan Beiner-Molière et
Dorothée Descamps. Il est visible sur la chaîne
Inserm vidéos sur You Tube (http://www.youtube.
com/watch?v=wdDbOX9LZd8)
5
scientifiques, médicaux et industriels des
applications de la génétique, de la génomique et des biotechnologies, pour en
faciliter la compréhension, voire favoriser
leur acceptation sociale représentait les organismes de recherche partenaires. Elle a
expliqué que les scientifiques ont des difficultés à faire passer les résultats de leurs
recherches dans le débat public. L’opinion
publique est souvent considérée comme
mal informée, se positionnant à partir
de données incomplètes ou stéréotypées.
La plupart des organismes publics de recherche organisent donc des débats pour
informer les différents publics (citoyens,
médias, élus, associations) des recherches
effectuées en leur sein, afin qu’ils puissent
opérer des choix dits éclairés sur les grands
enjeux de société. Les rencontres avec
les citoyens permettent aux chercheurs
d’apporter une expertise, mais aussi de
recueillir les préoccupations des citoyens.
Pourtant, certains chercheurs refusent de
participer au débat, car ils ne sont pas formés et ne savent pas argumenter dans un
cadre plus politique que scientifique.
Les organismes
doivent s’adapter
et inventer
de nouvelles
modalités
d’organisation
du débat.
Face au blocage de plusieurs débats, les
organismes de recherche s’interrogent sur
la façon d’organiser les échanges. Après
que les débats sur les OGM ont conduit
à l’arrêt pur et simple des recherches fondamentales en France, la biologie de synthèse a tenté, alors qu’elle était inconnue
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Quelques actions des organismes de recherche
■ Des débats publics type Cigéo sont
des occasions légales de rencontrer le public et d’échanger sur l’implantation d’installations ou la poursuite de programmes
de recherche. Pour l’Andra, débattre permet de répondre aux inquiétudes et de
construire des choix de société.
■ Le CEA participe aux travaux et réunions des commissions locales d’information (CLI) placées auprès des installations nucléaires civiles. Avec Cea Sphère,
action interne, via un intranet, les salariés
sont invités à donner leurs avis et à débattre entre eux.
■ L’Inserm est le seul organisme de
recherche français dédié à la santé humaine, son domaine de recherche ayant
de nombreuses répercussions sur la société, il se doit d’informer et de recueillir
les avis des citoyens. Il organise donc des
conférences citoyennes participatives,
du public, d’intégrer le dialogue science
et société dès les premières phases de
recherche­, en associant notamment des
sociologues aux chercheurs. La situation
est complexe. Certains scientifiques se
défendent de faire de « l’acceptologie »
en faisant uniquement part des résultats
de leurs recherches. Les citoyens estiment
eux avoir le droit de prendre position
sur des sujets scientifiques, avant même
leur diffusion dans la société. Des scandales sanitaires ont suscité la méfiance,
certains médias contribuent à alimenter
les controverses. Les lobbies défendent
leurs points de vue, des associations
tentent d’influer sur les programmes
de recherche. Les politiques doivent
prendre des décisions en appliquant le
principe de précaution. Les controverses
démontrent que les débats ne fabriquent
pas du consentement et que la recherche
ne peut rester l’apanage des chercheurs
confinés dans leur laboratoire. Les organismes doivent s’adapter et inventer de
tel le cycle de conférences « Santé en
questions » réalisées avec Universcience.
Il travaille en relation avec les associations de malades.
■ L’IRD organise 200 conférences par
an, accueillies généralement par une institution culturelle ou éducative. La plupart
des conférences sont informatives, mais
certaines manifestions (tables rondes,
cafés scientifiques) favorisent l’échange
direct entre les chercheurs et le public.
L’IRD fait du théâtre forum au Burkina, au
Sénégal et en Amérique latine. Certains
programmes de recherche (au Kenya et
au Sénégal) donnent lieu à des séances de
recueil de connaissances et d’opinions des
citoyens, puis de restitution des résultats
et de recommandations auprès des populations et des autorités.
■ La recherche environnementale inclut
par essence une dimension de dialogue
nouvelles modalités d’organisation du
débat. Des OGM à l’atome, les questions
scientifiques sont devenues politiques, citoyennes et objet de débat. 
Points de vue de scientifiques
À
deux voix, Hervé Chneiweiss, directeur de recherche au CNRS,
président du comité d’éthique de
l’Inserm et rédacteur en chef de la revue
Médecine/Sciences, et Alice René, responsable de la cellule réglementation
bioéthique du CNRS, tous deux membres
du comité consultatif national d’éthique
(CCNE), ont présenté leur point de vue
de scientifiques, en s’appuyant notamment sur des avis rendus par les comités
d’éthique.
Selon Alice René, dans la communauté
scientifique, toute avancée de la connaissance passe par la discussion, mais toute
publication scientifique est précédée d’un
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6
science/société. Irstea recueille, grâce
à ses économistes et sociologues, des
avis et savoirs de citoyens concernant
les contraintes imposées par le territoire
étudié. Le BRGM organise également sur
des thèmes d’actualité liés à ses missions
des conférences débats, pour informer et
prendre en compte les avis des citoyens.
■ Genopole® Organise les Cafés du
gène et conduit avec l’Ifris le colloque
Sciences de la vie en société, une journée d’études qui traite de la co-évolution
science/société, avec des spécialistes des
sciences de la vie, des sociologues, des
élus, des journalistes, des associations...
L’édition 2012, portant sur la biologie de
synthèse, a été marquée par l’intervention (distribution d’un tract) de Pièces
et main d’œuvre, une association d’opposants au débat, qui a empêché une discussion sur le même sujet de se dérouler
le 25 avril 2013 au CNAM.
Le public veut
des réponses
claires, précises,
ici et maintenant,
quand le scientifique
ne sait répondre
qu’en termes
probabilistes.
processus de validation par les pairs. Hervé
Chneiweiss insiste sur les signifiants de la
notion d’incertitude de la science. Si sur
certains points, il n’y en a plus : on sait que
la Terre est ronde, la première grande incertitude est celle du comment. De nouvelles
mesures remettent en cause les précédentes,
grâce à l’amélioration des outils et des méthodes. La seconde incertitude est celle
du pourquoi. Des questions scientifiques
demeurent sans réponse. La troisième, qui
intéresse beaucoup le public, est celle du
quand. Les données prédisent un phénomène (un tremblement de terre lié à la tectonique des plaques, par exemple), mais on
ignore quand il surviendra. Une confusion
entre ces différents sens du terme « incertitude » se répand dans le public­et perturbe
le débat. Se pose essentiellement la question de la valeur prédictive de la science. Le
public veut des réponses claires, précises,
ici et maintenant, quand le scientifique ne
sait répondre qu’en termes probabilistes.
Il y a une dichotomie, ajoute Alice René,
citoyens et scientifiques n’ont pas les
mêmes attentes, les premiers désirant un
socle de connaissances stable et exempt
d’incertitude. Le recours au débat prévu depuis les lois Bernier est désormais
inscrit dans les lois de bioéthique de
2011, pour les « 
problèmes éthiques
et les questions de société soulevés par
les progrès de la connaissance dans les
domaines de la biologie, de la médecine
et de la santé ». « La controverse scientifique menée publiquement, ouvertement
et de façon constructive et respectueuse des
intervenants, est indispensable tant pour le
progrès de la science, l’information des citoyens que pour le développement du débat
démocratique », écrit le Comité d’éthique
du CNRS. Un travail d’appropriation et
d’assimilation des connaissances par le
public est nécessaire ; le débat en est un
outil. Cette nécessité s’apparente à la notion de consentement éclairé en éthique
médicale et scientifique : pour faire un
choix parmi les options thérapeutiques
qui lui sont proposées, la personne soignée
doit disposer d’une infor­ma­tion complète
et adaptée à sa compré­hen­sion. Il en découle, pour le CCNE, le besoin d’« inciter
et encourager les chercheurs à s’impliquer
dans la validation et la transmission de
l’information scientifique à la société ».
Pour Hervé Chneiweiss, la complexité est
irréductible à la production scientifique.
Sont mélangées dans des questions sociétales des données scientifiques issues des
sciences dures, des sciences humaines et
sociales, de la biologie et de la médecine ;
cette information complexe est difficile
à transmettre. Tout cela montre, estime
Alice René, que, lorsque la recherche présente des implications à fort impact sociétal, le débat devrait avoir lieu en amont de
la décision politique. Mais on en revient à
ce conflit de points de vue, reprend Hervé
Chneiweiss : le public demande à la science
de prédire l’impact d’une recherche­scientifique, or il est rare de le connaître suffisamment tôt pour le politique, à qui,
une fois l’impact sur la société observé, il
est reproché de n’avoir rien fait ! D’où un
jeu de « patate chaude » : le politique reprochant au scientifique de ne pas l’avoir
averti à temps, le scientifique faisant remarquer qu’avant d’observer l’impact­il
n’était pas possible de le prévenir. Les résultats scientifiques font peu l’objet de débats contrairement à leur « utilité ». Mais
cette dernière est perçue dif­fé­remment par
le scientifique et le citoyen­. En matière de
santé, un risque a une valeur statistique intéressante pour le premier lorsqu’il considère une cohorte, quand le second attend
une information pertinente à l’échelle individuelle. Il est donc essentiel de mettre
en place une éducation à la probabilité,
expliquant la notion de facteur de risque
et de susceptibilité d’origine génétique.
La science
fondamentale
amène toujours
plus de questions
que de réponses.
Les nouvelles
connaissances
soulèvent de nouvelles
questions sociétales.
