L`anglais s`impose dans les Hautes Ecoles, shocking?

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L`anglais s`impose dans les Hautes Ecoles, shocking?
24 heures | Mardi 18 juin 2013
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Point fort
L’anglais s’impose dans
les Hautes Ecoles, shocking?
Etudes Depuis plus d’une dizaine d’années, l’anglais s’est installé dans le cursus
universitaire. Le débat agite la France, les étudiants suisses s’en accommodent
L’essentiel
U Etudiants Sont-ils suffisamment armés face à des cursus
académiques qui s’internationalisent?
U EPFL C’est dans les sciences
dures que l’anglais s’impose
le plus, notamment en master
U Europe La progression des
programmes universitaires
anglophones est marquée
dans toute l’Europe
Alain Détraz
T
o speak English, or not to
speak English. Alors que le
débat est vif en Suisse sur
l’opportunité de faire de l’anglais une langue officielle, la
langue de Shakespeare est en constante
progression dans les Hautes Ecoles. Où
elle s’impose petit à petit comme langue
d’enseignement. «Nos étudiants sont assez bien formés, constate Pierre Dessemontet. Ceux qui se plaignent des cours
en anglais sont Français, Italiens ou Espagnols.» Chargé de cours à l’EPFL, le géographe raconte s’être fait remballer alors
qu’il avait donné un cours en anglais,
avant d’affronter des remarques lorsqu’il
présenta le cours suivant en français. Si
certains étudiants se trouvent déstabilisés
par cette pratique, une bonne part semble s’en accommoder. Le monde des Hautes Ecoles semble bien avoir déjà anticipé
la volonté de faire de l’anglais une langue
officielle. Une proposition née en 2009
suite à une étude du Fonds national suisse
de la recherche scientifique qui concluait
à la nécessité de faire de l’anglais une
langue officielle. Et qui a été ravivée il y a
quelques jours par le conseiller national
Fathi Derder. Le libéral annonçait vouloir
déposer une initiative allant dans ce sens.
Imposer le plurilinguisme des Suisses,
tout en permettant aux étrangers de
mieux s’intégrer. Et sur les bancs des
Hautes Ecoles, les Suisses ne sont pas
effrayés par ce qui fait déjà partie de leur
quotidien.
«Le niveau est bien différent entre le
bac et la première année d’Uni, mais on
finit par s’y habituer», confie Nathalie
Dumas, étudiante de l’EPFL en 2e année
d’environnement. Sur le site du Rolex
Learning Center, l’ambiance est studieuse. Mais l’évocation de l’anglais aux
cours ne semble pas s’ajouter à l’inquiétude liée à la session d’examens qui commence. On entend pourtant dire que certains étudiants auraient fait des choix de
cours en fonction de leur langue d’enseignement. «Beaucoup sont déstabilisés
par ce saut, mais pour ceux qui ont de la
peine, l’EPFL a un centre de langues», dit
l’un d’eux.
Finance et marketing first
L’Université de Lausanne ne prévoit pas
de programme exclusivement anglais durant le bachelor, indique l’attachée de
presse, Géraldine Falbriard. Restent que
les branches associées à la finance ou au
marketing sont naturellement orientées
vers la langue de Shakespeare. Pour accéder aux 7 cursus anglophones, sur les 33
proposés par l’UNIL, les étudiants doivent atteindre le stade du master. C’est du
côté de l’EPFL et des sciences dures que
l’anglais s’impose le plus. Dès la première
année, les étudiants peuvent s’attendre à
devoir suivre un cours en anglais. Deux
cours, en moyenne, sont ensuite donnés
l’année suivante. Une ration qui peut
doubler en troisième année, avant d’en-
K Le niveau d’anglais est bien
K Pour comprendre la langue, ça va.
K J’ai fait plus de progrès en un an
K L’anglais n’est pas un problème
différent entre le bac et la première
année d’Uni, mais on finit par s’y
habituer H
Mais pour mon master, l’an prochain,
je vais devoir partir cet été en Angleterre malgré les cours d’appui que j’ai
suivis pendant mon bachelor H
d’EPFL qu’en trois ans de gymnase.
