Cours Économie de la santé appliquée §§§ Introduction
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Cours Économie de la santé appliquée §§§ Introduction
Cours Économie de la santé appliquée §§§ Introduction Tout d’abord, précisons quelques concepts : Le concept de santé. Dans sa constitution de 1946, l'OMS a élargi le concept de santé par rapport à la définition trop réductrice d'absence de maladie, et y a ajouté une dimension psychosociale: "Tous les peuples du monde ont le droit d'accéder au meilleur état de santé possible, la santé étant définie non seulement comme l'absence de maladie, mais comme un état de complet bien-être physique, mental et social". La santé est l'équilibre et l'harmonie de toutes les possibilités de la personne humaine, biologiques, psychologiques et sociales. Cet équilibre exige, d'une part, la satisfaction des besoins fondamentaux de l'homme qui sont qualitativement les mêmes pour tous les être humains (besoins affectifs, nutritionnels, sanitaires, éducatifs et sociaux), d'autre part, une adaptation sans cesse remise en question de l'homme à un environnement en perpétuelle mutation. Le concept de santé publique. Il s’agit de : "Science et art de prévenir les maladies, d'améliorer, de prolonger la vie, la santé et la vitalité mentales et physiques des individus par le moyen d'une action collective concertée visant à assainir le milieu, à lutter contre les maladies qui présentent une importance sociale, à enseigner à l'individu les règles de l'hygiène personnelle, à organiser des services médicaux et infirmiers en vue du diagnostic précoce et du traitement préventif des maladies, ainsi qu'à mettre en oeuvre des mesures sociales propres à assurer à chaque membre de la collectivité un niveau de vie compatible avec le maintien de sa santé, l'objet final étant de permettre à chaque individu de jouir de son droit inné à la santé et à la longévité" (Winslow). La définition de la santé publique selon l'OMS est la suivante (1973): "Alors que, traditionnellement, elle recouvrait essentiellement l'hygiène du milieu et la lutte contre les maladies transmissibles, elle s'est progressivement élargie... On utilise aujourd'hui le concept de santé publique au sens large pour évoquer les problèmes concernant la santé d'une population, l'état sanitaire d'une collectivité, les services sanitaires généraux et l'administration des services de soins". La santé publique est devenue une discipline autonome qui s'occupe de la santé globale des populations sous tous ses aspects curatifs, préventifs, éducatifs et sociaux. L'OMS, en 1985, en a défini les objectifs en quatre propositions: - Assurer l'égalité dans la santé en réduisant les disparités sanitaires entre pays ou entre catégories socio - professionnelles ; - Ajouter de la vie aux années en donnant aux individus les moyens d'une plénitude physique et psychique optimale ; - Ajouter de la santé à la vie en diminuant la morbidité et l'incapacité ; - Ajouter des années à la vie en luttant contre la mort prématurée, c'est-à-dire en allongeant l'espérance de vie. Le concept d’épidémiologie. Etude de la distribution des maladies et des facteurs qui en déterminent la fréquence" (Monson). "Raisonnement et méthode appliqués à la description des phénomènes de santé, à l'explication de leur étiologie et à la recherche des méthodes d'intervention les plus efficaces" (Jenicek). L'épidémiologie dépasse donc le simple cadre de l'étude des épidémies et des maladies contagieuses. Elle étend son champ d'action à des phénomènes morbides plus complexes, en prenant en compte des facteurs de dispersion dans le temps et l'espace et le caractère multifactoriel des phénomènes étudiés. Le concept de planification sanitaire. La Santé Publique a pour objectif de mettre en place une action d'ensemble susceptible d'améliorer la santé des populations. Les objectifs, définis par l'OMS, conduisent à une action qui déborde largement le secteur sanitaire. Elle procède nécessairement d'une démarche de planification indispensable à la mise en oeuvre des moyens. Elle vise essentiellement, outre la restauration de la santé, la prévention et la promotion de la santé. Elle s'individualise spécifiquement dans l'éducation pour la santé et la coopération sanitaire. La planification sanitaire précède nécessairement toute décision d'action en Santé Publique. La diversité des situations impose en effet un choix parmi de nombreux moyens selon les possibilités sociales, économiques ou culturelles. Elle implique une démarche multidisciplinaire composée de plusieurs étapes: * l'étape stratégique détermine les besoins de la population à partir de l'épidémiologie et établit les objectifs prioritaires selon les moyens et ressources disponibles ; * l'étape tactique, essentiellement technique, définit le plan de programme selon le progrès scientifique, le milieu envisagé et la population - cible ; * l'étape opérationnelle met en oeuvre ce programme et mobilise les ressources en vue d'en accomplir les objectifs ; * l'étape évaluative juge de l'efficacité du programme d'action mis en place et de ses modalités. Les indicateurs de performance ayant été fixés à l'avance, elle permet les réajustements nécessaires. 