Citant le CCNE, Alice René explique qu’il
convient « d’indiquer les limites de l’information », de séparer vision personnelle
et fait scientifique validé, et « d’être très
prudent dans les commentaires concernant
les applications potentielles » d’une découverte. « Porter un débat scientifique devant
un public qui ne dispose pas des éléments
techniques pour se construire une opinion
éclairée est source de confusion. » Le modèle des conférences de citoyens aboutit
La science fondamentale amène toujours plus de questions que de réponses,
prévient Hervé Chneiweiss. Les nouvelles connaissances soulèvent de nouvelles questions sociétales. Ainsi l’exemple de la procréation médicalement
assistée. Une ovulation permet de recueillir une dizaine d’ovocytes. La fécondation in vitro produit entre 5 et 10 embryons, seulement un ou deux seront transférés. Il reste donc des embryons surnuméraires. En Allemagne, il
est interdit de les conserver. En France, le choix a été fait de les congeler. Se
pose alors la question de leur devenir. Sans fécondation in vitro, il n’y aurait
pas d’embryons surnuméraires, et sans ces embryons potentiellement disponibles pour la recherche, il n’y aurait pas de questionnement sur leur utilisation pour en dériver des cellules souches embryonnaires…
7
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à des consensus sur certains points, à des
« dissensus » sur d’autres. Ce modèle sera
uti­lisé pour la consultation, avant toute
modi­fi­ca­tion des lois relatives à la bioéthique, animée par le CCNE.
En conclusion, à l’instar de l’épistémologue
Bertrand Russell, Alice René souligne qu’il
faut « accepter et supporter de ne pas savoir ».
Hervé Chneiweiss rappelle, quant à lui,
qu’à un moment le scientifique s’efface devant le débat citoyen. Il se doit d’éclairer
le public sur l’état des connaissances, mais
le choix d’utilisation qui en est fait le ramène à une place parmi­d’autres ; ainsi des
recherches peuvent être menées sur les gaz
de schistes et la société peut décider de lutter contre le réchauffement climatique en
stoppant toute consommation supplémentaire d’hydrocarbures fossiles…
Lors de l’échange avec la salle, la formation
des scientifiques au dialogue avec le public
a été abordée. Pour un participant, un des
problèmes entre le milieu scientifique et la
société, c’est que cette dernière tend à définir les priorités, à financer, sous la pression
de l’opinion publique et des industriels, telle
recherche plutôt que telle autre. Mais la position des scientifiques est ambiguë ; ils réprouvent cette intrusion, tout en refusant de
décider de la direction et des conséquences
de leurs recherches… Pas du tout, répond
Hervé Chneiweiss, au contraire, les scientifiques sont des professionnels du détournement, capables de prendre n’importe quelle
question socié­tale et de trouver le moyen de
poser les questions qui les intéressent.
Pour un autre participant, les controverses
font avancer les choses, car elles ne sont
pas purement scientifiques, mais aussi sociales­et sociétales. La science peut écouter les controverses pour faire avancer les
connaissances, estime-t-il.
Hervé Chneiweiss rappelle que deux
études, menées par des laboratoires pharmaceutiques et publiées dans les revues
Nature et Science, ont montré que 70 %
des résultats présentés dans 50 articles
publiés dans les meilleures revues scientifiques n’étaient pas reproductibles.
Dans la salle, un participant tient pour
sa part à faire la distinction entre ce qui
relève des processus de la recherche et ce
qui relève de l’application des connaissances scientifiques. Distinction qui n’est
pas passée dans les cultures générale et
médiatique, ce qui pose un problème fondamental au niveau de l’école. Pour Hervé
Chneiweiss, les nouvelles méthodes et les
nouvelles accessibilités (connaissances disponibles sur Internet) donnent de nouvelles possibilités. Encore faut-il cultiver
chez tous l’appétence au savoir.
P
our compléter le point de vue des
scientifiques, Jacques Méry, socioéconomiste de l’environnement à
l’Irstea, a fait part de son expérience de
cher-cheur dans les controverses environnementales, en l’occurrence les installations
de stockage de déchets non dangereux. Il
n’est évident pour personne d’accepter l’arrivée d’une décharge d’ordures ménagères
à 200 m de chez soi. La première réaction
est : pourquoi ici plutôt qu’ailleurs ? Le refus vient de la définition même du déchet,
qui est ce dont on cherche à se défaire, à
envoyer le plus loin possible de soi. Or là,
ce sont les déchets qui viennent à soi, les
siens, mais aussi ceux de ses voisins et de
territoires éloignés, voire inconnus, dans
le cas de déchets industriels. Sur les 250
décharges en exploitation en France, une
centaine connaissent de mauvaises relations avec les riverains. Les créations de
nouvelles décharges rencontrent une opposition systématique, et au lieu de se monter
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en deux ans, le projet en prend dix, voire
n’aboutit pas. Les conflits sont très vifs,
tous les outils sont utilisés : médias, lobbying auprès­des élus, recours juridiques,
et parfois violences.
Un travail de dialogue
et d’équilibre entre
toutes les parties
prenantes est
nécessaire pour
garder un minimum
de crédibilité.
Dans ce contexte, les sciences de la terre
sont très vite invoquées dans le jeu des
exper­tises et contre-expertises. Or il y a
de fortes incertitudes, les milieux sont
hétérogènes, les pollutions à long terme
difficiles à qualifier, la durée de vie des
étanchéités mises en place malaisée à
déterminer. Certaines expertises sont réalisées par des gens en liens avec les exploitants, ce qui pose le problème de leur
crédibilité et impar­tia­lité. On en vient à
la question du conflit d’intérêt. Jacques
Méry travaille au département technologies pour l’eau et l’environnement d’Irstea. Pour mener leurs recherches, les chercheurs ont besoin d’accéder aux sites, ils
ne peuvent donc pas se permettre d’être
fâchés avec l’exploi­tant. Il y a là un lien
de dépendance. De plus, la recherche appliquée est incitée à faire de la recherche
partenariale avec des entreprises privées,
ce qui permet de diffuser la recherche
publique vers l’économie et de disposer
de financements complémentaires des
contrats passés avec l’Agence nationale de
la recherche (ANR) et l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie
(Ademe). Les liens sont donc financiers
et contractuels. Pour les recherches très ou Tchernobyl. Il faut prendre des précautechniques visant à améliorer les procé- tions quand on présente ces notions.
dés, il n’y a pas de problème. Mais pour
celles concernant les impacts environne- Il est donc essentiel de reconnaître et ensei­
mentaux et sociétaux des décharges ou les gner que la science n’a pas néces­sai­rement
aspects économiques, c’est plus délicat, et réponse à tout. Les enjeux sont aussi pole financement privé se fait rare. Et sur les litiques. Plutôt que d’instrumentaliser la
zones en conflit, le chercheur bénéficiant science, il faut exploiter au mieux les donde contrats avec les grands opérateurs nées disponibles et s’appuyer sur les controdes déchets se fait facilement qualifier de verses pour stimuler la recherche, avec des
« vendu » par les opposants. Un travail procédures participatives et délibératives. 
de dialogue et d’équilibre entre toutes
les parties prenantes est nécessaire pour Points de vue des élus
garder un minimum de crédibilité. Il ne
arie-Christine Blandin, sénatrice
faut pas se limiter aux acteurs solvables.
EELV, présidente de la commisLes chercheurs doivent faire l’effort­
sion de la culture, de l’éducation
d’aller au contact d’autres personnes que
les exploitants, tels le milieu associatif ou et de la communication du Sénat, a présenté le point de vue d’une élue. Elle a
les riverains.
témoigné de la panique qui survient en
Un risque d’instrumentalisation de la cas de crise sanitaire : les électeurs sont
science existe également. La question cen- aux portes des permanences, ministres et
trale est la localisation des décharges. La élus sont tétanisés devant la bonne ou la
tendance est de faire croire que c’est un mauvaise prise de décision et se tournent
problème purement scientifique et que le vers les scientifiques. Dans un monde
choix se fait sur des critères objectifs. Mais complexe où le risque zéro n’existe pas,
est-ce un problème scientifique ou poli- le partage des rôles avec les chercheurs,
tique ? La difficulté pour une décharge est les experts et les citoyens est un véritable
davantage de trouver une communauté enjeu démocratique. Face à la controverse,
d’accueil qu’un site géologique. Entre les les parlementaires voient des citoyens désciences de la décision et les sciences d’aide sarmés, mal éclairés, affolés par des alertes
à la décision la nuance est importante. On obscurantistes diffusées sur inter­net, des
attend des premières qu’elles révèlent la médias qui enflent tout et des lobbies qui
vérité, que leurs algorithmes déterminent les invitent au restaurant et les nourrissent
où doit s’implanter telle décharge. Alors d’amendements… Il faut savoir résister.
que les secondes donnent des éléments de
compréhension et d’information, aux ac- Le rôle des parlementaires est de faire la
teurs ensuite de choisir. Il faut parvenir à loi, participer au débat et entendre les difcommuniquer l’incertitude et le risque. Or férents points de vue pour définir l’inté­rêt
les notions probabilistes d’impacts sani- général. Ils sont là aussi pour ouvrir des
taires, d’évaluation des risques à faible dose espaces de démocratie, en particulier dans
sont difficiles à appréhender. Lorsqu’un le dialogue science société. Ils se sont pour
scientifique évoque un risque de 1 sur cela dotés d’un outil : l’Office parlemen10 millions, en le qualifiant de faible, les taire d’évaluation des choix scientifiques et
gens objectent en invoquant Fukushima technologiques (OPECST). Il possède des
M
9
compétences, mais il y a aussi des couacs
dans son fonctionnement. Des élus décidés à franchiser une technologie peuvent
mener des auditions pertinentes, mais ne
retenir à la fin que leur conviction personnelle. Les administrateurs peuvent faire
relire une audition compliquée sur la sécurité nucléaire par Aréva…
Dans un monde
complexe où le risque
zéro n’existe pas,
le partage des rôles
avec les chercheurs,
les experts et
les citoyens
est un véritable
enjeu démocratique.
En 2006, Marie-Christine Blandin a fait
voter dans la loi Goulard un amen­dement
qui incite à valoriser tout chercheur qui
consacre du temps au partage du savoir
avec la société. Il est voté mais pas appliqué.
Dans la loi sur l’enseignement supérieur
et la recherche (ESR) de 2013, la notion
de sciences participatives a été introduite.
Le citoyen est mis à contribution pour la
collecte de données, associé à la production de connaissances, à l’élaboration d’un
questionnement ou d’une méthodologie.
C’est ce que permettent les partenariats
institutions-citoyens pour la recherche et
l’innovation (Picri) de la région­Ile-deFrance. L’irruption du citoyen non chercheur dans les protocoles n’est pas une
hérésie. Ainsi, quand une firme teste l’effet
sur les abeilles d’un pesticide et conclut à
son innocuité, l’apiculteur peut signaler
qu’après exposition l’abeille est toujours
vivante, mais incapable de retrou­
ver sa
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Le dialogue est
indispensable,
fécond, utile.
