Jackson Richardson
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Jackson Richardson
BIENTÔT À LA RETRAITE SPORTIVE, JACKSON RICHARDSON COMPTE BIEN PROFITER DE SES DERNIÈRES ANNÉES EN TANT QUE HANDBALLEUR DE GÉNIE. 4 _VIVRE_DÉCEMBRE 2006 société « UN BARJOT » AU GRAND CŒUR JACKSON RICHARDSON. Qui aurait parié qu’un petit garçon de Saint-Pierre-de-la-Réunion deviendrait l’une des icônes du sport français ? Fabuleux destin que celui de Jackson Richardson, handballeur comblé par un palmarès hors du commun et personnage très attachant. A la fin de l’année, il quittera définitivement les terrains, mais ses mots simples et sincères continueront de porter. l est au handball français ce que Zinédine Zidane est au foot tricolore. Né à la Réunion, sacré meilleur joueur du monde en 1995, Jackson Richardson fut de toutes les épopées de l’équipe de France, depuis la première médaille des « Barjots » aux Jeux olympiques de Barcelone en 1992 jusqu’au dernier podium mondial des Bleus en 2005. Depuis, l’homme aux dreadlocks les plus célèbres du sport tricolore, qui fut portedrapeau de la France aux Jeux d’Athènes en 2004, a pris sa retraite internationale. Après neuf ans d’exil à l’étranger, ce personnage charismatique de trente-sept ans fait les beaux jours du club de Chambéry, sous les couleurs duquel il dispute sa toute dernière saison. Il pourra, ensuite, tout en préparant sa reconversion dans l’immobilier, en gardant toujours un pied dans le handball, consacrer davantage de temps à ses deux enfants, Melvyn (dix ans) et Ilana (cinq ans). Atypique sur le terrain, il donne sans compter en dehors. Dans un café de Chambéry, il a bien voulu dérouler le fil de son extraordinaire carrière et confier ses engagements du moment, le plus naturellement du monde. I Vivre : Comment devient-on le meilleur joueur du monde quand on est un petit garçon de la Réunion ? Jackson Richardson : Je n’ai jamais anticipé l’évolution de ma carrière, j’ai toujours vécu au jour le jour. Je ne rêvais pas d’être champion du monde ou champion olympique. Mon but était simplement d’aller toujours un petit peu plus haut. Aujourd’hui, je ne veux pas me laisser envahir par la nostalgie. Ma force est de sourire et de voir les autres sourire autour de moi. Cette carrière est quasi idéale. Y a-t-il des valeurs sur lesquelles vous n’avez jamais transigé ? J. R. : Le plus important, c’est le respect. Mon père me disait toujours que pour être respecté, il fallait respecter les autres. Ensuite, bien sûr, seul le travail peut payer. Pour arriver au sommet, il vous a donc fallu quitter la Réunion… J. R. : Quand on est habitué au cocon familial, la séparation est énorme. Et avec la nourriture et le climat, c’est difficile de trouver ses repères. On fait cette démarche parce qu’on VIVRE_DÉCEMBRE 2006_ 5 société L’invité A Marseille, j’allais voir les enfants cancéreux à l’hôpital. doit réussir pour soi, mais aussi pour sa famille. Si on rentre chez soi, on a l’impression d’avoir échoué. Mais quand on réussit, il y a une fierté pour notre petit « caillou ». encore plus. Ça ne me pèse pas parce que mon sport est encore mineur par rapport au foot ou au basket. Je vis le tiers de ce que vivent les stars de ces sports-là. Comment avez-vous habité votre rôle de capitaine de l’équipe de France, dont vous êtes devenu l’emblème ? J. R. : C’est un rôle collectif. Comme me disait mon grand-père, un groupe c’est comme une montre : s’il manque une petite vis, elle s’arrête. Donc tout le monde doit s’investir, donner son avis. Peut-être que le dernier arrivé qui est un peu à l’écart peut apporter quelque chose mais n’ose pas le dire par timidité. C’est tout un groupe qui gagne et qui perd. Pourquoi décide-t-on d’arrêter ? J. R. : La tête suit mais plus le corps. L’envie de se surpasser est toujours là mais le corps te fait comprendre qu’il faut ralentir, il y a une lumière rouge qui clignote ! Parfois, j’en rigole. Quand un ballon passe à deux centimètres