L`accès au statut cadre des sortants de la “ génération 92 ”
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L`accès au statut cadre des sortants de la “ génération 92 ”
L’accès au statut cadre des sortants de la “ génération 92 ” Avec l’essor rapide de l’enseignement supérieur, les conditions d’accès des jeunes aux emplois de cadres ont été bouleversées. Des craintes de déclassement se sont faites jour, compensées par l’espoir que les promotions sociales seraient facilitées par l’élévation du niveau d’études. La première partie de cette étude montre que le déclassement redouté n’a pas eu lieu. La formation des jeunes et leur origine sociale conditionnent encore en grande partie leur probabilité d’accès au statut cadre. Mais cette probabilité dépend également des caractéristiques de l’entreprise d’accueil. En revanche, la trajectoire des futurs cadres est surtout déterminée par la profession qu’ils visent. Les trajectoires des ingénieurs, des cadres administratifs et commerciaux et des professeurs sont bien distinctes. Le parcours des futurs cadres varie en fonction de leur formation et de l’entreprise d’accueil, mais cela s’explique avant tout par les débouchés professionnels que visent les formations et par les catégories de cadres recrutées par les entreprises. 1. La formation et l’origine sociale conditionnent largement l’accès au statut cadre 1.1. L’enseignement supérieur long reste la principale clé d’accès au statut cadre Seize pour cent de la génération sortie du système éducatif en 1992 a accédé au statut cadre en 1997 (voir définition de ce statut ci contre). Cela représente 64 000 jeunes sur un total de 404 000 jeunes en emploi dans l’enquête «Génération 92» qui couvre plus de 80 % des sorties du système éducatif. La proportion de cadres est bien sûr très variable selon le niveau de formation. Les jeunes qui entrent directement dans la vie active après des études secondaires ont peu de chances d’accéder à un emploi de cadre, même après cinq années de cheminement professionnel. La proportion de cadres commence à augmenter dès que les jeunes sont passés par l’enseignement supérieur. Elle est assez faible (7 %) chez les sortants de 1er cycle sans diplôme. Elle est un peu plus élevée chez les diplômés de niveau Bac+2 (11 %), même si ces formations ne visent pas le statut cadre en début de vie active. A ce niveau, ce sont les titulaires de DEUG qui accèdent le plus Les «cadres et professions intellectuelles» Cette catégorie, définie selon la nomenclature PCS, comporte les professions suivantes : - professions libérales ; - professions de l’information et des spectacles ; - cadres A de la Fonction publique ; - professeurs du primaire, du secondaire et du supérieur, chercheurs de la recherche publique ; - cadres administratifs et commerciaux des entreprises ; - ingénieurs et cadres techniques des entreprises. souvent au statut cadre grâce à des reprises d’études qui leur ouvrent les portes de l’enseignement. L’enseignement supérieur long constitue la voie d’accès la plus courante aux postes de cadres. Dès la sortie des seconds cycles universitaires, la majorité des sortants accède au statut cadre après cinq ans de vie active. Il s’agit en grande partie de postes d’enseignants : parmi les 59 % d’étudiants devenus cadres après un second cycle universitaire, plus des deux tiers sont professeurs. A l’issue des troisièmes cycles, la proportion de cadres augmente encore, particulièrement chez les diplômés en sciences et techniques (82 %). Ces derniers se 1 partagent pour moitié entre les postes de professeurs et ceux d’ingénieurs en entreprise. Les troisièmes cycles en sciences humaines et sociales mènent moins souvent à l’enseignement et ne visent pas les emplois d’ingénieurs. Leurs diplômés ont un peu plus de difficultés à accéder au statut cadre, même si 70 % y parviennent. Ceux qui n’enseignent pas deviennent cadre administratif et commercial, plus rarement cadre de la Fonction publique ou profession libérale. Les diplômes des écoles d’ingénieurs constituent la voie d’accès la plus sûre à une profession