Il repose sur une
culture scientifique
à mieux partager
et à revitaliser.
ruche et de communiquer avec ses congénères. La conclusion de l’étude n’est donc
pas socialement recevable, puisque le pesticide se révèle dévastateur pour la pollinisation et la production de miel.
Toujours dans la loi ESR, la culture scientifique est réaffirmée sous la responsabilité
des Régions, avec l’État garant de l’animation et des moyens. Il s’agit de favoriser le partage et de permettre à chacun
de comprendre et de choisir. La loi pour
la refondation de l’école prend également
en compte la culture scientifique, et la fera
vivre dans formation des enseignants.
D’autre part, Marie-Christine Blandin a
fait voter une loi relative à l’indépendance
de l’expertise et la protection des lanceurs
d’alerte. Elle veille à un suivi du message
et à ce que son auteur ne soit pas péna­
lisé. Les scandales sanitaires montrent qu’il
y a toujours eu des alertes précoces non
entendues, et que des institutions scientifiques ont parfois énoncé des contre-vérités mortifères (exemple : l’Académie des
sciences et l’amiante). Par ailleurs, assurer
l’indépendance de l’expertise, c’est faire
une lecture vigilante des liens d’intérêt et
éloigner des lieux de décisions ceux qui
sont directement intéressés par leurs effets.
Après les scandales sanitaires, la France a
judicieusement séparé l’expertise (le travail
des chercheurs dans les agences) et la prise
de décision relative à la gestion du risque ;
laquelle, relevant d’un choix politique,
appartient au politique, qui n’a pas à s’en
décharger sur les agences.
La sénatrice conclut que le dialogue est
indispensable, fécond, utile. Il repose sur
une culture scientifique à mieux partager
et à revitaliser.
À la suite de cette intervention, la directrice d’un centre d’information sur l’eau
demande si vouloir que les scientifiques
prennent en charge l’information et l’éducation du public n’est pas une façon de décharger le politique de ses responsabilités,
et de faire endosser à la science des choses
qui ne sont pas de son ressort. Pour MarieChristine Blandin, tout est utile, il faut se
cultiver ensemble, chacun doit prendre sa
part. Si les scientifiques restent dans leur
tour d’ivoire, ils ne seront pas éclairés par
le feed-back des citoyens, et les citoyens
ne bénéficieront pas de la richesse qu’ils
peuvent donner. Le scientifique n’est pas
là pour se mettre en conflit avec la société­
sur les technosciences, il est là pour faire
briller les yeux des gens, leur faire comprendre des choses et leur permettre ainsi
de participer au débat. 
Les citoyens et les associations
dans les échanges avec les
scientifiques
L
’intervenant suivant, Loïc Blondiaux,
est professeur de sciences politiques à
la Sorbonne et président du comité
scientifique du GIS (groupement d’intérêt scientifique) « participation du public,
déci­sion, démocratie participative » ; groupement qui fédère une cinquantaine de
laboratoires francophones travaillant sur la
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10
Nos élites scientifiques,
politiques, voire
média­tiques,
ne voient pas que
les citoyens sont
devenus réflexifs,
critiques, capables
de produire
des connaissances
sur ce qu’ils vivent.
question de la participation citoyenne, dans
des domaines comme l’envi­
ron­
nement,
l’urbanisme, l’action publique… Il a tout
d’abord tenu à clarifier un point : le public
n’existe pas. Depuis l’article « L’opinion
publique n’existe pas » publié par Pierre
Bourdieu il y a quarante ans, les chercheurs
savent qu’il y a une pluralité de publics. On
en distingue cinq types (selon la typologie
de Francis Chateauraynaud). Le public
organisé (en syndicats, associations), qui
préexiste aux controverses et sert d’interlocuteur aux pouvoirs publics. Les publics
mobilisés, qui émergent à un moment où
on ne les attend pas, suscités parfois par
des procédures de débat public. Le public
sollicité, construit et défini par le dispositif
de débat. Le public affecté par la décision
à prendre, concerné sans forcément le savoir, (ses contours devraient épouser ceux
du public sollicité, mais c’est rarement le
cas). Enfin il y a le fameux­grand public,
produit d’une fiction régulatrice qui oublie
que le public ne se mobi­lise que par intermittence, par hasard, quelquefois. La plupart des dispositifs ne tiennent pas compte
du fait que le temps citoyen disponible est
extrêmement limité, contrairement à celui
des lobbies et des institutions. Et, bien que
constamment évoqué, ce grand public demeure introuvable lors des réunions. Les
Anglo-saxons ont une vision plus pragmatique et opérationnelle du public, à l’instar du philosophe John Dewey, pour qui
il n’y a pas de public sans problème. Un
public est un groupe de citoyens qui prend
conscience qu’il est affecté par des décisions prises par d’autres. Alors il s’informe,
auditionne, produit des connaissances et
prend des déci­sions qui se transformeront,
si elles sont robustes, en institutions chargées de régler le problème.
Il existe, par ailleurs, un grand décalage
entre la société, qui a profondément changé­
, et des institutions restées les mêmes
depuis le xviiie siècle. La démocratie repré­
sen­ta­tive a été inventée pour contrer tout
autant la tyrannie et la monarchie que la
démocratie, qui faisait peur. Nos élites
scientifiques, politiques, voire média­tiques,
ne voient pas que les citoyens sont devenus réflexifs, critiques, capables de produire des connaissances sur ce qu’ils vivent.
Aujourd’hui les citoyens se défient de toutes
formes d’autorité. Ce sont des citoyens expressifs, qui estiment inadmissible de ne
pas pouvoir se faire entendre, ni prendre la
parole lorsqu’ils ont quelque chose à dire.
On assiste dans nos démocraties à un abaissement des coûts de l’expression politique
à travers les technologies numériques. Et
face à cela, les politiques et les scientifiques
continuent à avoir peur de la démocratie,
et à envisager la participation des citoyens
comme un risque sociétal, une menace. Ils
voient le citoyen comme un enfant qu’il
faut rassurer. Le dialogue n’est alors qu’une
entreprise d’éducation du public : nous allons le convaincre que nous avons raison et
qu’il a tort d’avoir peur. Certes, les citoyens
doivent être informés, mais cette posture
pédagogique du débat ne peut pas épuiser
totalement leur participation.
Un conflit entre
différents projets
politiques :
la démocratie
participative, par
essence conflictuelle ;
la démocratie
délibérative, qui
cherche à produire
de bonnes décisions,
plus légitimes et
rationnelles ;
enfin un projet
de fabrication du
consentement, qui
entend faire adhérer
les citoyens
à des propositions
qu’ils n’ont pas
contribué à élaborer.
sécurité qu’apporte aux politiques ou aux
scientifiques le jury citoyen. Dispositif
dans lequel on transforme des citoyens en
citoyens éclairés et éduqués, mais dont la
légitimité est aujourd’hui très faible dans
la vie publique.
Pour un ingénieur agronome présent dans
la salle, le modèle de la démocratie délibérative, cherchant à impliquer les citoyens
dans des démarches plus organisées, repré­
sente un coût économique. Coût que les
autorités publiques ne sont pas prêtes à assumer, renchérit Loïc Blondiaux. Inclure
les publics les moins spontanément disponibles dans les dispositifs demande une
communication et une mobilisation très
coûteuses, mais qui peuvent produire des
effets majeurs. Au niveau local, toutefois,
les choses changent, avec la mise en place
de politiques de participation qui commencent­à impacter l’action publique.
Mais globalement, la mentalité des représentants et des élites sociales est restée très
archaïque ; le peuple, jugé trop irresponsable pour participer à l’action publique,
est maintenu à distance.
Une médiatrice scientifique au Palais de
la découverte a ensuite demandé si les citoyens­concernés voulaient prendre la paIl y a en réalité derrière cela un conflit entre role­ou être écoutés. Pour Loïc Blondiaux,
différents projets politiques : la démocratie ils désirent avant tout pouvoir s’exprimer.
participative, par essence conflictuelle ; Et même si leur demande n’est pas vérila démocratie délibérative, qui cherche à tablement prise en compte, mais qu’un
produire de bonnes décisions, plus légi- effort a été fait pour que chaque point de
times et rationnelles ; enfin un projet de vue s’exprime, ils respecteront davantage
fabrication du consentement, qui entend le schéma. Certes, ils continueront à défaire adhérer les citoyens à des proposi- fendre­leur cause, mais auront moins de
tions qu’ils n’ont pas contribué à élaborer. risque d’être violents que si on les prend
Et selon les dispositifs mis en place, ces pour des imbéciles. 
projets sont plus ou moins à l’œuvre.
On voit ici la fragilité mais aussi la légitimité du débat public, au regard de la relative
11
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Études de cas
F
rançoise Bellanger, de Communi-
cation publique, a introduit la deuxième partie du colloque, consacrée
à l’expo­si­tion de cinq études de cas et de
quatre ateliers. Ces exemples, variés et de
différents domaines, traitent de l’apprentissage du débat, lequel est loin d’être évident.
« Parcours migratoire », proposé par l’IRD,
et le jeu « Jouer à débattre » initient les
lycéens au débat. CEA Sphère est un site
intranet mis en place pour les salariés du
CEA. Les échanges citoyens/chercheurs
sont illustrés par « Les Cafés du gène » et le
cycle de conférences « Santé en questions ».
Le programme « Fin de la faim » donne la
parole aux jeunes. La difficulté d’organiser
des débats sur des sujets ayant un impact sur
la société et l’environnement est montrée
par l’étude « PICASO ALTERNATIVES »,
consacrée aux méthodes­alternatives à l’expérimentation animale, l’expérience Cigéo,
sur l’enfouissement des déchets radioactifs,
et la mise en place de l’Observatoire de la
biologie de synthèse, lieu de réflexion et
de questionnements sur ce domaine de recherche émergeant.
Autant d’exemples pour dire que face
aux difficultés du débat public, il devient
essen­tiel de trouver de nouvelles formes
d’échange.