de ma main, je me dis qu’avec deux ans de moins, je l’aurais eu. Comment vit-on avec le statut d’icône du hand français ? J. R. : Cette renommée, il faut la justifier. Faire TROIS ÉVÉNEMENTS QUI ONT MARQUÉ VOTRE VIE : LA NAISSANCE DE MES ENFANTS J’ai « raté » celle de mon fils de très peu parce que ma femme a accouché à Marseille et qu’à ce moment-là, j’étais en Allemagne. Mais je me souviens bien de celle de ma fille. LE DÉCÈS DE MON PÈRE Je parle souvent de lui. Je me suis accroché à quelque chose, à une croyance. Son corps est parti, mais son esprit est toujours là. Je fais toujours appel à lui pour recevoir cette force qu’il me donnait quand il était vivant. MA PREMIÈRE MÉDAILLE AVEC L’ÉQUIPE DE FRANCE C’était aux Jeux olympiques de Barcelone. La première fois pour cette équipe et le début de mon aventure. 6 _VIVRE_DÉCEMBRE 2006 Comment s’organise votre reconversion ? J. R. : Le projet est d’ouvrir une agence de transaction de fonds de commerce à la Réunion. Mais, tout en mettant cela en place, je vais rester à Chambéry encore quelques années pour travailler au sein du club. Je ne veux pas couper les ponts tout de suite avec le hand. Ça permettra d’éteindre la flamme petit à petit… Avez-vous déjà eu l’occasion de mettre votre notoriété au service d’associations caritatives ? J. R. : Souvent. Je me souviens qu’à Marseille, j’allais voir les enfants malades du cancer à l’hôpital. Je faisais le père Noël. Ils ont peutêtre trouvé un peu bizarre de voir un père Noël rasta ! J’espère que je ne les ai pas déboussolés… On m’a déjà proposé d’être parrain mais ce n’est pas ce qui m’importe le plus. Quand je vais quelque part, c’est juste que je sens que c’est mon devoir. Et ce n’est pas le handballeur qui vient dans ces occasions-là. C’est l’être humain. Quand vous rentrez à la Réunion, vous retrouvez des amis d’enfance dans des situations moins enviables que la vôtre. J. R. : Certains de ceux avec qui j’allais à l’école sont devenus SDF. Mais pour moi, ce sont les BIOGRAPHIE : • 1969 : naissance à Saint-Pierre-de-laRéunion. C’est avec son frère Charlette qu’il découvre le handball. • 1988 : départ pour la Métropole et le bataillon de Joinville, avant de signer un an plus tard au club de ParisAsnières. • 1992 : médaillé de bronze avec l’équipe de France aux Jeux olympiques de Barcelone. • 1995 : élu meilleur joueur du monde, l’année du premier des deux titres mondiaux de l’équipe de France. • 2005 : prend sa retraite internationale mais continue sa carrière en club, à Chambéry. mêmes personnes. J’essaie de leur tendre la main, de leur donner une petite étincelle qui peut devenir une flamme. Qu’avez-vous retenu de vos échanges avec les enfants malades ? J. R. : Au début, quand on n’a pas l’habitude, ça surprend. Mais après, la maladie « passe à côté ». Ils n’ont pas envie que tu leur parles de ça, ils savent ce qu’ils ont, ils y pensent avant de s’endormir ! Ce qui les intéresse, c’est qu’on leur parle comme à n’importe qui d’autre. Avez-vous été confronté à la maladie dans votre entourage ? J. R. : Deux mois après avoir quitté la Réunion, j’ai appris qu’un de mes amis, avec qui j’avais joué tous les jours pendant cinq ans, était décédé d’un cancer généralisé. Il est parti alors qu’il était en pleine forme. Tout de suite, j’ai pensé à sa fille de cinq ans. Ça te fait réfléchir. Quand vous ne jouerez plus au handball, vous pourrez passer du temps avec vos enfants. J. R. : L’autre jour, ils me disaient qu’ils n’aimeraient pas que je retourne en équipe de France parce qu’ils me verraient moins. L’anniversaire de mon fils tombait souvent en pleine compétition internationale. Quand je l’appelais pour lui souhaiter, il me disait que je n’étais jamais là. Il grandissait et il commençait à comprendre les choses. UN PERSONNAGE QUE VOUS ADMIREZ : Mohammed Ali. Pour ce qu’il a fait en tant que sportif et en tant qu’homme. Le voir vivre avec sa maladie (Parkinson) et toujours se battre. VIVRE_DÉCEMBRE 2006_ 7