Consommation et aide au prochain

Transcription

Consommation et aide au prochain
Consommation et
Aide au prochain
Une approche chrétienne de la
consommation
Depuis 1987, les AFC sont Association nationale agréée de défense des consommateurs, telle que définie par le Code de la Consommation1. Les responsables de
l'époque y voyaient plusieurs raisons fortes :
aider toutes les familles conformément au Code de la Famille2,
se conformer aux préceptes de l'Évangile et de l'Église en aidant son prochain,
développer les adhésions aux AFC3.
Aider localement les familles en difficulté économique ou juridique
Cette aide technique et fraternelle ne s'adresse pas seulement aux personnes fragiles ou démunies, mais
aussi aux familles, même aisées, en difficulté juridique, faibles face à des professionnels compétents. Elle
s'appuie sur les textes de lois et les Codes pour obtenir leur application4. Elle porte sur l'information préalable sur les règles existantes, la formation à la consommation, le conseil et l'aide pour traiter les litiges. Elle
relève d'abord des réseaux locaux des associations nationales agréées, qui sont proches des demandeurs.
S'inspirer des principes évangéliques d'amour et d'aide au prochain
Saint Jean Chrysostome commente les paraboles du « Bon Samaritain » et des « Talents ».
La morale de cette parabole du Bon Samaritain, « c'est que notre charité doit être universelle, qu'elle ne doit
pas s'étendre uniquement aux fidèles qui servent le Seigneur comme nous. Vous aussi faites comme le Samaritain. Si vous voyez un malheureux, n'en demandez pas davantage ; son malheur est un titre qui lui donne droit
à votre assistance. Si c'est un infidèle, c'est une raison de plus pour venir à son secours. S'il vous était permis
d'examiner qui il est, et de le juger, toutes vos réflexions pourraient être raisonnables; mais son malheur vous
ôte le droit de l'examiner » 5.
Et quant aux Talents, « celui qui a reçu de Dieu le don de science pour l’utilité des autres, et qui ne s’en sert
pas, le perdra entièrement. Au lieu que celui qui dispense sagement et avec soin ce qu’il sait, fera croître encore ce don que l’autre étouffe et détruit par sa paresse (car) Il fallait placer mon argent à la banque (Mt 25,
27), c'est-à-dire qu'il fallait parler, exhorter, conseiller »6.
1
Code de la Consommation L411-1 et R411-1 & sq
Code de l'action sociale et de la Famille L211-1
3
Les AFC sont des « Associations (laïques) catholiques » (dont l’action s’inspire et met en œuvre l'Enseignement Social de l'Église catholique)
de Familles, qui aident et accueillent toutes les familles et non des « Associations de familles catholiques ». Les statuts des AFC précisent toutefois ce à quoi s’engage une famille pour être membre active de l’AFC et peut « avoir la qualité de membre adhérent toute personne désireuse
de servir la famille suivant les principes de la doctrine catholique… ».
4
Code de la Consommation, Code monétaire et financier, Code des Postes et Télécommunications, etc.
5
Saint Jean Chrysostome, Homélie sur les Hébreux (10).
6
Commentaire patristique par saint Jean Chrysostome www.crypte.fr/evangiles/mt2514.
2
1
S'inspirer des principes de l'Enseignement Social de l'Église (ESE)7
De nombreux articles du Compendium de la Doctrine sociale de l’Église8 sont des guides importants et concrets de notre action d'aide à ceux qui sont faibles9.
