des personnages - Etonnants Classiques

Transcription

des personnages - Etonnants Classiques
I. Pourquoi étudier Jacques Damour
en classe de Seconde professionnelle ?
© Éditions Flammarion, 2010
Fiche pédagogique
Inscrire la nouvelle de Zola Jacques Damour au programme de Seconde
bac pro permet de faire lire à des élèves qui, pour la plupart, sont réfractaires à cette activité, un texte court et de compréhension facile.
La cinquantaine de pages que compte l’œuvre, riche d’une écriture
précise et d’une histoire pleine de rebondissements, tiendra les élèves en
haleine et permettra de traiter toutes les problématiques de l’objet d’étude
« Parcours de personnages ».
Le choix de ce texte peut a priori surprendre, dans la mesure où les
instructions officielles mettent l’accent sur le romantisme et le réalisme.
Cependant, rappelons que le naturalisme est né du réalisme et que certains
auteurs sont communs à ces deux mouvements qui cherchent à transposer
la réalité. « Le réaliste, s’il est un artiste, cherchera, non pas à nous montrer
la photographie banale de la vie, mais à nous en donner la vision plus
complète, plus saisissante, plus probante que la réalité même. […] Faire
vrai consiste donc à donner l’illusion complète du vrai, suivant la logique
ordinaire des faits, et non à les transcrire servilement dans le pêle-mêle de
leur succession. J’en conclus que les Réalistes de talent devraient s’appeler
plutôt des illusionnistes. […] Et l’écrivain n’a d’autre mission que de reproduire fidèlement cette illusion avec tous les procédés d’art qu’il a appris et
dont il peut disposer », écrit Guy de Maupassant dans Le Roman en 1888.
Zola propose une définition du roman naturaliste qui semble très
proche de ces visées : « Avec le roman naturaliste, le roman d’observation et
d’analyse, [l]e romancier invente […] encore ; il invente un plan, un drame ;
seulement, c’est un bout de drame, la première histoire venue, et que la vie
quotidienne lui fournit toujours. Puis, dans l’économie de l’œuvre, cela
n’a plus qu’une importance très mince. Les faits ne sont là que comme les
développements logiques des personnages. La grande affaire est de mettre
debout des créatures vivantes, jouant devant les lecteurs la comédie humaine
avec le plus de naturel possible. Tous les efforts de l’écrivain tendent à
cacher l’imaginaire sous le réel. »
En s’efforçant d’appliquer une méthode scientifique à la recherche de
création d’« illusion » de la réalité, les auteurs naturalistes poursuivent la
quête des réalistes.
Jacques Damour appartient aux deux mouvements grâce à l’écriture
réaliste précise de Zola et à la méthode naturaliste qu’il applique, consistant à trouver dans les personnages les marques du déterminisme.
Jacques Damour 2
III. Tableau synoptique de la séquence
Plongeant le lecteur dans le contexte historique de la Commune, ce récit
porte en lui les valeurs d’un personnage – et plus largement celles d’une
époque – épris de liberté et guidé par des aspirations révolutionnaires.
Le lecteur du XXIe siècle s’attachera à ce personnage touchant et suivra
sans doute son destin avec attention.
Séances
1
Les premières lignes de la
Un homme face à nouvelle
sa destinée
II. Les points du programme pris en charge
par la séquence
Les points du programme pris en charge par la séquence sont indiqués
en gras dans ce tableau recensant les instructions officielles pour l’objet
d’étude « Parcours de personnages » (ressources du ministère de l’Éducation
nationale).
Problématiques
Capacités
Connaissances
Attitudes
– Les héros
littéraires
d’hier sont-ils
les héros
d’aujourd’hui ?
– Analyser
comment un
personnage
se construit à
travers des mots,
des attributs,
des avatars.
Champ littéraire
– Périodes : le romantisme, le réalisme.
– Notions de personnage de roman,
de théâtre (réinvestissement des
lectures du théâtre du XVIIe siècle faites
au collège).
– Notions de héros et d’anti-héros.
– Être curieux
de connaître
d’autres
personnages,
d’autres
expériences,
d’autres
lieux,
d’autres
époques, à
travers des
œuvres de
fiction.
– Les valeurs
qu’incarne le
personnage
étudié sontelles celles de
l’auteur, celles
d’une époque ?
3 Jacques Damour
– Montrer
comment un
personnage
évolue depuis
son apparition
dans l’œuvre
jusqu’à la fin.
Champ linguistique :
– Lexique : vrai/ faux/ réel.
– Lexique du portrait physique et
moral, de l’action.
– Procédés de la désignation et de
la caractérisation.
– Expansions du nom.
