La mesure Du gLucose en continu

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La mesure Du gLucose en continu
La prise en charge globale du patient diabétique
d www.diabeteetobesite.org
Dépistage
La neuropathie autonome
cardiaque dans le diabète de type 1 :
mise en place en pratique
p. 99
d’un dépistage systématique Dr Sébastien Fontaine
Interspécialités
Diabète et dépression :
quelles influences réciproques ?
p. 104
Magalie Garcia, Dr Caroline Sanz,
Pr Laurent Schmitt
Chirurgie
Troubles digestifs après chirurgie
bariatrique : incidence, diagnostic
et prise en charge
p. 72
Dr Philippe Topart
dossier
La mesure du glucose
en continu
1L
e glucose du liquide interstitiel : quelle pertinence physiologique
pour la mesure de la glycémie ?
2D
ans la “vraie vie” : quel intérêt ? Quelles limites ?
3U
tilisation au long cours de la MGC couplée à une pompe à insuline
Mars 2012 • Volume 7 • n° 57 • 8 E
sommaire
La pris e e n c h ar g e g l o ba l e d u pa t i e n t diab é t i q u e
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Diabète & Obésité
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Mars 2012 • Vol. 7 • N° 57
www.diabeteetobesite.org
n ActualitÉs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 69
n Chirurgie
Troubles digestifs après chirurgie bariatrique :
incidence, diagnostic et prise en charge . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 72
Dr Philippe Topart (Angers)
n Dossier . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
p. 79
La mesure du glucose en continu
Dossier coordonné par le Dr Saïd Bekka (Chartres)
Pourquoi s’intéresser à la mesure du glucose en continu ? ������������������������������ p. 80
Pr Bruno Guerci (Nancy)
1 n Le glucose dans le liquide interstitiel : quelle pertinence
physiologique pour la mesure de la glycémie ?. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 81
Pr Bruno Guerci (Nancy)
2 n La mesure du glucose en continu dans la “vraie vie” :
intérêts et limites. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 89
Dr Agnès Sola-Gazagnes (Paris)
3 n Utilisation au long cours de la mesure du glucose en continu
couplée à la pompe à insuline : que nous disent les recommandations américaines ? Où en sont les négociations du remboursement en France en 2012 ?. . . . . . . . . p. 95
Dr Stéphanie Lopez (Limoges)
n Dépistage
Neuropathie autonome cardiaque dans le diabète de type 1 :
mise en place en pratique d’un dépistage systématique . . . . . . . . . . p. 99
Dr Sébastien Fontaine (Toulouse)
n Interspécialités
Dépression et diabète : quelles influences réciproques ? . . . . . . . . p. 104
Magalie Garcia, Dr Caroline Sanz, Pr Laurent Schmitt (Toulouse)
n Agenda . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 77
n Bulletin d’abonnement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 94
n Rendez-vous de l’industrie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 109
Assemblés à cette publication : 2 bulletins d’abonnement (2 pages et 4 pages).
Photos de couverture : © Muis Alvarez - istock.com
actualités
Les chiffres
du mois
92,6
Livre Blanc
Endocrinologie, diabète, maladies
métaboliques : l’avenir de la spécialité
millions L
de diabétiques à travers
le monde seraient atteints
de rétinopathie diabétique.
C’est le chiffre qui ressort
de l’extrapolation des
prévalences de la rétinopathie diabétique issues
de la méta-analyse de JWY
Yau, regroupant 35 études
de population conduites
aux Etats-Unis, en Europe
et en Asie (soit environ
23 000 sujets), des données
2010 de l’Atlas du diabète
publié par la Fédération
Internationale du Diabète.
7,8 %
Cegedim Strategic Data
publie les résultats de son
étude sur l’évolution du
diabète de type 2 en France.
Selon ses prévisions, 7,8 %
de la population française
sera diabétique en 2022.
L’étude s’appuie sur les
bases de données longitudinales de CSD (LPD),
issues de son observatoire
constant de 1 200 médecins
informatisés, et regroupant
1,3 millions de patients.
A partir de ces données
longitudinales, des données
officielles de l’InVS (Institut
de Veille Sanitaire) et de
données démographiques
de l’INSEE (Institut National
de la Statistique et des
Etudes Economiques).
e SEDMEN a présenté, dans le cadre de la SFD, le
Livre Blanc de la profession. Fruit d’une concertation nationale et élaboré avec les instances représentatives de la profession, il dresse un état des
lieux, présente les attendus et trace les grandes
lignes d’un plan de route en huit propositions.
Notre spécialité, l’une des plus jeunes en termes
de reconnaissance (1987), est aussi l’une des plus
choisies par les jeunes internes. Elle doit faire face
aux difficultés de toutes les spécialités cliniques,
qui souffrent du déficit de valorisation d’un acte
purement clinique, dénué de gestes techniques,
mais peut jouer un rôle majeur face à l’explosion
des maladies qu’elle prend en charge, diabète,
d’obésité et maladies thyroïdiennes en tête, dont
la prévalence croît de façon exponentielle.
La spécialité dans son ensemble est parfaitement
consciente que son environnement évolue. Epidémies de diabète et d’obésité, déserts médicaux,
rôle des ARS… des évolutions inéluctables qu’il faut
intégrer pour dessiner l’exercice de demain, tout
en intégrant les souhaits des jeunes générations.
Huit propositions pour créer l’endocrinodiabétologie de demain
• Une Journée annuelle de sensibilisation
pour revendiquer notre savoir-faire dans la prise
en charge des maladies chroniques.
• « Nous devons, ajoute le Dr Bouillot, nous associer à nos confrères qui traitent des maladies chroniques pour faire entendre notre différence et notre spécificité auprès des tutelles ».
• Proposer un mode d’exercice libéral adapté
aux enjeux de demain grâce à des modes d’organisation différents : « les jeunes médecins souhaitent travailler en groupe, dans des maisons de
spécialistes, sur des plages horaires balisées. Pour
restaurer l’attractivité du secteur, des stages en cabinet libéral pour les jeunes en formation devraient
par ailleurs être systématiquement instaurés ».
• Repenser et compléter la formation initiale
des jeunes médecins spécialistes, en particulier pour l’éducation thérapeutique et la nutrition.
• Faire évoluer le système de tarification
existant : « Les maladies que nous traitons méritent que nous les prenions en charge le plus possible en ambulatoire. Et le système de tarification
actuel incite plus à l’hospitalisation.
Ce projet a été réalisé avec le soutien institutionnel de Sanofi Diabète, dans le cadre d’un partenariat régi par une charte d’éthique, accessible sur le
site du SEDMEN.
ß
Pour en savoir plus : www.sfendocrino.org/article/416/livre-blanc-de-l-rsquoendocrinologiediabete-maladies-metaboliques-nutrition.
Pharmacovigilance
Onglyza® désormais contreindiqué en cas d’antécédents
d’hypersensibilité grave
L
a saxagliptine (Onglyza®) est un inhibiteur de la
dipeptidyl peptidase 4 (DPP-4) indiqué chez les
patients adultes âgés de 18 ans et plus, atteints de
diabète de type 2, pour améliorer le contrôle de la
glycémie. Des réactions d’hypersensibilité graves,
incluant angio-œdème, réaction anaphylactique,
et pancréatites aiguës ont été rapportées avec la
saxagliptine (Onglyza®). La saxagliptine est désormais contre-indiquée chez les patients présentant
des antécédents de réaction d’hypersensibilité
Diabète & Obésité • Mars 2012 • vol. 7 • numéro 57
grave, incluant réaction anaphylactique, choc anaphylactique et angio-œdème, avec la saxagliptine
ou avec tout autre inhibiteur de la dipeptidyl peptidase 4 (DPP-4). En cas de suspicion d’une réaction
d’hypersensibilité grave à la saxagliptine, ce traitement doit être arrêté. Les patients doivent être
informés des symptômes caractéristiques d’une
pancréatite aiguë (douleur abdominale persistante
et sévère) et, si une pancréatite est suspectée, la
saxagliptine doit être arrêtée.
ß
69
actualités de la profession
Evènement
EN BREF La première semaine nationale
L’accès aux soins au
cœur de la campagne
présidentielle
C’est le souhait du collectif
interassociatif sur la Santé et de
79 % de Français qui considère
la santé comme un thème
de campagne prioritaire.
Le Collectif propose sur quellesanteapres2012.org de partager
et commenter éclairages
associatifs et avis d’experts par
rapport à 3 enjeux de santé :
• les difficultés économiques d’accès aux soins,
• les obstacles géographiques d’accès aux soins ;
• le défi de l’équilibre budgétaire
de l’Assurance maladie.
70
de prévention du diabète se tiendra
début juin !
A
fin de sensibiliser le public aux facteurs de
risques et aux comportements préventifs liés
au diabète, l’Association Française des Diabétiques
crée un rendez-vous national : la Semaine nationale
de prévention du diabète. Le caractère héréditaire
du diabète sera le thème central de ces journées qui
proposeront au public de tester leurs risques.
Rendez-vous est donc pris du 4 au 10 juin 2012
pour s’informer et se protéger contre le diabète.
Les 1ers résultats d’un baromètre du diabète seront
publiés à l’occasion de cette 1re semaine nationale de prévention. L’objectif est de répondre aux
questions : comment le public perçoit-il le diabète ? En connaît-il les facteurs de risques ? A-t-il
conscience de la gravité de cette maladie qui est le
symptôme de pathologies invalidantes?
L’Association Française des Diabétiques s’adresse
également au public en lançant le nouveau site de
prévention : www.contrelediabete.fr
Les internautes pourront tester leur risque face
au diabète dès le milieu du mois de mai. En fonction des résultats du test (risque faible, modéré
ou élevé), les participants recevront des préconisations adaptées à leur profil. L’objectif de ce
site est d’aiguiller les personnes à risque vers les
médecins traitants et pharmaciens, de donner une
information fiable et d’informer le public plus largement sur cette maladie encore trop mal perçue.
De nombreux conseils et témoignages seront mis
à disposition des internautes.
ß
Diabète & Obésité • Mars 2012 • vol. 7 • numéro 57
chirurgie
Troubles digestifs
après chirurgie bariatrique
Incidence, diagnostic et prise en charge
Dr Philippe Topart*
Introduction
Incidence
Le suivi exigeant qu’imposent la
sécurité et l’efficacité de la chirurgie bariatrique met peut-être plus
facilement en lumière les troubles
digestifs post-opératoires. Ceuxci, qu’ils soient localisés au niveau du tractus digestif supérieur
ou qu’ils se manifestent par des
troubles du transit intestinal, peuvent également se retrouver chez
le sujet obèse non opéré.
La littérature est relativement
peu diserte sur ce sujet, préférant
habituellement se focaliser sur la
perte de poids et les complications
post-opératoires. Quelques publications ont évalué l’importance
des symptômes digestifs pré-opératoires (1-4). L’importance des
effets secondaires “fonctionnels”
ne peut en effet être réellement
appréciée qu’en comparant les situations pré- et post-opératoires.
* Société de chirurgie viscérale, clinique de l’Anjou, Angers
Ballem (1), Potoczna (3), Suter (4),
Poves (5) et Poylin, dans une revue
72
© yasinguneysu – istock.com
Les modifications anatomiques et physiologiques qu’engendrent toutes les procédures chirurgicales (et plus largement instrumentales) qui sont utilisées pour traiter l’obésité
sont, de façon bien compréhensible, susceptibles de modifier le fonctionnement digestif. Sont plus particulièrement
en cause les procédures les plus complexes telles que le
by-pass gastrique et la dérivation bilio-pancréatique. La
participation, dans ces chirurgies, d’un court-circuit intestinal avec une malabsorption plus ou moins intense, ne fait
que renforcer le risque d’impact sur le transit intestinal, en
plus de l’inévitable modification du comportement alimentaire. Ces effets secondaires plus ou moins prononcés peuvent peser dans l’orientation vers telle ou telle procédure
et influencer les choix des patients et des professionnels
de santé. La survenue de manifestations digestives peut
dérouter les patients et poser des problèmes de traitement
alors même que la perspective de ces effets secondaires
aura pu être négligée dans la discussion pré-opératoire ou,
au contraire, exagérément soulignée.
de la littérature de 1966 à 2010 (6),
ont retrouvé l’existence de troubles
digestifs parmi les patients candidats à une chirurgie bariatrique
ou dans des populations obèses
témoins (5, 7) à l’aide de questionnaires de qualité de vie normalisés
(GIQLI : Gastro Intestinal Quality
of Life Index) (BAROS) ou non. Ces
manifestations semblent toutefois assez limitées : Ballem (1) a
retrouvé un score de 18,8 ± 0,7 de
nausées/vomissements et un score
de 26,2 ± 0,8 de borborygmes chez
763 patients by-pass évalués en
Diabète & Obésité • Mars 2012 • vol. 7 • numéro 57
Troubles digestifs après chirurgie bariatrique
préopératoire, 33 correspondant à
des manifestations occasionnelles
et 67 fréquentes. L’incidence des
troubles du transit est également
faible chez les patients candidats à
la chirurgie avec 1,6 % de diarrhées
au maximum (3) ou un score à
16,4 ± 0,7 (1). Poylin (6) a identifié
20 études (14 chez des obèses et
6 chez des opérés) rapportant une
incidence similaire de constipation,
mais une plus grande fréquence
d’incontinence et de diarrhées sans
relation claire avec le chiffre d’indice de masse corporelle.
Troubles digestifs
du tractus supérieur
❚❚Halitose
L’halitose et certaines manifestations à type de goût métallique
en bouche sont rapportées de façon relativement fréquente après
chirurgie bariatrique avec des taux
de 49,5% de sécheresse buccale,
38,5 % de mauvais goût, et 24,6 %
d’halitose dans une étude portant
sur 65 patients ayant eu un bypass
gastrique en dehors de tout fac-
Les troubles digestifs
après chirurgie bariatrique
Les troubles digestifs supérieurs évalués correspondent le plus souvent à :
• halitose ;
• régurgitations ou vomissements.
Les troubles digestifs “distaux” regroupent :
• ballonnements ;
• borborygmes ;
• flatulence ;
• fréquence et consistance des selles ;
• impériosités ;
• phénomènes d’incontinence.
sentent un quart des 21 % de réadmission à 90 jours après by-pass
gastrique (9, 10). Globalement, la
tolérance alimentaire et le confort
digestif sont bons après by-pass
gastrique et plus encore après dérivation bilio-pancréatique comparativement à l’anneau gastrique
ajustable (4, 11, 12). Marceau (13)
avait toutefois rapporté davantage
de phénomènes à type de vomissements en comparant les patients
ayant eu une dérivation bilio-pan-
L’incidence des troubles du transit
est également faible chez les patients
candidats à la chirurgie avec 1,6 % de diarrhées
au maximum…
teur favorisant (reflux, diabète de
type 2 et pathologies de la sphère
ORL ou respiratoire) (8). Toutefois, la responsabilité de la chirurgie bariatrique dans l’halitose n’a
pu être établie dans un diagnostic
comparatif entre 53 patients non
opérés et 49 ayant eu un by-pass
(méthode organoleptique et enregistreur sulfide portable) (2).
❚❚Nausées et vomissements
Nausées et vomissements sont
fréquemment rapportés et repréDiabète & Obésité • Mars 2012 • vol. 7 • numéro 57
créatique de type “Scopinaro” et
ceux ayant été opérés selon la variante “switch duodénal”.
Troubles digestifs
intestinaux
La modification du transit intestinal peut se manifester de différentes façons : borborygmes,
ballonnements abdominaux, flatulence, modification de la fréquence et/ou consistance des
selles. Ces changements peuvent
avoir un impact sur la vie sociale
mais également favoriser des pathologies anales telles que fissures,
abcès ou hémorroïdes.
❚❚Causes physiologiques
Plusieurs mécanismes peuvent
être invoqués : la mise en charge
précoce de l’intestin grêle (dumping syndrome) dans le by-pass
gastrique mais également la dérivation biliopancréatique type
Scopinaro, la malabsorption et
la pullulation bactérienne. Cette
dernière peut résulter non seulement de l’exclusion d’une partie
plus ou moins importante de l’intestin grêle mais également des
changements alimentaires et de la
modification du processus de digestion des aliments.
❚❚Pullulation microbienne
La pullulation bactérienne semble
fréquente après chirurgie bariatrique, y compris après les
procédures restrictives (14-16).
Ishida (16) a retrouvé une grande
fréquence de colonisation bactérienne dans les deux parties de
l’estomac après by-pass gastrique
avec un nombre plus élevé de
bactéries dans la poche gastrique.
Dans cette étude, le breath test
s’est avéré positif chez 40 % des
37 opérés sans association toute73
chirurgie
fois à des manifestations cliniques.
La pullulation bactérienne doit
néanmoins être évoquée devant
des ballonnements abdominaux
ou une diarrhée inhabituelle par
rapport à la fréquence habituelle
des selles. Cliniquement, elle
s’associe volontiers à une perte
de poids intense entrant dans le
cadre d’une malabsorption avec,
plus particulièrement, carence en
vitamines du groupe B (15, 17, 18).