« Parcours migratoires »,
initier les lycéens au débat
de société
L’objectif de Parcours migratoires,
dispositif pédagogique mis en œuvre par
l’IRD en 2012/2013, était d’inviter des
lycéens français, tunisiens et marocains
à utiliser les méthodes des chercheurs en
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sciences sociales et humaines pour appréhender des questions de société sensibles et
complexes (ici les migrations). Marie-Lise
Sabrié, directrice de la communication de
l'IRD explique qu'il s'agissait de leur apprendre à débattre de manière informée sur
ce sujet, loin des discours soit stigmatisants,
soit compassionnels des médias, des politiques ou de leur entourage.
Raphaëlle Nisin, chargée de médiation
avec les jeunes, décrit le dispositif. La
première étape a été de coordonner 11
clubs sciences (5 au Maroc et en Tunisie,
6 en région PACA) dont la mission était
de répondre à la question : « Comment les
migrants vivent-ils dans les villes méditerranéennes ? ». Utilisant la démarche des chercheurs en sciences sociales, ces groupes,
par des entretiens avec des migrants rencontrés dans leur environnement proche,
devaient réaliser des dossiers de recherche
multimédias, rendus ensuite visibles sur
un site internet. Pour clore le projet, en
mai 2013, les 300 participants ont été réunis à Marseille afin de présenter leurs travaux. De jeunes marocains se sont intéressés à la question des migrants saisonniers en
France et en Espagne ; d’autres à l’insertion
professionnelle de Chinois ; des Tunisiens
à celle de Subsahariens ; des Français aux
migrations tunisiennes et italiennes à
Marseille. (Voir http://www.jeunes.ird.fr/
parcours-migratoires/)
En France certains enseignants ont observé­des réticences de la part des élèves,
renvoyés pour certains à leur propre parcours. Au Maroc et en Tunisie, l’entrée
dans le projet a en revanche été facilitée
par la perspective de venir à Marseille et
par le fait que les jeunes travaillaient dans
le cadre de clubs extra-scolaires. Dans tous
les groupes, au fur et à mesure des « sorties
sur le terrain » et des entretiens auprès de
migrants, l’intérêt pour la démarche s’est
développé. Au final, le projet a profité autant aux jeunes qu’aux chercheurs. Les premiers se sont approprié la démarche scientifique pour aller au-delà des idées reçues
sur les migrants, les seconds se sont nourris
des travaux des jeunes et de leurs interrogations. Les migrations sont un thème fort à
l’IRD, le travail des jeunes s’inscrivait donc
dans une problématique de recherche plus
large. Le colloque à Marseille a lui été jugé
indispensable pour susciter le débat d’idées
entre les jeunes et leur donner la parole.
« CEASPHERE » un outil intranet
pour se préparer au débat
CEA Sphère est un site intranet lancé en jan-
vier 2013 à l’intention des salariés du CEA.
Cet outil de communication interne est né
à l’occasion du débat national sur la transition énergétique, piloté par le minis­tère de
l’Écologie, du Développement durable et
de l’Énergie, qui doit aboutir à un projet de
loi sur la transition énergétique. Il concerne
donc directement le CEA. CEA Sphère répond à la nécessité d’infor­mer les salariés
en interne sur l’actua­lité du débat et ses enjeux. L’ambition est de partager l’information, d’améliorer l’expertise collective (entre
ceux qui travaillent sur l’énergie nucléaire
et ceux qui travaillent sur les énergies alternatives), et de préparer chacun à prendre sa
place dans le débat. L’intranet correspond
aux formes de discussions citoyennes présentes sur le web et permet d’établir un trait
d’union entre les différents pôles du CEA.
Ce n’est pas un site pour débattre du débat
ou de son organisation, pas non plus un site
de défense d’une énergie en particulier, ni de
propositions au gouvernement. Les 18 000
salariés peuvent publier une analyse, commenter les articles et mettre à disposition des
documents. L’utilisation de pseudonymes a
été autorisée. CEA Sphère est le premier espace collaboratif mis en place par le CEA
sans régulation préalable. Il a été monté en 8
semaines (déploiement technique, premiers
contenus…), l’objectif étant d’ouvrir avant
le lancement du débat national.
Le bilan est en demi-teinte, juge Céline
Gaiffier, chef du service communication
interne du CEA. En dix mois, le site comptabilise 2 100 visiteurs uniques, 1,7 million
de pages vues et 250 publications par les
salariés. Les personnes ont posté sous leur
véritable identité, le webmaster n’a pas eu
à jouer les modérateurs. L’aspect négatif
c’est qu’une fois satisfaite une curiosité initiale avec un premier flot de contributions,
les interactions ont été limitées. Après des
commentaires d’un haut niveau d’expertise,
il est difficile de débattre, même pour des
scientifiques. Une façon de faire évoluer
le dialogue entre experts et moins experts
serait de donner aux salariés la possibilité
de réagir grâce à un bouton « j’aime », « je
recommande ». Il y a en tout cas une maturité pour aller vers ce genre d’outil, les gens
savent se l’approprier.
« PICASO Alternatives »,
identifier et prendre en compte
les demandes sociétales
préalablement au débat,
le rôle du facilitateur
S’insérant dans le programme Repère,
conduit par le ministère chargé de l’écologie, PICASO ALTERNATIVES est un
programme qui prend en compte les attentes­sociétales pour la mise en œuvre de
méthodes alternatives à l’expérimentation
animale dans les domaines de la santé et
de l’environnement. Il existe sur ce sujet
controversé un blocage entre les scientifiques et les associations, explique Ginette
Vastel, directrice de la communication de
l’Ineris. L’idée était donc de partager avec
des associations un savoir scientifique, afin
qu’elles deviennent des passeurs de savoir
auprès de la société et des relais d’opinion.
Dans ce projet, la sociologue et consultante en sociologie de l’environnement
Bernadette de Vanssay a joué le rôle de facilitateur (tiers-veilleur). Ce dernier analyse
Repère est une plate-forme de dialogue qui cherche à faire participer des
associations à des phases d’élaboration de connaissances : prioriser les enjeux de la recherche, mobi­li­ser des connaissances pour l’expertise. L’Ineris
travaille depuis plusieurs années avec des associations sur des programmes
concernant notamment la hiérarchisation des substances dites préoccupantes. Dans le cadre de PICASO ALTERNATIVES, un inventaire scientifique
des programmes de recherche­et des procédures de vali­da­tion et de réglementation a été fait. Les attentes sociétales ont été identifiées. À partir de
là, un questionnaire a été élaboré pour voir quelles étaient les attentes des
gens concernant la sécurité des produits et leur degré de confiance. 2 300
personnes ont répondu ; les deux tiers d’entre elles n’appartiennent ni à un
réseau scientifique, ni à un mouvement militant ou associatif.
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les échanges entre les acteurs et les caractérise ; il permet à partir de « reformulations »
des propos échangés de faire fonctionner le
dialogue scientifiques/associations et de favoriser les transferts de connaissance. Il met
à jour les positionnements (chevalier blanc,
lanceurs d’alerte, justiciers) des associations
face aux scientifiques. Il met également en
évidence les représentations mentales de
chacun, concernant le sujet traité, le rôle de
chaque partenaire au sein du groupe et la
façon dont il est perçu par l’élément dominant, l’Ineris dans le cas présent.
La démarche PICASO s’attelle à une
thématique compliquée et controversée.
Moralement tout le monde se déclare opposé à l’expérimentation animale, y compris les scientifiques, qui culpabilisent
parfois face à la nécessité d’y avoir recours
pour des raisons de sécurité. La controverse
sur ce thème est intense dans un contexte
médiatique difficile, fait « d’affaires » sanitaires (affaires Séralini, du Médiator…). La
relation associatifs/scientifiques est rendue
difficile du fait des vocabulaires utilisés
(trop techniques pour les uns, inappropriés pour les autres), d’où des crispations
(images négatives réci­proques) et une difficulté à s’écouter. De part et d’autre, les demandes apparaissent hétérogènes : l’objectif des chercheurs est d’assurer la sécurité
des produits, tandis que chaque association
se positionne, de façon souvent dogmatique, par rapport à ses objectifs spécifiques
(impacts environnementaux, souffrance
animale, droit des consommateurs…). Le
facilitateur essaie de formaliser un consensus provisoire autour­d’un objectif positif :
l’aboutissement du projet.
Le programme PICASO a permis l’inventaire de différents courants de l’opinion
publique sur une question controversée
et la co-construction d’un questionnaire,
dont les résultats permettent de définir la
population cible des futures campagnes
d’information de l’Inéris. Les deux tiers
des répondants, non militants, savent
qu’un contrôle sur l’expérimentation animale est nécessaire mais admettent qu’on
la pratique en l’absence de méthodes alternatives validées. Les associations ont pris
conscience de la transparence des processus auxquels elles ont participé. Les partenaires ont été valorisés.
Suivre et mettre en débat un
domaine de recherche émergent
L’Observatoire de la biologie de synthèse
est un outil au service du dialogue science
société, créé à la demande du minis­tère de
l’Enseignement supérieur et de la recherche.
En 2009, le ministère de l’Enseignement
supérieur et de la Recherche inscrit la
biologie de synthèse comme priorité de
recherche dans la Stratégie nationale de
recherche et d’innovation, et commande
à l’Ifris (Institut francilien recherche
innovation société) une étude sur les
conditions de mise en place d’un dialogue
avec la société­sur ses enjeux. Cette étude
préconise la création de l’Observatoire
comme première étape d’un processus en
trois phases. Hébergé au CNAM depuis
son installation en janvier 2012, il est
doté d’une cellule de coordination et d’un
conseil d’orientation pluraliste composé
de biologistes, chercheurs en sciences humaines et sociales, industriels, associatifs,
experts en bioéthique, réglementation,
médiation… Lieu de réflexion collective
et d’analyse des enjeux, il a pour mission
de réaliser une cartographie du paysage de
la biologie de synthèse (acteurs, activités,
financements, parties prenantes…) et de
suivre les débats suscités par ce domaine
émergent.