– Connecteurs spatiaux et tempo– Rendre compte à rels.
l’oral et à l’écrit de – Énonciation dans le récit : point
de vue, discours rapportés.
ce qu’un personnage de fiction dit – Dénotation, connotation.
de la réalité.
Histoire des arts :
– Comprendre en Domaines artistiques : « arts du
quoi un person- langage », « arts du spectacle vivant »,
« arts du visuel ».
nage porte le
Thématique : « Arts, réalités, imagiprojet de son
naires ».
auteur.
– Analyser un début de nouvelle
– Dégager des horizons
d’attente
Début du chapitre I
Reconnaître les traits
naturalistes de l’écriture
3
Dans la
tourmente
de l’Histoire
– Chapitre I
– Dossier historique
– Fiche élèves n° 1
Relever les références à un
événement historique
4
Chapitre I
Un couple dans la
tourmente
– Revoir les types de discours
– Analyser les réactions des
personnages
5
Chapitres I, II et III
Un couple :
deux personnages
– Comparer deux portraits de
personnages
– Étudier l’évolution de ces
personnages au cours de la
nouvelle
7
Les retrouvailles
– Se laisser
interroger
par les
valeurs incarnées dans un
personnage.
Objectifs
2
Une famille
heureuse
6
Le portrait
– La nouvelle dans son
ensemble
– Fiche élèves n° 2
Réaliser un portrait à visée
descriptive et argumentative
Chapitre V
Rédiger un dialogue entre les
personnages
8
– La nouvelle dans son
Une nouvelle :
ensemble
des personnages – Fiche élèves n° 3
© Éditions Flammarion, 2010
– En quoi
l’histoire du
personnage
étudié, ses
aventures,
son évolution
aident-elles
le lecteur à se
construire ?
Supports
Présenter à l’oral son opinion
sur les personnages de la
nouvelle
9
Comparer les contextes sociaux
– La nouvelle dans son
Un personnage/ ensemble
économiques de personnages
des personnages – Extrait du Père Goriot
du XIXe siècle
– Extrait de Madame Bovary
– Extrait de À vau-l’eau
– Extrait des Misérables
Jacques Damour 4
IV. Déroulement de la séquence
Cet homme semble être un communard déporté à Nouméa, comme
nombre l’ont été. Sa vie a dû être brisée par ces événements. Il ne parvient
plus à avoir une vision claire de ses souvenirs ; il est animé d’une rage qui
les déforme : « Ce n’était pas une vision nette, des souvenirs où il se plaisait
et s’attendrissait, mais la sourde rumination d’une intelligence obscurcie, qui revenait d’elle-même à certains faits restés debout et précis, dans
l’écroulement du reste. »
Objectif de la séquence : étudier la construction d’un personnage à
travers sa participation à un contexte social et historique réel.
La nouvelle est assez courte pour qu’on puisse la faire lire au fil de
l’étude, ce qui permet de travailler réellement les horizons d’attente.
Bilan. Dans cet incipit très court, Zola présente au lecteur un personnage dont il donne peu de détails. Nous devinons son destin et ses blessures
par la mention de l’événement historique et grâce à l’atmosphère sombre
que créent les champs lexicaux dominants.
Nous comprenons que cet homme est au centre de la nouvelle.
Séance n 1 : un homme face à sa destinée
o
Objectifs ➜ Analyser un début de nouvelle.
➜ Dégager des horizons d’attente.
Travail préparatoire à la séance n° 2 : lire le chapitre I dans son intégralité.
➜ chapitre I, de « Là-bas à Nouméa » à « l’écroulement du
reste ».
1. Quelles indications nous permettent de situer le cadre spatio-temporel
de cette nouvelle ?
Un lieu : l’île de Nouméa, ancienne colonie pénitentiaire. Un événement historique : la Commune permet de situer l’histoire de cette nouvelle
après 1871.
2. Quels sont les champs lexicaux dominants ? Quelle atmosphère donnentils à ce début de nouvelle ?
Champ lexical de l’anéantissement : « vide de la mer », « les misères
du siège », « cet arrachement qui l’avait jeté si loin », « meurtri et comme
assommé », « dans l’écroulement du reste »…
Champ lexical de la rage : « les colères de la commune », « la sourde
rumination »…
Ces champs lexicaux donnent au début de cette nouvelle une atmosphère lourde et dramatique.
3. Que sait-on sur Jacques Damour ?
Presque rien, il se trouve à Nouméa contre son gré : « cet arrachement
qui l’avait jeté si loin ». Cette situation semble être liée à la Commune.
4. Que peut-on supposer sur sa vie ? Justifiez votre réponse à l’aide du
texte.