Au-delà du diagnostic qui fait appel au breath test à l’hydrogène,
le traitement qui doit être mis en
place sur la simple suspicion clinique, doit surtout faire appel à
une variété d’antibiotiques (ciprofloxacine, norfloxacine, metronidazole, amoxicilline, tétracycline,
cloramphénicol ou néomycine)
pour une durée de 7 à 10 jours
éventuellement renouvelable. Les
probiotiques n’ont pas, jusqu’alors,
démontré d’efficacité supérieure
sur le score de qualité de vie adapté
rhée et la stéatorrhée apparaissent
comme la complication digestive
la plus fréquente 2 ans après un bypass gastrique ou une dérivation
bilio-pancréatique (39 % des patients) (23). Alors que pour Ballem
(1), sur la base de 1 724 questionnaires chez 763 patients consécutifs
avec by-pass gastrique, les symptomes digestifs (incluant diarrhées
et flatulences) étaient inchangés ou
avaient tendance à s’améliorer par
rapport au préopératoire, Potoczna
(3) avait retrouvé un impact significatif de cette procédure chirurgicale par rapport à la situation préopératoire et à l’anneau gastrique.
Si la majorité des patients signalait
un transit normal avant chirurgie, le by-pass gastrique avait pour
conséquence une fréquence 7 fois
plus élevée de diarrhée ou de selles
molles (46 % après by-pass contre
8 % avant) et 9 fois plus de flatulences (49 % après by-pass contre
5,6 % avant). Cependant, la déri-
La diarrhée et la stéatorrhée apparaissent
comme la complication digestive
la plus fréquente 2 ans après un by-pass
gastrique ou une dérivation bilio-pancréatique.
aux symptomes digestifs (GIQLI)
bien qu’ils aient diminué de beaucoup l’importance de la pullulation bactérienne chez les patients
traités par rapport à la population
contrôle (19). Bien qu’elle soit plus
rare, il ne faut pas non plus négliger l’association d’une maladie
inflammatoire du côlon et/ou du
grêle qui nécessitera des explorations endoscopiques (20, 21).
❚❚Transit intestinal
Six publications ont plus spécifiquement étudié l’impact de la
chirurgie bariatrique sur le transit
intestinal (1, 3, 11, 22-24). La diar74
vation bilio-pancréatique apparaît
dans la majorité des cas significativement davantage responsable
de ces troubles digestifs (fréquence
et consistance des selles, incontinence, impériosités, selles nocturnes) que le by-pass sauf dans
une étude comparant 26 dérivation
bilio-pancréatiques avec switch
duodénal à 18 by-pass gastriques
(24). Le fait que les patients by-pass
ait un recul médian 2 fois moins
important (10 mois) que les dérivations bilio-pancréatiques et que le
recueil des données se soit effectué
sur une période de 14 jours pourraient expliquer ces conclusions en
sachant que les patients dérivation
bilio-pancréatique allaient davantage à la selle que les by-pass (23,5
contre 16,5 épisodes). Dans l’étude
citée plus haut (3) et comparant
notamment 126 by-pass gastriques
et 103 dérivations bilio-pancréatiques (incluant les 2 variantes),
cette dernière procédure avait entraîné 10 fois plus de problèmes
de diarrhées et de flatulences chez
les patients par rapport à leur évaluation préopératoire avec une dégradation de 75 % par rapport à la
situation considérée comme « normale ». De la même manière, une
étude prospective et randomisée
scandinave (11) a retrouvé, mais en
ayant évalué seulement la moitié
de la population de l’étude initiale,
une augmentation significative de
la fréquence des selles après dérivation bilio-pancréatique avec
switch duodénal par rapport au
by-pass gastrique (4,1 ± 3,3 et 1,9 ±
1,1 selles par jour) mais aussi des
épisodes d’incontinence (50 au
lieu de 12,5 % des opérés). Cette
fréquence de 3 à 4 selles par jour
se trouve également rapportée de
façon unanime par les principales
séries de dérivation bilio-pancréatiques (13, 22, 25-28), l’opération
de Scopinaro ne semblant d’ailleurs
pas entraîner davantage de diarrhées malgré l’anse commune plus
courte (donc un effet malabsorptif
plus intense) et le volume gastrique
également plus important (13). Un
effet d’adaptation du grêle est souvent évoqué bien que la littérature
n’aille pas dans ce sens. Il ne semble
en effet pas y avoir de modification
du retentissement digestif du bypass gastrique ou de la dérivation
bilio-pancréatique dans les 5 ans
suivant l’opération (1, 3).
❚❚Pathologies ano-rectales
Les pathologies ano-rectales (hémorroïdes, abcès, fistules et fissures) pourraient être favorisées
par une plus grande fréquence
Diabète & Obésité • Mars 2012 • vol. 7 • numéro 57
Troubles digestifs après chirurgie bariatrique
des selles après la dérivation bilio-pancréatique bien que les informations soient assez limitées.
Elia-Guedea (22), dans une étude
portant sur 263 patients opérés
selon la technique de dérivation
bilio-pancréatique de type Scopinaro ou modifiée avec une anse
commune plus longue, semble
avoir retrouvé davantage de problèmes anaux (essentiellement
fissures et hémorroïdes) chez les
patients ayant eu un Scopinaro
avec au global 18 % des patients se
plaignant d’un problème ano-rectal. En pratique clinique, on note
effectivement un certain nombre
de patients consultant pour fissure
anale après dérivation bilio-pancréatique sans que cela d’ailleurs
soit nécessairement associé à une
fréquence des selles élevée.
Comment traiter ?
Une enquête alimentaire minutieuse est indispensable devant
des troubles digestifs (quelle que
soit leur localisation). La nécessaire et difficile adaptation des
patients aux nouvelles conditions
d’alimentation du fait de la restriction (quelle que soit la procédure) est souvent à l’origine de ces
troubles digestifs. Les flatulences,
quant à elles, sont un signe typique
de malabsorption du lactose, fructose ou sorbitol déjà notée dans
la population générale (29). Les
graisses doivent être également
limitées en quantité car elles sont
généralement assez mal tolérées.
Les flatulences
Les flatulences demeurent un problème difficile à contrôler si elles
persistent malgré l’exclusion des
aliments favorisants. La prise de
probiotiques de façon régulière,
voire de métronidazole, peut améliorer la tolérance. Certains patients deviennent dépendants du
Diabète & Obésité • Mars 2012 • vol. 7 • numéro 57
métronidazole pour cette raison,
soit à raison d’une cure de 1 500 mg
par jour une semaine par mois, soit
de façon quotidienne à l’extrême !
Les diarrhées
Les diarrhées peuvent être contrôlées dans la majorité des cas par un
traitement par Creon ® 25 000 U :
jusqu’à 3 prises par jour, mais également par le Smecta®, Questran®
et Tiorfan® selon les cas. L’objectif
ils ne doivent pas non plus être
exagérés et leur intensité peut
conduire à des traitements adaptés. Au-delà, l’impact de l’état psychologique des patients demeure
considérable avec dans cette
étude sur la dérivation bilio-pancréatique : diarrhées chroniques,
vomissements et malnutrition
plus fréquents chez des patients
présentant des antécédents de
troubles psychiatriques (30). La
La réintervention chirurgicale (allongement
de l’anse commune, restauration) dans la
dérivation biliopancréatique ne constitue qu’une
solution extrême et rare (26).
demeure de rétablir une fréquence
de 3 à 4 selles par jour, mais surtout d’éviter les impériosités, très
gênantes au quotidien.
Dans les situations aiguës
de pullulation microbienne
Dans les situations aigües de pullulation microbienne, l’hospitalisation est souvent la seule solution afin de mettre en place le
traitement par exemple par Vancomycine® 2 g/j par voie veineuse.
La réintervention chirurgicale (allongement de l’anse commune, restauration) dans la dérivation biliopancréatique ne constitue qu’une
solution extrême et rare (26).
Conclusions
S’il est indéniable que les chirurgies bariatriques comportant un
court-circuit intestinal entraînent
des troubles digestifs, et particulièrement des troubles du transit, la
dérivation bilio-pancréatique s’accompagne aussi de davantage de
retentissements par rapport au bypass gastrique. Ces phénomènes
doivent impérativement être évoqués en préopératoire. Toutefois,
tolérance psychologique des patients joue donc (dans une certaine
mesure) un rôle dans l’acceptation
des effets secondaire de ces procédures bariatriques. La perception du bénéfice de la chirurgie
par le patient résulte d’ailleurs de
multiples facteurs dont, bien sûr,
l’importance de la perte de poids.
C’est ainsi que plusieurs études
(3, 11), alors même qu’elles soulignent l’impact social négatif, notamment des flatulences (et leur
caractère particulièrement nauséabond) après dérivation biliopancréatique par rapport au bypass, retrouvent une qualité de vie
similaire après ces deux types de
chirurgie. Ces nombreux rapports
ne peuvent qu’inciter à bien préparer les patients aux conséquences
et à les avertir des possibilités thérapeutiques concernant les effets
n
secondaires fréquents.
Mots-clés :
Chirurgie bariatrique, Digestion,
Troubles, Vomissements, Nausées,
Transit, Diarrhée, Constipation,
Pathologie ano-rectale
75
chirurgie
Bibliographie
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Diabète & Obésité • Mars 2012 • vol. 7 • numéro 57
agenda
72nd ADA
8-12 juin 2012, Philadelphie
AACE 21st annual scientific and clinical
congress
American Diabetes Association
23-27 mai 2012 - Philadelphie
American Association of Clinical Endocrinology
• Renseignements et inscriptions
www.scientificsessions.diabetes.org/
48th EASD annual meeting
2-5 octobre 2012, Berlin
European Association for the Study of Diabetes
• Renseignements et inscriptions
http://www.easd.org/
ISPAD
10-13 octobre 2012, Istanbul
Global challenges for Integrated Pediatric Diabetes Care
• Renseignements et inscriptions
http://2012.ispad.org/
• Renseignements et inscriptions
http://am.aace.com/
29e congrès national
de la Société Française d’Endocrinologie
10-13 octobre 2012, Toulouse
• Renseignements et inscriptions
http://www.congres-sfe.com/
AFERO
9 mai 2012, Lyon
Association Française d’Etude et de Recherche sur l’Obésité
• Renseignements et inscriptions
http://www.afero.asso.fr/
DOSSIER
La mesure du glucose
en continu
© Muis Alvarez - istock.com
Dossier coordonné par le Dr Saïd Bekka (Chartres)
Introduction : Pourquoi s’intéresser à la mesure
du glucose en continu ? ������������������������������������������������������������������������������ p. 80
Pr Bruno Guerci (Nancy)
1 Le glucose dans le liquide interstitiel : quelle pertinence
physiologique pour la mesure de la glycémie ? ������������������������������ p. 81
Pr Bruno Guerci (Nancy)
2 La mesure du glucose en continu dans la “vraie vie” :
intérêts et limites ������������������������������������������������������������������������������������ p. 89
Dr Agnès Sola-Gazagnes (Paris)
3 Utilisation au long cours de la mesure du glucose en continu
couplée à la pompe à insuline : que nous disent
les recommandations américaines ? Où en sont
les négociations du remboursement en France en 2012 ? ������������ p. 95
Dr Stéphanie Lopez (Limoges)
La mesure du glucose du continu
introduction
DOSSIER
Pr Bruno Guerci*
Pourquoi s’intéresser à
la mesure du glucose en continu ?
L’
autocontrôle glycémique (ACG) traditionnel,
même mené intensivement avec plusieurs
contrôles glycémiques capillaires journaliers, ne donne que des informations ponctuelles et
transversales correspondant au moment de sa réalisation, et ne reflète que partiellement l’ampleur du
phénomène de variabilité glycémique, ses caractéristiques de survenue et/ou son évolution. Ceci est particulièrement vrai pour les épisodes hypoglycémiques,
pour les excursions glycémiques post-prandiales, ou
encore au cours de l’activité physique. Le délai entre
deux mesures d’autocontrôle glycémique témoigne
de l’inadéquation de l’information métabolique et des
discordances existant entre la sensation clinique ressentie par le patient et l’information glycémique. Ces
facteurs peuvent conduire à un manque d’observance
ou à la remise en question de la nécessité d’une autosurveillance glycémique (ASG) pluriquotidienne (1).
Les limites de l’ACG conventionnel expliquent par
conséquent l’intérêt du développement de capteurs
dont la fonction est de mesurer en continu la concentration de glucose. Trois raisons principales expliquent le formidable engouement que représentent les
systèmes de mesure du glucose en continu :
• Tout d’abord, le fait que la majorité des patients diabétiques traités par insuline présentent une fréquence
élevée d’épisodes hypoglycémiques modérés ou d’hypoglycémie sévère. C’est également le cas lors de l’intensification des stratégies de normalisation glycémique chez le diabétique de type 2, avec un risque vital
en particulier chez le diabétique de type 2 à haut risque
vasculaire (2, 3). L’association de troubles du rythme
cardiaque identifiés par holter ECG à l’occasion d’épisodes hypoglycémiques nocturnes enregistrés par
capteur de glucose chez le diabétique de type 1 illustre
bien l’ampleur du problème posé au clinicien (4).
• En second, l’exigence qui est faite au patient de me-
* Université Henri-Poincaré, Nancy I ; Diabétologie, Maladies Métaboliques & Nutrition, Hôpital
Brabois Adultes & CIC Inserm ILCV, CHU de Nancy
80
surer fréquemment sa glycémie capillaire au cours de
la journée et de la nuit afin de tirer un bénéfice maximum d’une insulinothérapie intensifiée pour le diabétique de type 1 (DT1) ou d’un choix stratégique d’antidiabétiques oraux ou injectables chez le diabétique de
type 2 (DT2).
• Enfin et surtout, une mesure fiable des concentrations de glucose sur un mode continu trouve toute sa
justification lorsqu’elle est associée à un système de délivrance en continu de l’insuline à partir d’une pompe
portable ou implantable, avec en ligne de mire des systèmes experts de « boucle fermée » ou « hybride ».
Les premiers modèles de capteurs de glucose de type
« holter » ont été développés et proposés en utilisation clinique hospitalière comme ambulatoire. Aujourd’hui la mesure en continu du glucose est donc
largement utilisée sans pour autant qu’un consensus
définitif soit établi sur les modalités d’utilisation et
sur les indications médicales. Pourtant certaines populations tirent un bénéfice significatif de l’utilisation
de ces outils modernes, mais à condition d’avoir clairement identifier le degré d’acceptabilité du port du
capteur parfois encombrant, et la capacité du patient à
gérer la masse d’informations métaboliques dont il va
n
pouvoir disposer. Bibliographie
1. Lecomte P, Romon I, Fosse S et al. Self-monitoring of blood glucose in
people with type 1 and type 2 diabetes living in France: the Entred study
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3. Miller ME, Bonds DE, Gerstein HC, et al.; ACCORD Investigators. The
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glycated haemoglobin concentration on the risk of severe hypoglycaemia: post hoc epidemiological analysis of the ACCORD study. BMJ 2010 ;
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4. Gill GV, Woodward A, Casson IF, Weston PJ. Cardiac arrhythmia and
nocturnal hypoglycaemia in type 1 diabetes--the ‘dead in bed’ syndrome
revisited. Diabetologia 2009 ; 52 : 42-5.
Diabète & Obésité • Mars 2012 • vol. 7 • numéro 57
La mesure du glucose en continu
DOSSIER
1 Le glucose
dans le liquide interstitiel
Quelle pertinence physiologique
pour la mesure de la glycémie ?
n La mesure du glucose en continu devrait idéalement s’effectuer dans le milieu vasculaire afin de
juger le niveau glycémique du patient. Cette technique reste trop complexe à mettre en place si bien
que le choix s’est porté, ces dernières années, sur un abord sous-cutané. La concentration du glucose est alors mesurée dans le milieu extravasculaire, et plus précisément dans le milieu interstitiel.
Quelle est sa pertinence physiologique pour la mesure de la glycémie ?
Limites analytiques
des capteurs
de glucose
Le “glucose interstitiel” :
un choix pragmatique Le choix s’est donc porté sur un
abord sous-cutané afin de mesurer la concentration du glucose
dans le milieu extravasculaire,
et plus précisément dans le milieu interstitiel. En effet, dans des
conditions physiologiques, les
variations de concentrations de
glucose interstitiel et vasculaire
sont intimement corrélées (1).
Ce choix pragmatique se heurte
cependant à des obstacles techniques : il n’existe pas de concordance parfaite entre les valeurs
de glucose mesurées dans le milieu vasculaire et celles dosées
dans le milieu interstitiel (2). Ces
différences tiennent en partie à
des raisons physiologiques d’action de masse et de captation cel-
* Université Henri-Poincaré, Nancy I ; Diabétologie, Maladies
Métaboliques & Nutrition, Hôpital Brabois Adultes & CIC Inserm
ILCV, CHU de Nancy
Diabète & Obésité • Mars 2012 • vol. 7 • numéro 57
lulaire du glucose sous l’action de
l’insuline, tant en phase statique
que dynamique (3) (Fig. 1). La relation entre les taux de glucose
plasmatique et ceux du liquide
interstitiel est donc complexe,
dépendante de l’état physiologique, mais également du nombre
de calibrations (4).
Les travaux expérimentaux
Ceci a été montrée par des travaux
réalisés sur le rat non diabétique,
lors des variations glycémiques
induites par une charge glucosée
ou secondairement à une injection d’insuline (4). Après charge
glucosée, l’augmentation du glucose interstitiel est inférieure de
30 % à celle mesurée au niveau
plasmatique. Inversement, sous
l’action de l’insuline, le glucose
interstitiel baisse moins rapidement mais de façon prolongée,
surestimant par conséquent la
fréquence et la durée des épisodes
hypoglycémiques.
En pratique, plusieurs études
chez l’homme (5, 6) ont montré,
d’une part, qu’il existait un re-
Pr Bruno Guerci*
tard d’environ 5 minutes dans
la mesure du glucose interstitiel
par rapport au glucose plasmatique et, d’autre part, que l’amplitude des fluctuations du glucose
était également différente (7).