2 Les programmes d'application s'étendent à des secteurs divers : * Secteurs d'activités, tels que les programmes de médecine du travail, de protection maternelle et infantile ou de lutte antituberculeuse... * Secteurs géographiques avec des programmes de santé régionaux, municipaux… Section 1 - L’effet de la croissance et du développement sur la santé Santé et développement entretiennent d’étroites relations réciproques. Bismarck et Lloyd George ont créé les assurances maladies, soit pour éviter la révolution sociale en Allemagne, soit pour renforcer l’armée et l’industrie anglaise du début du XXème siècle. De la même façon, l’assurance maladie a permis de conforter aujourd’hui la cohésion sociale dans l’Union européenne. Cela dit, aujourd’hui, dans un contexte de mondialisation générant une compétition économique impitoyable, ces acquis peuvent se retrouver considérablement fragilisés. Il convient de distinguer la situation des pays en développement de celle des pays développés. Dans les premiers pays cités, la mort est précoce, souvent avant 5 ans et résulte de maladies infectieuses ou parasitaires : la médecine est principalement destinée à sauver des vies jeunes. A contrario, dans les pays développés, la mort est tardive avec l’accroissement de maladies dégénératives et la médecine va prolonger des vies déjà avancées. Tableau 1 - Répartition par âge des décès < 5ans Pays développés 5 à 20 ans 20 à 65 ans 65 ans et + 1% 1% 21 % 77 % 40 % 15 % 29 % 16 % Pays en voie de développement Source : World Health Report, WHO L’espérance de vie s’est allongée au XIXème siècle avec la croissance du produit national par habitant. Ce gain s’est effectué tout d’abord avec des rendements croissants : plus un pays sera pauvre, plus son développement aura d’effets bénéfiques sur la santé (situation des pays européens vers 1900). Puis, au-delà de 10 000 dollars par habitant, ce gain va s’effectuer avec des rendements décroissants : de plus en plus de moyens devront être mobilisés pour un même effet de santé. Enfin et cela concerne surtout les pays les plus riches, l’allongement de la vie tend à s’estomper : le gain de la qualité de vie prend le pas sur 3 le gain de longévité : 3 mois par an aujourd’hui en France (la limite physiologique de la durée de vie étant de 125 ans pour l’Homme). Tableau 2 - Causes de la mort Maladies infectieuses, Problèmes de périnatalité, Maladies cardiaques, parasitaires accouchement circulatoires Pays développés 4% 1% 46 % Pays en voie de 43 % 10 % 24 % développement Source : Economie de la santé, B. Majnoni d’Intignano A - Le rôle décisif de l’amélioration des conditions et du niveau de vie Selon Mc Keown, la mortalité par rubéole, tuberculose ou varicelle s’est abaissée dans les années 50 avant la découverte de vaccins ou de médicaments efficaces. On estime que les ¾ des progrès contre la mort sont imputables à l’amélioration du niveau de vie plutôt qu’à la médecine. Il en va de même aujourd’hui dans les PVD. La croissance permet le financement d’assurances maladies et de structures de prévention et de soins. Cette réalité peut se vérifier en Allemagne et en Angleterre au tournant du XIXème siècle. Dans les autres pays d’Europe, cela peut être constaté pendant les Trente Glorieuses (1945-1975). Autres exemples : au tournant du XXème siècle, les pays d’Amérique latine et d’Asie. A contrario, les pays communistes d’Europe qui avaient des droits juridiques aux soins très étendus ont montré qu’une économie exsangue ne pouvait ni financer ni diffuser la médecine moderne. Leur espérance de vie a suivi celle des pays de l’Ouest de l’Europe jusqu’en 1970 puis a décroché et s’établit aujourd’hui à un niveau qui reste inférieur à celui de l’Ouest de l’Europe de cinq à huit années. En définitive, seule une économie performante procure des droits réels à la santé à la population. B - la création d’une classe moyenne par le développement économique Cela est un facteur de réduction des inégalités En fait, inégalité sociale et état de santé évoluent en sens inverse. Dans la Triade (États-Unis, Union européenne, Japon), tous les indicateurs de santé sont moins