Construire la civilisation de l'amour dans la société civile
Une communauté est solidement fondée lorsqu'elle tend à la promotion intégrale de la personne et du bien
commun ; dans ce cas, le droit est défini, respecté et vécu aussi selon les modalités de la solidarité et du dévouement au prochain. La justice exige que chacun puisse jouir de ses biens et de ses droits et elle peut être
considérée comme la mesure minimum de l'amour. La vie en société devient d'autant plus humaine qu'elle
est caractérisée par l'effort pour parvenir à une conscience plus mûre de l'idéal vers lequel elle doit tendre,
qui est la « civilisation de l'amour ». (391)
La finalité immédiate de la doctrine sociale est de proposer les principes et les valeurs qui peuvent soutenir
une société digne de l'homme. Parmi ces principes, celui de la solidarité comprend en une certaine mesure
tous les autres: il constitue « l'un des principes fondamentaux de la conception chrétienne de l'organisation
politique et sociale ». (580)
La société civile est un ensemble de relations et de ressources, culturelles et associatives, relativement autonomes par rapport au milieu politique et au milieu économique: « La fin10 de la société civile embrasse universellement tous les citoyens. Elle réside dans le bien commun, c'est-à-dire dans un bien auquel tous et chacun ont le droit de participer dans une mesure proportionnelle ». Elle est caractérisée par une capacité de
projet propre, qui tend à favoriser une vie sociale plus libre et plus juste, où différents groupes de citoyens
s'associent, en se mobilisant pour élaborer et exprimer leurs orientations, pour faire face à leurs besoins fondamentaux et pour défendre des intérêts légitimes. (417.2)
Les principes du bien commun et de la solidarité, la subsidiarité
Une société qui, à tous les niveaux, désire véritablement demeurer au service de l'être humain, est celle qui
se fixe le bien commun pour objectif prioritaire, dans la mesure où c'est un bien appartenant à tous les
hommes et à tout l'homme. La personne ne peut pas trouver sa propre réalisation uniquement en ellemême, c'est-à-dire indépendamment de son être « avec » et « pour » les autres. Cette vérité lui impose non
pas une simple vie en commun aux différents niveaux de la vie sociale et relationnelle, mais la recherche sans
trêve du bien sous forme pratique et pas seulement idéale, c'est-à-dire du sens et de la vérité qui se trouvent
dans les formes de vie sociale existantes. (165)
Le bien commun engage tous les membres de la société : aucun n'est exempté de collaborer, selon ses
propres capacités, à la réalisation et au développement de ce bien. Le bien commun exige d'être servi pleinement, non pas selon des visions réductrices subordonnées aux avantages partisans que l'on peut en retirer,
mais à partir d'une logique visant à prendre les responsabilités aussi largement que possible. Le bien commun découle des inclinations les plus élevées de l'homme, mais c'est un bien difficile à atteindre, car il requiert la capacité de réaliser le bien des autres comme si c'était le sien et de le rechercher constamment.
Tous ont aussi le droit de bénéficier des conditions de vie sociale qui résultent de la recherche du bien commun. (167)
7
Compendium de la Doctrine Sociale de l'Église. Le Compendium, lorsqu'il traite de la « Consommation », aborde le sujet de la consommation
(usage) des biens et services et, d'une manière générale, traite « de la tempérance, de la sobriété, sur le plan individuel et social » (486), et
éducatif (376). Il en découle un malentendu par rapport au sens public et juridique du terme, qui sur les bases juridiques, traite de la protection des personnes physiques qui sont « faibles » face à la puissance des professionnels.
Seuls quelques articles du Compendium ont été relevés, mais une lecture, rapide mais attentive, permettra au lecteur de découvrir lui-même
d'autres articles dans l'ensemble du texte, qui peuvent s'appliquer à cette action sociale qu'est la « consommation », domaine juridique et lieu
d'entraide. Y ajouter Caritas in Veritate (66).
8
www.vatican.va/archive/compendium_ccc/documents/archive_2005_compendium-ccc_fr.html
9
Les textes de ces pages sont extraits du Compendium (les références entre parenthèse renvoient aux paragraphes de cet ouvrage).
10
Le mot fin est ici employé au sens de « finalité ».