Avec internet, on baigne de toute
façon dans l’anglais alors ça va H
quand on étudie les maths. Mais c’est
quand même mieux de le maîtriser,
ne serait-ce que pour les échanges. Et
puis en master on n’a pas le choix H
Nathalie Dumas, 2e année en environnement (EPFL), Annemasse (F)
Alexis Saultier, 3e année de HEC
(UNIL), Annemasse (F)
Aurélien Frot, 1er année
d’architecture (EPFL), Vevey
Marc Dumont, 1er année de
microtechnique (EPFL), Ecublens
chaîner sur le master. «Lors de ces deux
dernières années, la majorité écrasante
des cours est en anglais», indique Jérôme
Grosse, responsable de la communication de l’EPFL.
Pour l’Ecole polytechnique, le bassin
de recrutement de ses étudiants demeure
la Suisse romande. «Mais nous avons une
vocation internationale et on l’assume»,
dit Jérôme Gross. La Haute Ecole engage
ainsi des chercheurs de niveau mondial,
qui sont aussi ceux qui dispensent l’ensei-
gnement. A ce stade, difficile de faire sans
l’anglais, tant cette langue s’est imposée
dans la communauté scientifique.
pour mon master, l’an prochain, je vais
devoir partir cet été en Angleterre malgré
les cours d’appui que j’ai suivis pendant
mon bachelor», dit Alexis Saultier, d’Annemasse.
En Suisse, la formation semble suffisante pour préparer les gymnasiens à affronter des études toujours plus internationales. Séverin Bez, directeur général
de l’enseignement postobligatoire du
canton de Vaud, en est convaincu. «L’enseignement des langues vivantes a été
adapté aux normes internationales et les
gymnasiens qui sortent avec un 4 de
moyenne ont une certification de niveau
européen», dit-il. Et d’ajouter: «Je rencontre souvent les représentants de l’EPFL
mais l’anglais n’a jamais fait partie de
leurs préoccupations.» Sur le campus,
certains étudiants suisses vont dans le
même sens: «J’ai fait plus de progrès en
un an d’EPFL qu’en trois ans de gymnase», dit Aurélien Frot, étudiant en première année d’architecture.
Etudiants étrangers à la traîne
Comme le met en lumière l’anecdote racontée par Pierre Dessemontet, les étudiants étrangers ont plus de peine à s’y
faire. Au Rolex Learning Center, un étudiant français confirme que le niveau acquis dans son pays n’est pas suffisant.
«Pour comprendre la langue, ça va. Mais
Croissance spectaculaire des cours anglophones en Europe
U Une étude réalisée en 2011 par
l’Institute of International Education
montre que les pays d’Europe ont tous
passé la vitesse supérieure en matière
d’enseignements en anglais. Elle se
limite bien entendu aux pays non
anglophones. Comme en Suisse, l’effort
des Européens a été produit au niveau
du master. Seuls 1028 programmes
dispensés en anglais étaient enregistrés
en 2007. Quatre ans plus tard, ce chiffre
a quadruplé pour atteindre 4644. Un
ajout de dernière minute complète
cette étude en comptant 5444 cursus en
mars 2012.
Cette progression est largement
mise en relation avec les Accords de
Bologne, qui visent l’harmonisation des
études supérieures. Offrir plus de
mobilité aux étudiants (et aux chercheurs), tout en améliorant leur
employabilité, est l’un des buts visés
par ces accords signés en 1999.
Certains pays se distinguent par une
conversion spectaculaire à la langue
anglaise. L’Allemagne, qui se situait en
retrait de la Suède en 2007, a vu les
offres de ses Universités multipliées par
six. Ce que les courbes croissantes du
graphique (voir ci-contre) ne distinguent
pas, c’est la vitesse de progression par
rapport à la taille des différents pays. Le
rapport international souligne que
certains petits pays comme les Pays-Bas
ont pratiquement orienté l’intégralité
de leur master vers l’anglais. L’exemple
de l’EPFL montre que c’est également le
cas en Suisse. Ainsi, même si l’Espagne
ou la France intègrent l’anglais dans un
nombre important de programmes
académiques, ceux-ci ne représentent
qu’un faible pourcentage de la totalité
des enseignements. A noter que la
France connaît un débat visant à
introduire plus largement la langue de
Shakespeare dans ses Universités.
Nombre de programmes de Master enseignés en anglais
800
812 Pays-Bas
600
632 Allemagne
400
401 Suède
346 France
386
237 Suisse
214 Belgique
200
168
88
62
0 31
11
2007
2008
2009
2010
2011
P. FY SOURCE: INSTITUTE OF INTERNATIONAL EDUCATION

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