inégalitaires qu’ailleurs dans le monde. Le Japon et le Royaume-Uni avaient des espérances de vie comparables dans les années 70 puis celle du 4 Japon, pays socialement plus égalitaire, a progressé plus rapidement. Les taux de mortalité sont liés à la structure sociale et professionnelle. Plus le niveau social est élevé, plus la mortalité sera faible de façon générale (voir tableau 3 ci-dessous). Tableau 3 - Taux de mortalité par catégorie socio-professionnelle (pour 100 000 hab) Taux de mortalité Ouvrier, employé Cadre, commerçant par hab Cadre supérieur, profession libérale Cancer du poumon 29 14,5 8,3 Alcoolisme 23 7,6 2,3 Infarctus du 22 14,3 9,4 13,5 14,2 17 myocarde Sida Source : INSERM, 2002 C - Les effets d’une récession brutale et du cycle économique On peut citer par exemple la transition brutale du communisme vers le libéralisme en Europe, qui depuis 1990 a démantelé les assurances maladies publiques et les systèmes de soins. L’espérance de vie des pays ayant réussi leur transition (les pays du groupe de Visegrad tels la Pologne ou la Hongrie) suit celle de l’Union européenne depuis cette date alors que l’espérance de vie de la Russie a régressé de 70 ans à environ 65 ans. De plus, il existe un lien entre le cycle économique et l’état de santé d’une population. Ainsi, en France, le taux de croissance de la production nationale et celui de l’espérance de vie montre sur la période 1870-1990 une corrélation entre les cycles économiques ou les récessions (par exemple, les années 1930) et la santé. Si la croissance s’accélère, la mortalité infantile s’abaisse et vice versa. Mais si la croissance économique est le premier déterminant de la santé, réciproquement, le système de soins exerce des effets significatifs sur la croissance économique (et le développement) et sur l’emploi. Section 2 - Le soins, facteurs de croissance, d’activité et d’emploi 5 Les théories contemporaines de la croissance endogène assise sur le capital humain (santé et éducation, comme facteurs de développement, de croissance et d’emploi) dégagent deux seuils et trois phases : - un seuil de développement avec une phase de trappe de pauvreté puis une phase d’amélioration de la qualité de l’offre de travail ; - un seuil de contrainte de financement avec une phase d’arbitrage (ou de choix exclusif) entre dépenses de santé et dépenses d’éducation. A - Seuil de développement et phase de trappe de pauvreté Dans les pays très pauvres (pays au revenu par tête inférieur à 500 $ par hab.), l’espérance de vie à la naissance est peu élevée et de ce fait, investir dans l’éducation apparaît peu rentable. Une situation très défavorable à l’amorce d’un processus de développement économique se manifeste : mauvaise santé, faible niveau d’éducation et investissement productif insuffisant créent une trappe de pauvreté. La conséquence en est une forte préférence pour le présent et la consommation immédiate, ce qui fait négliger la santé ou l’éducation et préférer les circuits courts de l’activité humaine et économique, tant la probabilité de mourir jeune est forte (cas de certains pays de l’Est européen et de l’Afrique subsaharienne). Il faut alors atteindre un niveau minimum d’espérance de vie pour amorcer un processus de développement. Dépenses de santé et d’éducation deviennent progressivement complémentaires et constituent alors des facteurs majeurs de développement économique. Les modèles économétriques tels que ceux développés par P. Y. Geoffard font apparaître l’existence de ce seuil d’espérance de vie. On peut voir sur le graphique ci-dessous les effets dévastateurs sur la population de l’Afrique du Sud à l’horizon 2025 de la mortalité imputée au VIH/Sida. 6 D’autres pathologies infectieuses ont des effets tout aussi négatifs sur la santé et l’espérance de vie des populations, notamment dans les zones en voie de développement. La malaria, la tuberculose, plusieurs maladies infectieuses parasitaires (dus à un vecteur vivant ou à la mauvaise qualité de l’eau) affectent la santé des populations jeunes en particulier (mortalité infantile et post-infantile élevée). J. Sachs a montré que la malaria abaissait de 1 % le taux de croissance économique du Gabon (en raison notamment de l’impact négatif sur le tourisme et les investissements productifs). A contrario, l’éradication de la malaria au Sri Lanka entre 1947 et 1977 a engendré une croissance du niveau de vie du pays de 9 % sur la période. Il est donc important de lutter contre ces fléaux qui dans la plupart des cas nécessitent des actions de prévention continues et de coûts monétaires modérés. B - Seuil de développement et phase d’amélioration de la qualité de l’offre de travail 