La deuxième phase du processus est la
mise en place d’un Forum. C’est une étape
importante complexifiée par un contexte
de grande défiance à l’égard des initiatives de débats publics sur les questions
scientifiques et techniques. La première
conférence-débat du Forum a été interrompue par des opposants qui rejettent
toute idée de débat avec un acteur institutionnel. Aussi, il est aujourd’hui nécessaire
La biologie de synthèse est apparue au début des années 2000 aux ÉtatsUnis. Profondément interdisciplinaire, elle s’inscrit dans le continuum de la
biologie moléculaire, du génie génétique et de la biologie des systèmes, et
allie les techniques de l’ADN recombinant, la chimie, les techniques de l’ingénieur et de la modélisation informatique. Sa définition et son statut restent
toutefois en débat, l’ensemble de la communauté scientifique ne s’accordant
pas sur ses objectifs et ses contours. Cette discipline induit une nouvelle
manière de penser la biologie et de manipuler le vivant, susceptible de se
décliner dans de nombreux domaines d’applications : santé, environnement,
agroalimentaire, énergie, chimie, défense… Ce qui engendre des questionnements éthiques, économiques, sociaux, philosophiques, juridiques et sécuritaires, qu’il est nécessaire d’envisager et de mettre en débat en amont des
principaux développements du domaine.
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14
de penser de nouvelles formes de débats
en s’appuyant sur des supports et vecteur
variés et en tenant compte de la diversité
des publics, afin de permettre un dialogue
ouvert, pluriel et équilibré.
par l’ensemble, et représente un danger
à très long terme. Il faut donc protéger
l’homme et l’environnement pour au
moins un million d’années. C’est l’objectif
du projet Cigéo.
Cette démarche, qui s’appuie sur un collectif pluraliste, soudé autour des valeurs
et objectifs de l’Observatoire, présente
l’intérêt d’être expérimentale et ainsi de
pouvoir s’adapter au contexte dans lequel
elle s’inscrit. Selon un journaliste présent,
les opposants utilisent la stratégie du blocage car le débat constitue aux yeux des associations un moyen d’acceptation sociale­.
Solène Margerit, coor­di­na­trice-adjointe
de l’Observatoire, reconnaît que dans le
passé des débats publics ont été menés
alors que la plupart des orientations stratégiques et financières avaient déjà été prises,
mais ce n’est pas le cas de la démarche entreprise avec la création de l’Observatoire,
qui intervient en amont des développements majeurs de la biologie de synthèse.
(http://biologie-synthese.cnam.fr/)
L’installation Cigéo, si elle est autorisée,
serait construite dans l’Est de la France,
à 500 m de profondeur, dans une couche
argi­leuse de plus de 140 mètres d’épaisseur. Des études sont menées depuis plusieurs décennies. Après une phase qui a
conduit à un moratoire à la fin des années
1980, le sujet a été pris en main par le
Parlement, qui a voté une loi spécifique en
1991. En 2005-2006, au bout de quinze
années de recherche, un bilan, des évaluations et un premier débat public ont
contribué à la préparation d’une nouvelle
loi sur la gestion des déchets radioactifs, la
loi du 28 juin 2006. Cette dernière retient
le stockage comme solution de gestion à
long terme des déchets les plus radioactifs et demande à l’Andra de travailler à
la création du centre de stockage. Le débat public organisé en 2013 porte sur le
projet d’installation que l’Andra souhaite
implanter dans l’Est de la France.
Cigéo, le débat public sur des
applications scientifiques à
impact sur la société
La dernière étude de cas est consacrée à
Cigéo, un projet de stockage en profondeur de déchets radioactifs qui fait en
2013 l’objet d’un débat public. Le problème est concret, il y a déjà en France
1,32 million de m3 de déchets radioactifs, la plupart sont pris en charge dans
les centres de stockage de l’Andra (dans
la Manche et dans l’Aube). Une infime
partie d’entre eux (3 % du volume total)
concentre 99 % de la radioactivité émise
La demande faite à un territoire d’accepter
un tel projet n’est pas uniquement celle
d’un maître d’ouvrage, mais celle de la société­, laquelle doit assumer le fait que ces
déchets existent et qu’il faut s’en occuper,
afin de ne pas en reporter la responsabilité sur les générations futures. L’Andra,
qui est un établissement public placé sous
la responsabilité de trois ministères, doit
faire connaître et comprendre son action.
Elle doit aussi rassurer le public : tout est
mis en œuvre pour protéger durablement
les hommes et l’environnement.
C’est un sujet complexe, à la frontière du
politique et du technique, qui par le passé
15
Sur le débat public Cigéo, organisé
par la Commission nationale du débat­
public (CNDP), Sébastien Farin précise que l’Andra est dans une période
de réserve. Il indique brièvement
les différentes modalités de débat
mises en œuvre par la CNDP suite à
l’annulation des réunions publiques :
questions, avis, contributions, cahiers d’acteurs et débats contradictoires diffusés en direct sur Internet
(http://www.debatpublic-cigeo.org/).
était souvent réservé aux seuls experts. Et
il est très difficile d’en débattre sereinement, car il est fortement connecté au
nucléaire. Pourtant, qu’il soit décidé ou
non de poursuivre ce mode de production
d’énergie, il faut ou faudra assurer la gestion des déchets produits !
Les éléments positifs sont l’engagement
du Parlement, qui décide et respecte des
échéances régulières, la présentation régulière du sujet au public (débats et enquêtes
publics) et la possibilité pour l’Andra d’aller­au contact des parties prenantes locales
et nationales : élus, acteurs économiques,
ONG, riverains… Ainsi, l’Andra organise
ou participe à de multiples rencontres
chaque année et ouvre ses sites au public
(plus de 100 000 visiteurs en quinze ans
sur le site du Laboratoire souterrain de
l’Andra). Un effort important est d’ailleurs fait par les ingénieurs et scientifiques
de l’Andra pour s’investir pleinement dans
cette démarche de dialogue.
Pour terminer, Sébastien Farin, chef de
projet débat public à la direction de la
communication de l’Andra, souligne le
rôle essentiel que peuvent jouer les médiateurs scientifiques dans l’explication ou
la présentation de sujets scientifiques et
techniques complexes et sociétaux. ■
C o m m u n i q u e r l a s c i e n c e pa r l e d é b at • 1 8 o c t o b r e 2 0 1 3
Perspectives
Ateliers
Pendant la pause déjeuner, quatre ateliers ont été proposés pour
illustrer différents types d’échanges entre scientifiques et citoyens :
« Les cafés du gène » organisés par Genopole®, permettent la
rencontre entre des citoyens et des scientifiques dans des lieux conviviaux. Sur un sujet en lien avec la génétique et les biotechnologies,
autour d’une collation, le public est invité à interagir avec les intervenants, dans une ambiance de discussion ouverte permettant d’aborder
toutes les questions des participants. (http://www.genopole.fr/LesCafes-du-Gene-definition.html)
Santé en questions est un cycle de conférences citoyennes qui
associe l’Inserm, Universcience et les régions. Ces conférences sont
l’occasion d’un regard croisé entre médecins, chercheurs de l’Inserm
et associations de malades sur des questions de santé et de
recherche. En fin d’année, elles sont synthétisées dans un fascicule envoyé aux parlementaires. (http://www.cite-sciences.fr/fr/cite-de-la-sante/
contenu/c/1248129679690/conferences-sante-en-questions/)
Jouer à débattre est un jeu de rôle créé par l’association l’Arbre des
connaissances, en partenariat avec l'Inserm et le ministère de la Culture
et de la Communication, à destination des 15-19 ans. Joué en classe ou
en médiathèque, il initie les lycéens au débat et leur permet de s’emparer d’une question scientifique d’actualité dans toute sa complexité.
(http://www.jeudebat.com/)
« Fin de la faim en 2050 ? » est un colloque sur les crises alimentaires organisé les 11 et 12 mai 2012 à la Villette. Des lycéens et
des étudiants ont été invités à participer en qualité d’intervenants, ils
ont proposé dix recommandations pour résoudre le problème de la
sécurité alimentaire mondiale à l’échéance 2050. (http://www.citesciences.fr/fr/conferences-du-college/programme/c/1248126719688//p/1248108924842/)
C ommuniquer la science par le d é bat • 1 8 o ct o bre 2 0 1 3
16
E
n préambule de son intervention,
Marie-Françoise
Chevallier-Le
Guyader, directrice de l’Institut des
hautes études pour la science et la technologie (IHEST), a rappelé que ce dernier
avait une mission d’animation du débat
public autour du progrès scientifique et de
son impact dans la société. (http://www.
ihest.fr/)
Historiquement, la science s’est peu à peu
ouverte à la délibération et à la discussion.
Au cours du xxe siècle, il est apparu qu’elle
était exposée à l’incertitude, qu’elle n’évoluait pas en marge de la société et que les
choix de programmation scientifique engageaient la question du bien vivre collectif. D’où la nécessité de la mettre en débat.
L’intérêt porté au débat public est le signe
d’un attachement aux valeurs de la démocratie, régime qui consiste à donner une
visibilité aux conflits et à trouver des procédures pour les arbitrer.
Le débat n’est
ni la controverse,
ni la polémique.
Le débat n’est ni la controverse, ni la
polémique. Selon le philosophe Heinz
Wismann, la polémique tend à disqualifier le sujet qui discute. La controverse est
centrée sur l’objet, elle s’installe lorsqu’il y
a affrontement sur les prédicats de l’objet
en débat. Le débat, lui, suppose un sujet
qualifié et reconnu pour discuter. Ce qui
en fait l’instrument le plus approprié pour
la constitution d’un sens commun. On attend­de lui qu’il forme l’opinion, facilite le
décentrement des points de vue et expérimente la démarche d’universalisation sans
laquelle il n’y a ni morale, ni politique.
Pour autant, un débat public ne s’improvise pas. Il doit être organisé et appeler à
en matière de débat public
d’après les travaux de l’IHEST
partager la science, c’est-à-dire partager
les langages spécialisés des sciences. Il n’y
a plus une culture scientifique, mais des
cultures éclatées, qui rendent impératif
un effort de traduction. La médiation par
la presse joue ici un rôle majeur. Mais la
politisation des discours scientifiques et la
défiance du public placent régulièrement le
journaliste dans une position délicate. Il est
indispensable de renforcer les passerelles
pour valoriser ces « passeurs » de science.
On assiste aujourd’hui
à l’apparition
d’un nouvel acteur :
les marchands
de doute.
Le débat public met en lumière la discordance entre exigence démocratique et
prise de décision, jeu d’acteurs et jeu de
valeurs. Il révèle les différentes demandes :
politique, juridique, journalistique ou
scientifique. En outre, on assiste aujour­
d’hui à l’apparition d’un nouvel acteur :
les marchands de doute. Un doute instillé, orchestré, qui utilise notre illettrisme
scientifique pour se répandre. Il infiltre de
nombreux débats, tel celui sur le changement climatique.