On peut supposer que son destin est lié à la Commune car il évoque son
histoire en référence à cet événement historique : « il croyait y voir parfois
toute son histoire, les misères du siège, les colères de la Commune […] ».
5 Jacques Damour
Séance no 2 : une famille heureuse
© Éditions Flammarion, 2010
Support
Objectif
➜ Reconnaître les traits naturalistes de l’écriture.
Support
➜ Chapitre I, de « À vingt-six ans, Jacques avait épousé Félicie »
à « pour des ouvriers qui avaient élevé deux enfants ».
1. Retrouvez les repères spatio-temporels de cet extrait.
En italique, nous indiquons les repères spatiaux ; en gras les repères
temporels.
« À vingt-six ans, Jacques avait épousé Félicie, une grande belle fille
de dix-huit ans, la nièce d’une fruitière de la Villette, qui lui louait une
chambre. Lui, était ciseleur sur métaux et gagnait jusqu’à des douze francs
par jour ; elle, avait d’abord été couturière ; mais, comme ils eurent tout
de suite un garçon, elle arriva bien juste à nourrir le petit et à soigner le
ménage. Eugène poussait gaillardement. Neuf ans plus tard, une fille vint
à son tour ; et celle-là, Louise, resta longtemps si chétive, qu’ils dépensèrent beaucoup en médecins et en drogues. Pourtant, le ménage n’était pas
malheureux. Damour faisait bien parfois le lundi ; seulement, il se montrait
raisonnable, allait se coucher, s’il avait trop bu, et retournait le lendemain
au travail, en se traitant lui-même de propre à rien. Dès l’âge de douze
ans, Eugène fut mis à l’étau. Le gamin savait à peine lire et écrire, qu’il
Jacques Damour 6
7 Jacques Damour
4. Cette peinture vous semble-t-elle proche de la réalité de l’époque ? Justifiez votre réponse.
Cette peinture semble proche de la réalité de l’époque car Zola donne
des indications très précises de temps et de lieu mais aussi des informations
sur les finances du couple : « ils possédaient plus de mille francs à la Caisse
d’épargne ».
5. Que pouvez-vous en conclure sur l’écriture de Zola ?
Zola cherche à décrire au plus près la réalité sociale de son temps à
travers ses personnages.
À l’oral, construire le bilan de cette séance avec les élèves, en repartant de l’extrait et de cette analyse de Zola sur l’écriture naturaliste : « Avec
le roman naturaliste, le roman d’observation et d’analyse, les conditions
changent aussitôt. Le romancier invente bien encore ; il invente un plan,
un drame ; seulement, c’est un bout de drame, la première histoire venue,
et que la vie quotidienne lui fournit toujours. Puis, dans l’économie de
l’œuvre, cela n’a plus qu’une importance très mince. Les faits ne sont là que
comme les développements logiques des personnages. La grande affaire
est de mettre debout des créatures vivantes, jouant devant les lecteurs la
comédie humaine avec le plus de naturel possible. Tous les efforts de l’écrivain tendent à cacher l’imaginaire sous le réel » (Émile Zola, Le Roman
expérimental, « Le sens du réel », 1878).
Bilan. Les personnages de la nouvelle sont le reflet d’une réalité sociale
du XIXe siècle. Ils représentent le monde ouvrier et Zola cherche à ancrer
son récit dans la réalité grâce à de nombreuses références qui l’évoquent :
il tend « à cacher l’imaginaire sous le réel ».
Séance no 3 : dans la tourmente de l’Histoire
© Éditions Flammarion, 2010
gagnait déjà sa vie. Félicie, très propre, menait la maison en femme adroite
et prudente, un peu « chienne » peut-être, disait le père, car elle leur servait
des légumes plus souvent que de la viande, pour mettre des sous de côté,
en cas de malheur. Ce fut leur meilleure époque. Ils habitaient, à Ménilmontant, rue des Envierges, un logement de trois pièces, la chambre du père
et de la mère, celle d’Eugène, et une salle à manger où ils avaient installé
les étaux, sans compter la cuisine et un cabinet pour Louise. C’était au fond
d’une cour, dans un petit bâtiment ; mais ils avaient tout de même de l’air,
car leurs fenêtres ouvraient sur un chantier de démolitions, où, du matin au
soir, des charrettes venaient décharger des tas de décombres et de vieilles
planches.
Lorsque la guerre éclata, les Damour habitaient la rue des Envierges
depuis dix ans. Félicie, bien qu’elle approchât de la quarantaine, restait
jeune, un peu engraissée, d’une rondeur d’épaules et de hanches qui en
faisait la belle femme du quartier. Au contraire, Jacques s’était comme séché,
et les huit années qui les séparaient le montraient déjà vieux à côté d’elle.