2
La solidarité est également une véritable vertu morale, et non pas « un sentiment de compassion vague ou
d'attendrissement superficiel pour les maux subis par tant de personnes proches ou lointaines. Au contraire,
c'est la détermination ferme et persévérante de travailler pour le bien commun; c'est-à-dire pour le bien de
tous et de chacun parce que tous nous sommes vraiment responsables de tous ». La solidarité s'élève au rang
de vertu sociale fondamentale parce qu'elle se situe dans la dimension de la justice, vertu orientée par excellence au bien commun et dans l'engagement à « se dépenser pour le bien du prochain en étant prêt, au sens
évangélique du terme, à “se perdre” pour l'autre au lieu de l'exploiter, et à “le servir” au lieu de l'opprimer à
son propre profit (cf. Mt 10, 40-42; 20, 25; Mc 10, 42-45; Lc 22, 25-27) ». (193.3)
Entre les vertus dans leur ensemble, et en particulier entre les vertus, les valeurs sociales et la charité, il
existe un lien très fort qui doit être toujours plus profondément reconnu. La charité, souvent réduite au domaine des relations de proximité, ou limitée aux seuls aspects subjectifs de l'agir pour l'autre, doit être reconsidérée selon sa valeur authentique de critère suprême et universel de l'éthique sociale tout entière.
Parmi toutes les voies, y compris celles recherchées et parcourues pour affronter les formes toujours nouvelles de l'actuelle question sociale, la « meilleure de toutes » (1 Co 12, 31) est la voie tracée par la charité.
(204)
Présente dès la première grande encyclique sociale, la subsidiarité figure parmi les directives les plus constantes et les plus caractéristiques de la doctrine sociale de l'Église. Il est impossible de promouvoir la dignité
de la personne si ce n'est en prenant soin de la famille, des groupes, des associations, des réalités territoriales locales, bref de toutes les expressions associatives de type économique, social, culturel, sportif, récréatif, professionnel, politique, auxquelles les personnes donnent spontanément vie. Tel est le cadre de la société civile, conçue comme l'ensemble des rapports entre individus et entre sociétés intermédiaires, les premiers à être instaurés et qui se réalisent grâce à « la personnalité créative du citoyen ». Le réseau de ces rapports irrigue le tissu social et constitue la base d'une véritable communauté de personnes, en rendant possible la reconnaissance de formes plus élevées de socialité. (185)
Le fidèle laïc
Les fidèles laïcs doivent fortifier leur vie spirituelle et morale, en faisant mûrir les compétences requises pour
l'accomplissement de leurs devoirs sociaux. L'approfondissement des motivations intérieures et l'acquisition
du style approprié à l'engagement dans le domaine social et politique sont le fruit d'un parcours dynamique
et permanent de formation, visant avant tout à réaliser une harmonie entre la vie, dans sa complexité, et la
foi. Dans l'expérience du croyant, en effet, « il ne peut y avoir deux vies parallèles: d'un côté, la vie qu'on
nomme “spirituelle” avec ses valeurs et ses exigences; et de l'autre, la vie dite “séculière”, c'est-à-dire la vie
de famille, de travail, de rapports sociaux, d'engagement politique, d'activités culturelles. (546)
La présence du fidèle laïc dans le domaine social est caractérisée par le service — signe et expression de la
charité — qui se manifeste dans la vie familiale, culturelle, professionnelle, économique, politique, sous des
angles spécifiques. En obtempérant aux diverses exigences de leur domaine d'engagement particulier, les fidèles laïcs expriment la vérité de leur foi et, en même temps, la vérité de la doctrine sociale de l'Église, qui
est pleinement réalisée lorsqu'elle est vécue en termes concrets afin de résoudre les problèmes sociaux. La
crédibilité même de la doctrine sociale réside en effet dans le témoignage des œuvres, avant même que dans
sa cohérence et dans sa logique internes. (551)
