«Intouchables», c`est leur quotidien

15 NOV 11
AUJOURD'HUI EN FRANCE
Quotidien Paris
OJD : 183571
25 AVENUE MICHELET
93408 SAINT OUEN CEDEX - 01 40 10 30 30
Surface approx. (cm²) : 836
N° de page : 8
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VANVES (HAUTS-DE-SEINE), SAMEDI. Alexis, François-Régis, la belle-sœur de ce dernier, Agnieszka, Mélanie, Thierry, Guy, Carole et Pauline (de gauche à droite) prennent l'apéritif, un moment important dans la vie
communautaire. L'occasion d'évoquer le film « Intouchables », qu'ils ont tous déjà vu et apprécié.
(IP/PHILIPPE LAVIEILLE i
«Intouchables», c'est leur quotidien
HANDICAP. 5 % des bénéfices d'« Intouchables » sont reversés à l'association Simon de Cyrène, qui encourage
la cohabitation entre handicapés et valides. Visite d'une de ces colocations pas comme les autres.
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5413510300501/XNR/OTO/1
Eléments de recherche : LES PRESSES DE LA RENAISSANCE : toutes citations
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I
nstalle à la table de la vaste salle à l'apéro, l'avoir « adoré » : « C'est surtout
manger, Alexis, 44 ans, bataille
un peu contre ses radis, quitte à
s'y prendre parfois à deux mains,
fragiles et indociles, pour parvenir à équeuterles petits légumes qui
ne semblent que vouloir lui filer sous
les doigts. A côté, sur le bar de la
cuisine américaine flambant neuve, LAURENT DE CHERISEY, FONDATEUR
ouverte sur la salle à manger, Fran- DE SIMON DE CYRENE
çois-Régis, 31 ans, fait de même avec le regard d'Omar sur le handicap qui
sa botte, tout en discutant.
m'a plu, explique le quadra II parle au
Le soleil passe à travers la fenêtre, tétraplégique comme à un autre, sans
baignant de lumière l'appartement pitié, sans misérabilisme. » Pauline,
soigneusement décoré, et Louise At- une des assistantes qui vit dans l'aptaque l'inonde de ses accords rock partement, a conseillé à tous ses
Dès que la musique s'arrête, c'est amis, dont certains ont eu du mal à
pour mieux entendre Mélanie, 21 ans, comprendre son choix de vie, de se
qui chante à tue-tête en faisant le précipiter dans les salles obscures :
ménage, dans une chambre à côté. « Cest comme ca que ca se passe ici :
Tous trois passeront à table dans un on pleure ensemble, on vit ensemble,
moment, avec sept autres personnes, on partage des poilades mémorables,
dont trois de passage à l'appartement. on s'engueule aussi parfois, la vie,
Il y aura Guy, 42 ans, Carole, 37 ans, quoi ! »
mais aussi Pauline, 23 ans, et le frère Laurent de Cherisey, qui a fondé
et la belle-sœur de François-Régis, de Simon de Cyrène il y a six ans, y
passage à Paris. Une colocation dans retrouve exactement la philosophie
une petite rue tranquille de Vanves des « appartements » : « La loi de la vie,
(Hauts-de-Seine) ? D'une certaine c'est râltérité, c'est la relation à l'autre,
façon... Cette auberge espagnole est non pas dans une dimension comen fait l'un des quatre appartements passionnelle, mais tout simplement
de l'association Simon de Cyrène, qui humaine. » Marié, père de cinq ena pour but de créer des lieux de vie fants et entrepreneur au parcours
communautaires entre valides et sans faute, il s'est heurté au « monde
handicapés, porteurs de lésions céré- de la fragilité » lorsque sa propre sœur
brales irréversibles qui, un jour, ont a eu un grave accident dè voiture* :
« Cest vous, c'est moi, tout le monde,
bouleversé leurvie.
Un peu comme la vie de Philippe et puis un jour après des mois de
Pozzo di Borgo qui a basculé, en coma, il faut apprivoiser une nouvelle
2003, lorsque son cou s'est brise dans vie. Dans laquelle on se rend compte
un accident de parapente, le laissant que, pire que le handicap, ce sont
tétraplégique. Son histoire a inspire l'isolement et la solitude qui rendent
« Intouchables », qui, hier, a passé la le plus malheureux. »
barre des 5 millions d'entrées en Alexis a vécu des années en dessous
salles. 5 % des bénéfices de ce film de chez ses parents, Carole chez un
seront reversés à Simon de Cyrène, oncle, Guy en famille, à l'étranger.
puisque Philippe Pozzo di Borgo, in- Puis un jour, ils ont croisé la route
camé par François Cluzet à l'écran, en d'amis, valides, handicapés, entendu
parler de Simon de Cyrène, où ils ont
est le président d'honneur.