Louise, tirée de danger, mais toujours délicate, tenait de son père, avec ses
maigreurs de fillette ; tandis qu’Eugène, alors âgé de dix-neuf ans, avait
la taille haute et le dos large de sa mère. Ils vivaient très unis, en dehors
des quelques lundis où le père et le fils s’attardaient chez les marchands
de vin. Félicie boudait, furieuse des sous mangés. Même, à deux ou trois
reprises, ils se battirent ; mais cela ne tirait point à conséquence, c’était la
faute du vin, et il n’y avait pas dans la maison de famille plus rangée. On
les citait pour le bon exemple. Quand les Prussiens marchèrent sur Paris,
et que le terrible chômage commença, ils possédaient plus de mille francs
à la Caisse d’épargne. C’était beau, pour des ouvriers qui avaient élevé
deux enfants. »
Pendant la correction, on peut présenter la rue des Envierges grâce à
Google Earth ; la rue existe toujours ; il s’agit d’une rue avec des logements
typiques des logements ouvriers du XIXe siècle.
2. Quelle classe sociale Zola dépeint-il ?
Zola dépeint la classe ouvrière : Jacques est ciseleur sur métaux et Félicie
a été couturière avant de s’occuper uniquement du foyer.
3. Les personnages sont-ils caractéristiques de cette classe sociale ? Justifiez votre réponse.
Les personnages sont caractéristiques de la classe ouvrière : Jacques a
un travail manuel, son fils est mis à l’ouvrage à douze ans, il sait à peine lire
et écrire. Pour plus de réalisme, Zola évoque les « lundis » (pratique ouvrière
connue au XIXe siècle) et présente Félicie comme une parfaite maîtresse de
maison qui cherche à faire fructifier son foyer.
Objectif
➜ Relever les références à un événement historique.
Supports
➜ Chapitre I.
➜ Précisions historiques contenues dans l’édition.
➜ Fiche élèves n° 1.
Complétez le tableau suivant (fiche élèves n° 1) à l’aide du chapitre I et
des précisions historiques contenues dans le dossier de l’édition.
Jacques Damour 8
« Lorsque la guerre éclata »
« Les premiers mois du siège »
« […] le gouvernement, un tas de lâches qui,
pour ramener Henri V, voulaient ouvrir les
portes de Paris à Bismarck »
« […] il raconta l’affaire des canons de
Montmartre. Des barricades s’élevaient
partout, le triomphe du peuple arrivait enfin
[…] »
En juillet 1870, Napoléon III entreprend une
guerre mal préparée contre la Prusse qui
le conduit rapidement à la défaite puis au
siège de Paris par les Prussiens
Jules Favre signe un armistice avec Bismarck
Les Parisiens refusent que les troupes
françaises récupèrent les canons de Paris
car ils craignent que les Prussiens, entrés
dans la ville, s’en emparent. Ils considèrent
ces canons, qu’ils ont eux-mêmes payés lors
de la guerre contre la Prusse par le biais de
la souscription, comme leur propriété. La
troupe venue chercher les canons fraternise
avec le peuple, les barricades s’élèvent
« C’était la Commune. Alors, les journées de Ces trois mois marquent l’apogée de la
mars, d’avril et de mai se déroulèrent »
Commune
« […] il y avait quelque part, à Saint-Germain La Commune prend quelques mesures
ou à Versailles, un roi prêt à rétablir l’Inqui- symboliques : le drapeau rouge est adopté
le 28 mars, et le calendrier républicain
sition et les droits des seigneurs, si on le
(an 79 de la République) est de nouveau
laissait entrer dans Paris »
en vigueur. La destruction de la colonne
Vendôme, considérée comme le symbole du
despotisme impérial, est décrétée le 12 avril
et réalisée le 16 mai
La Commune est finalement vaincue durant
« […] une voisine dit que les communards
la Semaine sanglante, qui commence avec
tenaient encore dans le Père-Lachaise, et
que les Versaillais ne savaient comment les l’entrée des troupes versaillaises dans Paris
le 21 mai et s’achève avec les derniers
en déloger »
« […] jamais il ne s’était rappelé les journées combats au cimetière du Père-Lachaise le
28 mai
qui avaient suivi. Cela restait en lui à l’état
de cauchemars confus : de longues heures
passées dans des endroits obscurs, des
marches accablantes au soleil, des cris,
des coups, des foules béantes au travers
desquelles il passait. Lorsqu’il sortit de cette
imbécillité, il était à Versailles, prisonnier »
9 Jacques Damour
« On fusilla trente-sept de ses compagnons.