de cadre. A l’issue de ces formations, 9 diplômés sur 10 deviennent cadres et 70 % des sortants sont (41 %). L’effet des reprises d’études varie selon le niveau initial des étudiants. Il est net chez les diplômés de 1er et second cycle, les reprises d’études leur permettant d’accéder à l’enseignement via les Instituts universitaires de formation des maîtres (IUFM). Grâce aux postes d’enseignants, la proportion de cadres après les reprises d’études monte à 17 % parmi les diplômés de 1er cycle et à 73 % parmi les diplômés de second cycle. Les reprises d’études sont rares à l’issue des troisièmes cycles et des grandes écoles et elles n’ont pas d’effet sur le niveau des emplois occupés. Elles aboutissent à la substitution de postes d’enseignants à des postes de cadres d’entreprise. Emploi final selon la formation Profession Pr. libér. en 97 info., Niveau de spect. Formation % Sans diplôme 0,5 CAP-BEP 0,2 Baccalauréat 0,9 Bac+2 Agricole 0,0 diplômés Général 2,7 Industrie 0,4 Tertiaire 0,5 Ensemble 0,7 2ème cycle Sc. et techn. 0,7 diplômés Sc. hum. et soc. 3,7 Ensemble 3,1 3ème cycle Sc. et techn. 2,5 diplômés Sc. hum. et soc. 7,6 Ensemble 5,8 Dip. grandes Commerce 0,4 écoles Ingénieurs 0,5 Ensemble 0,5 Ensemble 1,1 Cadre Prof., Fct. pr. scienpubliq. tifique % % 0,1 0,0 0,1 0,0 0,6 0,4 0,0 1,3 1,4 19,1 0,5 2,6 0,8 1,2 0,7 3,7 1,3 51,7 4,5 40,5 3,9 42,7 3,4 37,7 10,3 18,7 7,9 25,1 2,1 3,4 3,6 7,9 2,9 5,9 1,2 6,0 Cadre admin. et com. % 0,2 0,2 1,2 2,2 2,4 0,9 3,9 2,8 1,4 6,3 5,4 4,6 21,3 15,7 42,9 7,8 23,3 3,3 effectivement ingénieurs. Les diplômes des écoles de commerce ont des emplois parfois moins qualifiés, seulement 60 % devenant cadres, le plus souvent avec des fonctions administratives et commerciales. L’hétérogénéité des écoles de commerce et la concurrence des universités de gestion expliquent ce résultat en demi teinte. La situation s’est améliorée récemment grâce à la disparition des écoles les moins reconnues. La formation conditionne donc largement l’accès au statut cadre mais elle ne se déroule par toujours de façon linéaire. Le diplôme pris en compte ici a été obtenu au plus tard en 1992, juste avant la première entrée dans la vie active. Une partie des jeunes reprend ensuite ses études, accédant à des niveaux d’emplois souvent plus élevés que lors de leur première entrée sur le marché du travail. Ce phénomène est marqué chez les sortants de 1er cycle sans diplôme dont 30 % reprennent des études et chez les sortants de second cycle 2 Ingén. cadre techn. % 0,2 0,2 0,5 0,5 4,6 4,5 2,4 3,1 7,0 3,1 3,9 33,6 12,0 19,3 11,5 69,9 44,2 4,2 Total cadres % 1,1 0,7 3,7 4,0 30,1 9,0 8,7 11,1 62,2 58,2 58,9 81,7 69,8 73,8 60,3 89,6 76,7 15,8 Indé- Pr. interpendant médiaire Employé % % % 2,7 5,4 31,9 3,5 6,3 35,5 3,8 21,1 44,8 26,6 41,8 7,9 2,5 37,9 24,2 1,4 59,1 10,5 1,8 38,5 48,3 3,1 44,4 32,6 1,3 29,9 3,5 1,1 26,7 13,1 1,2 27,3 11,2 1,2 13,0 3,0 1,6 21,3 7,0 1,5 18,5 5,6 5,5 25,1 8,2 0,8 8,5 1,0 2,8 15,8 4,2 3,1 18,9 31,9 Ouvrier % 58,9 54,1 26,7 19,8 5,3 20,0 2,6 8,8 3,1 1,0 1,4 1,0 0,2 0,5 0,9 0,1 0,4 30,3 Total non cadres Total % % 98,9 100,0 99,3 100,0 96,3 100,0 96,0 100,0 69,9 100,0 91,0 100,0 91,3 100,0 88,9 100,0 37,8 100,0 41,8 100,0 41,1 100,0 18,3 100,0 30,2 100,0 26,2 100,0 39,7 100,0 10,4 100,0 23,3 100,0 84,2 100,0 Source : Céreq Au total, si l’on prend en compte le diplôme possédé en 1992, les jeunes ayant accédé au statut cadre en 1997 proviennent essentiellement de second cycle universitaire (31 %), de troisième cycle (28 %) et des grandes écoles (23 %). Seulement 11 % des jeunes cadres sont diplômés de 1er cycle, 5 % sont bacheliers, 3 % ont un niveau d’études inférieur au Baccalauréat. Mais l’origine scolaire diffère selon les fonctions des cadres. Une fraction des jeunes cadres administratifs et commerciaux ne possède pas de diplôme supérieur (12 %). C’est beaucoup plus rare chez les jeunes ingénieurs dont seulement 5 % sortent de l’enseignement secondaire. Les jeunes professeurs sortent tous pour leur part de l’enseignement supérieur du fait de leur recrutement par concours. Evolution de