Lorsque le taux de glucose augmente, la variation du signal du
glucose interstitiel est inférieure
à l’élévation du glucose plasmatique et, à l’opposé, lorsque la
glycémie plasmatique s’abaisse
(par exemple à l’occasion d’une
épreuve de clamp hypoglycémique), la variation du signal
du glucose interstitiel est supérieure à celle du glucose plasmatique.
conséquences pratiques
Ces constatations sont indépendantes du type de capteur utilisé
(invasif ou non invasif ) et sont
donc à prendre en compte lors
de l’interprétation des données
glycémiques provenant de systèmes transformant le signal du
glucose interstitiel. Les conditions
de calibration du capteur sont donc
cruciales car elles tiennent compte
81
La mesure du glucose en continu
DOSSIER
des variations de la glycémie et de
l’insulinémie à un temps donné, et
sont déterminantes pour maintenir
un enregistrement de qualité tout
au long de la durée de vie du capteur
(8).
D’autres paramètres peuvent interférer sur la qualité du résultat
métabolique, comme le débit sanguin du tissu adipeux. Celui-ci est
classiquement diminué chez le
sujet obèse, le volume de liquide
interstitiel est alors plus faible
au niveau de la peau (9). Afin de
pondérer les insuffisances des
systèmes de détection du glucose
interstitiel, les fabricants de capteurs de glucose ont intégré artificiellement, dans leur logiciel
de traitement de l’information,
un décalage de quelques minutes
entre le moment exact de la mesure et l’affichage horaire du résultat (10, 11).
Ce manque de parallélisme entre
les compartiments plasmatique
et interstitiel soulève finalement
deux problèmes : le choix d’un
seuil d’alerte de baisse du glucose, et secondairement l’orientation des décisions thérapeutiques correctrices. Koschinsky
et al. (12) ont mis en garde les
cliniciens sur les risques de mauvaise interprétation des données du capteur, en insistant par
ailleurs sur le rôle crucial que représente la calibration initiale du
système.
Les techniques
de mesure du glucose
en continu par
capteur sous-cutané
Les systèmes de mesure en continu du glucose doivent répondre à
un cahier des charges bien défini.
Cela fait appel à des qualités de :
• calibration ;
• linéarité ;
82
Glucose endogène
Glucose exogène
-
Insuline
Insuline
+
Glycémie
plasmatique
+
t min
Elimination
du glucose
Glucose
interstitiel
Cellule
Capteur de
Glucose S.C.
Figure 1 – Modèle multicompartimental des relations glucose-insuline pour la détection
du glucose par les capteurs sous-cutanés (3).
• exactitude ;
• délai ;
• spécificité de réponse du capteur ;
• biocompatibilité (7).
Il est souhaitable que la réponse
du capteur soit linéaire in vivo
jusqu’à 20 mM/l, que l’exactitude
soit proche de celle des lecteurs de
glycémie, que le délai de réponse du
capteur soit inférieur à 10 minutes
(sachant que le pancréas répond à
une variation de la glycémie dans
les 3 minutes), que la spécificité
de la réponse pour le glucose soit
excellente et enfin que la miniaturisation et la biocompatibilité du
capteur soit acceptable. C’est le cas
des capteurs jetables, et des systèmes totalement implantés, et de
ceux dont la méthode fait appel à
une détection enzymatique et ampérométrique.
pourquoi
et comment calibrer ?
La calibration constitue la difficulté majeure commune à l’ensemble des systèmes de mesure.
Le capteur a pour mission de transformer de manière continue une
concentration de glucose en un signal dont l’interprétation peut, en
retour, donner une estimation de la
concentration de glucose. En théorie, un seul point de calibration devrait être nécessaire. En pratique, la
sensibilité du capteur, corps étranger pour l’organisme, tend à varier
avec le temps, ce qui nécessite selon
les cas de calibrer le capteur jusqu’à
plusieurs fois par jour ; la qualité de
la calibration dépendant de la précision de la méthode de référence
utilisée. Il s’agit le plus souvent
d’une mesure capillaire sujette, elle
aussi, à un coefficient de variation,
et non d’une glycémie plasmatique
de laboratoire.
La stabilité du capteur après son
insertion doit être obtenue dans
un délai rapide afin de commencer
l’enregistrement dès que possible.
Cette stabilité et cette spécificité
de mesure du glucose doivent être
maintenues dans le temps pour
une exactitude des résultats sur
toute la durée de vie du capteur et
donc de l’enregistrement continu
des concentrations de glucose, notamment à l’occasion des variations
de concentrations de glucose (4).
Délai du traitement
des informations
L’accession immédiate au résultat métabolique rencontre pourDiabète & Obésité • Mars 2012 • vol. 7 • numéro 57
Tableau 1 – Les différents systèmes de mesure du glucose en continu. Spécificités techniques en termes
de durée d’enregistrement, de calibration du capteur et de fréquence de mesure.
Durée d’enregistrement
Nombre de calibrations
(glycémie capillaire)
iPro2 - PRT®
6 jours
2 x / jour (lecture à la 2e heure)
5 minutes
Navigator®
5 jours
5 x (1, 2 -début lecture-, 12, 24, 72 h)
Toutes les minutes
Seven+®
7 jours (10 jours)
À 2 heures puis toutes les 12 h
5 minutes
Glucoday®
2 jours (x2)
1x /48 h
3 minutes
tant un écueil technique : celui du
temps nécessaire à collecter et à
transférer l’échantillon qui sera
analysé. Certains logiciels de traitement des données du capteur en
tiennent compte afin de réduire ce
qu’il est convenu d’appeler le “décalage intrinsèque du capteur” chiffré
à plusieurs minutes. Des progrès
ont été réalisés dans ce sens grâce
à une amélioration de la perméabilité sélective des membranes des
capteurs (13).
lement noter les divers événements
survenus pendant ses journées
d’enregistrement (modifications de
traitements, notamment les doses
d’insuline, prise d’un repas ou d’une
collation, réalisation d’une activité
physique, survenue de symptômes
évocateurs d’hypoglycémie).
fréquence des mesures
du glucose interstitiel
Sources d’erreurs
pré-analytiques
Une fréquence élevée des mesures
est préconisée pour ne pas méconnaître, sur une courte période, une
variation des concentrations de
glucose de l’ordre de 10 mg/dl. Ainsi, l’obtention de mesures toutes les
5 minutes est souhaitable, ce que
les différents modèles de capteurs
de glucose permettent de réaliser.
Qu’est-ce que la méthode
électrochimique ?
Seule la méthode électrochimique a
fait la preuve de son intérêt et de sa
fiabilité. Elle repose sur l’utilisation
d’une électrode ou d’une microfibre
implantée directement dans le tissu
sous-cutané à l’aide d’un guide d’insertion (“serter”), et qui mesure
ainsi la concentration de glucose
dans le tissu interstitiel. Le système
est porté par le patient pendant ses
activités habituelles, sans modifier
sa manière de vivre ni son ASG pluriquotidienne. Le patient peut égaDiabète & Obésité • Mars 2012 • vol. 7 • numéro 57
Fiabilité et contrôle
de qualité des
capteurs de glucose
Elles sont en grande partie liées
aux procédures de mise en place
des capteurs de glucose qui ne
seraient pas respectées. La visite
initiale doit ainsi être le moment
privilégié pour éduquer le patient
à l’utilisation du moniteur lors de
l’hospitalisation et/ou en ambulatoire, pour lister les procédures de
l’autosurveillance glycémique. Il
faut insérer le capteur dans le tissu
sous-cutané abdominal, s’assurer
que l’autocontrôle glycémique est
efficace et examiner les enregistrements à pratiquer. Enfin, il faut
initialiser le capteur de glucose et
effectuer la première calibration
pendant une période de relative
stabilité glycémique (14, 15). Les
exigences faites au patient doivent
être bien comprises et acceptées,
d’ou l’importance de l’information
et de l’éducation par un personnel
qualifié lors de la visite initiale.
L’autosurveillance
glycémique
Fréquence de mesure du glucose
(ASG) doit être pratiquée de 2 fois
par jour à 5 fois par semaine selon
le type de capteur utilisé (Tab. 1).
La tenue d’un carnet ou journal
alimentaire est obligatoire. De
même, tous les événements marquants doivent être colligés scrupuleusement et en temps réel
(insuline, prise alimentaire et
horaires, activité et exercice physique, hypoglycémies, etc.).
Hélas, des problèmes techniques
peuvent survenir et ne permettent pas toujours d’utiliser la totalité des périodes d’enregistrement.
Par conséquent, lorsque le capteur
est utilisé à titre diagnostique, de
nombreux auteurs proposent de
réaliser au moins deux enregistrements successifs ou répétés, quel
que soit le type de capteur utilisé
(16-19).
Précision de mesure
des capteurs dans les zones
métaboliques utiles
Il serait logique d’appliquer aux
capteurs de glucose la même exigence de contrôle de qualité que
celle que l’on demande aux lecteurs
de glycémies. Actuellement, il n’en
est rien, les capteurs de glucose appartenant aux dispositifs médicaux
implantables (DMI) alors que les
lecteurs de glycémie doivent répondre aux exigences du diagnostic in vitro plus strict en matière
d’exactitude et de précision. Des
critères de fiabilité ont été proposés par les firmes commercialisant
les capteurs de glucose. Ceux-ci
83
DOSSIER
La mesure du glucose en continu
La mesure du glucose en continu
DOSSIER
ne constituent, le plus souvent,
qu’une validation interne de la
qualité de l’enregistrement (20).
Globalement, la précision des
capteurs de glucose, quels qu’ils
soient, est inférieure à celle des
lecteurs de glycémie.
Tous les capteurs ont le même objectif : donner des tendances de
variations du glucose interstitiel
C’est donc le cas à l’état basal, mais
aussi lors de fortes variations de la
glycémie plasmatique (8).
• En situation d’hypoglycémie
ou d’hyperglycémie (expérimentation réalisée chez des témoins non diabétiques, soumis à
un clamp eu- et hypoglycémique),
un nouvel d’état d’équilibre doit
se mettre en place entre le secteur
plasmatique et interstitiel, d’où un
L’objectif est de donner des tendances de
variations du glucose interstitiel les plus
proches des valeurs de glycémie plasmatique.
les plus proches des valeurs de glycémie plasmatique. Cependant, ils
diffèrent les uns des autres par certaines caractéristiques technologiques ou analytiques. Une étude a
comparé ces 4 modèles, suggérant
une précision plus importante du
système FreeStyle Navigator®, comparativement aux autres systèmes,
notamment dans les valeurs basses
proches de l’hypoglycémie (21).
que mesure-t-on
exactement dans le
milieu interstitiel?
Différences entre
glycémie plasmatique
et glucose interstitiel
Le différentiel qui existe entre la
concentration de glucose du milieu interstitiel sous-cutané et le
secteur plasmatique (Encadré) explique la nécessité de calibrer les
capteurs de glucose de manière
régulière dans le but de maintenir
leur exactitude de mesure tout le
temps de l’enregistrement.
De manière générale, la concentration de glucose interstitiel est
inférieure à ce qui est observé au
niveau capillaire ou plasmatique.
84
décalage temporel parfois important observé entre les valeurs de
glucose plasmatique et interstitiel
(Fig. 3) (22).
• L’insuline semble jouer un rôle
majeur dans ces variations de
concentrations entre les compartiments plasmatique et interstitiel,
de par son action facilitatrice dans
la captation cellulaire du glucose (8).
A ce titre, il convient de prévenir
le patient de ces possibles discordances, et du fait que sa valeur de
glycémie capillaire doit rester la
valeur de référence sur laquelle
se fonder pour l’adaptation du
traitement. Les ajustements thérapeutiques destinés à l’amélioration de l’équilibre glycémique ont
donc toujours été fondés sur des
mesures de glucose sanguin. Pourtant, les concentrations de glucose
dans le tissu interstitiel reflètent
plus fidèlement les variations métaboliques qui s’opèrent dans les
cellules musculaires, adipocytaires
et les autres cellules de l’organisme
comparativement au secteur vasculaire. Les variations de concentrations de glucose interstitiel lors
de prise de glucides ou à l’occasion
de bolus d’insuline sont en effet
différentes selon les tissus explo-
rés. D’après les auteurs d’un récent
article, le système nerveux central subirait moins de fluctuations
glycémiques
comparativement
au muscle et au tissu adipeux, et
serait ainsi en partie protégé en
situation d’hypoglycémie (23). Ce
phénomène pourrait également
expliquer pourquoi, dans une certaine mesure, des valeurs basses de
glycémies observées en périphérie
(secteur plasmatique) ne se traduisent par aucune symptomatologie
clinique notamment neuroglucopénique du fait de concentrations
maintenues à des valeurs normales
de glucose dans le système nerveux
central (Tab. 2 , Fig. 4).
Malheureusement, la pertinence
des concentrations de glucose interstitiel vis-à-vis des évènements
relatifs au diabète n’a pas été explorée. Ainsi, pour des raisons historiques, mais aussi techniques,
les décisions thérapeutiques reposent encore à ce jour sur des
valeurs de glucose sanguin, exclusivement.
Calibration
des capteurs de glucose
Du fait d’un décalage intrinsèque
propre au capteur, des différences
entre plasma et liquide interstitiel à l’état basal et celles qui peuvent s’accentuer à l’occasion de
fortes variations des concentrations de glucose, il est souhaitable
d’initialiser le capteur de glucose
en période de relative stabilité
glycémique. Les périodes préprandiales, notamment de fin de
matinée, sont à privilégier. En
revanche, les périodes post-prandiales et les situations de risque
hypoglycémique sont à éviter.
En effet, lorsque la pente de variation du glucose est élevée, la différence de mesure entre la concentration de glucose plasmatique et
interstitielle s’accentue (de 13 % et
jusqu’à 19 %) (24).
Diabète & Obésité • Mars 2012 • vol. 7 • numéro 57
Modèle cinétique du passage du glucose dans le liquide interstitiel
Rebrin et al. ont clairement décrit un modèle compartimental de cinétique du glucose entre le plasma (V1) et
le liquide interstitiel (V2). Il est admis que les concentrations de glucose s’équilibrent entre les différents secteurs par diffusion passive selon un rapport de concentrations existant entre le plasma et le liquide interstitiel
au niveau duquel est implanté le capteur (7). Dans des
conditions dynamiques où la glycémie varie fortement
sous l’action d’une prise alimentaire, de la production
hépatique de glucose ou à l’occasion d’une injection
d’insuline, le gradient entre les deux secteurs (plasma/
interstitium) augmente, ce qui nécessite de retrouver un
nouvel état d’équilibre dans les minutes qui suivent. Ceci
explique en partie que la sensibilité du capteur soit affectée et que son exactitude par rapport à une méthode de
référence soit prise en défaut (Fig. 2).
La biocompatibilité des capteurs intervient également
dans la stabilité de la mesure, ce qui explique qu’une
seule calibration est nécessaire avec le Glucoday® dont
la cellule de mesure du glucose se situe à l’extérieur
du corps et non en contact avec les tissus et éléments
circulants du milieu sous-cutané.
Figure 2 – Echanges du glucose entre les volumes plasmatique et interstitiel et conséquences en termes de sensibilité du capteur (7).
Arguments cliniques
à l’utilisation
de la MGC
En termes d’efficacité métabolique, le recul obtenu par la publication, ces 10 dernières années, de
données convaincantes sur l’utilité de la MGC permet aujourd’hui
d’espérer un remboursement de
cette technique dans certaines
conditions et indications bien établies. Seuls les résultats les plus
significatifs sur la MGC sont développés dans ce chapitre.
intérêt d’un enregistrement
du glucose en temps réel
L’étude Guard Control est la première à avoir démontré l’efficacité de la MGC (Guardian® RT)
Diabète & Obésité • Mars 2012 • vol. 7 • numéro 57
sur l’HbA1c à 3 mois, comparée
à l’ASG conventionnelle chez
des diabétiques de type 1 (25).
L’HbA1c, initialement à 9,6 %,
est améliorée significativement
de 0,6 % par rapport au groupe
contrôle.
rôle primordial
de l’observance
au port du capteur
Dans l’étude JDRF (Juvenile Diabetes Research Fundation), chez
des diabétiques de type 1 majoritairement traités par pompe
et beaucoup mieux équilibrés
au départ que dans l’étude précédente, la MGC (Navigator®,
Guardian®/Paradigm®-RT, DexCom Seven®), comparée à l’ASG
conventionnelle, améliore l’équilibre glycémique essentiellement dans le groupe des adultes
(HbA1c - 0,50 %) qui ont utilisé
le capteur le plus souvent et le
plus durablement pendant les
6 mois de l’étude (26). L’extension de l’étude à 12 mois montre,
avec la poursuite d’une utilisation
assidue du capteur (6,5 jours/semaine), un maintien de l’efficacité
sur l’HbA1c et une réduction de la
fréquence des hypoglycémies sévères (27).
Mesure du glucose en continu
associée à une perfusion
continue d’insuline
L’étude RealTrend, en s’appuyant
sur le constat du rôle essentiel
85
DOSSIER
La mesure du glucose en continu
La mesure du glucose en continu
7
Clamp
euglycémie
Clamp
HypoG
Clamp
HypoG
Cal
6
Glucose (mmol/l)
DOSSIER
conféré à l’observance d’utilisation
du capteur, a prédéfini ce paramètre
dans l’analyse statistique de l’étude
(port optimal du capteur > 70 % du
temps). Cent trente-deux patients
initialement sous multi-injections
ont été randomisés en 2 groupes :
traitement par pompe Paradigm®
ou couple capteur-pompe (Paradigm® REAL Time) (28). Dans
l’analyse “per protocole” (patients
observant au port du capteur), la
différence de réduction d’HbA1c à
6 mois entre les deux groupes atteint la significativité (- 0,96 % vs
- 0,55 %, p = 0,004).