Ce fut miracle s’il échappa à cette justice
sommaire »
Faits historiques
« Un mois plus tard, Damour partait pour
la Nouvelle-Calédonie. Il était condamné à
la déportation simple. Comme il n’avait eu
aucun grade, le conseil de guerre l’aurait
peut-être acquitté, s’il n’avait avoué d’un air
tranquille qu’il faisait le coup de feu depuis
le premier jour »
La répression contre les communards est
impitoyable : elle donne lieu à de nombreuses exécutions sommaires, notamment
d’ouvriers dont les mains portent ou paraissent porter des traces de poudre signalant
l’usage récent d’armes à feu
De leur côté, les tribunaux prononcent
10 137 condamnations dont 93 à mort, 251
aux travaux forcés, 4 586 à la déportation
(en particulier en Nouvelle-Calédonie).
Bilan. Zola décrit des personnages ancrés dans une réalité sociale mais
également historique.
Travail préparatoire pour la séance n° 4 : lire les chapitres II et III.
Séance no 4 : un couple dans la tourmente
© Éditions Flammarion, 2010
Extraits du texte :
références à la Commune
Objectifs
➜ Revoir les types de discours.
➜ Analyser les réactions des personnages.
Support
➜ Chapitre I, de « Aussi écoutait-il Berru avec attention » à
« la petite Louise retombait malade, à cause de la mauvaise
nourriture ».
1. Quel événement va faire basculer la vie de la famille ? Comment appelle-t-on cet élément dans le schéma narratif ?
La guerre et, surtout, l’arrivée dans la famille de Berru, un peintre
révolutionnaire, font basculer la vie de la famille. Cet élément est l’élément
perturbateur du récit. (Rappeler si nécessaire les éléments du schéma
narratif.)
2. Relevez les termes exprimant la réaction de Jacques Damour et
d’Eugène par rapport à la situation historique. Quelle est l’évolution de cette
réaction ?
– « Aussi écoutait-il Berru avec attention, trouvant qu’il raisonnait très
bien, et que, pour sûr, la république arriverait comme il le disait. Il s’enflammait, il croyait fermement que […] » ;
Jacques Damour 10
11 Jacques Damour
exactitude : celles de Félicie, qui reste dans la raison et met en garde « ses »
hommes ; puis les dernières paroles d’Eugène (il meurt peu après dans la
nouvelle) : « Je sais ce que je sais », sous forme de sentence qui augure un
destin tragique.
Style indirect libre : « Berru avait raison : personne n’ignorait qu’Henri V
était à Saint-Germain, dans une maison sur laquelle flottait un drapeau blanc.
Mais ça finirait. Un de ces quatre matins, on allait leur flanquer des coups de
fusil, à ces crapules qui affamaient et qui laissaient bombarder les ouvriers,
histoire simplement de faire de la place aux nobles et aux prêtres. »
Le style indirect libre marque le dérèglement intérieur des personnages,
qui s’approprient les paroles entendues, et montre la rapidité avec laquelle
ils perdent pied et ne peuvent plus raisonner par eux-mêmes.
Style indirect : « […] ils ne parlaient plus que de tuer le monde […]. »
Le style indirect indique avec une fausse retenue les propos sanglants de
Jacques et son fils.
5. Quelles sont les causes que semble privilégier Zola pour expliquer
l’emballement révolutionnaire ?
La misère, l’oisiveté (les « bras mous »), l’échauffement mutuel (Damour
et son fils, Berru), « l’estomac vide », les rumeurs (l’extermination du
peuple par le gouvernement), la menace royaliste, (« l’affaire des canons de
Montmartre »). Zola énumère toutes les conditions sociales, économiques
et politiques qui favorisent une insurrection.
Il faut préciser que, pour l’écrivain, ces causes bien réelles ne justifient
pas la révolte ; selon lui, la fièvre révolutionnaire s’apparente à une maladie
mentale, un dérèglement psychique. On rappellera les présupposés déterministes et scientistes de Zola.
Même s’il comprend la Commune, Zola a une vision négative des
révolutionnaires : Berru est un lâche, le retour des Communards exilés
montre des hommes bien nourris, acclamés par une foule en liesse, alors
que Jacques revient affamé et vieilli, et qu’il a tout perdu.
Bilan à rédiger avec les élèves.