7 Quand l’espérance de vie atteint le seuil minimum nécessaire au développement économique (sans que l’on sache précisément à quel niveau se situe ce seuil !), alors la population active dont la santé s’améliore constitue un facteur d’accroissement de la qualité de l’offre de travail. Dans les pays avancés, les systèmes de soins ont un effet d’entraînement sur toute l’économie selon une logique keynésienne. Le niveau de santé devient endogène au processus de croissance. Le secteur de la santé apparaît comme une branche d’activités significative dans l’économie. Ainsi, en France, les soins occupent la quatrième position dans la consommation des ménages français (10 %) après le logement, le chauffage et l’alimentation. Cette part est appelée à s’élever, non seulement parce que le service sanitaire est un bien supérieur (sa consommation s’élève avec le niveau de revenus) mais aussi et surtout, parce que les systèmes de santé publics n’arrivent plus aujourd’hui à assumer le financement du coût des soins des populations qui sont, et seront dans l’avenir, de plus en plus conduites à augmenter leur part dans le financement de leur santé. La branche Santé emploie environ 2 millions de personnes en France, ce qui représente 9 % de la population active (un peu plus de 23 millions de personnes). Elle fournit 6 % de la valeur ajoutée de l’appareil productif national, ce qui représente le double de celle réalisée par l’agriculture française et 50 % de plus que celle atteinte par le secteur de l’énergie. La part de la valeur ajoutée créée par la branche Santé est en croissance continue et plus rapide que dans l’ensemble de l’économie. Enfin, on peut indiquer que les soins sont jusqu’à aujourd’hui peu intenses en importations et de ce fait ne contribuent pas à détériorer la balance des paiements nationale. Le système de soins a un effet vertueux sur la croissance économique et en retour, sur la santé et l’éducation, autant de biens collectifs non marchands qui nécessitent des moyens financiers de plus en plus importants dans les sociétés qui s’appuient sur le capital humain. La population, ayant une forte préférence pour le futur, investit dans la santé et va bénéficier d’une meilleure santé et d’une croissance économique plus forte et plus riche en emplois qualifiés (cela correspond à la période dite des «Trente Glorieuses »). Mais aujourd’hui, apparaît un second seuil qui peut entraver le schéma vertueux précédent, qui est le seuil de la contrainte de financement. C - Seuil de contrainte de financement et phase d’arbitrage dépenses de santé- dépenses d’éducation 8 Dans les pays développés, notamment européens, où les soins sont financés par les prélèvements obligatoires, des cotisations sociales ou des impôts élevés peuvent bloquer le développement de l’emploi et la croissance économique. Le niveau élevé des prélèvements obligatoires peut entraîner une émigration de la main-d’œuvre qualifiée et une délocalisation d’entreprises. Dans un contexte marqué par l’augmentation des dépenses d’assurance maladie (du fait du progrès technique généralement coûteux et du vieillissement démographique de la population), une forte contrainte s’exerce sur la population active qui finance ces dépenses : produire plus (augmenter la richesse nationale) dans un contexte de compétition internationale impitoyable. Les prélèvements obligatoires étant en fait limités dans leur possibilité de progression, les pouvoirs publics doivent arbitrer entre les différentes dépenses de biens collectifs non marchands (sécurité, justice, santé, éducation, etc). Une troisième phase apparaît alors : celle où dépenses d’éducation et de santé tendent à apparaître substituables et non plus complémentaires. Le risque est le suivant : trop de dépenses de soins vont limiter les dépenses d’éducation, c’est-à-dire l’accès à la formation, ce qui va compromettre la croissance économique de longue période et les dépenses de santé futures (in fine, la santé de la population pourra en être altérée). Aux Etats-Unis, a contrario et pour l’heure, les dépenses de soins sont financées essentiellement par le secteur privé. Par conséquent, les dépenses de soins sont toujours favorables à l’emploi et à la croissance économique qui résultent de l’action de la demande privée solvable. Ce système est en revanche inégalitaire. Dans le futur, il faut s’attendre à des réformes très sensibles des systèmes de santé, notamment ceux concernant les pays de l’Union européenne où la contrainte de financement s’impose fortement, que leur système de santé soit bismarckien, beveridgien ou mixte. Bibliographie B. Majnoni d’Intignano, Économie de la santé, PUF, Paris, 2001. §§§ 9