histoire des telecommunications petite histoire du telephone
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histoire des telecommunications petite histoire du telephone
HISTOIRE DES TELECOMMUNICATIONS PETITE HISTOIRE DU TELEPHONE Par : Michèle Germain http://comxper.free.fr Dessins : Laurent Germain http://dessin.laurent.free.fr/ Photos : Michèle Germain 1 / 15 1. LES DEBUTS 1.1. LA PREHISTOIRE Depuis que l’homme est homme, il a recherché des moyens pour communiquer avec ses semblables. C’est sans doute pour cette raison que l’homme a développé un langage très évolué qui lui permet d’échanger avec ses semblables pensées profondes et banalités. Bien vite est apparue la nécessité de communiquer avec d’autres hommes qui ne sont pas à portée de voix et de là est née la notion de télécommunication. Les débuts furent très frustes, mais les signaux de fumée des indiens et le tam-tam des tribus africaines sont les prémices des télécommunications. D’autres petits futés utilisaient des signaux optiques ou faisaient parvenir leurs messages par pigeon voyageur. Pendant très longtemps, le vecteur de communication fut le cheval par courrier spécial ou postal. Un courrier classique parti de Paris mettait huit jours pour parvenir à Strasbourg. 1.2. LE SEMAPHORE Il faudra attendre 1791 et le sémaphore de Claude Chappe (1763-1805) pour voir se développer un réseau organisé de communication. Le sémaphore était supporté par une tour et se composait de deux bras pouvant prendre sept positions et reliés par une barre pouvant elle-même prendre quatre positions, donnant donc une capacité de 7x7x4=196 signaux de signification convenue. Les sémaphores étaient construits sur des points hauts distants d’environ 15 kilomètres. Les signaux émis depuis un sémaphore étaient relayés de site en site jusqu’à leur destinataire. La détection à distance se faisait au moyen de longues-vues, rendue possible par les progrès récents de l’optique. Bien sûr, ceci supposait qu’il fasse jour et que le temps soit clair. La transmission d’un symbole entre Paris et Strasbourg ne mettait plus que 6 minutes, via 44 sites. La durée de transmission du message était bien sûr fonction de sa longueur. En 1844, le réseau de sémaphores couvrait 5 000 km au moyen de 533 stations. Le gros inconvénient du sémaphore était son manque de confidentialité car évidemment, quiconque muni d’une longue-vue pouvait à son aise intercepter les messages. On vit donc apparaître une nouvelle technique : la cryptologie. Le code était défini par une phrase d’un livre détenu par l’émetteur et le destinataire. 2 / 15 1.3. LES TEMPS MODERNES En 1838 Samuel Morse (1791-1872) exploita l’électromagnétisme pour développer le télégraphe et transmettre des messages codés par un alphabet de son invention composé de traits et de points. Il réalisa en 1844 la première liaison radioélectrique entre Washington et Baltimore. La liaison Paris - Strasbourg n’était plus qu’une question de secondes. A partir de cette invention, des réseaux de fils commencèrent à se déployer un peu partout. La rapidité de transfert de l’information fut un des facteurs essentiels de la révolution industrielle. Malgré tout, l’invention de Morse eut du mal à s’implanter en France et à détrôner le bon vieux réseau sémaphore. L’invention de Morse permettait de transmettre des données, mais pas encore de la phonie. Il fallut attendre 1876 et Graham Bell pour peaufiner l’invention de Morse afin de transporter la phonie sous forme de signaux BF. Pour ce faire, il découvrit qu’on pouvait moduler le signal au moyen des déplacements d’une membrane et faire l’opération inverse à l’autre bout. Le téléphone était né… les habitudes des particuliers et des entreprises seront dès lors profondément et définitivement modifiées. 