© Éditions Flammarion, 2010
– « De l’air ardent et sombre dont son fils » ;
– « Eugène croisait les bras, buvait lentement un petit verre d’eau-de-vie,
sans parler, les yeux fixés sur le peintre […] » ;
– « Damour et Eugène achevèrent de se monter la tête, ainsi que disait
la mère. Oisifs du matin au soir, sortis de leurs habitudes, et les bras mous
depuis qu’ils avaient quitté l’étau, ils vivaient dans un malaise, dans un
effarement plein d’imaginations baroques et sanglantes » ;
– « Et ce fut là que Damour, l’estomac vide, le cœur serré de savoir la
misère chez lui, acquit la conviction, en écoutant les nouvelles des uns
et des autres, que le gouvernement avait juré d’exterminer le peuple. […]
Quand Damour rentrait avec Eugène, tous deux enfiévrés par le coup de
folie du dehors, ils ne parlaient plus que de tuer le monde […] ».
Jacques et son fils passent de l’intérêt (ils écoutent sans parler Berru)
à l’adhésion aux discours révolutionnaires de leur compagnon (« acquit la
conviction ») et finissent en proie à une réelle folie (« enfiévrés par le coup
de folie du dehors ») qui les mène à l’action (« ils ne parlaient plus que de
tuer le monde »).
3. Félicie a-t-elle la même réaction ? Pourquoi ?
Félicie a une réaction beaucoup plus mesurée ; elle est partisane d’un
comportement pacifique et exemplaire : « […] elle savait, disait-elle, comment
elle forcerait le gouvernement à être juste : elle se conduirait très bien. »
4. Dans l’extrait suivant, relevez les différents types de discours. Justifiez
l’emploi de chacun d’eux.
« “En voilà des cancans ! disait Félicie à son fils, quand Berru s’était
décidé à partir. Ne va pas te monter la tête, toi ! Tu sais qu’il ment.
– Je sais ce que je sais”, répondait Eugène avec un geste terrible.
[…] Et ce fut là que Damour, l’estomac vide, le cœur serré de savoir la
misère chez lui, acquit la conviction, en écoutant les nouvelles des uns et
des autres, que le gouvernement avait juré d’exterminer le peuple, pour être
maître de la république. Berru avait raison : personne n’ignorait qu’HenriV
était à Saint-Germain, dans une maison sur laquelle flottait un drapeau
blanc. Mais ça finirait. Un de ces quatre matins, on allait leur flanquer des
coups de fusil, à ces crapules qui affamaient et qui laissaient bombarder les
ouvriers, histoire simplement de faire de la place aux nobles et aux prêtres.
Quand Damour rentrait avec Eugène, tous deux enfiévrés par le coup de
folie du dehors, ils ne parlaient plus que de tuer le monde. »
Style direct : « “En voilà des cancans ! disait Félicie à son fils, quand
Berru s’était décidé à partir. Ne va pas te monter la tête, toi ! Tu sais qu’il
ment. – Je sais ce que je sais”, répondait Eugène avec un geste terrible. »
Le style direct permet au narrateur de retranscrire les paroles avec
Travail préparatoire à la séance n° 5 : lire les chapitres IV et V.
Jacques Damour 12
Séance no 5 : un couple, deux personnages
➜ Comparer deux portraits de personnages.
➜ Étudier l’évolution de ces personnages au cours de la
nouvelle.
Support
➜ Chapitres I, II et III.
1. Dans les chapitres I, II et III, relevez les éléments des portraits de Félicie
et Jacques.
Chapitre I : « Félicie, bien qu’elle approchât de la quarantaine, restait
jeune, un peu engraissée, d’une rondeur d’épaules et de hanches qui en
faisait la belle femme du quartier. Au contraire, Jacques s’était comme
séché, et les huit années qui les séparaient le montraient déjà vieux à côté
d’elle. Louise, tirée de danger, mais toujours délicate, tenait de son père,
avec ses maigreurs de fillette ; tandis qu’Eugène, alors âgé de dix-neuf ans,
avait la taille haute et le dos large de sa mère. »
Chapitre II : « Partout on le repoussait, on le trouvait trop vieux. Il
n’avait que cinquante-cinq ans ; mais on lui en donnait soixante-dix, dans
le décharnement de ses dix années de souffrance. »
Chapitre III : « Félicie occupait un haut comptoir, où des glaces la protégeaient des courants d’air. Là-dedans, dans les gais reflets, dans la lueur rose de
la boutique, elle était très fraîche, de cette fraîcheur pleine et mûre des femmes
qui ont dépassé la quarantaine. Propre, lisse de peau, avec ses bandeaux noirs
et son col blanc, elle avait la gravité souriante et affairée d’une bonne commerçante, qui, une plume à la main, l’autre main dans la monnaie du comptoir,
représente l’honnêteté et la prospérité d’une maison » ; « Damour avait reçu un
coup au cœur, sur le trottoir d’en face, lorsque Berru, d’un geste brusque, lui
avait montré Félicie, si belle et si jeune, dans les glaces du comptoir, en disant :
“Tiens ! La v’là !” Ce n’était pas possible, ça devait être Louise qui ressemblait
ainsi à sa mère ; car, pour sûr, Félicie était plus vieille. Et toute cette boutique
riche, les viandes qui saignaient, les cuivres qui luisaient, puis cette femme
bien mise, l’air bourgeois, la main dans un tas d’argent […] » ; « D’abord, elle
eut sa moue de dégoût, son calme et heureux visage exprima une répulsion
pour ce vieil ivrogne, ce misérable, qui sentait la pauvreté ».