Dans le même esprit, mais en comparant à un traitement par multiinjections, l’étude STAR-3 a été
réalisée sur 12 mois (29). Quatre
cent quatre-vingt-cinq diabétiques de type 1, âgés de 7 à 70 ans,
ont été inclus dans l’étude : la mesure du glucose en continu associée à une perfusion d’insuline par
pompe portable a alors montré
son avantage vis-à-vis des multiinjections en termes de réduction
de l’HbA1c de 0,6 % supplémentaire. Cette amélioration touche la
population des sujets jeunes âgés
de 7 à 18 ans. L’observance au port
du capteur est également un élé-
5
GP
GI
Retour EuG =
6,3 ± 1,1 min
4
HypoG =
8,3 ± 0,67 min
3
Cal
0
60
120
240
180
300
360
Temps (min)
Figure 3 – Décalage temporel entre le glucose plasmatique et le glucose interstitiel lors
d’études de clamps en période d’hypoglycémie prolongée (22).
Dix témoins non-diabétiques évalués sous clamps euglycémique (5 mM) et hypoglycémique
(4,2 et 3,1 mM), avec analyse du glucose interstitiel par 2 CGMS vs glycémie plasmatique (cal
= calibration du capteur).
ment déterminant de l’efficacité
du système (> 80 % du temps).
Identifier les bénéfices
à long terme
Au-delà des résultats bruts apportés par l’ensemble des études
cliniques, il convient d’identifier
clairement avant la décision de
débuter une MGC chez un patient,
le bénéfice que l’on espère obtenir.
Schématiquement, quatre élé-
ments peuvent être individualisés
et sont même complémentaires :
• l’amélioration de l’équilibre glycémique ;
• la réduction des épisodes d’hypoglycémies, notamment d’hypoglycémies sévères ;
• la réduction de la peur des hypoglycémies, élément bien souvent
ignoré ou du moins négligé par les
professionnels de santé ;
• l’amélioration de la qualité de vie.
Tableau 2 - Variations des concentrations de glucose dans le tissu interstitiel du SNC, du muscle
et du tissu adipeux au cours des phases d’hyper- et d’hypoglycémies. Expérience réalisée sur une série
de 9 cochons, avec mesure du glucose interstitiel par microdialyse (d’après Nielsen JK, 2005) (23).
SNC
Muscle
Tissu adipeux
46,9 ± 9,8
56,6 ± 16,9
56,2 ± 10,0
85,0 ± 12,8 *
97,8 ± 25,2 *
84,0 ± 14,4 *
20 g glucose
88,6 ± 9,3 *
100,7 ± 20,1 *
115,1 ± 15,2 *
50 g glucose
123,0 ± 11,3 *§
206,0 ± 54,0 *
238,0 ± 20,2 *
Valeur initiale (mg/dl)
Hyperglycémie
10 g glucose
Hypoglycémie
10 IU insuline
36,4 ± 8,3
38,3 ± 11,9 *
37,0 ± 11,0
30 IU insuline
30,0 ± 7,0
30,5 ± 8,3 *
29,9 ± 4,5
50 IU insuline
32,5 ± 2,5
34,0 ± 2,8
33,3 ± 4,6
Données exprimées en moy. ± DS
* p < 0.05 vs valeur initiale
§ p < 0.01 SNC vs tissu adipeux
86
Diabète & Obésité • Mars 2012 • vol. 7 • numéro 57
La mesure du glucose en continu
Ces éléments positifs ne doivent
pas faire oublier que, pour certains
patients, la MCG est au contraire
synonyme de contraintes, difficultés d’interprétation des résultats, altération de la qualité de vie
(alarmes fréquentes, système encombrant, etc.) et problématique
dans la prise en charge financière
(Tab. 3) (30). Il est indispensable
d’anticiper la question de l’observance au port du capteur pour ne
pas méconnaître d’éventuelles
difficultés dans l’utilisation du
système sur le long terme, comme
l’étude EVADIAC l’a récemment
mis en évidence avec 23 % des
patients qui ne souhaitaient pas
poursuivre l’utilisation de la MCG
après une phase probatoire de
10 jours rendue obligatoire par
le protocole d’étude (32). Il faut
également anticiper la réaction
du patient en termes d’adaptation de son insulinothérapie en
lui apportant certaines “recettes”
sur l’interprétation des résultats
(33).
Conclusion
La mesure du glucose en continu
est devenue aujourd’hui incontournable dans les approches
diagnostique et thérapeutique
du diabète. Les outils à notre
Diabète & Obésité • Mars 2012 • vol. 7 • numéro 57
300
CNS
Muscle
SC adipose tissue
250
DOSSIER
L’impact de la MGC sur la réduction des épisodes hypoglycémiques, en tant qu’objectif primaire, est, de façon surprenante,
une préoccupation finalement
assez récente des investigateurs
(30). Il s’agit bien souvent d’un
cercle vicieux entre peur de l’hypoglycémie, inertie clinique (rejet
de l’insulinothérapie intensive),
dégradation de l’équilibre glycémique et de la qualité de vie, et, à
terme, risque de majoration des
complications dégénératives liées
au diabète (Fig. 5) (31).
Tissu adipeux
Muscle
200
Injection IV
de glucose
Glucose
interstitiel
mg/dl
150
Injection IV
de glucose
Injection IV
de glucose
100
SNC
50
Injection IV
d’insuline
0
00:00
Injection IV
d’insuline
02:00
04:00
Injection IV
d’insuline
06:00
Temps - heures
Figure 4 - Amplitude des variations de concentrations de glucose dans le tissu inter­
stitiel du muscle, du tissu adipeux et du SNC mesurées par microdialyse sur une série
de 9 cochons. Séries d’hyperglycémies et d’hypoglycémies après injection de doses
croissantes de glucose et d’insuline (23).
Les constantes de la variabilité glycémique
• Le MAGE rend NECESSAIRE l’adaptation des doses d’insuline
• le MODD rend DIFFICILE cette adaptation
Variabilité
glycémique
Rejet de
l’insulinothérapie
intensive
Peur de
l’hypoglycémie
Qualité de vie
HbA1c élevéé
Hypoglycémie
sévère
Complication
(morbidité/
mortalité)
Figure 5 – Les conséquences cliniques de la variabilité glycémique et de l’inertie
qui en découle (31).
disposition sont plus nombreux,
peut-être plus performants, mais
restent complexes dans l’analyse
que l’on peut en faire. En effet, la
pertinence clinique de la mesure
du glucose interstitiel nécessite à
terme de redéfinir les standards
utilisés pour l’ASG. Une éducation des patients est indispensable pour un bon usage de ces
techniques et une organisation
des cliniciens apparaît tout aussi
nécessaire pour affiner les modalités d’utilisation et d’interprétation des données. Ces techniques
sont essentiellement réservées à
des patients motivés, entraînés
à l’insulinothérapie intensive et
disposés à prendre en compte la
somme d’informations fournie
par les capteurs. A terme, couplée
à un système performant de perfusion de l’insuline, la mesure du
glucose en continu devrait per87
La mesure du glucose en continu
DOSSIER
mettre d’aboutir à la “boucle fermée” ou “hybride” avec l’aide de
systèmes experts d’algorithmes
d’ajustement des doses d’insuline.
n
Tableau 3 – Contraintes vécues par le patient (série de 150 patients
diabétiques de type 1) lors de l’utilisation de la mesure du glucose
en continu sur le long terme en pratique clinique (hors protocole)
(30).
Cause d’arrêt
%
« N’a pas “fonctionné” à hauteur des attentes »
44 %
Problème d’adhésif, de tolérance cutanée
33 %
Trop encombrant
30 %
Alarmes trop bruyantes/trop fréquentes
30 %
Mots-clés : Mesure du glucose en
Trop difficile à utiliser
15 %
continu, Liquide interstitiel, Glycémie,
Coût *
93 %
Autosurveillance, Capteurs
* Seule cause pour 30 % des patients
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L’utilisation prolongée de la mesure continue du glucose améliore l’équilibre glycémique chez des patients diabétiques de type 1 en traitement
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Diabète & Obésité • Mars 2012 • vol. 7 • numéro 57
La mesure du glucose en continu
DOSSIER
2 La mesure du glucose
en continu dans la “vraie vie”
Intérêts et limites
n
L’autosurveillance surveillance est incontournable pour guider l’insulinothérapie intensifiée
et permettre d’atteindre la normoglycémie, prévenir les complications du diabète sans hypo­
glycémie sévère et en altérant le moins possible la qualité de vie. La mesure du glucose en
continu apporte une dimension supplémentaire à l’autosurveillance en permettant d’estimer et
de suivre tout au long du nycthémère les variations de la glycémie. Mais comment l’optimiser
dans la “vraie vie” ?
L
ongtemps attendue par patients et médecins, la mesure du glucose en continu
(MGC) avec affichage en temps réel
est enfin disponible. Elle peut être
couplée ou non à une pompe à insuline externe. Quel que soit le système, il est composé de 3 parties : un
capteur de glucose inséré en souscutané par le patient lui-même
à l’aide d’un dispositif spécifique
tous les 5 à 7 jours, selon le système.
Cette “électrode” est couplée à un
émetteur qui transmet les données
à un moniteur/récepteur. Ce dernier peut être soit une pompe à insuline externe (Paradigm® VEOTM
de Medtronic ou Animas® VIBETM
de Novalab), soit un lecteur de glycémies (Navigator® d’Abbott), soit
un moniteur propre (Seven plus®
de Dexcom® (Novalab)) (Fig. 1). Leur
miniaturisation et la connexion
sans fil entre émetteur et moniteur
permettent une utilisation ambulatoire. A ce jour, cette technologie
n’est toujours pas prise en charge
par l’Assurance maladie.
Dr Agnès Sola-Gazagnes*
Intérêt de la MGC et
limites des glycémies
capillaires
Les glycémies capillaires donnent
une information parcellaire, en
pointillé, sur le profil glycémique.
Pratiquées au moins 4 fois par
jour, elles sont assez bien corrélées avec l’HbA1c. Cependant, les
glycémies capillaires ne donnent
que peu ou pas d’informations sur
la période nocturne, les périodes
post-prandiales et la variabilité
glycémique, et ignorent les hypoglycémies asymptomatiques. La
MGC donne une information en
continu sur le profil glycémique.
De plus, les courbes glycémiques
sont parfois beaucoup plus parlantes pour un patient que des
glycémies ponctuelles. Au-delà
du taux de glucose qui s’affiche
en temps réel, d’autres fonctionnalités sont extrêmement importantes. L’affichage de flèches
de tendance des variations glycémiques permet de prévenir
des modifications glycémiques à
venir et de prendre des mesures
appropriées pour les éviter. Il est
Figure 1 - Systèmes de mesure continue du glucose en temps réel ambulatoires, disponibles en France en 2012. A. Capteurs couplés à une pompe (moniteur = pompe) : Paradigm
*Service de Diabétologie Maladies Métaboliques, Hôpital
Hôtel-Dieu, Paris
Diabète & Obésité • Mars 2012 • vol. 7 • numéro 57
Veo® de Medtronic (à gauche) et Animas® VIBETM de Novalab (à droite). B. Capteurs indépendant
d’une pompe : Freestyle Navigator® d’Abbott (à gauche) et Seven plus® de Novalab (à droite).
89
La mesure du glucose en continu
DOSSIER
également possible de régler des
alarmes hyper- ou hypoglycémiques, de visualiser des graphes
en temps réel ou après téléchargement. Il ne s’agit donc plus de
photographie ponctuelle mais
d’un véritable film présentant
l’évolution glycémique (Fig. 2).
Les limites
Figure 2 - Intérêt de la mesure continue du glucose en temps réel versus autosurveillance glycémique discontinue.
Un outil supplémentaire
La MGC est cependant un outil
aux mains du patient formé et
guidé par une équipe soignante.
Il ne dispense pas totalement
des glycémies capillaires puisque
1 (moins d’une) à 3 glycémies capillaires quotidiennes sont nécessaires pour la calibration du
système ; une information en
continu sur le profil glycémique
est cependant disponible au prix
de 1 à 3 glycémies quotidiennes.
L’encombrement, même si celui-ci
est réduit, nécessite une acceptation par le patient de son port permanent (comme pour les pompes
à insuline externes). De plus, la visualisation en continu des profils
glycémiques peut être, pour certains, anxiogène.
La MGC procure une information en continu sur le profil glycémique avec :
1. affichage d’une estimation de la glycémie en temps réel ;
2. affichage de flèches de tendances ;
3. possibilité de régler des alarmes HYPER et HYPO ;
4. obtention de graphes (temps réel et téléchargement) ;
5. statistiques disponibles.
Glucose (mg/dL)
RF linked BG
Manual BG
Calibration +
Sensor
Sensor Alarm
Target Range
Post-prandial hyperglycemia
Résultat
de la MGC
+
+
2 00a
4 00a
hypoglycemia
+
+
Tue 0 00
6 00a
Hypo
+
8 00a
10 00a
12 00a
2 00p
4 00p
6 00p
8 00p
10 00p
140
++
70
60
Wed 0 00
Insulin Delivery
Pump Alarm
Bolus
Square Bolus
Basal
Temp Basal
Suspend
12
10
Pompe
• basal
• bolus
8
6
4
2
Tue 0 00
2 00a
4 00a
6 00a
8 00a
10 00a
12 00a
2 00p
4 00p
6 00p
8 00p
10 00p
Wed 0 00
Boluses : 1234
Figure 3 - Mauvaise utilisation possible des données glycémiques disponibles en
Une technique chronophage
La technique (saignement, difficulté et manipulation) est rarement un frein.
Les différentes options offertes
par la MGC doivent être utilisées
de manière ciblée, en fonction
des besoins du patient et non
systématiquement. Cette technologie est assez chronophage
pour le patient et pour l’équipe
soignante. Un temps d’éducation
initial, mais également un temps
supplémentaire en consultation
de suivi, doit être considérés pour
l’équipe soignante. Un temps supplémentaire consacré à la maladie
incombe au patient.
90
temps réel avec sur-correction des hyperglycémies post-prandiales (d’après Wolpert,
Diabetes Care 2008).
Quel prix pour le patient ?
Cette nouvelle technologie a également un coût (environ 300 euros
de consommable par mois si utilisé en continu auxquels s’ajoute
l’acquisition du système). Il n’y a,
pour le moment, ni prise en charge
du système, ni cotation de l’acte,
donc pas encore de reconnaissance du temps investi.
Pourquoi faut-il éduquer ?
Cette technologie procure beaucoup informations continues,
beaucoup d’informations. Une
valeur s’affiche toutes les 1 à 5 minutes, soit environ 300 valeurs
par jour, ainsi que des flèches de
tendance et alarmes. Une formation pédagogique spécifique du
patient est donc capitale pour
garantir le succès et éviter de se
noyer dans les données. En effet,
une mauvaise utilisation des données fournies par la MGC peut
aggraver l’instabilité. Ainsi, des
suppléments correctifs et itératifs sont susceptibles d’entraîner
une hypoglycémie et de favoriser
l’instabilité glycémique (Fig. 3).
Diabète & Obésité • Mars 2012 • vol. 7 • numéro 57
A
ΔHbA1c : - 0,57 %, p < 0,001
10,5
HbA1c
HbA1c
10,5
ΔHbA1c : - 0,57 %, p < 0,001
10
9
ΔHbA1c : - 0,55 %, p < 0,001
ΔHbA1c : - 0,55 %, p < 0,001
10
9,5
9
p = 0,004
8,5
8,5
p = 0,001
p = 0,006
p = 0,087
9,5
B
8
8
PRT
CSII
7,5
PRT
CSII
7,5
7
7
ΔHbA1c : - 0,81 %, p < 0,001
ΔHbA1c : - 0,96 %, p < 0,001
ΔHbA1c : - 1,14 %, p < 0,001
ΔHbA1c : - 1,23 %, p < 0,001
6,5
6,5
Screening
Baseline
3 months
Study end
Screening
Baseline
3 months
Study end
Figure 4 - La MGC permet une amélioration de l’HbA1c… Oui mais pas chez tout le monde (à partir de l’étude RealTrend 2009
Diabetes Care 2009, Raccah D). A - En intention de traiter (n = 91) : pas de bénéfice HbA1c ; B - Si capteurs > 70 % (n = 32) : PRT - 0,7 %
d’HbA1c, p < 0,001.
regard sur la
littérature
Hémoglobine glyquée
et compliance au port
du capteur
Les études, chez les patients diabétiques de type 1, ont montré
une amélioration de l’hémoglobine glyquée (HbA1c) inconstante, avec pour les études positives une réduction de 0,4 à
0,7 % d’HbA1c. La récente méta-analyse de J. Pickup prend en
compte les 6 études randomisées
disponibles à ce jour : tous résultats confondus, le bénéfice existe
mais il est modeste (réduction de
- 0,25 % d’HbA1c) (1).
Ce bénéfice est durable à 3 mois (2,
3) et 6 mois (4, 5).
• L’étude Guard Control (2) a
été la première à tester l’impact
de l’utilisation de la MGC en
continu ou discontinu vs groupe
témoins sur 3 mois. Seule l’utilisation continue a permis un gain
de 0,6 % d’HbA1c (p = 0,003)
chez des patients adultes ou pédiatriques.