l’insertion et de la part de cadres à l’issue de l’enseignement supérieur long Ces dernières années les diplômés de second cycle universitaire ont des difficultés à accéder au statut cadre car les recrutements d’enseignants stagnent. Leur insertion évolue peu depuis 1997. Près de 30 % des diplômés de second cycle ont un emploi temporaire après trois ans de vie active. Les diplômés des troisièmes cycles universitaires et des grandes écoles ont connu des difficultés à accéder à l’emploi au début des années 90, à l’instar des autres diplômés. Mais depuis 1997, ils profitent plus de la reprise que les sortants des premiers et seconds cycles. Leur accès à l’emploi est facilité par l’essor des recrutements de cadres dans le secteur privé. Les dernières cohortes de diplômés des écoles d’ingénieurs et de commerce reconnues s’insèrent très favorablement. Presque tous ces diplômés ont un emploi stable et bien rémunéré. La situation des sortants des troisièmes cycles universitaires s’est également améliorée mais dans une moindre mesure. universitaires malgré la hausse des sorties de l’enseignement supérieur. Les diplômés des seconds cycles s’insèrent plutôt moins bien. Les titulaires d’un diplôme de niveau bac+2 à bac+4 restent globalement favorisés en termes d’insertion par rapport aux sortants de l’enseignement secondaire. Part de cadres, trois ans après la fin des études 100% Ecole d'ingénieurs 90% 80% 3° cycle 70% Ecole commerce reconnue 60% 50% 2° cycle 40% Depuis la fin des années 80, les conditions d’insertion se donc maintenues pour les diplômés des grandes écoles et des troisièmes cycles 1.2. L’origine sociale influe sur l’accès au statut cadre du fait notamment de son impact sur les études Parmi les sortants de 1992, le niveau d’études dépendait largement de l’origine sociale et cette tendance ne s’est pas démentie depuis, malgré l’essor de l’enseignement supérieur. Dans la «génération 92», 16 % des jeunes sont entrés sur le marché du travail avec un diplôme de l’enseignement supérieur long. Parmi les enfants dont le père est cadre, cette proportion monte à 42 % alors qu’elle n’atteint que 6 % parmi les enfants d’ouvriers. L’accès aux postes de cadres étant lié au niveau d’études, les enfants de cadres accèdent plus souvent à ces postes. De plus, à niveau d’études égal, les enfants de cadres ont encore un Source : Céreq 30% 1987 1989 1991 1993 1995 1997 1999 léger avantage. A l’issue des seconds cycles universitaires, 65 % d’entre eux accèdent à un emploi de cadre ou à une profession intellectuelle, soit un peu plus que la moyenne (60 %). Parmi les enfants d’ouvriers, seule la moitié deviennent cadres à l’issue des second cycles. Si l’origine sociale a une nette influence sur le niveau des emplois, le sexe en a moins. Parmi la génération interrogée, 15,5 % des femmes et 16 % des hommes ont accédé à un emploi de niveau cadre. Les femmes deviennent plus souvent enseignantes, les hommes plus fréquemment ingénieurs. La proportion de cadres administratifs et commerciaux est en revanche proche parmi les deux sexes. Les formations qui mènent à ces emplois (économie, commerce et gestion) ne sont d’ailleurs par Sortants de 1992 selon la formation et l'origine sociale Cs du père Formation 1 Sans diplôme 2 Niveau CAP-BEP 3 Niveau Bac 4 Diplôme Bac+2 5 Diplôme 2° cycle 6 Diplôme 3° cycle 7 Grandes écoles Total Indépendant % 12,2 29,6 28,2 15,4 6,1 4,2 4,3 100,0 Cadre % 4,7 10,5 26,3 16,2 14,0 15,5 12,8 100,0 Pr. interm. % 10,7 21,4 28,4 18,5 10,0 6,4 4,6 100,0 Employé % 14,3 31,9 29,2 13,9 6,4 2,5 1,7 100,0 Ouvrier % 21,5 38,2 24,6 9,2 3,8 1,7 0,9 100,0 Total % 14,4 29,0 26,9 13,5 7,1 5,1 4,0 100,0 Source : Céreq 3 très typées selon le sexe. L’accès des hommes et des femmes au statut cadre diffère selon le niveau de formation. A l’issue des seconds cycles universitaires, les femmes accèdent un peu plus souvent que les hommes à cette catégorie grâce à l’enseignement. A l’issue des troisièmes cycles et des grandes écoles, les hommes sont en revanche plus souvent cadres grâce aux recrutements d’ingénieurs. 