Autre fait marquant : la mise en cause de
plus en plus fréquente de l’expert, dans
un contexte où les sciences ne sont plus
perçues comme pourvoyeuses de certitudes, ni la technique comme source de
sécurité. Pourtant l’expertise a une valeur­fondamentale de par son analyse du
réel en dehors du champ des valeurs et
des jeux d’acteurs. Cette remise en cause
inquiète, comme en atteste cet appel de
MM. 
Badinter, Chevènement, Jupé et
Rocard publié dans le journal Libération
du 14 octobre 2013 : « Il est indispensable
que les scientifiques et ingénieurs puissent
s’exprimer, être écoutés dans leur rôle
d’expertise, l’existence même de la
démocratie est menacée si elle n’est plus
capable d’entendre les expertises, même
contraires à la pensée dominante. »
La force d’un bon débat public est
d’affron­ter une diversité de points de vue :
il élargit l’ensemble des idées et des informations, dégage les bons arguments des
mauvais, construit un consensus autour
de la solution la meilleure, sinon la plus
raisonnable. Les exigences du débat imposent­, par ailleurs, au scientifique d’être
en capacité de vulgariser ses travaux et formé­à la prise de parole. Autre dimension
essentielle : pour instaurer la confiance et
permettre des interactions constructives
entre les acteurs, il faut s’inscrire dans
la durée. Le sociologue Cyril Lemieux
parle de stratégies de confinement et de
déconfi­nement caractéristiques de la temporalité d’une controverse. Cette dernière
se confine en restant sous le contrôle des
pairs, de la communauté scientifique, ou
se déconfine, sous la forme d’une crise
notamment­
, lorsque des controversistes
ont recours à des forces extérieures à la
commu­nauté (aux médias, bien souvent).
Il faut du temps pour éclairer les rapports
de force à l’œuvre dans un débat.
S’inscrire dans la durée suppose aussi
d’impliquer le public très en amont des
processus d’innovation, à mesure que des
questions nouvelles surgissent, afin qu’il
participe à l’élaboration des politiques
publiques­
. Il est également nécessaire
de déve­lop­per des points de rencontre, à
l’instar des comités locaux d’information
et de suivi (CLIS) sur la gestion des déchets radioactifs qui maillent le territoire.
Ces nœuds visent à constituer un espace
17
de dialogue où l’accord est possible, en
invitant les citoyens usagers de l’environnement à parler de leur expertise et en
offrant une formation scientifique pour
guider les observations sur une base de
méthodologie commune.
La science se politise
en cas de conflit
sur les enjeux
sociétaux qu’elle
implique, et
se dépolitise pour
retrouver son
isolement lorsque les
conflits sont résolus.
En conclusion, Marie-Françoise ChevallierLe Guyader évoque l’analyse du philosophe
Bertrand Russell selon laquelle­les bouleversements qui touchent les sociétés développées reflètent le passage de la science
comme connaissance à la science comme
pouvoir. Ces pouvoirs sont extraordinaires, mais la société sait mal accom­pa­gner
l’émergence des technologies. C’est là que
le débat public intervient. La science se politise en cas de conflit sur les enjeux sociétaux qu’elle implique, et se dépolitise pour
retrouver son isolement lorsque les conflits
sont résolus. Le public se construit en lien
avec le débat et développe une réelle capacité à analyser le discours scientifique et à
évaluer les experts. ■
C o m m u n i q u e r l a s c i e n c e pa r l e d é b at • 1 8 o c t o b r e 2 0 1 3
Table ronde
La table ronde, qui proposait de réfléchir à
la manière de faire dialoguer scientifiques
et citoyens, a réuni Michel Alberganti,
journaliste scientifique et producteur de
l’émission « Science publique » sur France
Culture ; Michel Callon, professeur de
sociologie à l’école des mines de Paris ;
Dominique Donnet-Kamel, responsable
de la mission Inserm-associations de malades ; et Étienne Klein, physicien, philosophe des sciences et directeur de recherche­
au CEA. 
E
n guise de constat, Dominique
Donnet-Kamel a parlé de son expérience. Responsable du service
de presse et de la communication de l’Inserm pendant plus de dix ans, elle a eu
à gérer les controverses à propos du sida
et du prion. En 1995, elle découvre au
Danemark les conférences publiques de
consensus, sorte de débats citoyens organisés par l’équivalent de l’OPECST. Le
gouvernement danois permet ainsi à des
citoyens de prendre connaissance d’un
sujet, de s’informer, se former, questionner des experts et, au bout du compte,
donner leur avis. Elle écrit un rapport, et
en 1997 l’OPECST est saisi par le gouvernement Jospin pour mettre en place une
conférence de consensus sur les OGM.
Dominique Donnet-Kamel est nommée
au comité de pilotage. Le sujet est compliqué, vaste, concernant à la fois la santé et l’agriculture. Et c’est justement la
montée en compétences du jury citoyen­
qui a cerné l’ensemble du problème.
L’avis qu’il a rendu reste, vingt ans après,
parfaitement pertinent. En revanche, les
scientifiques de la conférence citoyenne
ont été décontenancés. Malheureusement
l’OPECST n’a pas poursuivi cette voie,
qui apportait pourtant la preuve que des
décisions peuvent être éclairées par un
avis de citoyens.
Néanmoins une dynamique de débat
s’est enclenchée. En 1998 ont lieu les
états géné­raux de la santé, qui consacrent
le rôle des associations de malades, devenu très important au début de la lutte
contre le sida et dans le domaine de la
génétique avec le Téléthon. Une loi est
votée sur le droit des malades et la représentation des associations de malades.
Par la suite, confrontée à un problème
de santé dans sa famille, Dominique
Donnet-Kamel mesure la richesse de
ces associations de malades et convainc
le directeur général de l’Inserm que
l’institut devrait les prendre en compte.
Aujourd’hui l’Inserm regroupe 400 associations partenaires qui ont un intérêt
pour la recherche. Pour construire ce
réseau, l’Inserm s’est appuyé sur les recherches­en sciences sociales. 
F
aisant le bilan des expériences passées, Michel Callon estime que le
modèle du dialogue qu’on veut
substituer à celui de l’information, encore
trop prégnant, souffre de certaines limites.
La première est qu’il est davantage conçu
comme une technique de gouvernement,
une injonction à débattre et participer,
que comme une véritable consultation et
un élargissement des processus politiques.
L’autre limite est celle de l’absence totale des sciences sociales dans l’ensemble
des débats. Elles sont sollicitées pour aider à l’organisation des débats, mais les
connaissances qu’elles produisent sont
rarement soumises à discussion, alors
qu’elles sont des technosciences comme
les autres ! La dernière limite vient de ce
que l’on s’appuie toujours sur un même
C o m m u n i q u e r l a s c i e n c e pa r l e d é b at • 1 8 o c t o b r e 2 0 1 3
18
répertoire de base pour identifier et définir les acteurs du débat : les scientifiques,
les citoyens et les politiques. En mobilisant ces catégories très générales, on aboutit souvent à des discussions déconnectées
des problèmes concrets ; cela finit par être
contre-productif.
Pour entrer dans
le débat, il faut de
la passion et de la
curiosité.
Le modèle du dialogue offre tout de
même des points positifs qui doivent être
pris en compte pour l’avenir. Ces débats,
à condition qu’ils soient ouverts et bien
organisés, peuvent en effet faire apparaître, au-delà des catégories habituelles,
la grande diver­sité des acteurs concernés
par le sujet. On constate par exemple que
les scientifiques, lorsqu’ils s’éloignent de
leur étroit domaine de compétences, se
transforment en véritables profanes vis-àvis de certains de leurs collègues ; il faut
donc accepter de ne plus parler de « la
science », des « scientifiques » ou de « la
communauté scientifique ». Il en va de
même pour la notion de public, de celle
d’usager, de profane, ou d’amateur…
Toutes ces catégories, les expériences
passées l’ont montré, doivent être déconstruites en fonction des sujets mis en
débat. On a appris qu’il était préférable
d’utiliser la notion de « groupe concerné » empruntée à Dewey. Le qualificatif
« concerné » souligne que, pour entrer
dans le débat, il faut de la passion et de
la curiosité. Mais ce ne sont pas les seuls
motifs qui poussent à s’engager dans une
consultation : ce peut être la crainte, le
ressentiment parfois, mais également la
volonté de guérir, de trouver des solutions à un problème environnemental.
Le débat doit faire apparaître les problèmes… et les solutions, ce qui impose
un inventaire des groupes concernés
et l’abandon de catégories attrape-tout
comme celle de grand public ou de
commu­nauté scientifique. Un des enseignements des années précédentes est que,
derrière les débats qui sont structurés autour de ces grands groupes (public, scientifiques, décideurs), se cache une multitude
de petits débats, qui constituent autant de
sites souvent dissociés les uns des autres,
où des questions spécifiques sont posées et
où les techniques sont problématisées de
manière singulière ; c’est cette diversité et
cette fragmentation qui doivent être préservées et restituées, de manière à éviter
les affrontements manichéens dont il est
impossible de sortir. 
La technologie
et ses applications
sont peut-être
devenues l’impensé
du politique.
P
our Étienne Klein, l’idée de débat
public est constamment promue,
revendiquée, et assez souvent organisée. On peut en critiquer la forme,
mais personne ne dit qu’il faudrait cesser
d’en faire. Pourtant, lui-même n’a jamais
assisté à un débat public­vraiment réussi,
qu’il soit organisé ou spontané. Le débat
national sur les nanotechnologies s’est très
mal passé et a été rapi­dement interrompu par des opposants. Les 18 réunions
publiques prévues sur le territoire n’ont
attiré au total que 3 000 personnes, dont
beaucoup étaient des oppo­sants. Et à l’issue des débats, le pourcentage de Français
qui disaient connaître les nanotechnologies
avait à peine varié et était resté très faible
(de l’ordre de 5 %). Ça n’a donc eu pratiquement aucun effet sociétal ! La technologie et ses appli­ca­tions sont peut-être
devenues l’impensé­du politique. Durant
la campagne présidentielle, personne n’en
a reparlé, et pendant le débat public luimême, aucun parti politique ne s’est vraiment exprimé sur cette question des nanosciences autrement­qu’en émettant des avis
lénifiants. En revanche, durant cette même
période, il n’est pas un élu qui n’ait donné
son opinion à propos du voile islamique.