2. LE TELEPHONE 2.1. COMMENT ÇA MARCHE ? C’EST ENFANTIN ! Le demandeur indique à son central de rattachement le numéro d’appel de l’usager qu’il souhaite joindre. Le commutateur du central va relier la ligne du demandeur à celle du demandé. Comme il n’est pas question de relier ainsi tous les usagers deux à deux, les communications transitent par des lignes allouées dynamiquement qui sont connectées aux lignes des usagers demandeur et demandé et le cas échéant à des lignes intermédiaires par des centres de transit. Ainsi si demandeur et demandé ne sont pas rattachés au même central, le central demandeur va passer la main à un centre de transit régional. Le principe est toujours le même : abouter deux lignes, comme ici dans une matrice de commutation : Lignes sortantes S1 S2 S3 S4 S5 S6 S7 Lignes entrantes E1 E2 E3 E4 E5 La mise en relation de E3 avec S2 et de E2 avec S6 se fait en connectant électriquement les deux lignes. 3 / 15 Les lignes sont alimentées en -48 volts et supportent également un courant 50 Hz/80 V pour la sonnerie. 2.2. L’EPOQUE DES DEMOISELLES DU TELEPHONE Dans un premier temps, les connections se font en enfichant des prises (jacks) à la jonction des lignes à raccorder. Les centraux employaient pour cela les fameuses « demoiselles du téléphone ». La petite histoire raconte que les jeunes filles (célibataires et de très haute moralité) étaient préférées aux hommes car moins enclines que ceux-ci à envoyer promener les usagers râleurs. L’usager avait un poste téléphonique parfois beau, souvent en bois massif. La signalisation était des plus frustres. Du côté du demandeur, une manivelle commandait un générateur de courant alternatif qui produisait le courant d’appel de l’opératrice. Du côté du demandé, l’opératrice appuyait sur un bouton pour envoyer un courant alternatif qui excitait une sonnerie. L’envoi du numéro se faisait de la façon la plus rudimentaire qui soit : en le disant à l’opératrice, laquelle le répétait à l’opératrice suivante et ainsi de proche en proche jusqu’au central du destinataire. Assez tôt on différencia les fonctions émission et réception en utilisant un microphone et un écouteur. La communication s’effectuait sur deux fils et bientôt on inséra une bobine d’induction pour amplifier le signal émis et réduire l’effet local du microphone (c'est-à-dire, faire en sorte que celui qui parle ne s’entende pas dans l’écouteur). 2.3. L’AUTOMATIQUE Bien vite les commutateurs se perfectionnèrent, s’automatisèrent et prirent le nom d’autocommutateurs. Les demoiselles du téléphone entrèrent dans la légende. Le premier autocommutateur automatique fut le Strowger inventé en 1889 par un entrepreneur de pompes funèbres du même nom (les voies des télécoms sont parfois impénétrables), las de voir l’opératrice diriger tous les appels vers son concurrent qui était par ailleurs le mari de ladite opératrice. Le sélecteur de ligne était commandé par les impulsions reçues du clavier. Celles-ci commandaient un double mouvement d’ascension et de rotation autour d’un axe vertical. Le Strowger s’améliora pour donner le Rotary, caractérisé par l’introduction d’un enregistreur qui stockait tout le numéro composé avant de sélectionner la ligne sortante. En France, le premier Rotary fut installé en 1928 et le dernier démonté en 1984. Les systèmes rotatifs, en perpétuel mouvement, étaient promis à une usure rapide. Il fallut donc inventer des installations un peu plus statiques et c’est en 1917 que le Suédois Betulander déposa le brevet du Crossbar dont la période de gloire commença à l’aube de la seconde guerre mondiale. Le Crossbar utilisait des barres verticales et horizontales, associées aux lignes entrantes et sortantes. Le contact était établi au moyen d’un relais électromagnétique (d’où le nom de central électromagnétique également donné au Crossbar). En France les Crossbars se multiplièrent à partir de 1957 avec notamment le Pentaconta de CGCT et le CP 400 d’Ericsson. La signalisation était transportée voie par voie sur la ligne elle-même par changements d’état ou impulsions. La numérotation se faisait par impulsions et plus tard par fréquences vocales (code SOCOTEL). Le poste téléphonique des débuts ne subit que très peu de changement jusqu’au début des années 80 (du 20° siècle, bien sûr). La seule modification notable fut le cadran qui fit son apparition en France en 1913 avec les premiers centraux automatiques. 