On reprend ces éléments de manière à souligner les aspects mélioratifs
du portrait de Félicie et péjoratifs du portrait de Jacques.
On consacre un rappel grammatical aux expansions du nom et on
retrouve avec les élèves les classes grammaticales des composants des
portraits (adjectifs, compléments du nom, propositions subordonnées).
13 Jacques Damour
Bilan. Mêmes s’ils émanent de la réalité (perçue par le regard de
l’auteur), les personnages ne sont pas des personnes réelles. Ils incarnent
une classe sociale, et leur portrait lui-même préfigure leur destinée.
Même ancré dans le réel, un personnage reste un être de papier et porte
en lui les attentes du romancier.
Séance no 6 : le portrait
© Éditions Flammarion, 2010
Objectifs
2. Montrez comment les personnages de Jacques et Félicie s’opposent par
leur portrait.
Félicie est présentée tout en rondeur et en force ; c’est une belle femme
alors que Jacques paraît vieux et maigre dès le début de la nouvelle. Les
événements de leur vie ne vont qu’accentuer cette différence entre les
époux.
3. Reprenez les caractéristiques des portraits du chapitre I. Pourquoi
peut-on dire qu’elles tracent la destinée des personnages ?
Le portrait de Jacques présente d’emblée un homme marqué par le
travail et la vie ; il est vieux et usé comme si son physique était déjà marqué
par la déportation et la misère. À l’inverse, Félicie est présentée comme
une belle femme qui a tout à attendre de la vie. Et, en effet, elle va s’élever
socialement et appartenir à la classe de la petite bourgeoisie des commerçants prospères.
4. Les portraits ont-ils une simple visée descriptive ? Justifiez votre réponse.
Les portraits n’ont pas une simple visée descriptive car, à travers eux,
Zola nous présente le destin des personnages. On peut parler de déterminisme.
Objectif
➜ Réaliser un portrait à visée descriptive et argumentative.
Supports
➜ La nouvelle dans son ensemble.
➜ Fiche élèves n° 2.
Cette séance prend la forme d’un cours dialogué consacré à la caractérisation du personnage.
Le personnage reste le pivot central du roman : il est le moteur de
l’action. Ainsi, même si l’auteur souhaite ancrer son histoire dans la réalité,
celle-ci échappe au réel par la création même des personnages. En effet,
le portrait d’un personnage s’accorde avec les besoins de l’action et de la
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narration : un aventurier sera rarement malingre et chétif. Au contraire, son
portrait « reflète » son action.
La caractérisation du personnage est plus souvent implicite : les connotations attachées aux noms mêmes, l’histoire, les discours et les relations
sociales nous donnent des indications sur le personnage. Celui-ci se
construit au fil de la lecture.
À ce stade de la séance, on prépare les élèves au travail écrit qui suit à
l’aide de la fiche élèves n° 2.
■ Travail écrit
Rédigez le portrait d’un nouveau personnage qui interviendrait dans la vie
de Jacques ; d’une dizaine de lignes, votre portrait sera argumentatif. En
lisant votre description, le lecteur devra être en mesure de se faire une idée
précise des conséquences (positives ou négatives) de l’intrusion de ce personnage dans la vie de Jacques. Vous ferez attention à conserver le cadre spatiotemporel de la nouvelle.
■ Le nom
Le nom du personnage livre aussi quelques informations : il donne une
indication sur une origine sociale, ou, de manière implicite, signale une
profession, voire un caractère. Il faut chercher les connotations des noms
de famille.
Demander aux élèves de chercher des exemples dans la nouvelle :
– Sagnard : le 2e mari de Félicie est boucher (évocation du sang) ;
– Damour : signale sa non-violence et sa quête de paix ;
– Berru : rappelle les sonorités de la verrue qui s’installe sur un membre
et le ponctionne.
Séance no 7 : les retrouvailles
Le romancier donne au personnage une identité qu’il souhaite rendre
crédible et significative. Le point de vue omniscient permet de dévoiler le
passé du personnage, de révéler ses pensées, en somme, d’organiser un
portrait détaillé.
Le physique du personnage est souvent choisi pour sa dimension pittoresque et certains détails particuliers suggèrent des traits psychologiques.