Diabète & Obésité • Mars 2012 • vol. 7 • numéro 57
La réduction d’HbA1c est retrouvée chez des patients sous pompe
ou multi-injections sans augmentation des hypoglycémies (2-4, 11)
et/ou réduction du temps passé en
hypoglycémie (5, 8). Dans l’étude
JDRF, le bénéfice n’est pas retrouvé chez le jeune et l’enfant (4),
mais chez l’enfant comme chez
l’adulte, il est conditionné par la
compliance au port du système
de MGC.
• Les résultats de l’étude Capteur
Evadiac (sous presse) confirment
un gain de 0,5 % d’HbA1c avec
un suivi de 12 mois. Ce bénéfice est
retrouvé chez des patients faisant
usage de la MGC au moins 60 % du
temps et se manifeste dès le premier trimestre.
• L’étude Real Trend (6) ne montre
aucun bénéfice de la MGC à 6 mois
en intention de traiter, mais un bénéfice de 0,7 % d’HbA1c en analyse per protocole chez les patients
portant le capteur plus de 70 %
du temps (Fig. 4).
• L’étude STAR-1 (7) n’a pas retrouvé de supériorité de la MGC vs
ASG chez des patients sous pompe.
Les auteurs déclarent avoir appris
à utiliser la MGC avec les patients,
au fil de l’étude, pouvant expliquer
au moins en partie ces résultats et
soulignant l’importance de l’expérience dans le domaine de l’équipe
soignante.
• L’utilisation de la MGC (n = 67)
vs ASG (n = 62) dans une population de patients diabétiques de
type 1 déjà bien contrôlés (HbA1c
< 7 %), permet une réduction supplémentaire de l’HbA1c de 0,30 %
chez une plus grande proportion
de patients (30 % vs 5 %) et une réduction du temps passé à moins de
60 mg/dl (8).
Impact sur
les hypoglycémies sévères
et populations spécifiques
Il n’y a pas, à ce jour, d’étude dont
l’objectif principal est la réduction
des hypoglycémies sévères.
Il n’y a pas non plus d’étude s’intéressant à des populations particulières comme les femmes
enceintes, les patients souffrant
d’hypoglycémies récurrentes, non
ressenties ou sévères qui seraient
91
DOSSIER
La mesure du glucose en continu
La mesure du glucose en continu
DOSSIER
une indication logique de la MGC,
les patients en échec métabolique
sévère et chronique ou les enfants
de moins de 8 ans (l’étude Switch
en cours incluant les enfants dès
6 ans) (9).
Quels patients ?
❚❚Qui est répondeur ?
Un bénéfice de la MGC peut être
attendu, mais uniquement chez
des patients sélectionnés que l’on
peut qualifier de “répondeurs”.
Les critères définissant ces patients ne sont pas parfaitement
connus mais la compliance au port
du capteur semble essentielle. Les
facteurs prédictifs d’une bonne
compliance au port de la MGC
semblent être l’âge (80% chez les
plus de 25 ans contre 30% chez
les adolescents) et la fréquence
de l’autosurveillance glycémique
préalable (p < 0,001) (10).
Les patients inclus dans les études
de MGC sont sélectionnés pour
avoir une ASG minimale de 3/j. Dans
les études JDRF, elle est en moyenne
de 6/j. La compliance au système le
1er mois semble bien corrélée avec
l’utilisation ultérieure (10).
MESSAGE éDUCATIF SPéCIFIQUE DE
LA MESURE DU GLUCOSE en continu
La MGC mesure le glucose interstitiel et non la glycémie capillaire. Cette
différence explique un décalage en partie physiologique d’environ 10
min en période dynamique entre ces 2 mesures. En période glycémique
stable, le glucose interstitiel est bien corrélé à la glycémie capillaire.
Pour une fiabilité de la MGC, la qualité de calibration du système est importante. Elle doit se faire en période de stabilité glycémique, en pratique
préprandiale et à distance d’un resucrage ou d’une insuline de correction. La technique d’ASG doit également être correcte. La MGC donne
certes une estimation de la glycémie en temps réel. Les fonctions les
plus contributives sont les flèches de tendance annonçant les variations
glycémiques et permettant de prendre des mesures préventives. L’écueil
à éviter est la correction permanente des glycémies, source d’instabilité
glycémique.
Une méthode d’analyse des résultats après téléchargement des données
doit être définie. Une formation intensive et spécialisée encadrant la
mise en place de la MGC est indispensable.
à respectivement 7,5 et 8 %. L’effet
est également plus marqué chez les
adultes de plus de 19 ans (HbA1c
à 7,3 vs 7,9 %). Un meilleur niveau
d’HbA1c est également obtenu
lorsque la MGC est portée plus de
60 % du temps. L’étude EVADIAC
capteur (sous presse) retrouve un
bénéfice supérieur chez les patients
sous pompe vs multi-injections ;
Un bénéfice de la MGC peut être attendu, mais
uniquement chez des patients sélectionnés que
l’on peut qualifier de « répondeurs ».
❚❚Patients sous pompe
ou en multi-injections
La MGC s’adresse aux patients
sous pompe ou multi-injections
mais, dans tous les cas, avec traitement insulinique et prise en charge
intensifiés. L’étude STAR-3 (11)
compare l’effet d’un traitement par
pompe couplé à la MGC vs traitement conventionnel (multi-injections et ASG) chez des patients diabétiques de type 1, sur une période
de 12 mois. L’HbA1c passe de 8,3 %
92
ces patients ont cependant déjà
bénéficié d’une sélection pour être
candidats au traitement par pompe
à insuline externe mais ont aussi
un outil performant d’amélioration
des glycémies (facilité de suppléments correctifs d’insuline…).
Quel impact sur
la qualité de vie ?
L’impact sur la qualité de vie du
port en continu d’un système de
MGC est à étayer. L’essai JDRF
(12) retrouve une amélioration
du score explorant la peur des
hypoglycémies (p < 0,05) et des
comportements susceptibles de
prévenir l’hypoglycémie chez des
patients adultes sous MGC. Dans
ce même essai, il n’y a pas de modification de la qualité de vie dans
la population pédiatrique (parents ou enfants).
Mise en place
L’initiation : une période-clé
La compliance au capteur et la motivation du patient conditionnent
l’efficacité de la MGC. La compliance au capteur le premier mois
est prédictive de la compliance ultérieure (10). Dans l’étude Evadiac
capteur, environ 20 % des patients
abandonnent au cours de cette
période. Une période test de 2 à 4
semaines doit donc pouvoir être
proposée aux patients candidats à
la MGC. Cette période permet de
tester l’acceptabilité par le patient
du système et de sélectionner les
patients motivés.
Diabète & Obésité • Mars 2012 • vol. 7 • numéro 57
La mesure du glucose en continu
DOSSIER
Encadré 1
Mise en place de la MGC : programme structuré spécifique à la MGC
avec un temps d’observation avant action
d Formation pédagogique en 3 temps :
Un temps pour l’OBSERVATION
1. Définir les indicateurs
2. Définir les alarmes
3. Observation des :
• glyc. préprandiales (basale)
• périodes post-PP (prandiale)
• identifier les facteurs d’instabilité :
- différents aliments,
- resucrage,
- activité physique…
une période
d’apprentissage La mise en place d’une MGC nécessite également un programme
éducatif structuré et spécifique à
la MGC et une équipe soignante
formée (7). Un renforcement ou
un ajustement des connaissances
diabétologiques du patient (durée des insulines, ajustement des
doses…) est toutefois un prérequis
indispensable.
• Le programme spécifique à
la MGC comprendra une formation technique d’environ 1 h 30
qui peut être dispensée par une
infirmière et une formation pédagogique pour une utilisation optimale du système.
• La formation technique permettra une insertion du capteur,
une mise en fonction et une calibration du système correctes
ainsi que l’utilisation du moniteur pour la programmation des
alarmes et la recherche d’informations.
Les trois temps
de la formation
La formation pédagogique s’attachera à faire respecter 3 moDiabète & Obésité • Mars 2012 • vol. 7 • numéro 57
Un temps pour l’ACTION
Ajuster les alarmes
Tester :
- ajustement basale,
- doses et cinétique de l’insuline
prandiale,
- différents resucrages,
- ajustements pendant le sport,
- insuline de correction…
ments : un temps pour l’observation des profils glycémiques, un
temps pour l’action (modifications thérapeutiques) et un temps
pour la vérification de l’efficacité
des actions (Encadré 1).
❚❚La période d’observation
La période d’observation, sur la
durée d’utilisation d’un ou deux
capteurs minimum, permet de
visualiser et d’analyser les glycémies préprandiales, de définir
les corrections à apporter sur la
basale et, le cas échéant, de préciser l’insuffisance de couverture
du nycthémère par l’insuline basale. L’observation des périodes
post-prandiales permettra de
déterminer les ajustements
(dose, cinétique) de l’insuline
prandiale. Cette période permettra également d’identifier
les facteurs d’instabilité et de
tester l’effet de différents aliments, du resucrage, de l’activité
physique… La programmation
des alarmes sera décidée avec le
patient et adaptée en fonction
des besoins spécifiques. La programmation de l’ensemble des
alertes disponibles avec la MGC
Un temps pour la VÉRIFICATION
de l’efficacité des actions
est non seulement inutile mais
source possible de découragement du patient, voire d’arrêt de
l’utilisation du système. L’alerte
“hypoglycémie” devra être réglée
de façon à prévenir le patient du
risque d’hypoglycémie et non de
le prévenir lorsqu’il est en hypoglycémie et le seuil pourra être
adapté par la suite.
❚❚Ajustement thérapeutique
Le deuxième temps permettra
de mettre en pratique les ajustements thérapeutiques nécessaires
et de définir des mesures correctives (insuline de correction, resucrage).
❚❚Vérifier l’efficacité
des mesures prises
Le troisième temps permettra de
vérifier l’efficacité de ces actions et
de les réajuster si nécessaire.
En conclusion
L’utilisation de la MGC permet
une amélioration de l’HbA1c d’en
moyenne 0,5% d’HbA1c, sans augmentation - voire réduction - des
hypoglycémies ni détérioration
93
La mesure du glucose en continu
DOSSIER
de la qualité de vie de patients diabétiques de type 1 insulinotraités
sous pompe ou multi-injections.
Cette amélioration est inconstante
mais durable et conditionnée par la
sélection de patients motivés “répondeurs”, capables de porter le
système plus de 60 % du temps et
ayant bénéficié d’un renforcement
éducatif. Une période test de 2 à 4
semaines permet de présumer de
l’utilisation ultérieure de la MGC.
Une formation technique, et sur-
tout pédagogique initiale, est indispensable, et ce par un personnel
soignant expérimenté. La MGC nécessite un temps supplémentaire
d’investissement dans la maladie
par le patient et l’équipe soignante.
Le système de la MGC ne sont pas
encore pris en charge et a un coût
qui n’est pas négligeable (environ
300 euros mensuel de consommables + acquisition du système).
Le rapport coût/bénéfice est favorable chez les patients “répon-
deurs” (13). Des recommandations
d’utilisation de la MGC ont été
émises par l’ADA (14) et l’AACE (15)
et l’ISPAD (16). Les recommandations françaises de la Société
Francophone du Diabète sont en
attente.
n
Mots-clés : Mesure continue du
glucose, Formation, Traitement,
Ajustement thérapeutique,
Education thérapeutique
Bibliographie
1. Pickup JC, Freeman SC, Sutton AJ. Glycaemic control in type 1 diabetes during real time continuous glucose monitoring compared with self monitoring
of blood glucose: meta-analysis of randomised controlled trials using individual patient data. BMJ 2011 ; 343 : d3805. doi: 10.1136/bmj.d3805.
2. Deiss D, Bolinder J, Riveline JP et al. Improved glycemic control in poorly
controlled patients with type 1 diabetes using Real-Time continuous glucose
monitoring. Diabetes Care 29:2730-2732, 2006
3. O’Connell M et al: Glycaemic impact of patient-led use of sensor-guided
pump therapy in type 1 diabetes: a randomised controlled trial. In Diabetologia, Springer Berlin / Heidelberg, 2009, 1250-7.
4. Juvenile Diabetes Research Foundation Continuous Glucose Monitoring
Study Group: Continuous Glucose Monitoring and Intensive Treatment of Type
1 Diabetes. N Eng J Med 2008 ; 359 : 1464-76.
5. Battelino T, Phillip M, Bratina N et al. Effect of continuous glucose monitoring
on hypoglycemia in type 1 diabetes. Diabetes Care 2011 ; 34 : 795-800.
6. Raccah D, Sulmont V, Reznik Y et al. Incremental value of continuous glucose
monitoring when starting pump therapy in patients with poorly controlled
type 1 diabetes. Diabetes Care 2009 ; 32 : 2245-50.
7. Hirsch IB, Abelseth J, Bode BW et al. Sensor-augmented insulin pump therapy: results of the first randomized treat-to-target study. Diabetes Technology
& Therapeutics 2008 ; 10 : 377-83.
8. Juvenile Diabetes Research Foundation Continuous Glucose Monitoring
Study Group. The effect of continuous glucose monitoring in well-controlled
type 1 diabetes. Diabetes Care 2009 ; 32 : 1378-83.
9. Conget I, Battelino T, Giménez M et al. SWITCH Study Group. The SWITCH
study (sensing with insulin pump therapy to control HbA(1c)): design and
methods of a randomized controlled crossover trial on sensor-augmented
insulin pump efficacy in type 1 diabetes suboptimally controlled with pump
therapy. Diabetes Technol Ther 2011 ; 13 : 49-54.
10. Juvenile Diabetes Research Foundation Continuous Glucose Monitoring
Study Group. Factors predictive of use and of benefit from continuous glucose
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11. Bergenstal RM, Tamborlane WV, Ahmann A et al. Effectiveness of SensorAugmented Insulin-Pump Therapy in Type 1 Diabetes. New England Journal of
Medicine 2010 ; 363 : 311-20.
12. Juvenile Diabetes Research Foundation Continuous Glucose Monitoring
Study Group. Quality-of-life measures in children and adults with type 1 diabetes. Diabetes Care 2010 ; 33 : 2175-7.
13. Huang ES and Juvenile Diabetes Research Foundation Continuous Glucose
Monitoring Study Group. The cost-effectiveness of continuous glucose monitoring in type 1 diabetes. Diabetes Care 2010 ; 33 : 1269-74.
14. Recommendations ADA: Executive summary: standards of medical care in
diabetes--2011. Diabetes Care 2011 ; 34 (Suppl 1) : S4-10.
15. Blevins TC, Bode BW, Garg SK et al. Statement by the American Association
of Clinical Endocrinologists consensus panel on continuous glucose monitoring. Endocr Pract 2010 ; 16 : 730-45.
16. Phillip M, Danne T, Shalitin S et al. Use of continuous glucose monitoring in
children and adolescents. Pediatric Diabetes 2012.
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Diabète 57
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Diabète & Obésité • Mars 2012 • vol. 7 • numéro 57
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La mesure du glucose en continu
mesure du glucose en continu
couplée à la pompe à insuline
Que nous disent les recommandations américaines ?
Où en sont les négociations du remboursement
en France en 2012 ?
n
De nombreuses études ont validé l’efficacité de la mesure du glucose en continu au long
cours (> 3 mois) sur l’équilibre glycémique des diabétiques de type 1 (1-4). Des recommandations d’utilisation ont été publiées par les sociétés savantes américaines (5-7) et plusieurs pays
d’Europe ont déjà réussi à obtenir un remboursement des capteurs pour une utilisation thérapeutique au cours de ces deux dernières années. Qu’en est-il de la France ? La prise en charge
dérogatoire de la mesure du glucose en continu via une étude requise par la HAS pourrait valider
le remboursement des capteurs utilisés au long cours. Affaire à suivre… principales études
Plusieurs études comparatives
utilisant la mesure du glucose en
continu (MGC) ont été menées
chez des patients diabétiques de
type 1, traités par multi-injections
ou pompe à insuline externe.
L’hémoglobine glyquée, le temps
de port du capteur, le nombre et la
sévérité des hypoglycémies ont été
analysés dans diverses tranches
d’âge, aussi bien en pédiatrie que
chez l’adolescent ou l’adulte (Tab. 1).
Bénéfices sur l’hbA1c
De manière globale, les études sur
la MGC rapportent une réduction
de l’HbA1c de 0,3 à 0,7 %, essentiellement chez les patients “répondeurs“ (8). Le bénéfice de la MGC
est présent dès 3 mois et se prolonge à 6 mois et un an (1-4). Il est
directement relié au temps de port
du capteur. En effet, les meilleurs
* Service d’Endocrinologie-Diabétologie et Maladies Métaboliques, CHU de Limoges
Diabète & Obésité • Mars 2012 • vol. 7 • numéro 57
résultats concernent des temps de
port du système MGC supérieurs
à 70 % (2), voire 80 % du temps
(1, 3, 4). Les adultes de plus de
25 ans représentent la catégorie
où l’on note les meilleurs résultats
et la meilleure observance au port
du système (3, 4). Ces résultats reflètent très certainement la motivation et l’intérêt du patient vis-àvis de son traitement.
Dr Stéphanie Lopez*
chez les patients peu observants à
l’autosurveillance glycémique.
Les recommandations
américaines
Les sociétés savantes américaines
(5-7) ont publié, en 2011, des recommandations d’utilisation de
la MGC. Ces recommandations se
fondent sur les niveaux de preuve
fournis par les différentes études.