2. Le niveau des emplois varie également selon l’entreprise d’embauche 2.1. Les établissements tertiaires recrutent plus souvent les jeunes au niveau cadre Tous les secteurs d’activité économique n’ont pas les mêmes besoins en matière de qualification. La nature de leur activité explique probablement en partie leurs différences. Par ailleurs, les jeunes ne se dirigent pas indifféremment vers un secteur ou vers un autre, cela dépend notamment de leur formation. Du comportement des jeunes et des entreprises résultent des niveaux de qualification assez différents selon le secteur d’embauche. Les jeunes qui entrent dans un établissement industriel sont globalement embauchés à des niveaux hiérarchiques moins élevés que dans le secteur tertiaire. Dans l’industrie, seuls 9 % des sortants de la génération 92 sont devenus cadres en 1997 et 15 % occupent une profession intermédiaire. Dans le secteur tertiaire ces proportions passent respectivement à 19 % et 21 %. Cela provient notamment du niveau de formation plus faible des jeunes recrutés dans l’industrie. Dans le secteur tertiaire, l’éducation recrute de nombreux enseignants et cela explique en partie la proportion élevée de jeunes cadres. Mais beaucoup d’autres secteurs d’activité tertiaires embauchent les jeunes à des niveaux de qualification élevés. Le quart des jeunes recrutés par les banques et les assurances sont devenus cadres, souvent avec des fonctions administratives et commerciales. Les postes et télécommunications ont également recruté une proportion non négligeable de cadres (19 %) ainsi que le conseil et l’assistance aux entreprises (41 %). La majorité des jeunes cadres recrutés sont des ingénieurs. Les unités de recherche et développement embauchent beaucoup de jeunes au niveau cadre (61 %), soit comme ingénieurs dans les entreprises, soit comme chercheurs dans le secteur public. La culture et le sport recrutent une proportion non négligeable de jeunes sur des professions intellectuelles (23 %), avec des profils particuliers (notamment des professions 4 de l’information et des spectacles). Le niveau d’études élevé des jeunes embauchés dans l’ensemble de ces secteurs explique en partie leur accès au statut cadre. Mais si l’on neutralise l’effet du niveau d’études en se focalisant sur les recrutements de diplômés de l’enseignement supérieur long, les secteurs du conseil, de l’assistance, de la recherche et développement et de l’éducation confirment leur propension à recruter des cadres et professions intellectuelles. Dans l’industrie, seuls deux secteurs recrutent une proportion de cadres légèrement supérieure à la moyenne, les industries électriques et électroniques (18 %) et l’énergie (20 %). Le contenu technologique de ces secteurs explique probablement leur niveau d’embauche relativement élevé. Si la proportion de jeunes recrutés comme cadres dans l’industrie est basse, c’est parce que ce secteur embauche les jeunes à des niveaux d’étude plus modestes. Les diplômés de l’enseignement supérieur long qui sont embauchés dans l’industrie accèdent pour leur part à des niveaux d’emplois très corrects. Les industries électriques et le secteur de l’énergie sont les secteurs qui fournissent aux diplômés de l’enseignement supérieur long les emplois les plus qualifiés dans l’industrie. Si le secteur tertiaire permet globalement aux Part de cadres parmi les sortants de 1992 selon le secteur d'activité en 1997 (%) Agric., IAA 4 15 Chimie pharm. plastiq. 10 Auto. métallurgie méca. 18 Ind.élec. électro-ménager 10 Textile bois papier impr. 20 Energie produits minéraux 5 Construction 6 Commerce Transports 4 23 Activités financ. immob. 19 Poste et télécom. 41 Conseil et assistance Hôtellerie-restauration Services divers 3 3 61 Recherche et dévelop. Culture, sport, assoc. 