Or la loi sur le voile aura sans doute moins
de conséquences sur la vie des gens qu’en
auront­les nanotechnologies.
À partir du moment où
notre société semble
renoncer à expliquer,
il est difficile de
trouver l’amorce
d’un débat public
raisonnable.
Tout le monde est d’accord pour démocratiser les savoirs, mais qu’est-ce que cela
signifie ? Et comment fait-on cela ? Dans
beaucoup de domaines, les scientifiques
sont médiatiquement débordés par des
discours plus simples que les leurs, tenus
par d’autres. Appeler le boson de Higgs
« la particule de dieu », cela permet de ne
pas expliquer le statut qu’a cette particule
en physique. Or à partir du moment où
notre société semble renoncer à expliquer, il est difficile de trouver l’amorce
d’un débat public raisonnable. Pourtant
des scientifiques font des efforts pour
vulgariser, vont dans les lycées, mais il y
19
a moins d’étudiants en sciences qu’avant.
Comment l’expliquer ? Pourquoi le droit
de savoir, qui est parfaitement légitime, ne
se métabolise-t-il pas en désir de connaissances ? L’autre question est celle de la
peur. Toutes les peurs ne sont pas irrationnelles. Face à la haute montagne et
ses dangers, il est normal d’avoir peur. La
bonne attitude est alors soit de renoncer
(on annule le risque), soit d’apprendre
les lois de la haute montagne (on réduit
le risque). La peur, légitime, enclenche
un mécanisme d’appropriation, lequel est
malheureusement très peu présent sur les
questions technologiques.
Enfin se pose le problème du relativisme.
Le philosophe Bernard Williams montre
que les sociétés post-modernes sont traversées par deux courants de pensée, qui
normalement devraient s’annuler mutuel­
lement, mais qui dans les faits se fécondent
l’un l’autre. Le premier est le désir de véra­
cité : le public ne veut pas être dupe. Si
tout un groupe raconte la même histoire,
il se demandera si ce discours n’est pas lié
à l’intérêt du groupe. Ainsi en fut-il de la
controverse sur le changement climatique.
La position extrême de ce courant, c’est
la théorie du complot. En démocratie, la
suspicion à l’égard des élites et des experts
est légitime, mais ce désir de véracité, par
le processus critique qu’il engendre, vient
défaire l’idée qu’il y aurait des vérités assurées et donc alimente le déni de vérité. Et
paradoxalement cela enclenche des formes
de relativisme. A quoi ce désir de véracité
pourra bien servir si on ne croit plus à la
vérité ? La position ultime, visible chez certains étudiants, est que toute connaissance
est une croyance. Or si toute connaissance
est une croyance, pourquoi y aurait-il débat public ? Pourquoi apprendre la théorie de la relativité, si elle n’est qu’une
construction purement sociale ? 
C o m m u n i q u e r l a s c i e n c e pa r l e d é b at • 1 8 o c t o b r e 2 0 1 3
Il reste une grande
diversité de dispositifs
à imaginer et à tester.
M
ichel Callon estime pour sa part
que ce qui a été dit ici du débat touche à une conception très
étroite, en gros celle de la commission nationale du débat public (CNDP). Les procédures mises en œuvre par cette commission
ont été conçues pour débattre de l’installation de grandes infrastructures, et non pas
pour parler de contenus scientifiques ou
pour débattre des technosciences. Elles ne
sont donc pas adaptées. La conférence de
citoyens semble déjà mieux correspondre au
cahier des charges. Mais il reste une grande
diver­sité de dispositifs à imaginer et à tester.
Ceux qui ont promu le recours aux dispositifs de consultation pensaient que ces débats
étaient une façon de rétablir la confiance
entre le public et les scientifiques. En effet pour créer ces relations de confiance, il
semble exister deux stratégies envisageables.
La première, qui est celle à laquelle on a eu
le plus souvent recours depuis­le xixe siècle,
est l’instruction : en formant les gens, on
espère qu’ils compren­dront mieux les enjeux des sciences et des techniques et qu’ils
seront plus ouverts aux réalisations qu’elles
permettent et promettent. Ce n’est malheureusement pas si simple : de nombreux
exemples montrent que plus on est informé
plus on est défiant­. La seconde stratégie qui
a été tentée est celle de la participation. Et
ce qu’on a appris, c’est que la participation
en général ne suffit pas. S’agissant des technosciences, la participation qui permettra
de sortir du dilemme confiance/défiance est
une participation dans laquelle les groupes
concernés peuvent s’engager dans le processus d’investigation lui-même et dans la
discussion des preuves. Ce n’est pas la question de la vérité qui est en cause dans ces
investigations, c’est à la fois la question du
choix des problèmes étudiés et celle de la
robustesse des faits établis et du caractère
convaincant des preuves apportées.
La démonstration que la preuve des affirmations qui sont avancées a été faite devient­de plus en plus compliquée, parce
qu’il y a de plus en plus de simulations et
de modélisations. Lorsqu’on s’intéresse au
climat ou à une nouvelle stratégie thérapeutique, on doit prendre en considération
quantité d’éléments, sur lesquels pèsent de
fortes incertitudes, pour parvenir in fine à
des énoncés très simples qui permettent
l’action (la hausse de la température est
due à l’homme ; telle molécule administrée de telle ou telle manière guérit). Pour
que ces énoncés soient convaincants, il faut
que d’une manière ou d’une autre soient
associés à leur élaboration tous ceux qui
sont concernés par les actions qui seront
entreprises. Les recherches sur le climat
ou celles sur les bienfaits d’une thérapie
orga­nisent ainsi des votes pour apprécier la
force de conviction des énoncés produits.
Ce n’est pas pour autant que ce n’est pas
de la science ! Et ça ne signifie pas pour autant qu’on est relativiste ; cela signifie que
pour être convaincu il faut pondérer tout
un ensemble d’éléments différents. Cette
C o m m u n i q u e r l a s c i e n c e pa r l e d é b at • 1 8 o c t o b r e 2 0 1 3
20
pondération dépend des groupes concernés
et des effets que l’on anticipe. 
Sans un minimum
de culture scientifique
dans le public, on ne
débat pas de science,
on débat d’autre chose.
M
ichel Alberganti prend l’exemple
d’un des débats les plus anciens : celui sur les OGM. Il est
aujourd’hui bloqué, en France, entre les
pour et les contre. Aucune solution ne fait
consensus. Les débats ne font pas avancer
la réflexion. Le problème réside dans le fait
que la culture scientifique n’est pas entretenue par les médias, ni par personne d’ailleurs. Les hommes politiques n’ont pas de
culture scientifique. La science est exclue
des campagnes électorales. Les dirigeants
de la presse écrite comme audiovisuelle
ont en général une formation littéraire,
ce qui a un impact sur la façon dont la
science est traitée dans les médias. Ces intermédiaires, ne partageant pas la culture
scientifique, imaginent mal l’appétit pour
la science qui existe dans le public et qu’on
mesure à chaque fois qu’une émission
scientifique est créée. Sans un minimum
de culture scientifique dans le public, on
ne débat pas de science, on débat d’autre
chose. C’est un préalable. Si on augmentait la dose de science dans la communication en général, cela augmenterait sensiblement le niveau­de culture scientifique,
et ensuite les débats pourraient avoir lieu.
Concernant le rôle du journaliste, Michel
Alberganti considère qu’il ne peut pas être
totalement neutre. L’objectivité n’existe
pas. On peut en revanche organiser des
débats contradictoires quand il y a matière
à contradiction. Des résultats scientifiques
qui laissent la place à de l’incertitude et
s’expriment en termes de probabilité sont,
par ailleurs, très difficiles à faire passer auprès­du public. Celui-ci, et plus encore les
politiques, attend des certitudes, que le
scientifique dise si une chose est dangereuse ou pas, ce qui va se produire, etc.
Or la science est souvent incapable de répondre à cette attente. Le rôle du journaliste est d’apporter un maximum d’infor­
ma­tions sur ce qu’on sait aujourd’hui du
réchauffement climatique ou des nanotechnologies, sans a priori ; cependant certains ont tendance à devenir militants. 
estiment que c’est en travaillant avec eux
qu’elles feront progresser les choses. Elles
offrent peu à peu, à côté de la presse,
une médiation en direction des parents
et des malades, diffusant une information de grande qualité. Car à travers ce
dialogue permanent avec les chercheurs,
se construit une forme de connaissance
académique, qui permet de maîtriser les
concepts et le vocabulaire. Et les associations s’aperçoivent que le savoir académique a parfois des lacunes, que les chercheurs ne sont pas tous d’accord entre
eux, que l’évolution des connaissances se
fait avec le temps, et qu’une preuve ne se
résume pas au témoignage d’un médecin,
le plus réputé soit-il. Petit à petit cette
culture se répand. L’Inserm met des séminaires de formations en place destinées
aux associations. 60 % des 400 associations partenaires de l’Inserm ont participé
aux séminaires. Il ne faut pas avoir peur
de travailler avec le monde associatif. 
peu. Or aujourd’hui, c’est l’opinion qui
pilote, les sondages de personnes peu informées qui déterminent une certaine
politique.
La science a à voir avec la linéarité du livre,
elle s’apprend. On avance dans le texte
une fois qu’on a les moyens intellectuels
d’avancer. Sur Internet, dès qu’on est face
à une difficulté, on se disperse, on va voir
ailleurs, aucune linéarité n’oblige à continuer dans cette voie. La question est de
savoir comment transmettre de la connaissance dans un tel contexte. 
Les associations
estiment que c’est
en travaillant avec
les chercheurs
qu’elles feront
progresser
les choses.
La science a à voir
avec la linéarité du
livre, elle s’apprend.
Ce qui est nouveau,
c’est que des groupes
de scientifiques
s’entourent de
personnes intéressées
par les sujets qu’ils
traitent : il n’y a plus
de scientifiques
isolés.