Hypoglycémies
En ce qui concerne la survenue
d’hypoglycémies, malgré l’amélioration de l’HbA1c, on ne note pas
d’épisodes hypoglycémiques plus
fréquents. En revanche, il n’y a
pas d’effet positif significatif de la
MGC sur la prévention des hypoglycémies de façon générale (8).
Cas particuliers
Par ailleurs, l’intérêt de la MGC au
cours de la grossesse n’a été que
très peu évalué (9) et pas du tout
Recommandations
de l’AACE (5)
« Sur la base des preuves disponibles, pourront être sélectionnés pour la mise en place d’une
mesure continue du glucose les
patients diabétiques de type 1
présentant les caractéristiques
suivantes :
• hypoglycémies non ressenties ou hypoglycémies fréquentes ;
• HbA1c au-dessus de la valeur
cible, ou présentant une varia95
DOSSIER
3 Utilisation au long cours de la
La mesure du glucose en continu
Tableau 1 - Résultats des principales études sur la MGC.
DOSSIER
Per-Protocole
Groupe de patients
GuardControl (1)
JDRF adulte (3)
Pompe
Pompe (8/10) ou MDI
Pompe ou MDI
MGC
(n = 54)
Critère d’inclusion
pour le taux d’HbA1c
Contrôle
(n = 54)
MGC
(n = 55)
O 8,1 %
Durée de suivi
Age
Évolution du taux
d’HbA1c de l’inclusion à la fin du suivi
Real Trend (2)
O 8 %
Observations
Pompe
MDI
MGC
(n = 244)
Contrôle
(n = 241)
o 10 %
8,30 ± 0,5 %
6 mois
6 mois
1 an
2-65 ans
O 25 ans
-
- 0,39 %
± 1,03
- 1,14 %
± 1,21
0,69 %
(p = 0,0008)
- 0,57 %
± 0,91
0,57 %
(p = 0,006)
- 0,50 %
± 0,56
+ 0,02 %
± 0,45
- 0,8 %
± 0,8
0,53 %
(p < 0,001)
- 0,2 %
± 0,9
0,6 %
(p < 0,001)
Pas de différence intergroupe
83 %
-
Amélioration significative
dans toute la population
et en sous-groupe dans
les populations adultes et
enfants
60 %
-
Amélioration significative si port de capteur >
70 % du temps
bilité glycémique excessive ;
• diminution de l’HbA1c nécessaire sans augmentation des
hypoglycémies ;
• en période préconceptionnelle ou en cours de grossesse ;
• chez les enfants et les adolescents diabétiques de type 1
qui ont atteint l’objectif glycémique HbA1c < 7 % ;
• jeunes diabétiques de type 1
avec une HbA1c > 7 % et en mesure d’utiliser la MCG sur une
base quasi quotidienne. »
fortes chez les enfants, les adolescents et les jeunes adultes,
la mesure continue du glucose
peut s’avérer utile dans ces populations. Le succès de cette
méthode est corrélé à la compliance et l’observance.
• La mesure continue du glucose
peut être un outil supplémentaire de l’autosurveillance glycémique chez les personnes présentant des hypoglycémies non
ressenties et/ou fréquentes.
Recommandations
de l’ADA (6)
Points
communs de ces
recommandations
• La mesure continue du glucose, associée à un schéma d’insulinothérapie intensive, peut
être un outil utile pour abaisser
l’HbA1c chez des patients sélectionnés (âge > 25 ans) atteints
de diabète de type 1. • Bien que les preuves de diminution de l’HbA1c soient moins
96
Contrôle
(n = 46)
3 mois
Hypoglycémies
Taux d’utilisation du
capteur
MGC
(n = 52)
8-60 ans
- 1,08 %
± 1,15
Différence intergroupe
Contrôle
(n = 60)
STAR 3 (4)
• Elles concernent uniquement
le diabétique de type 1, enfant et
adulte, traité par pompe à insuline
externe ou par multi-injections
quotidiennes d’insuline.
• L’utilisation de la MGC est préconisée en cas d’hypoglycémies fréquentes ou non ressenties, d’une
83 %
-
Pas de différence
significative dans les
groupes adolescents et
enfants (8-14 ans)
-
-
Différence significative
chez les adultes (n = 329)
ainsi que chez les enfants
(n = 156)
variabilité glycémique importante
ou d’une HbA1c cible (7 %) non atteinte.
• La motivation du patient et l’observance au port du capteur de
glucose sont requises.
Les recommandations de l’Endocrine Society (7) proposent les
mêmes indications pour l’enfant
de plus de 8 ans, l’adolescent et
l’adulte. Elles recommandent le
port du capteur dès que l’HbA1c
< 7 % afin de maintenir ce taux en
limitant les hypoglycémies, mais
aussi dès que l’HbA1c dépasse 7 %
et que le patient est capable d’utiliser quotidiennement le dispositif.
Le patient doit recevoir des directives de traitement lui permettant
d’optimiser au mieux les informations rendues par la MGC.
Ces recommandations américaines restent floues sur certains
points. Comment définir la motivation, l’observance du patient ou
Diabète & Obésité • Mars 2012 • vol. 7 • numéro 57
La mesure du glucose en continu
Tableau 2 - Modalités de remboursement de la MGC en Europe.
Pays
Date du
remboursement
Indications
SUÈDE
Septembre 2009
HbA1c > 10 %
Et/ou 2 hypos sévères/an
Pompe à insuline
Enfants type 1 > 10 SMBG/j
Réévaluation de l’efficacité du système à
3 mois
PAYS-BAS
Novembre 2010
HbA1c > 8 %
Femmes enceintes types 1 ou 2
Enfants
SLOVÉNIE
Hypoglycémies non ressenties et/ou hypoglycémies sévères (adultes/enfants)
Femmes enceintes types 1 ou 2
Enfants jusqu’à 7 ans inclus
Le remboursement
de la MGC en Europe
La MGC est prise en charge par
les systèmes de santé de plusieurs
pays d’Europe.
La Suède fut la première à obtenir
le remboursement en 2009, puis
les Pays-Bas et l’Italie (régionalement) en 2010 et, enfin, Israël et la
Suisse en 2011 (10).
Les indications du remboursement varient selon les critères définis par les experts et les agences
de remboursement des pays
concernés (Tab. 2). Sont retrouvées
le plus souvent une HbA1c élevée,
la population pédiatrique, une
hypervariabilité glycémique et
l’insulinothérapie par pompe préalable (10).
La procédure
française pour
le remboursement
Le système de MGC seul
La première demande de remboursement de la mesure en continu du glucose auprès de la HAS
date de 2006. Elle concernait le
dispositif Guardian® Real Time.
La HAS estimait alors que, suite
aux résultats de l’étude GuardControl (1), l’amélioration du
service attendu était importante
(ASA de niveau II). En dépit de
cette évaluation très positive de
Diabète & Obésité • Mars 2012 • vol. 7 • numéro 57
DOSSIER
bien sa capacité à utiliser la MGC ?
Enfin, l’utilisation de la MGC lors
de la grossesse ou en période préconceptionelle n’est pas consensuelle puisqu’elle est uniquement
citée par les recommandations de
l’AACE (5).
Les recommandations françaises
pour l’usage de la MGC seront très
probablement dévoilées lors du
congrès de la Société Française de
Diabétologie, en mars 2012.
ITALIE
Novembre 2010
Pompe avec grande variabilité glycémique
Risque élevé d’hypoglycémie
ISRAËL
Janvier 2011
Enfants de type 1 (0 à 18 ans) qui ont des
difficultés à atteindre l’équilibre glycémique :
- < 8 ans - difficultés de contrôle glycémie
- 8 à 18 ans - hypoglycémies non ressenties
Femmes enceintes diabétiques de type 1
SUISSE
Juillet 2011
Hypoglycémies sévères ou diabète très
instable (intervention d’urgence)
HbA1c > 8 %
Pompe à insuline
Réévaluation de l’efficacité à 6 mois
la HAS, la prise en charge pérenne
de la MGC n’a pu aboutir. En effet,
l’étude GuardControl, seule disponible en 2006, avec un suivi de
3 mois seulement, ne permettait
pas notamment d’évaluer précisément les modalités d’utilisation de
la MGC en termes de durée et d’observance du patient.
MGC couplée
à une pompe à insuline
❚❚Prise en charge dérogatoire
Les évolutions technologiques ont
permis l’association des fonctions
“pompe à insuline” et “mesure
du glucose en continu” au sein du
même système Paradigm® VEO™.
Dès lors, un nouveau dossier de
remboursement a été déposé en
mai 2010 par la société Medtronic.
Par avis du 21 décembre 2010, la
HAS reconnaissait l’impact positif de la MGC sur le contrôle glycémique. Toutefois, elle estimait
que l’intérêt clinique de la MGC
associée à la pompe à insuline par
rapport à la pompe seule n’avait
pas été suffisamment démontré au
vue des données disponibles alors.
Elle proposait une prise en charge
dérogatoire du système Paradigm® VEO™ au titre de l’article
“innovation” L165-1-1 du code de
la Sécurité sociale (11).
Cet article, créé par la Loi HPST
en juillet 2009, doit permettre une
prise en charge par l’Assurance
maladie, totale ou partielle, de façon dérogatoire et temporaire, des
dispositifs innovants en contrepartie de la mise en œuvre d’une
étude clinique.
97
La mesure du glucose en continu
DOSSIER
❚❚Une étude clinique
proposée par la HAS
Pour ce faire, la HAS proposait la
réalisation d’une étude clinique à
long terme comparant des patients
diabétiques de type 1 sous insulinothérapie par pompe seule vs des
patients utilisant le système Paradigm® VEO™ (pompe et MGC) (11).
rapport à la pompe seule après
6 mois de suivi (12).
❚❚Une étude observationnelle
serait souhaitable
Aujourd’hui, une étude observationnelle permettant l’évaluation
de l’intérêt clinique, organisationnel et médico-économique, en vie
Par avis du 21 décembre 2010,
la HAS reconnaissait l’impact positif de la MGC
sur le contrôle glycémique.
Ces patients devaient être traités par insulinothérapie par
pompe depuis au moins 6 mois. Ils
devaient présenter une HbA1c
> 8% ou souffrir d’hypoglycémies
sévères ou modérées et fréquentes.
Or, on constate qu’à la date de rédaction de cet article, aucun dispositif médical n’a encore bénéficié
d’une prise en charge dérogatoire
au titre de l’article “innovation”
L165-1-1 du code de la Sécurité sociale.
De plus, entre 2010 et aujourd’hui,
des études cliniques montrent le
bénéfice en termes d’HbA1c de
l’association MGC et pompe par
réelle et à long terme, de la mesure
du glucose en continue associée
à la pompe serait probablement
plus pertinente que le schéma
d’étude proposé en 2010.
Conclusion
L’utilisation de la MGC représente
un progrès incontestable pour la
prise en charge des diabétiques de
type 1. Des limites à l’utilisation et
l’optimisation de cet outil existent
encore : la compliance au port du
capteur, l’âge, l’interprétation des
résultats pour l’adaptation des
doses d’insuline.
Plusieurs pays d’Europe et les sociétés savantes américaines ont
défini des critères d’usage et de
remboursement du système MGC
couplé à la pompe à insuline.
En France, la demande de prise
en charge de la MGC remonte à
2006 mais a été réactualisée en
2010 par l’arrivée du système Paradigm VEO®, qui associe la MGC en
“temps réel” à une pompe externe
à insuline.
Une prise en charge dérogatoire
du système Paradigm® VEO™ a
été proposée par la HAS en 2010,
au titre d’une nouvelle modalité de
financement de l’innovation créée
par la Loi HPST en 2009. Cette prise
en charge est associée à la mise en
œuvre d’une étude clinique.
Ainsi, en 2012, à l’aube des recommandations de la SFD et du démarrage de cette étude, on devrait voir
se lever l’espoir pour certains diabétiques de type 1, d’une utilisation
“décomplexée” et remboursée de la
mesure en continu du glucose. n
Mots-clés :
Recommandations, Mesure du
glucose en continu, Pompe à insuline,
Hypoglycémie, ADA, AACE
Bibliographie
1. Deiss D, Bolinder J, Riveline JP et al. Improved glycemic control in poorly
controlled patients with type 1 diabetes using real-time continuous glucose monitoring. Diabetes Care 2006 ; 29 : 2730-2.
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98
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10. Symposium Medtronic. Paris, Juin 2011.
11. http://www.has-sante.fr
12. Battelino T, Conget I, Olsen B et al. ; SWITCH Study Group. Abstract of
The SWITCH study: continuous glucose monitoring in type 1 diabetes
(Oral Sessions: O/5/FRI/03). Pediatrics Diabetes ; 12 (Suppl. 15), 14-39.
Diabète & Obésité • Mars 2012 • vol. 7 • numéro 57
dépistage
Neuropathie autonome cardiaque
dans le diabète de type 1
Mise en place en pratique
d’un dépistage systématique
Dr Sébastien Fontaine*
Introduction
L
a neuropathie autonome
cardiaque (NAC) est une
complication chronique du
diabète, survenant avec une forte
prévalence, en particulier dans la
population des patients ayant plus
de 10 ans d’évolution de leur diabète (30 à 60 %) (1). Il s’agit d’une
altération d’origine métabolique
des terminaisons nerveuses du système nerveux autonome à destination du cœur et des vaisseaux. La
conséquence est une dysrégulation
* Service de Diabétologie, Maladies métaboliques, nutrition,
CHU de Toulouse
Diabète & Obésité • Mars 2012 • vol. 7 • numéro 57
© Nebojsa Rozgic - 123rf.com
La neuropathie autonome cardiaque
est le plus souvent asymptomatique.
Son dépistage systématique est cependant recommandé en raison de
la majoration significative, en cas de
positivité, des risques coronariens et
anesthésiques, associé à la nécessité de mise en place de précautions
particulières lors de prescriptions de
médicaments influençant l’équilibre
tensionnel ou rythmique cardiaque.
Il existe par ailleurs une forme plus
sévère et symptomatique justifiant
une prise en charge spécifique et
souvent la prescription de mesures
physiques et médicamenteuses.
de la balance sympatho-vagale responsable d’anomalies de régulation
de la fréquence cardiaque et de la
tension artérielle.
nome par 5 tests de référence et
calcul du score d’Ewing (première définition en 1985 puis publication de recommandations
de l’Alfediam en 1997) (2) (Encadré).
Quelle méthode
de dépistage ?
Cette exploration regroupe deux
tests orthosympathiques et trois
tests parasympathiques.
Exploration complète
du SNA cardiaque
L’examen de référence permettant l’identification d’une NAC
ainsi que la détermination de
son grade de sévérité est l’exploration du système nerveux auto-
Tests orthosympathiques
❚❚Recherche d’hypotension
orthostatique
L’épreuve de référence se fait en
orthostatisme actif avec mesure
99
dépistage
Figure 1 - Table basculante.
de la pression artérielle au repos
en position allongée après 30 minutes puis mesure à 1, 3 et 5 minutes. Il est également possible de
tester la réactivité du système nerveux autonome en orthostatisme
passif sur table basculante (Fig. 1) et
sans appui au sol de façon à éliminer la contraction musculaire et
la compression veineuse au lever.
Le test est alors plus spécifique.
Seul le résultat du test en orthostatisme actif est cependant valide
pour le calcul du score d’Ewing.
❚❚Hand grip : contraction
isométrique de l’avant-bras
Il est nécessaire, pour ce test, d’utiliser un manomètre (Fig. 2) permettant de maintenir une contraction
étalonnée et stable durant l’enregistrement de la réaction sur les
mesures de pression artérielle.
Tests parasympathiques
❚❚Ventilation contrôlée
Il s’agit d’évaluer la variabilité de
la fréquence cardiaque au cours
de mouvements ventilatoires
d’inspiration et d’expiration. Le
patient réalise des séquences de
6 cycles par minutes (un cycle
de 10 secondes = une inspiration
100
Figure 2 - Appareil Hand Grip.
Figure 3 - Appareil Valsalva.
maximale sur 5 secondes puis
une expiration maximale sur
5 secondes). Le calcul de la différence I/E est calculé de la façon suivante : fréquence max en
inspiration – fréquence min en
expiration. La normale est habituellement : I/E > 22 bpm pour les
patient(e)s de moins de 60 ans et
I/E > 15 bpm pour les patient(e)
de plus de 60 ans.
transmise à l’aorte ; il en résulte
une élévation de la pression artérielle avec bradycardie ;
• phase II : le retour veineux au
cœur diminue et entraîne une
baisse de la pression artérielle
alors qu’une tachycardie par sympathique cardiaque (ou baisse de
l’activité parasympathique) apparaît ; si la manoeuvre se prolonge,
la pression se stabilise, de même
que la fréquence cardiaque ;
• phase III : à l’arrêt de la manœuvre
de Valsalva, la pression intrathoracique est réduite et l’on enregistre
une chute brutale de la pression
avec tachycardie modérée ;
• phase IV : un rebond hypertensif (overshoot) a lieu, attribué soit
à une vasoconstriction réflexe,
soit à une augmentation du travail cardiaque ; une bradycardie
accompagne cette poussée tensionnelle.
Le rapport de Valsalva est calculé
sur la courbe de fréquence cardiaque (Fig. 4) : rapport entre le pic
de bradycardie après la relaxation
❚❚Epreuve de Valsalva
L’objectif est de déclencher une
surpression à l’étage thoracique
en soufflant 10 à 15 secondes dans
un appareil (Fig. 3) contre résistance et maintenir une pression
de 40 mmHg dans une colonne de
mercure au cours d’une expiration
forcée.