23 62 Education Administration publique Ensemble 16 16 Source : Céreq Etude du cheminement professionnel, méthodologie Part de cadres parmi les sortants selon la taille de l'entreprise en 1997 (%) 1-9 salariés 10-199 salariés 200 et plus 5 11 19 32 Secteur public Source : Céreq jeunes d’accéder à des emplois plus qualifiés, certaines activités font exception. Le commerce, les transports, l’hôtellerie et la restauration recrutent par exemple très peu de cadres parmi les jeunes (3 à 6 % seulement des débutants y deviennent cadres). Les diplômés de l’enseignement supérieur long ont également des difficultés à accéder aux postes de cadres dans ces secteurs. 2.2. Le niveau de qualification des jeunes est plus élevé dans les grandes entreprises Pour les jeunes sortant du système éducatif, il est plus fréquent d’obtenir un poste de cadre dans une grande entreprise. La proportion de jeunes cadres augmente en effet avec la taille de l’entreprise d’embauche. Le secteur public se trouve dans une situation particulière, sa proportion élevée de jeunes cadres s’expliquant encore une fois par le poids des recrutements d’enseignants. La faible proportion de jeunes devenant cadres dans les petites entreprises ne provient pas de leur niveau de formation. Les jeunes diplômés de l’enseignement supérieur long ont également des difficultés à devenir cadres dans les petites entreprises. Ces dernières n’ont probablement ni le temps ni les moyens de former du personnel très qualifié ; elles préfèrent recruter des cadres expérimentés. 3. Un cheminement parfois compliqué Cette partie vise à connaître le parcours professionnel des jeunes qui occupent un emploi de cadre en 1997. Il s’agit du parcours observé et non de données «toutes choses égales par ailleurs». Dans l’enquête «Génération 92», les emplois sont définis comme une période d’activité continue dans le même établissement. La profession prise en compte ici est la dernière dans l’établissement (semblable à la première dans 98 % des cas). Les jeunes n’ayant eu que des missions d’intérim sont exclus de cette étude car il n’a pas été possible de coder leur profession. Ils sont très peu nombreux, particulièrement lorsqu’il s’agit de jeunes de cadres. emploi de cadre ou une profession intellectuelle dès le premier emploi. Le fait de posséder un diplôme de l’enseignement supérieur long continue de garantir à une majorité de jeunes un accès relativement direct aux emplois de cadres. L’accès au professions intermédiaires est souvent moins rapide car il dépend plus de l’expérience professionnelle et moins du niveau d’études. Les postes de cadres se révèlent relativement stables, car les jeunes cadres ont eu moins de période d’emploi que les autres. Le tiers des jeunes cadres ont eu 3 emplois ou plus contre 43 % des jeunes salariés non cadres. Les débutants qui ont accédé au statut cadre de façon différée n’ont pratiquement jamais été promus dans l’établissement où ils se trouvaient. Presque tous ont dû changer d’établissement pour avoir une promotion. Parmi les jeunes devenus cadres en 1997, ceux qui ont changé plusieurs fois d’établissement avaient des niveau d’emplois plus faible en début de vie active. Seulement 47 % de ceux qui ont eu 3 emplois ou plus étaient par exemple déjà cadres au 1er emploi (voir graphique ci contre). Mais le cheminement qui mène aux postes de cadres dépend de la profession visée. L’accès à 3 professions est détaillé dans les pages suivantes : le Proportion de jeunes cadres en 1997 qui l'étaient déjà au 1er emploi (%) Toutes trajectoires 71 2 périodes d'emploi 60 3.1. Stabilité relative des postes de cadres Parmi les sortants de notre génération qui ont accédé au statut cadre en 1997, 71 % ont eu un 3 périodes d'emploi et plus 47 Source : Céreq 5 cheminement des futurs professeurs et chercheurs, celui des cadres administratifs et commerciaux et celui des ingénieurs et cadres techniques. Ces trois professions représentent 85 % des recrutements de jeunes cadres dans la cohorte observée. 