Dans l’œuvre de Zola, le physique permet de connaître le destin d’un
personnage car pour lui le déterminisme se lit dans les traits de l’individu.
Le caractère du personnage peut signaler un individu particulier, voire un
héros d’exception ; il peut au contraire faire de lui un simple « exemplaire »
d’une classe sociale.
Un personnage reflète un milieu par ses vêtements, sa profession, son
langage, ses aspirations. Il devient ainsi un type ou un mythe par son
exemplarité (ex : Dom Juan).
Le personnage peut encore être compris par ce qu’il fait (actions, comportement) et par la façon dont il agit (mimiques, gestes apparaissant notamment dans les incises du dialogue). Il peut également se révéler à nous par
ce qu’il dit (vocabulaire, niveau de langue, teneur du discours), voire par un
objet qui lui appartient ou par un lieu qui lui est coutumier. Le point de vue
des autres personnages contribue de même à sa caractérisation.
15 Jacques Damour
© Éditions Flammarion, 2010
■ La description
Objectif
➜ Rédiger un dialogue entre les personnages.
Support
➜ Chapitre V, de « Le dîner fut charmant » à « façon
malpropre dont elle t’a lâché ».
On revient à l’oral sur le personnage de Louise : qu’est-elle devenue ?
On lit l’extrait.
1. Quels types de discours se mêlent dans cet extrait ?
Se mêlent ici le discours indirect lorsque les personnages évoquent le
passé et le discours direct lorsque Louise juge sa mère.
2. Justifiez les choix du narrateur.
Le narrateur utilise le discours indirect pour éviter de retranscrire dans
leur intégralité les paroles des personnages et pour que le lecteur ne se
« perde » pas dans des récits secondaires ; peut-être y recourt-il également
pour ne pas avoir à donner au lecteur du XIXe siècle trop de détails sur les
aventures amoureuses de Louise.
Le discours direct marque le jugement acerbe de la jeune femme sur sa
mère. Il paraît d’autant plus incongru que Louise vient de livrer à son père
certains récits peu glorieux de sa vie.
Travail noté à faire en classe ou à la maison : Imaginez le dialogue entre les
personnages pendant ce dîner animé. Votre texte d’une vingtaine de lignes
devra retranscrire l’atmosphère de cet instant et garder les références spatiotemporelles du texte initial.
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Séance no 8 : une nouvelle, des personnages
Objectif
Supports
Lieux
➜ Présenter à l’oral son opinion sur les personnages de la
nouvelle.
➜ La nouvelle dans son ensemble.
➜ La fiche élèves n° 3.
Jacques Damour
Le Paris populaire
Ouvrier et petit bourgeois
Père Goriot
Pension de famille
Pauvre
Auberge de province, petite
ville de province, pharmacie
Petits bourgeois de campagne
Cafés, bureau, bains
Employé
Madame Bovary
À vau-l’eau
Reprendre avec les élèves les différents personnages significatifs de la
nouvelle : Jacques, Félicie, Louise, Berru, Sagnard.
Le but de la séance est de mener un débat en partant de chaque personnage et en cherchant à savoir si ce personnage est positif ou négatif.
On divise la classe en groupes de travail. Chaque groupe prend en
charge le côté positif ou négatif d’un personnage puis travaille à partir de
la nouvelle pour trouver des arguments pour défendre ou attaquer celui-ci.
Une fiche de travail avec les différents points de la notation est donnée à
chaque groupe (voir fiche élèves n° 3). Celui qui réussit à clore le débat
gagne un bonus de 2 points.
La note de chaque élève tient compte du travail du groupe et de son
implication personnelle dans le débat final.
Cadre social
Avec les élèves, on fait le bilan des caractéristiques propres aux héros de
ces textes : des héros populaires qui ne sont pas extraordinaires et restent
figés dans leur milieu.
Puis, on termine par la lecture de l’extrait des Misérables grâce auquel la
nature du héros romantique est mise en avant : celui-ci dépasse en effet sa
condition et devient héroïque par son action.
Fiche pédagogique établie par CAROLINE EL JANATI,
PLP français-histoire-géographie au lycée Carcado-Saisseval,
à Paris.
Objectif
➜ Comparer les contextes sociaux économiques de
personnages du XIXe siècle.
Supports
➜ La nouvelle dans son ensemble.
➜ Extraits du Père Goriot ; de Madame Bovary, de À vaul’eau, des Misérables dans le dossier de l’édition.
Lire avec les élèves les trois extraits, expliquer le contexte de l’extrait et
présenter les personnages, puis proposer le tableau d’étude suivant :
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© Éditions Flammarion, 2010
Séance no 9 : un personnage/ des personnages
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