La pression est ensuite relâchée.
Cette manœuvre reflète l’intégrité
vagale et des barorécepteurs.
Quatre phases principales sont
distinguées successivement (Fig. 4) :
• phase I : l’augmentation de la
pression intrathoracique est
160
I
II
IV
140
120
100
80
III
60
Figure 4 - Courbe de Fc au cours de la manœuvre de Valsalva.
Diabète & Obésité • Mars 2012 • vol. 7 • numéro 57
la neuropathie autonome cardiaque dans le diabète de type 1
Degré
d’altération
NA parasympathique
NA orthosympathique
Temps
Figure 5 - Appareil FINAPRES.
Manif. cliniques
et le pic de tachycardie pendant
l’effort.
❚❚Stand test
Il s’agit d’un enregistrement de
la fréquence cardiaque au cours
d’un test d’orthostatisme actif.
La fréquence est maximale autour
de la 15e seconde et minimale autour de la 30e seconde. Le calcul
du rapport 30/15 est calculé de la
façon suivante : fréquence maximale/fréquence minimale. La normale est habituellement : 30/15 >
1,12 pour les patient(e)s de moins
de 60 ans et 30/15 > 1,05 chez les
patient(e)s de plus de 60 ans.
❚❚A savoir
Il est possible de pratiquer ces
tests avec un simple appareil
ECG en utilisant le long déroulement couplé avec un appareil de
mesure automatique de la pression artérielle. L’examen est nettement plus performant et plus
sensible avec une mesure continue de l’ensemble des données
par photopléthysmographie digitale : FINAPRES (Fig. 5). Ceci permet non seulement le calcul du
score d’Ewing, mais également les
calculs de puissance des spectres
de haute et basse fréquences traduisant l’influence des systèmes
ortho- et parasympathiques. L’exploration complète reste longue
avec une durée moyenne de 45 à
60 minutes et est pratiquée le plus
souvent par une infirmière formée.
Diabète & Obésité • Mars 2012 • vol. 7 • numéro 57
Figure 6 - Evolution de la NAC .
Dépistage simplifié
de première intention
❚❚Pourquoi ?
De façon à simplifier le dépistage
et en vue de le généraliser à toute
la population des patients diabétiques de type 1 et dans tout service de diabétologie, des tests de
première ligne ont été sélectionnés. L’objectif est de permettre un
dépistage simplifié et réalisable
sur un intervalle de temps court
et sans matériel spécialisé autre
qu’un électrocardiogramme et un
appareil de mesure tensionnelle.
Il est nécessaire pour ces tests
d’avoir la meilleure sensibilité possible (peu de faux négatifs) sans recherche d’une spécificité parfaite.
Les anomalies les plus précoces
dans l’évolution de la NAC sont
celles intéressant le système parasympathique. Les altérations de
réponse ortho-sympathique sont
plus tardives et souvent accompagnées à l’apparition des signes cliniques (Fig. 6).
❚❚Comment ?
Le dépistage de masse est donc optimal avec le protocole suivant.
• Installation du patient en position allongée et au repos depuis au
Encadré
ALFEDIAM 1997
Analyses clinique et électrocardiographique
• Recherche d’hypotension orthostatique (la durée du maintien en
­orthostatisme n’est pas précisée)
• ECG standard : recherche de signes de cardiopathie ischémique et d’un
allongement du QT
• Recherche de symptômes digestifs ou vésicaux évocateurs
de dysautonomie
• Recherche de dysérection
Analyse paraclinique
• Réalisation de deux tests simples d’évaluation de la variabilité sinusale
de la Fc : ventilation contrôlée et orthostatisme
• Réalisation d’une mesure de la motricité pupillaire (technique non
précisée)
La présence d’anomalie à un de ces items doit conduire à la réalisation
d’une exploration diagnostique par les cinq tests d’Ewing au mieux lors
d’un enregistrement au FINAPRES. L’analyse spectrale peut alors être
ajoutée en complément.
101
dépistage
Figure 7 - Test de ventilation.
Figure 8 - Stand test.
moins 30 minutes.
• Branchement d’un appareil ECG
avec dérivations des membres et
réglage en tracé long déroulement.
• Test de ventilation contrôlé (parasympathique) (Fig. 7). Il s’agit du
même test que celui réalisé pour
le score d’Ewing, c’est-à-dire des
cycles de ventilation de 6 périodes
par minute.
• Stand test (parasympathique)
(Fig. 8). La méthode est également
la même que citée précédemment
avec un enregistrement du rythme
cardiaque après orthostatisme actif.
102
• Recherche d’hypotension orthostatique (orthosympathique) : patient
maintenu en position orthostatique
et mesure de la tension artérielle à 1,
3 et 5 minutes. La chute de tension
est significative en cas de perte d’un
minimum de 20 mmHg sur la systolique et/ou 10 mmHg sur la diastolique.
En cas de dépistage négatif, une
surveillance simple pourra être
proposée avec un rythme de 3 ans.
En présence d’une positivité d’un
de ces tests, une exploration complémentaire pourra être proposée
avec enregistrement continu de
type FINAPRES (si disponible) et
calcul du score complet d’Ewing
sur 5 points (Encadré).
Conséquences
pratiques du
dépistage positif
Mesures de prévention
Chez les patients ayant une NAC
confirmée, des mesures de prévention seront conseillées.
• Surveillance accrue en cas
Diabète & Obésité • Mars 2012 • vol. 7 • numéro 57
la neuropathie autonome cardiaque dans le diabète de type 1
d’anesthésie générale et surtout à l’induction. Il existe effectivement, en présence d’anomalies
de régulation du SNA, un risque
majoré de chute tensionnelle
brutale et trouble du rythme cardiaque. Le protocole d’anesthésie
sera donc adapté avec des molécules moins hypotensives et réévaluées en fonction de l’évolution
des paramètres en temps réel.
• Surveillance attentive en cas
d’introduction d’un médicament influençant la tension
artérielle ou la rythme cardiaque (risque majoré d’effets
indésirable). Une attention particulière est à accorder également
en cas de prise de médicaments
mo­difiant l’espace QT (antidépres­
seurs -tricycliques...-, antibiotiques
-macrolides…-, antifongiques, psychotropes -neuroleptiques…-, antiarythmiques).
• Dépistage de l’IMS rigoureuse
tous les 2 à 3 ans du fait d’une
majoration de la sévérité des épisodes coronariens en présence
d’une NAC.
Manifestations cliniques
et traitements Les manifestations cliniques potentiellement présentes chez ces
patients et fréquemment associées à l’altération mixte ortho- et
parasympathique sont de deux
types.
• Tachycardie sinusale régulière au repos et s’aggravant
à l’effort avec inadaptation
cardio­vasculaire. Cette manifestation peut justifier la prescription
d’un traitement bêtabloquant cardio-sélectif à faibles doses (bisoprolol, nébivolol…).
• Hypotension orthostatique
symptomatique responsable d’une
nette altération de la qualité de vie.
La présence de cette symptomatologie nécessite une prise en charge
spécialisée : hygiéno-diététique et
Diabète & Obésité • Mars 2012 • vol. 7 • numéro 57
physique dans un premier temps
(revue de la ration sodée de l’alimentation) ; apprentissage du lever progressif ; port d’une contention veineuse adaptée.
❚❚En cas d’insuffisance de résultat
sur l’état clinique
La prescription d’un traitement
vaso-actif sera proposé : Gutron®
(midodrine) 2,5 mg (alpha-1-agoniste).
Contre-indications principales du
Gutron® :
• syndrome de Raynaud ;
• AOMI ;
• coronaropathie.
L’introduction se fait à faibles
doses : 1 comprimé au réveil avec
de l’eau puis 1 comprimé le midi.
L’adaptation peut ensuite se faire
jusqu’à 2 à 3 comprimés par prises
toutes les 4 heures en évitant les
prises après 16 h de façon à éviter
le risque d’induction d’une élévation tensionnelle nocturne particulièrement délétère sur la fonction cardiaque.
L’autre solution thérapeutique est
l’utilisation de la fludrocortisone
avec un objectif de majoration de
la volémie et donc de la résistance
à l’hypotension. La posologie initiale est de 50 mg/j, puis adaptation
jusqu’à l’obtention d’un effet sur le
poids total et la stabilité tensionnelle. Ce traitement nécessite une
surveillance du ionogramme sanguin (risque d’hypokaliémie) et la
réalisation d’un holter tensionnel
sur 24 h une fois la dose efficace obtenue.
❚❚Chez les patients dialysés
La présence d’une hypotension
orthostatique invalidante nécessite la réévaluation du protocole
de dialyse de façon à majorer la
volémie circulante. En présence
d’une HTA au repos, un choix est
nécessaire dans l’association des
médicaments entre les objectifs
de protection cardiovasculaire sur
la tension nocturne et au repos et
la nécessité de limiter les phénomènes d’hypotension au cours de
la journée dans les phases d’activité. L’association est alors fréquentes entre les traitements de
l’HTA (IEC, AA2 le plus souvent)
et les mesures de prévention des
hypotensions orthostatiques.
Conclusion
La NAC est une complication fréquente du diabète de type 1 qui reste
encore sous-évaluée et fréquemment négligée. Son dépistage peut
être réalisé de façon simplifiée par
la réalisation de tests fonctionnels
avec un matériel disponible dans
tous les services de soins et répondant aux critères recommandés par
l’Alfediam. Des explorations plus
complètes du SNA peuvent être
pratiquées dans certains centres
spécialisés avec calcul du score
complet d’Ewing sur 5 paramètres
permettant la confirmation du diagnostic et la détermination du degré de sévérité. Le dépistage positif
justifie la mise en place de mesures
de prévention adaptées et dans les
formes symptomatiques des mesures thérapeutiques physiques et
pharmacologiques.
n
Mots-clés : Neuropathie, Diabète,
Stand test, Epreuve de Valsava, Hand
grip, SNA, Hypotension orthostatique
Bibliographie
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of diabetes and other cardiovascular risk
factors to cardiac autonomic dysfunction in
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autonomic neuropathy in diabetic patients
with or without silent myocardial ischemia,
Diabetes Care 2001 ; 24 : 339-43.
4. Recommandations ALFEDIAM.
103
interspécialités
Dépression et diabète
Quelles influences réciproques ?
Magalie Garcia*, Dr Caroline Sanz**, Pr Laurent Schmitt*
Introduction
Diabète et dépression,
un effet bilatéral
Un risque de dépression
augmenté chez les
diabétiques
Selon les données de la méta-analyse d’Anderson et al. ayant inclus 20 études d’intervention, les
diabétiques ont deux fois plus de
risque d’avoir une dépression que
les non diabétiques (OR = 2,0 ; IC
95 % = 1,8-2,2) (1). Cette association est forte puisqu’elle persiste
quelle que soit la méthode d’évaluation, l’âge et le type de diabète.
Les facteurs expliquant ce risque
augmenté de dépression sont peu
connus. Certains font l’hypothèse
* Service de Psychiatrie Adulte et de Psychologie Médicale,
Hôpital Casselardit, CHU Toulouse ;
** Service de Diabétologie, Maladies Métaboliques et Nutrition,
CHU Toulouse ; Inserm, U1027, Toulouse.
104
© Viktor Kuryan - Fotolia
Diabète et dépression sont deux
pathologies fréquentes et fortement
associées. Les sujets diabétiques
ont deux fois plus de risque de présenter un syndrome dépressif que
les non-diabétiques. Par ailleurs, les
sujets dépressifs ont aussi un risque
accru de développer un diabète. Les
objectifs de cet article sont d’établir
l’impact de la dépression sur le diabète, de donner des outils de dépistage simples utiles aux praticiens
non psychiatres et de rappeler les
modalités de prise en charge.
d’un impact négatif du diabète
et des contraintes de sa prise en
charge pour expliquer l’apparition d’une dépression (2). L’étude
de Golden et al. renforce cette hypothèse puisque dans ce travail,
les sujets avec un diabète connu
avaient plus de symptômes dépressifs (OR = 1,54 ; IC 95 % = 2,13–
2,09) que les sujets normoglycémiques, alors que les sujets avec
une hyper­glycémie à jeun ou un
diabète méconnu (3) n’avaient
pas plus de symptômes dépressifs
(OR = 0,69 ; IC 95 % = 0,63–0,99 et
OR = 0,75 ; IC 95 % = 0,44–1,27, respectivement).
Un risque de diabète
augmenté chez les déprimés
Plusieurs études épidémiologiques se sont intéressées au lien
entre symptômes dépressifs et
risque de diabète. Une méta-analyse a ainsi identifié 13 études
longitudinales ayant utilisé des
échelles évaluant les symptômes
dépressifs comme la CES-D (Centers for Epidemiologic Studies for
Depression Scale) et ayant recueilli
les cas de diabète (4). Les sujets
ayant une dépression avaient un
risque augmenté de 60 % de développer un diabète (OR = 1,60 ;
IC 95 % = 1,37-1,88). Dans l’étude
de Golden (3), le risque de diabète
augmentait de 10 % pour chaque
augmentation de 5 points de la
CES-D. Cependant, cette association disparaissait en ajustant sur le
niveau d’activité physique, l’apport
calorique journalier, la consommation d’alcool et de tabac. Il
semble donc que l’augmentation
Diabète & Obésité • Mars 2012 • vol. 7 • numéro 57
Dépression et Diabète
du risque de diabète chez les sujets
avec des symptômes dépressifs
s’explique avant tout par un mode
de vie défavorable (faible activité
physique, prise de poids, consommation d’alcool et de tabac).
Effets de
la dépression
sur l’évolution
du diabète
De nombreuses études ont
confirmé l’impact négatif de la
comorbidité dépressive sur les
complications et la mortalité liées
au diabète. Il semble exister un
continuum puisque, dans certains
travaux, l’effet de la dépression
est significatif, même lorsque les
symptômes dépressifs sont peu intenses et insuffisants pour poser le
diagnostic d’épisode dépressif majeur tel que défini dans le DSM-IV
(Encadré 1).
Contrôle glycémique
Plusieurs méta-analyses, dont
celle de Lustman et al. en 2000
(5), retrouvaient un plus mauvais
contrôle glycémique chez les sujets déprimés comparativement
aux non-déprimés. Cet effet est
similaire chez les diabétiques
types 1 et 2. La taille d’effet augmente si l’on utilise des questionnaires standardisés en hétéropassation pour le diagnostic d’un
épisode dépressif majeur, au lieu
d’auto-questionnaires. Les sujets
semblent donc sous-estimer leurs
symptômes dépressifs.
Des études de cohortes, avec un
suivi de plusieurs années (5), retrouvent une élévation persistante
de l’HbA1c chez les patients diabétiques présentant un épisode
dépressif majeur, renforçant l’hypothèse d’un impact négatif de la dépression sur l’équilibre glycémique.
Les mécanismes explicatifs de
cet impact négatif sont multiples
Diabète & Obésité • Mars 2012 • vol. 7 • numéro 57
Encadré 1
Critères diagnostiques d’un épisode
Dépressif Majeur d’après le DSM-IV (12)
A. Au moins 5 des symptômes suivants pendant une même période
d’une durée de 2 semaines ; au moins un des symptômes est soit
(1) une humeur dépressive, soit (2) une perte d’intérêt ou de plaisir.
1. Humeur dépressive présente pratiquement toute la journée,
presque tous les jours (tristesse, pleurs, sentiment de vide)
2. Diminution marquée de l’intérêt ou du plaisir pour toutes ou
presque toutes les activités
3. Perte ou gain de poids significatif en l’absence de régime, ou diminution ou augmentation de l’appétit presque tous les jours
4. Insomnie ou hypersomnie
5. Agitation ou ralentissement psychomoteur
6. Fatigue ou perte d’énergie
7. Sentiment de dévalorisation ou de culpabilité excessive ou inappropriée
8. Diminution de l’aptitude à penser ou à se concentrer ou indécision
9. Pensées de mort récurrentes, idées suicidaires
B.Les symptômes ne répondent pas aux critères d’un épisode mixte
(association à des symptômes maniaques, dans le cadre d’un trouble
bipolaire de l’humeur).
C.Souffrance cliniquement significative ou altération du fonctionnement social, professionnel ou dans d’autres domaines importants.
D.Les symptômes ne sont pas imputables aux effets physiologiques
directs d’une substance (par exemple, une substance donnant lieu
à abus, un médicament) ou d’une affection médicale générale (par
exemple, hypothyroïdie).
E.Les symptômes ne sont pas mieux expliqués par un deuil, sauf
s’ils persistent pendant plus de deux mois ou s’accompagnent d’une
altération marquée du fonctionnement, de préoccupations morbides,
de dévalorisation, d’idées suicidaires, de symptômes psychotiques ou
d’un ralentissement psychomoteur.
et agissent probablement en synergie chez le sujet diabétique
déprimé. Ainsi, la présence de
symptômes dépressifs chez les
patients diabétiques, semble être
un facteur prédictif de mauvaise
observance, plus particulièrement
médicamenteuse et des règles hygiéno-diététiques. Par ailleurs, la
comorbidité dépressive est liée à
une diminution de l’activité physique spontanée, ce qui peut être
le reflet des symptômes de ralentissement psychomoteur et des
troubles de la motivation retrou-
vés classiquement au cours d’un
épisode dépressif majeur (6).
Enfin, le retrait social qui fait également partie des symptômes dépressifs pourrait entraîner une
moins bonne assiduité aux rendez-vous médicaux, et donc un défaut d’accès aux soins (2).