3.2. Les professeurs sont relativement mobiles Les professeurs et scientifiques ont des trajectoires marquées par le concours d’accès à leur profession. Les professeurs de l’enseignement primaire et secondaire, qui constituent la grande majorité de cette catégorie, passent par les IUFM avant d’enseigner. Ils sont fonctionnaires stagiaires au cours de leur deuxième année d’IUFM. Il s’agit d’un emploi différent de celui qu’ils auront ensuite en tant que professeur titulaire. De ce fait, le nombre de périodes d’emploi des professeurs est supérieur à la moyenne bien que la grande majorité d’entre eux soit déjà professeur au 1er emploi (71 %, voir graphique ci dessous). La trajectoire suivie par ceux qui ont plus de 2 emplois est marquée par les difficultés à accéder à la profession visée. Si la moitié ont débuté comme professeurs, les autres ont souvent été employés (plus de 16 %), maîtres auxiliaires (plus de 14 %) ou ont eu une autre profession intermédiaire hors de l’enseignement (9 %). Au deuxième emploi, les deux tiers sont devenus professeurs mais 11 % sont encore maîtres auxiliaires et 9 % employés ou ouvriers. Les jeunes qui ont eu une trajectoire professionnelle lente, ceux qui n’ont accédé à un poste de cadre qu’après le deuxième emploi, représentent en tout 9 % des futurs professeurs. Accès à un poste de professeur ou à une profession intellectuelle 1er emploi Emploi en 1997 (74 % de cadres) Toutes Prof., pr. intellect. : 71 % trajectoires Autre cadre : 3 % Maître aux. : 9 % Professeur, pr. intellectuelle Autre pi : 6 % Employé, ouvrier : 10 % 1er emploi Emploi en 1997 (71 % de cadres) Trajectoire avec Prof., pr. intellect. : 67 % 2 emplois Autre cadre : 4 % (28 % du total) Maître aux. : 12 % Professeur, pr. intellectuelle Autre pi : 7 % Employé, ouvrier : 10 % 1er emploi 2è emploi (52 % de cadres) (74 % de cadres) Emploi en 1997 Prof., pr. intellect. : 47 % Autre cadre : 2 % Maître aux. : 7 % Trajectoire avec 3 emplois ou plus Prof., pr. intellect. : 69 % Autre pi : 5 % Employé, ouvrier : 8 % Autre cadre : 4 % Maître aux. : 7 % Maître aux. : 11 % ( 38 % du total) Employé, ouvrier : 2 % Piace et autres pi : 4 % Piace et autres pi : 7 % Employé, ouvrier : 6 % Employé, ouvrier : 9 % Professeur, pr. intellectuelle Source : Céreq 6 3.3. Les jeunes ingénieurs changent assez rarement d’emploi Parmi les cadres du secteur privé, le cheminement des jeunes ingénieurs se distingue assez nettement de celui des cadres administratifs et commerciaux. Les trois quarts des futurs ingénieurs étaient cadres dès leur premier emploi, déjà ingénieurs pour la plupart. Le nombre de périodes d’emplois des jeunes ingénieurs est globalement inférieur à celui des cadres administratifs et commerciaux et des professeurs. 42 % des futurs ingénieurs n’ont eu qu’un seul emploi en cinq ans. Les jeunes ingénieurs qui ont eu plusieurs emplois ont des trajectoires assez différentes des autres. Parmi les ingénieurs qui ont eu 2 emplois, la moitié n’a pas débuté comme ingénieur. 12 % ont d’abord été professeurs ou cadre commerciaux, 15 % ont été techniciens et 10 % ont débuté comme employé ou ouvrier. Les jeunes ingénieurs qui ont eu trois emplois et plus sont relativement Accès à un poste d'ingénieur ou de cadre technique d'entreprise 1er emploi Emploi en 1997 (75 % de cadres) Ingénieur : 67 % Toutes Autre cadre : 8 % trajectoires Techn., agent maît. : 8 % Autre pi : 7 % Ingénieur et cadre technique Employé : 5 % Ouvrier : 5 % 1er emploi Emploi en 1997 (65 % de cadres) Trajectoire avec Ingénieur : 53 % 2 emplois Autre cadre : 12 % (34 % du total) Techn., agent maît. : 15 % Autre pi : 11 % Ingénieur et cadre technique Employé : 6 % Ouvrier : 4 % 1er emploi 2è emploi (45 % de cadres) (57 % de cadres) Emploi en 1997 Ingénieur : 24 % Autre cadre : 7 % Techn., agent maît. : 4 % Ingénieur et cadre techn. : 44 % Employé, ouvrier : 7 % Ingénieur : 5 % Autre cadre : 13 % (dont Trajectoire avec 3 emplois ou plus Prof., pr. intellect. : 5 % cad, admin. et com. : 5 %) ( 24 % du total) Techn., agent maît. : 5 % Techn., Employé, ouvrier : 4 % agent maît. : 11 % Piace : 6 % Piace : 10 % Ingénieur et cadre technique Employé, ouvrier : 4% Employé, ouvrier : 3 % Autre pi : 6 % Employé : 6 % Employé : 8 % Ouvrier : 4 % Ouvrier : 7 % Source : Céreq 7 peu nombreux (24 %), mais ils ont souvent eu des trajectoires compliquées. La majorité d’entre eux n’ont pas accédé au statut cadre lors de leur premier emploi. Si 30 % ont eu un premier emploi d’ingénieur, une proportion presque équivalente a débuté comme ouvrier ou employé. Parmi les jeunes ingénieurs, ceux qui n’ont accédé à un poste de cadre qu’après le deuxième emploi représentent environ 10 % du total. C’est bien sûr pour eux que l’insertion a été la plus difficile alors que la majeure partie des jeunes ingénieurs a connu une trajectoire sans anicroche. 