Ce film, la bande de l'appartement est choisi de s'installer, après plusieurs
allé le voir, ces jours-ci, en petits stages de discernement. La vie en
groupes. Alexis, handicapé neuro- communauté, qu'on soit valide ou
musculaire, explique, à l'heure de non, n'est pas naturelle pour tout le
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* *Pire que le handicap,
ce sont l'isolement
et la solitude qui rendent
le plus malheureux
monde. Les réglages, adaptations et
ajustements se font au coup par coup,
autour d'un repas, avant un soin, dont
certains résidants ont besoin chaque
jour et qui est donné par les assistants.
« En fait, c'est bien plus qu'une colocation, souligne Thierry, 27 ans, responsable de l'appartement. C'est
comme une famille, où certains vont
passer des dizaines d'années. »
ANNE CÉCILE JUILLET
* ll a publié, sur ce sujet, « le Grain
de sable et la perle », aux Presses
de la Renaissance.
D'incroyables
retombées pour
l'association
C
inq millions d'entrées
atteintes depuis hier. Plus
qu'un carton d'audience,
« Intouchables » devient un vrai
phénomène de société. Pour
Laurent de Cherisey, fondateur de
Simon de Cyrène, ce succès n'est
pas dû au hasard : « En ces temps
difficiles, il montre que l'on n'est
pas condamnés au malheur, et que
l'alliance des différences est un
trésor. » Le trésor, il sera
certainement financier pour
l'équipe du film... et peut-être,
aussi, pour l'association Simon de
Cyrène : « Les réalisateurs ont été
vraiment généreux », puisque 5 %
des bénéfices lui seront reversés.
« Evidemment, on espère que le
maximum de monde ira le voir,
parce qu'il porte un message
majeur, souligne Laurent de
Cherisey. Quant aux retombées sur
notre association, 5 % des
bénéfices, on ne sait pas ce à quoi
cela correspondra vraiment Si le
film atteint les dix millions
d'entrées, peut-être toucheronsnous plusieurs centaines de
milliers d'euros ? Cela dit, pour
bâtir un immeuble avec deux
appartements et des studios, cela
se chiffre en millions d'euros. On va
aussi jouer au Loto !»
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Les lieux d'accueil vont se multiplier
A
ssociation de spiritualité chrétienne oblige—« mais on ne demande pas de certificat de baptême pour en faire partie !» sourit Laurent de Cherisey, son fondateur—,
Simon de Cyrène doit son nom à cet
homme qui, dans le Nouveau Testament, aide le Christ à portersa croix au
moment de sa passion. Concrètement,
la première communauté de vie s'est
implantée en plein centre-ville de
Vanves (Hauts-de-Seine), il y a deux
ans, inspirée par les communautés de
[Arche, de Jean Vanier, qui font cohabitervalides et handicapés mentaux.
« On a mis quatre ans à faire aboutir ce
projet », confie Laurent de Cherisey.
Pour œuvrer « dans le social », il a dû
apprendre la patience et découvrir un
univers complexe, criblé de normes et
de contraintes. Mais ces derniers jours
ont vu Simon de Cyrène avancer d'un
pas de géant. trois nouveaux apparte-
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ments, dans deux bâtiments neufs —
sur l'ancien emplacement de lhôtellerie d'un couvent de bénédictines —,
toujours à Vanves, avec un vaste jardin
accueillent 33 résidants « cérébrolesés » (victimes d'accidents vasculaires cérébraux, de traumatismes crâniens, d'accidents de la route...). Dk
studios indépendants permettent, toujours dans le même immeuble, à d'autres personnes handicapées, moins
dépendantes, de se greffer de temps à
autre aux activités communautaires.
Ici, le taux d'encadrement est d'une
personne valide (des salariés ou volontaires en service civique) pour une personne handicapée. Des dizaines de
projets sont en cours, à Rungis (Val-deMarne), Angers (Maine-et-Loire),
Nantes (Loire-Atlantique) ou Dijon.
« On recrute ! » s'exclame Thierry, l'un
des salariés de l'association.
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VANVES, SAMEDI. Valides et handicapés partagent un jeu de société.
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(DR)