La présence d’une dépression caractérisée est donc un frein à la
bonne prise en charge du diabète
en altérant l’observance médicamenteuse et le suivi des règles
hygiéno-diététiques, piliers de la
prise en charge.
105
interspécialités
Complications évolutives
La dépression est également associée aux complications évolutives du
diabète, en particulier macro- et microvasculaires : athérome, dysfonction érectile, rétinopathie et néphropathie. Les diabétiques déprimés
ont plus de complications et elles
surviennent plus précocement (2).
De plus, l’intensité des symptômes
dépressifs est positivement corrélée
à la sévérité et au nombre de complications. Ainsi, le fait d’avoir bénéficié
d’au moins un geste de revascularisation myocardique (angioplastie,
pontage ou stent) est significativement associé à un risque augmenté
d’épisode dépressif majeur.
Les patients diabétiques déprimés ont également 1,5 à 2 fois plus
de risque de présenter au moins
3 facteurs de risques vasculaires
que les diabétiques non déprimés
(7). L’intensité des symptômes et
le fait de prendre un traitement
antidépresseurs sont indépendamment associés au nombre de
facteurs de risque vasculaire, tels
que : hypertension artérielle, dyslipidémie, tabagisme, obésité.
Un fort impact
sur la qualité de vie
Comme dans d’autres maladies physiques chroniques, la comorbidité
dépressive, chez les patients diabétiques, entraîne un handicap fonctionnel plus important que chez les
non-diabétiques (2). Il semble exister un effet synergique négatif de ces
deux pathologies. Egede et al.(8) ont
soumis des patients diabétiques à
des tâches routinières standardisées
et ont mesuré leurs performances.
Le handicap fonctionnel est 3 fois
plus important chez les diabétiques
comparés aux non-diabétiques
(OR = 3,00 ; IC 95 % = 2,62-3,42) ; il
est plus de 2 fois plus élevé chez les
patients déprimés comparés aux
non-déprimés (OR = 2,42 ; IC 95 % =
2,10-2,79). Pour les diabétiques
106
avec comorbidité dépressive, ce
handicap fonctionnel devient bien
plus important, par comparaison
aux non-diabétiques non déprimés
(OR = 7,15 ; IC 95 % = 4,53-11,28).
Bien que ces symptômes doivent
être des symptômes d’alerte pour
le clinicien, l’utilisation des critères consensuels des troubles dépressifs restent la règle.
Mortalité
Diagnostic clinique des
troubles dépressifs
Plusieurs études longitudinales
reprises dans la méta-analyse de
Rustad (2) et portant sur plusieurs
milliers de patients, mettent en
évidence une augmentation du
taux de mortalité chez les patients
diabétiques présentant un épisode
dépressif majeur. Les résultats sont
concordants avec une mortalité
plus que doublée (9, 10).
Les troubles dépressifs se caractérisent en fonction de la fréquence,
de l’intensité des symptômes et
de leur retentissement sur la vie
quotidienne. On peut distinguer
trois tableaux pertinents en pratique clinique, dont les critères
diagnostiques sont décrits dans le
DSM-IV (12).
Plusieurs études longitudinales mettent en
évidence une augmentation du taux de mortalité
chez les patients diabétiques présentant un
épisode dépressif majeur.
La dépression a donc un impact
extrêmement négatif sur la qualité de vie et la mortalité des sujets diabétiques. Il convient d’en
connaître les modalités de dépistage et les outils pour une prise en
charge efficace.
Dépistage
de la dépression
Pertinence
des signes cliniques ?
Certains symptômes physiques de
l’état dépressif peuvent aussi être
ceux d’un déséquilibre du diabète :
fatigue, trouble de l’appétit, troubles
du sommeil ou de la libido. Pour augmenter la spécificité du diagnostic
dans une population médicale ambulatoire, une étude récente (11) a
montré la pertinence des signes cognitifs et affectifs de la dépression :
faible estime de soi, sentiment de
culpabilité, tristesse, pessimisme,
idéations suicidaires, etc.
• L’épisode dépressif majeur (Encadré 1), dont les symptômes cardinaux sont l’humeur dépressive
et la perte d’intérêt ou de plaisir
toute la journée, évoluant depuis
au moins 2 semaines.
• Le trouble dysthymique : humeur
dépressive présente au moins un
jour sur deux, signalée par le patient et repérée par l’entourage.
Le trouble évolue depuis au moins
2 ans.
• Le trouble de l’adaptation avec
humeur dépressive : symptômes
émotionnels et comportementaux
suite à un facteur de stress identifiable (annonce diagnostique,
événements de vie négatifs), avec
humeur dépressive, pleurs, sentiment de désespoir. Ce trouble peut
survenir dans les suites de l’annonce du diabète ou de l’apparition de complications invalidantes
(plaie du pied, troubles de la vision
liés à un œdème maculaire, insuffisance cardiaque, etc.). Le trouble
peut durer de 3 à 6 mois.
Diabète & Obésité • Mars 2012 • vol. 7 • numéro 57
Dépression et Diabète
Les outils de dépistage
Plusieurs tests et échelles de dépistage de la dépression ont été
validés dans des populations de
patients atteints de maladies physiques, dont le diabète. Le choix du
test par le praticien repose sur le
temps dont il dispose et sur le degré d’altération de l’humeur suspectée chez le patient.
❚❚Tests ultra-courts
Les tests ultra-courts, de 1 à
4 items (Encadré 2), ont fait la preuve
d’une bonne valeur prédictive négative dans une méta-analyse récente
(13). Il s’agit de questions ciblées
posées par le médecin, attendant
une réponse par oui ou non. Une réponse positive à une seule question
doit conduire à rechercher d’autres
signes de façon plus approfondie.
❚❚Questionnaire de Santé du
Patient – 9 items (Patient Health
Questionnaire, PHQ-9)
C’est un auto-questionnaire à
9 items reprenant les critères
d’épisode dépressif majeur du
DSM-IV-TR. Chaque item est coté
en intensité de 0 à 3, le score seuil
permettant d’évoquer le diagnostic de dépression est de 10/27.
❚❚Inventaire de Dépression de Beck
– Version courte (Beck Depression
Inventory Short Form, BDI-SF)
Il s’agit d’une échelle auto-administrée à 13 items, chaque item est
Encadré 2
Questionnaire ultra-court PHQ-2
pour le dépistage de la dépression :
1. Durant le mois écoulé, avez-vous été perturbé par un cafard, une déprime, une perte d’espoir ?
2. Durant le mois écoulé, avez-vous été souvent perturbé par peu d’intérêt ou de plaisir dans vos activités ?
coté en intensité de 0 à 3. Le score
seuil est de 9 à 10/39 pour évoquer
un syndrome dépressif dans un
but de dépistage.
Traitement de la
dépression chez le
diabétique
Peu d’essais cliniques se sont spécifiquement intéressés à l’efficacité des traitements antidépresseurs en population diabétique
(14-17). Ils sont rappelés dans le
tableau 1, à l’exception de celui qui
a utilisé de la nortriptyline (16),
puisque cette molécule n’est plus
sur le marché en France.
Efficacité sur les symptômes
dépressifs mais pas sur
l’HbA1c
Ces essais montrent une bonne réponse sur les symptômes dépressifs et peu ou pas d’effets sur l’équilibre glycémique. Une de ces études
a porté sur le risque de récurrence
de la dépression chez des sujets dia-
bétiques ayant un traitement prophylactique par sertraline (Zoloft®)
après un épisode dépressif majeur.
Comparativement au placebo, la
sertraline diminuait de moitié le
risque de récurrence (HR = 0,51 ; IC
95 % = 0,31-0,85). Durant la phase
de traitement de l’épisode dépressif
majeur avec la sertraline, l’HbA1c
avait significativement baissé (-0,4
± 1,4 % ; p = 0,002), mais il n’y avait
pas de différence significative lors
de la phase de prophylaxie entre les
2 groupes de traitement (p = 0,90).
En l’absence d’effet sur la glycémie, il n’existe par conséquent pas
de recommandations spécifiques
de la PEC de la dépression chez le
sujet diabétique. Selon les recommandations de la HAS de 2002, en
première intention, les IRS (inhibiteurs de la recapture de la sérotonine) et les IRSNA (inhibiteurs
de la recapture de la sérotonine et
de la noradrénaline) sont les molécules indiquées dans la prise en
charge ambulatoire d’un épisode
dépressif.
Tableau 1 - Essais cliniques randomisés portant sur le traitement de la dépression chez des diabétiques.
Interventions
Administration
Sujets
Durée
Effet sur
la dépression
Effet sur l’HbA1c
Thérapie cognitivocomportementale (17)
1h/semaine
51 DT2
10 semaines
oui
non
Fluoxetine (PROZAC®)(15)
< 40 mg/jour
26 DT1
34 DT2
8 semaines
oui
non
Sertraline (ZOLOFT®) (14)
En prévention de la
récidive
Dose efficace
pour la phase
de traitement
26 DT2
26 DT1
52 semaines
oui
Non
(mais baisse de l’HbA1c durant la phase de traitement)
Diabète & Obésité • Mars 2012 • vol. 7 • numéro 57
107
interspécialités
Dans plusieurs études, la prise en
charge conjointe du diabète et de
la dépression avec une approche
psycho-éducative
retrouvaient
une efficacité notable sur les
symptômes dépressifs mais pas
sur l’équilibre glycémique.
Interaction entre
les antidiabétiques oraux
et les antidépresseurs
Du fait de l’inhibition du cytochrome P450, certains IRS comme
la fluoxétine (Prozac®) modifient le
métabolisme des glinides (repaglinide Novonorm®) et augmentent le
risque hypoglycémique.
Impact des antidépresseurs
sur l’équilibre glycémique
Une étude de cohorte anglaise a inclus 165 958 patients ayant pris un
traitement antidépresseur entre
1990 et 2005 (18). Les patients
avaient au moins 30 ans et pas de
diabète à l’entrée dans l’étude. Un
total de 2 243 personnes a déclaré
un diabète au cours du suivi. Les
sujets qui avaient pris un traitement antidépresseur à forte dose
et durant plus de 24 mois avaient
un risque de diabète quasiment
doublé (OR = 1,84 ; IC 95 % = 1,352,52). L’augmentation du risque
ne semblait pas homogène selon le
type de molécule prescrite. Alors
qu’aucun excès de risque n’est mis
en évidence pour le citalopram ou
la sertraline, le risque de diabète
était augmenté pour une utilisation prolongée et à fortes doses
d’amitriptyline (OR = 2,49 ; IC
95 % = 1,52–4,08), de paroxétine
(OR = 1,75 ; IC 95 % = 1,13–2,72)
ou de venlafaxine (OR = 3,01, IC
95 % = 1,01–9,02). Cependant, l’interprétation doit rester prudente
car les caractéristiques des sujets
prenant ces molécules étaient probablement différentes bien qu’un
ajustement sur l’âge, le sexe, l’indice de masse corporelle, le tabac,
la dyslipidémie, l’hypertension
artérielle et les traitements anti­
psychotiques ait été fait.
élevés. Les personnes atteintes
de diabète et de dépression en
même temps ont souvent plus de
mal à suivre leur traitement antidiabétique ; par conséquent, elles
présentent un mauvais contrôle
métabolique, un taux de complications plus élevé, une qualité de
vie plus basse ainsi qu’un risque de
mortalité plus élevé. Un diagnostic précoce de la dépression et
une prise en charge pharmacologique adaptée doivent permettre
une diminution des symptômes
dépressifs. Tous les antidépresseurs n’ont probablement pas le
même effet sur l’équilibre métabolique et des études d’intervention bien conduites sont encore
nécessaires pour nous permettre
n
d’avoir un choix spécifique.
En conclusion
Le diabète et la dépression sont
des pathologies chroniques associées à des taux de complications et de mortalité élevés ainsi
qu’à des coûts de soins de santé
Mots-clés :
Dépression, Diabète, Antidépresseur,
Equilibre glycémique
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Diabète & Obésité • Mars 2012 • vol. 7 • numéro 57
rendez-vous de l’industrie
Contrôle glycémique
Roche : pour une prise en charge structurée du diabète
D
e nombreuses personnes atteintes de diabète ne parviennent pas à atteindre leur objectif thérapeutique. Les facteurs pouvant expliquer ce constat et les nouvelles approches
permettant de surmonter les obstacles pour parvenir à une
prise en charge optimale du diabète ont été examinés par des
experts lors de la conférence de presse organisée par Roche
Diabetes Care à l’occasion de la 5th conférence internationale
de l’ATTD (Advanced Technologies & Treatments for Diabetes).
Confortés par les résultats des dernières études scientifiques,
les experts ont montré qu’une approche plus personnalisée de
la prise en charge du diabète était le moyen idéal de réduire
les obstacles à un traitement optimal. Les profils glycémiques
individuels, ainsi que le passage d’un simple coup d’œil à une
analyse personnalisée des résultats glycémiques, peuvent
jouer, selon eux, un rôle important dans la mise en place d’un
traitement optimal. Pour obtenir ces profils glycémiques individuels, une ASG structurée est un outil très performant, efficace et facile à mettre en œuvre. Grâce à une ASG structurée,
les valeurs glycémiques sont mesurées à des moments précis
de la journée ou lors de moments spécifiques, comme avant
ou après les repas ou au coucher. Les activités du patient sont
notées au regard de l’alimentation, l’activité physique, etc.
Roche Diabetes Care rappelle que les bénéfices cliniquement
significatifs d’une ASG structurée associée à une visualisation
et à une analyse des résultats glycémiques, renforçant la communication médecin - patient, peuvent faire appel aux solutions techniques les plus récentes comme le système AccuChek® Smart Pix® ou le logiciel Accu-Chek® 360°, comme l’ont
montré plusieurs études. Ces travaux ont pu mettre en évidence des améliorations significatives des taux de HbA1c chez
les participants. Dans l’étude VISION, par exemple, l’utilisation d’une ASG structurée et d’une visualisation des données
a contribué à une baisse notable des taux de HbA1c de 0,6 % à
0,7 % (valeur initiale: 8,5 %) chez des personnes souffrant de
diabète de type 1 (DT1) et de 0,9 % (valeur initiale : 8,7 %) chez
des personnes atteintes de diabète de type 2 (DT2). n
Matériel
Le laboratoire BD propose l’aiguille
PentapointTM 5 biseaux
P
our les patients diabétiques, l’insulinothérapie par autoinjection est souvent source d’anxiété : peur de la douleur,
peur de l’hypoglycémie. BD (Becton, Dickinson and Company)
propose une nouvelle technologie, Pentapoint™ 5 biseaux. Le
laboratoire rappelle que l’aiguille à stylo BD Micro-Fine Ultra™
contribue à améliorer le confort du patient, l’efficacité des injections et ainsi l’observance thérapeutique.
La pointe de l’aiguille BD Micro-Fine Ultra™ - technologie Pen-
Diabète & Obésité • Mars 2012 • vol. 7 • numéro 57
tapoint™ est spécialement conçue avec cinq bords biseautés
pour créer une surface plus plate et plus fine, pénétrer la peau
plus facilement et permettre une injection plus douce et plus
confortable que la génération d’aiguilles à trois biseaux. La
technologie Pentapoint™ est disponible sur les aiguilles à stylos de 4mm, 5mm et 8mm.
L’aiguille BD Micro-Fine Ultra™ - technologie Pentapoint™ réduit la force de pénétration dans la peau de 23 % en moyenne ;
une étude clinique a démontré qu’elle réduit la douleur lors de
l’injection. Cette innovation pourrait permettre une meilleure
observance du traitement par injection et ainsi améliorer les
résultats grâce à un confort et une facilité d’utilisation accrus.
Pour les accompagner au quotidien, BD propose également
des solutions spécifiques pour répondre au mieux à leurs besoins : formations thématiques, guides pratiques, fiches… n
Site Internet
www.hautrisquecv.fr : mieux identifier
les patients à haut risque CV
A
straZeneca met en ligne, en partenariat avec la SFC, le
site www.hautrisquecv.fr, dédié aux médecins généralistes. Difficile à détecter, le haut risque cardiovasculaire des
patients est un élément clé pour que leur prise en charge soit
optimale. Ce site a été développé dans le cadre de la campagne AstraZeneca sur le haut risque cardiovasculaire « les
apparences sont parfois trompeuses », en partenariat avec la
Société Française de Cardiologie.
Ce site est d’autant plus pertinent qu’une étude récente menée par le Pr Eric Bruckert met en évidence « la discordance
entre le haut risque estimé par les médecins généralistes et le
risque évalué par les échelles de risque, particulièrement chez
les patients à haut risque cardiovasculaire ». Ainsi, sur 11 241
patients de 50 ans ou plus, sans antécédent personnel de maladie cardiovasculaire, inclus dans l’étude, 47 % des patients
ont été considérés par le médecin comme étant à bas risque
cardiovasculaire et 14 % à haut risque cardiovasculaire?
Le site hautrisquecv.fr offre de nombreux services aux médecins généralistes pour mieux identifier les patients à haut
risque cardiovasculaire.
• Des cas pratiques en médecine générale sont proposés pour
évaluer la différence entre le risque perçu et le risque réel.
• L’échelle de Framingham est mise à disposition. Utilisable
directement en ligne ou en téléchargement, ce module permet de manière simple et rapide de disposer du risque d’évènements cardiovascualire pour chaque patient, en prévention
primaire.
• Des experts font partager leurs expérience et avis sur le haut
risque cardiovasculaire grâce à des vidéos pédagogiques. Des
informations sur le haut risque cardiovasculaire et sa prise
en charge y sont présentées afin de faire le point dans ce domaine.
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