3.4. Accès différé aux postes de cadres administratifs et commerciaux Contrairement aux jeunes ingénieurs, une proportion importante des jeunes cadres administratifs et commerciaux (40 %) n’a pas débuté comme cadre. Leur carrière a commencé par une profession intermédiaire administrative et commerciale ou par un poste d’employé. Chez les jeunes cadres administratifs et commerciaux, plus du tiers ont d’ailleurs eu des trajectoires relativement longues (3 emplois et plus). Accès à un poste de cadre administratif et commercial d'entreprise 1er emploi Emploi en 1997 (60 % de cadres) Cad. admin. et com. : 51 % Toutes Ingénieur : 5 % trajectoires Autre cadre : 4 % Piace : 14 % Cadre admin. et commercial Autre pi : 5 % Employé, ouvrier : 17 % 1er emploi Emploi en 1997 (40 % de cadres) Trajectoire avec Cad. admin. et com. : 26 % 2 emplois Ingénieur : 9 % (28 % du total) Autre cadre : 5 % Piace : 28 % Cadre admin. et commercial Autre pi : 7 % Employé, ouvrier : 25 % 1er emploi 2è emploi (37 % de cadres) (45 % de cadres) Emploi en 1997 Indépendant : 3 % Cad, admin. et com. : 17 % Ingénieur : 2 % Piace : 5 % Trajectoire avec 3 emplois ou plus ( 37 % du total) Cadre admin. et commercial : 29 % Employé, ouvrier : 4 % Ingénieur : 4 % Ingénieur : 10 % Cad. admin. et com. : 3 % Cadre admin. et commercial Autre cadre : 7 % Piace : 7 % Piace : 20 % Employé, ouvrier : 11% Autre pi : 6 % Employé, ouvrier : 19 % Employé, ouvrier : 25 % Source : Céreq 8 Parmi ceux qui ont eu deux emplois, seul le quart étaient déjà cadre administratif et commercial à ses débuts. La première profession n’était souvent pas sans lien avec la dernière puisque 28 % ont eu une profession intermédiaire administrative et commerciale. Les autres ont souvent été employés, voire ouvrier. Parmi les jeunes cadres administratifs commerciaux qui ont eu 3 emplois, seulement 20 % occupaient la même profession à leurs débuts. Près de 40 % ont débuté comme employé ou ouvrier, ce qui constitue une proportion élevée. Si ces jeunes ont souvent eu une trajectoire heurtée, certains d’entre eux sont devenus cadre grâce à des mobilités successives alors qu’ils n’avaient qu’un niveau d’études secondaire. Les autres ont subi quelques désillusions après des études supérieures qui leur avaient laissé entrevoir une carrière plus rapide. Au total, 19 % des jeunes cadres administratifs et commerciaux ont connu une trajectoire ascensionnelle longue, n’accédant au statut cadre qu’après le deuxième emploi. Cette proportion est nettement plus élevée que chez les jeunes professeurs et ingénieurs. 3.5. Trajectoires types Deux caractéristiques fortes du cheminement des jeunes cadres se dégagent donc à travers cette analyse. Le nombre d’emplois qu’ils ont occupé renseigne en partie sur leur trajectoire mais le rang de leur premier emploi de cadre revêt une importance particulière. Ce rang permet de distinguer les trajectoires au cours desquelles la mobilité a été forte mais l’accès au statut cadre immédiat, des trajectoires longues ou plusieurs emplois ont été nécessaires pour accéder au statut cadre. Cette typologie fait apparaître certaines similarités entre les futurs ingénieurs et professeurs. Près des trois quarts accèdent directement au statut cadre. Toutefois les ingénieurs changent moins souvent de poste en début de carrière que les professeurs. Les cadres administratifs et commerciaux se distinguent par un cheminement moins rapide, une frange importante de cette population ne devenant cadre qu’après le deuxième emploi. Les cadres de la Fonction publique accèdent massivement à leur profession par concours dès le premier emploi, la moitié d’entre eux n’ayant eu qu’un seul emploi entre 1992 et 1997. Trajectoires