Un Berlioz d`exception au festival de Baden

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Un Berlioz d`exception au festival de Baden
Un Berlioz d’exception au festival de Baden-Baden
La salle du Fespielhaus de Baden-Baden
Le 29 mars dernier, vingt-cinq membres et amis du Cercle Lyrique de Metz ont
eu le privilège d’entendre, dans la salle ultramoderne du Festspielhaus de BadenBaden, une version de concert de La Damnation de Faust d’Hector Berlioz, dirigée
par Sir Simon Rattle à la tête du prestigieux Orchestre Philharmonique de Berlin et
de plusieurs formations chorales dont les Chœurs de l’Opéra de Stuttgart. Cette
production s’inscrit dans le cadre d’un programme pluriannuel centré autour du
mythe de Faust. Ainsi, après Gounod en 2014 et avant Boïto et son Mefistofele prévu
pour 2016, notre grand Hector trouve toute sa place dans cette trilogie.
Avant Schumann, Liszt, Gounod, Boïto et Busoni, Berlioz fut le premier à
s’inspirer de l’œuvre de Goethe pour composer, dès 1828, ses Huit Scènes de Faust,
op.1 qu’il adressa au grand écrivain allemand sans que celui-ci n’en accuse jamais
réception. Le compositeur attendit donc une quinzaine d’années pour reprendre ce
projet et La Damnation de Faust fut créée en version non scénique à l’OpéraComique le 6 décembre 1846. Ce fut un fiasco mémorable et on connait ce mot cruel
de Rossini : « Au moment de la Chanson du Rat, il n’y avait plus un chat dans la
salle ». Berlioz, ruiné, n’eut plus qu’à partir en tournée en Europe centrale puis en
Russie. La Damnation ne fut réhabilitée que vers la fin du XIXe siècle. Raoul
Gunsbourg, directeur de l’Opéra de Monte-Carlo pendant plus d’un demi-siècle,
entreprit de faire adapter cette « Légende dramatique » pour la scène, ce qui ne va
pas de soi compte tenu de son caractère statique. À cet égard, on se souvient de la
production très moyenne du MET en novembre 2008, en dépit de la direction pleine
de fougue de James Levine.
Rattle a donc eu parfaitement raison d’opter pour la version de concert.
Rappelons que le Chef britannique a succédé à Claudio Abbado en 2002 comme
Directeur musical des Berliner Philharmoniker et son contrat a été récemment
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renouvelé jusqu’en 2017. Après Abbado qui avait tourné la page de l’ère Karajan, il a
poursuivi le travail de rajeunissement et d’élargissement du répertoire d’un des deux
ou trois plus grands orchestres du monde, programmant aussi bien Rameau ou une
Passion de Bach que Sibelius, Ravel et Gershwin. En s’attaquant au chef-d’œuvre
de Berlioz, il en souligne la modernité, lançant des passerelles vers les musiques du
tournant du XX° siècle, vers Mahler en particulier. Une telle démarche se trouve
facilitée au plus haut point par des instrumentistes d’exception –les cuivres !− et des
chœurs d’une homogénéité exceptionnelle. Parmi les solistes, on saluera d’abord la
Mezzo Joyce di Donato, idéale et bien connue dans Rossini, ce qui ne l’empêche
pas de camper ici une très belle Marguerite et de nous gratifier d’un D’Amour
l’ardente flamme d’anthologie, dans une articulation française impeccable. Notre
baryton national, Ludovic Tézier, dont on n’oublie pas les Master Class de Nancy en
juillet de l’an passé, est exemplaire dans Méphisto, dans la grande tradition française
incarnée naguère par André Pernet. Edwin Crosslley-Mercer est satisfaisant dans la
partie mineure de Brander. Seul, le ténor Charles Castronovo nous déçoit dans le
rôle-titre, manquant à la fois de puissance et de subtilité. On avait déjà fait cette
constatation en l’entendant à Garnier dans le Vincent de Mireille, au moment de la
reprise de 2009 dirigée par Minkovski. Ajoutons, pour être juste, que les dimensions
de cette salle du Fespielhaus, si fonctionnelle mais gigantesque, ne sert pas les voix
solistes.
Au total, une soirée d’exception, en dépit de ces quelques réserves. Rattle et
les Berliner ont excellemment trouvé leurs marques à Baden-Baden, après avoir
rompu avec Salzburg et son Festival de Pâques fondé naguère par Karajan. Une très
belle Zauberflöte, diffusée ces jours-ci sur Mezzo HD, avec la présence de Nathalie
Stutzmann, une des Dames de la Nuit, nous renforce dans cette conviction.
C’est donc un groupe de mélomanes messins particulièrement comblés, qui
reprenait, le soir, la route de la Lorraine, en dépit d’une météo plus que venteuse.
Mais le Champagne et les friandises, délicatement préparés et chaleureusement
servis par notre président et notre secrétaire, compensaient largement ces menus
inconvénients climatiques. Que l’un et l’autre en soient sincèrement remerciés ainsi
que pour l’organisation impeccable de ce mémorable déplacement.
Jean-Pierre Pister
Vice-président du Cercle Lyrique de Metz
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