Parmi les domaines de l'engagement social des fidèles laïcs, se distingue avant tout le service rendu à la personne humaine : la promotion de la dignité de chaque personne, le bien le plus précieux que possède
l'homme, est « une tâche essentielle et même, en un certain sens, la tâche centrale et unifiante du service
que l'Église, et en elle les fidèles laïcs, est appelée à rendre à la famille des hommes ». (552). Les fidèles laïcs
doivent donc œuvrer simultanément pour la conversion des cœurs et pour l'amélioration des structures, en
tenant compte de la situation historique et en utilisant des moyens licites pour la création d'institutions au
sein desquelles la dignité de tous les hommes soit vraiment respectée et promue. (552.3)
3
Agir en chrétien pour être visible dans la Cité
Sur ces bases, reste à agir dans la Cité, à exercer la charité concrètement en tant qu’AFC (entre autres). Agir,
et sortir d'une « mentalité de catacombes », pour montrer les chrétiens dans leurs œuvres en suivant les injonctions du Pape François à aller aux périphéries. A la suite de ses prédécesseurs, il encourage ainsi les catholiques à témoigner dans la Cité, par leurs actions et par leur présence dans les instances publiques :
« Évangéliser, c'est témoigner en premier l'amour de Dieu, c'est dépasser nos égoïsmes, c'est servir en nous
inclinant pour laver les pieds de nos frères comme a fait Jésus... Allez, sans peur, pour servir, a-t-il conclu. En
suivant ces trois paroles, vous expérimenterez que celui qui évangélise est évangélisé, celui qui transmet la
joie de la foi, reçoit plus de joie »11.
L'Eglise souligne l'importance de la solidarité : « La solidarité est une exigence sociale naturelle. C'est le lien
qui unit les êtres humains entre eux dans un réseau de relations qui est devenu planétaire. Le lien peut se
rompre et des hommes et des femmes se retrouvent démunis, en difficulté, dans la solitude, la maladie, la
rupture. Pour répondre à ces besoins, des hommes et des femmes sont acteurs dans des organismes caritatifs,
confessionnels ou non. Ces personnes et ces organismes qui s'engagent résolument pour la défense des droits
de l'homme, pour le développement et contre la misère, pour la justice et la paix, œuvrent pour une culture de
vie. Les chrétiens n'ont certes pas le monopole de la solidarité, mais pour eux, la solidarité est la traduction de
l'exigence évangélique de l'amour du prochain »12.
En conclusion…
La défense des consommateurs, telle que les lois la définissent et la règlent, est un moyen de témoigner
et d'agir dans un domaine important de la vie quotidienne des familles, en les accueillant et en les aidant toutes. Constituer une équipe, trouver un local, se faire connaître, recevoir les demandeurs, les accueillir, les informer, constituent une action solidaire positive et un moyen d'être visible.
L'Évangile nous guide ; l'Église nous demande d'être ouverts au prochain, et nous conseille ; le SaintPère nous demande d'être visibles dans la Cité ; notre rôle d'association familiale nous est précisé par le
Code de l’action sociale et des familles (« défendre ses intérêts matériels ») ; il ne reste plus à chaque
AFC que de s'engager et d'agir.
La chose est facile. Les Talents existent dans chaque AFC, les aides techniques sont nombreuses et faciles d'accès13 ; il n'y faut qu'un peu de considération pour le prochain, même non catholique. Il n'y faut
que l'envie d'aider et accueillir toutes les familles…
Et quant aux compétences… « Qui, penses-tu, est compétent ? Personne n'est jamais compétent …
Compétent nous le devenons en acceptant les tâches qui nous sont confiées » (Père Joseph Wresinski
/ATD Quart monde).
11
http://www.eglise.catholique.fr/actualites-et-evenements/dossiers/jmj-2013-a-rio/pape-francois-aux-jeunes-allez-sans-peur-pour-servir-16977.html
12
http://www.eglise.catholique.fr/eglise-et-societe/solidarite/solidarite.html
13
Par exemple : le site de l'INC (www.conso.net), le site public, l'intranet AFC, les sites spécialisés, … et le Vademecum des antennes locales.
4