d'accès aux emplois de cadres (en %) Pr. libérale, info., spectacle 38 Cadre Fct. publique Professeur, scientifique Cadre admin. et commercial 46 32 Cadre directement, 1 emploi 12 13 10 11 14 18 Cadre directement, plus de 2 emp. Cadre au 2è emploi, 2 emplois 11 9 9 17 19 11 22 37 14 17 21 42 Cadre directement, 2 emplois 15 21 35 Ingénieur, cadre technique Ensemble des jeunes cadres en 1997 16 16 12 12 Cadre au 2è emp., plus de 2 emp. 10 12 Cadre après le 2è emploi Source : Céreq 9 Les professions libérales et culturelles ne semblent pas présenter de particularités fortes par rapport à la moyenne des cadres en matière de cheminement. Mais cette catégorie est composée de populations au comportement assez disparate que l’échantillon de l’enquête ne permet pas d’observer. 3.6. Les diplômés et les enfants de cadres ont des trajectoires plus directes Moins de la moitié des diplômés de DEUG, DUT ou BTS ayant accédé a un poste de cadre, étaient déjà cadres lors de leur premier emploi. Ils n’ont souvent obtenu ce statut qu’au deuxième ou au troisième emploi. Mais dès qu’ils ont obtenu un poste de cadre, leur mobilité s’est arrêtée. Chez les diplômés de 1er cycle, l’accès à un poste de cadre représente une étape importante dans la carrière et un emploi qu’il faut impérativement conserver. Les diplômés des seconds cycles universitaires devenus cadres ont la trajectoire type des futurs professeurs. Il est vrai qu’il s’agit du principal débouché à ce niveau. S’ils accèdent souvent dès le premier emploi au statut cadre, ils ont ensuite d’autres emplois qui correspondent à leurs postes successifs. Les diplômés de troisième cycle et des écoles d’ingénieurs ont un faible nombre d’emplois. Ils deviennent très souvent cadres dès leurs débuts. Les diplômés des écoles de commerce ont, pour leur part, la trajectoire traditionnelle des jeunes cadres administratifs et commerciaux, marquée par un accès souvent différé au statut cadre. Les hommes et les femmes ne se différencient pas significativement en matière d’accès aux postes de cadres. En revanche, des différences apparaissent selon l’origine sociale. Les enfants de cadres se distinguent. Ils deviennent plus souvent cadres dès le premier emploi et sont moins mobiles. A l’opposé, les enfants d’ouvriers accèdent plus rarement aux 10 postes de cadres dès le premier emploi. Les différences de trajectoire selon l’origine sociale restent cependant mesurées. 3.7. Une ascension plus rapide dans l’industrie et les grands établissements Les caractéristiques de l’entreprise où les futurs cadres ont débuté influent sur la trajectoire ultérieure. La chimie, la métallurgie et les industries électriques embauchent les jeunes directement comme cadres dès leur sortie du système éducatif et les gardent durablement pour la moitié d’entre eux. Le secteur du conseil et de l’assistance aux entreprises recrute aussi une bonne partie de ses jeunes cadres parmi les débutants. L’accès rapide et durable aux postes de cadres dans ces secteurs est lié à l’embauche de jeunes ingénieurs, profession dont l’insertion est souvent rapide. L’éducation et l’administration publique recrutent leur personnel par concours. L’accès au statut cadre y est donc souvent immédiat mais le nombre d’emplois relativement élevé en début de vie active, à l’image de la trajectoire des professeurs. Les entreprises du commerce recrutent peu de jeunes cadres. Elles n’accordent souvent le statut cadre aux jeunes qu’après le premier emploi. Les jeunes deviennent alors cadres administratifs et commerciaux. Leur trajectoire relativement lente est conforme à la norme de cette profession. Le devenir des futurs cadres dépend également de la taille de l’établissement d’accueil. Plus l’entreprise de leurs débuts est grande, plus leur ascension est rapide. La moitié des futurs cadres embauchés dans une entreprise de plus de 200 salariés sont cadres dès leur premier emploi et n’ont qu’un emploi. Dans les entreprises de moins de 10 salariés, seul le quart des futurs cadres ont une trajectoire aussi directe. Daniel Martinelli, Céreq, septembre 2000