L
C
P
es associations de malades observent,
elles, une position militante et ont
des raisons de se positionner ainsi,
explique Dominique Donnet-Kamel. Leur
motivation est de lutter contre leur maladie : sur les maladies rares, il n’existait
aucune recherche­ ; concernant l’autisme,
les familles ont compris qu’il y avait un
décalage immense entre les connaissances
scientifiques et les pratiques de prise en
charge, elles se sont donc mobilisées pour
diffuser les connaissances scientifiques.
Les associations ont confiance en ce dialogue avec les scientifiques, parce qu’elles
’est effectivement une piste, relève
Étienne Klein, et le mot-clé est : travail. Le débat public n’est pas l’équivalent d’un vote, où chacun dit s’il est
pour ou contre. À propos du nucléaire, la
question n’est pas de savoir si on est pour
ou contre, mais de décider ce qu’on va
faire. Si on continue, est-ce avec les mêmes
réacteurs ? Des nouveaux ? Que fait-on des
déchets ? Si on arrête, comment fait-on ?
Quelles énergies met-on à la place ? Quid
du déman­tè­lement… ? C’est de cela qu’il
faut discuter, et pour en discuter, il faut
tra­vailler ; les opinions, on s’en fiche un
21
our Michel Callon, il ne faut pas se
donner des objectifs trop ambitieux.
Il est normal qu’on laisse aux gens
le droit de ne pas s’intéresser à la science.
Vouloir à tout prix susciter la curiosité
scientifique du public lui paraît une bataille
perdue d’avance, qu’on livre pourtant depuis des décennies. Ce qui est nouveau, c’est
que des groupes de scientifiques s’entourent
de personnes intéressées par les sujets qu’ils
traitent : il n’y a plus de scientifiques isolés.
Chaque groupe doit s’insérer dans des communautés qui partagent la même curiosité
et copro­duire des connaissances. 
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L
a participation active des citoyens
est en train d’exploser, estime
Michel Alberganti. Les astronomes
ont besoin que les astronomes amateurs
surveillent le ciel parce qu’ils n’y arrivent
pas tout seuls. Ce principe peut se décliner auprès de différents publics, car il
existe des passionnés pour à peu près tous
les domaines. Et aujourd’hui, chaque citoyen peut accéder à des travaux scientifiques auxquels il ne pouvait pas avoir
accès jusqu’alors. C’est une ressource
énorme. 
La seule manière
de faire du lien
social avec les
technosciences
c’est de les rendre
négociables.
L
ors d’un dernier échange avec la salle,
Michel Callon a été invité à préciser
ses critiques concernant la CNDP et
les débats­publics sur les technosciences.
Pour lui, cette version du débat consiste à
ouvrir­l’accès à qui veut et à faire l’inventaire des positions, sans s’assurer que les
gens disposent d’une formation minimale
ou connaissent le sujet traité. Or les objets
techniques imposent des contraintes et des
exigences au débat. Donc ça se transforme
rapidement en happening, et on passe à
côté du sujet. Tant qu’on persistera, lorsqu’il s’agit d’objets scientifiques, à recourir
au débat public tel qu’il est conçu par la
CNDP, on aboutira aux mêmes impasses
et on prêtera le flanc aux critiques portées
par des associations telles que Pièces et
main-d’œuvre, qui arrivent masquées en
criant : C’est une mascarade ! La seule manière­de faire du lien social avec les technosciences c’est de les rendre négociables.
Or le débat public, tel qu’il est organisé,
ne sait pas soumettre à la négociation l’objet­lui-même. Il ne faut pas s’étonner qu’il
y ait des groupes qui s’opposent au débat
quand le débat organisé ne rentre pas dans
le contenu des techniques. 
U
n participant demande ensuite à
Dominique Donnet-Kamel comment faire en sorte de constituer
à côté de chaque scientifique un groupe
d’intéressés. Elle évoque alors le réseau
ScienSAs' (scientifiques séniors associations), constitué de 70 scientifiques
jeunes retraités de l’Inserm et 130 associations de malades. Ces dernières sont
submergées d’informations sur les dimensions scientifiques de leurs maladies,
qu’elles ne parviennent ni à décrypter ni
à comprendre, or elles ont une responsabilité de médiation vis-à-vis de leurs
membres. Elles demandent donc aux
chercheurs de les aider à faire ce travail.
Tous les chercheurs n’ont cependant pas
l’appétence pour travailler avec la société­
civile. 
La science
n’est pas le doute.
Le doute
c’est la recherche.
U
n doctorant en sciences de l’information revient pour sa part sur
les notions de vérité et de véracité, abordées par Étienne Klein. Celui-ci
précise alors qu’il ne parle pas de vérité
C o m m u n i q u e r l a s c i e n c e pa r l e d é b at • 1 8 o c t o b r e 2 0 1 3
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absolue, mais de vérité en science. La
science n’est pas le doute. Le doute c’est
la recherche. La science a été capable de
trancher des questions : nous savons que la
terre n’est pas plate et que l’atome existe.
Cette distinction doit être faite dans les
débats publics, sinon on aboutit à l’idée
que toutes les connaissances sont en fait
des croyances. C’est alors la fin de la démocratie et le début de la démagogie absolue.
De nombreux énoncés peuvent être rendus
éloquents alors même qu’ils sont faux. ■
Conclusion
En conclusion, Michel Alberganti rappelle
que pour lui la culture scientifique est à la
base de tout. La difficulté est d’alimenter
un véritable appétit ; pourtant les gens
s’intéressent aux sciences, c’est donc une
question d’offre, pas de demande. Michel
Callon explique que des objets scientifiques
et techniques sont discutés dans des sites
très différents. Et chacun de ces sites présente des interrogations et des démonstrations différentes. Il faut assurer la vitalité de
ces lieux, les mettre en relation les uns avec
les autres, ne pas les étouffer derrière des
débats publics solennels, d’autant que les
rapports de force liés aux groupes d’intérêt
constitués menacent l’existence d’un grand
nombre de ces sites. Michel Callon croit
en cette dissémination de la recherche, une
recherche qui se pose des questions sur les
objets proposés. Une société idéale serait
polycentrée, avec un travail de recherche
distribué et des groupes concernés, chacun
ayant sa manière de formuler les problèmes
… et les solutions.
Pour Dominique Donnet-Kamel, le débat
est un excellent exercice de citoyenneté, il
permet de comprendre qu’entre opinion
et argument il y a une grande différence,
celle de la construction de l’argument.
Etienne Klein conclut en expliquant que
ce qui caractérise notre postmodernité
c’est que le projet technoscientifique n’est
plus enchâssé dans un projet de civilisation, parce qu’un tel projet n’existe plus.
Si on était d’accord pour définir une société à l’horizon 2050, on pourrait donner
23
sens aux innovations technologiques.
Mais aujourd’hui elles sont jugées pour
elles-mêmes et non à l’aune d’un horizon qu’on aurait configuré à l’avance et
qu’elles permettraient d’atteindre. Elles ne
sont plus que le symptôme d’une histoire
que nous faisons sans savoir ce qu’elle est.
Par ailleurs, il faudrait modifier ce climat
franco-français qui voudrait que les chercheurs aient un rapport malheureux au
fait de chercher. Si c’était le cas, on n’aurait jamais trouvé le boson de Higgs, dont
la recherche a pris 48 ans !
En clôture des débats, Philippe Deracourt,
délégué général de Communication publique, remarquait que les non scientifiques, et notamment les communicants,
auraient besoin que l’on clarifie ce qui relève du débat sur la science, la recherche
ou les choix technologiques.
Aujourd’hui, le non débat est impossible
et les faux débats de plus en plus difficiles
à tenir. Nous avons aussi besoin de sincérité et de vérité. La revue Parole publique
a publié en avril 2013 un baromètre sur
la confiance accordée aux organismes publics. Les établissements scientifiques tels
que l’Inserm et le CNRS sont crédités
de 87 % de confiance, les établissements
d’enseignement supérieur de 83 %, l’Etat
seulement de 27 %. Il est plus facile d’organiser le débat sur la science que sur les
politiques de l’emploi ! Cet atout confiance
dans nos organismes scientifiques est aussi
un véritable encouragement pour aller…
au débat ! ■
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Cette quatrième édition des colloques Communiquer la science a été
consacrée au débat dans son acceptation la plus large : de l’échange entre
scientifiques et citoyens, lors d’une fête de la science ou d’un café des
sciences, au débat public plus formalisé.
Les objectifs de cette rencontre : susciter une réflexion permettant aux
organismes de recherche de mieux dialoguer avec les publics et aux citoyens
d’appréhender les enjeux de la recherche pour devenir acteurs du débat.
Les différentes formes d’échanges ont été analysées pour les rendre
plus performantes tant pour les chercheurs que pour les citoyens et pour
préciser le rôle des institutions de recherche dans le cadre de démarches
participatives. Le colloque s’adressait aux institutions de recherche, aux
associations, aux élus, aux médias, aux citoyens qui ont pu aussi participer
via Twitter : #ConnectScience.
Partage et mise en commun des pratiques, discussion sur les différentes
formes de débats et leur finalité…, tels ont été les enjeux de cette rencontre
à laquelle 200 personnes ont participé.
Placé sous l’égide de Communication publique, ce colloque a été organisé
à l’initiative de plusieurs organismes de recherche – Andra, BRGM, CEA,
CNRS, Genepole®, Ineris, Inserm, Institut Pasteur, IRD, Irstea – de l’IHEST,
du MESR, d’Universcience, avec le concours de la Casden et la participation
de Pour la science.
Comité de pilotage
Animé par Françoise Bellanger (Communication publique) et Aline Chabreuil (Planète Sciences), le comité de pilotage est composé de Aliette Armel
(MESR), Catherine d’Astier (Inserm), Nathalie Bonin (CASDEN), Philippe Bourlitio (Andra), Nicole Chémali (Genopole®), Élodie Cheyroux (Inserm),
Lionel Courchinoux (CASDEN), Sabine D’Andréa (Institut Pasteur), Philippe Deracourt (Communication publique), Maïté Dracon (Irstea), MarieNoëlle Favier (IRD), Brigitte Raffray (CEA), Isabel Santos (Universcience), Nathalie Sciardis (CEA), Émilie Smondak (CNRS), Christelle Tallon (IHEST),
Pierre Vassal (BRGM), Ginette Vastel (Ineris) avec la participation de Sandrine Gaillard (Communication publique) et Frédérique Koulikoff (Inserm).
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