4 / 15 Le poste type de l’époque est le S63. Le décroché ferme la ligne et alimente le poste en -48V. Le cadran circulaire ferme et ouvre la ligne un nombre de fois égal au chiffre composé, envoyant ainsi sur la ligne une série d’impulsions calibrées à 100 ms : 1 impulsion pour « 1 », 2 impulsions pour « 2 », etc. jusqu’à 10 pour « 0 ». L’envoi de la numérotation était donc assez longue, d’autant plus que le numéro contenait des chiffres de rang élevé. La numérotation DTMF en fréquences vocales (audibles) selon la recommandation Q23 de l’ITU fut alors introduite, afin d’optimiser les phases de numérotation. Le cadran fut alors remplacé par un clavier. 2.4. Téléphone en or d’Atatürk (Musée du mausolée d’Atatürk – Ankara). LE TELEX Les premiers réseaux Télex virent le jour vers 1930. Ils permettaient enfin de communiquer des messages au moyen de l’alphabet standard et non en Morse. En France, le réseau Télex fut inauguré en 1946 par le Général de Gaulle. La transmission se faisait avec une vitesse de 45,5 bits/s. Pour minimiser le temps de connexion et optimiser la transmission, le message était préalablement saisi sur ruban perforé et introduit sous cette forme sur le téléscripteur. Bien que très peu utilisés, les réseaux Télex sont encore opérationnels. 2.5. LA REVOLUTION NUMERIQUE Dès les années 1970, le réseau téléphonique analogique français fut incapable de supporter les besoins grandissants de la population et des entreprises. Les mauvaises langues disaient que la moitié des français attendait le téléphone, et l’autre moitié… la tonalité ! Le réseau allait alors se développer de manière spectaculaire sur la base des technologies les plus récentes, mettant la France devant les autres pays en matière de téléphonie. Le miracle qui s’accomplit en quelques années fut essentiellement dû aux technologies numériques. Si l’invention de la transmission par impulsions codées, le MIC (Modulation par Impulsions Codées), remonte à 1938, sa mise en œuvre dut attendre le développement de l’informatique et la technologie des transistors. Sous sa forme brute, telle qu’elle sortait du microphone de Monsieur Bell, la voix se présente sous la forme d’un signal analogique dont l’amplitude instantanée donne le « volume » de la parole. Ce signal se décompose en signaux de fréquences élémentaires dont l’addition donne le timbre de la voix. C’est ce signal qui est numérisé selon un échantillonnage du signal. Pour obtenir une qualité correcte de la phonie (qualité téléphonique standard), il faut être capable de transmettre les fréquences de 300 à jusqu’à 3400 Hz (bande passante). Le théorème de NyquistShannon démontre que pour obtenir une bande passante donnée, la fréquence d’échantillonnage du signal doit être double. Ainsi, pour obtenir un signal téléphonique correct, il faudra échantillonner 2*3400 (arrondi à 8000) fois par seconde. Chaque échantillon est codé sur 8 bits. Le débit obtenu est donc 8*8000 = 64 kbits/s. Ce codage est décrit par le standard G711 de l’ITU. 5 / 15 Signal analogique Signal échantillonné 125 µs La parole numérisée utilise des lignes MIC à 2 Mbits/s qui multiplexent 30 communications simultanées. Une 31° voie est réservée à la signalisation, relative tour à tour à chaque voie de parole (signalisation voie par voie). La 32° voie est réservée à la synchronisation. La signalisation est encore frustre, véhiculée par quelques digits et la numérotation reste acheminée en multifréquences SOCOTEL. 2.6. LE SATELLITE La pose de câbles sous marins était – et est toujours – une opération coûteuse. Or, les années 1950 furent celles de la conquête de l’espace et bien vite s’imposa une évidence : s’il était difficile de faire passer les communications par en bas, on pouvait les faire passer par en haut. C’est en 1962 à Pleumeur-Bodou qu’eut lieu la première liaison transatlantique par satellite. Depuis ces débuts, les liaisons par satellite ne cessèrent de se développer pour le transport des communications téléphoniques bien sûr, mais aussi pour les programmes de radiodiffusion et télévision. Le premier satellite de la gamme TELECOM 1 fut lancé en 1984. Outre leur rôle de liaison inter centraux, les satellites supportent également des services de communication point à point. Il existe à ce jour trois grands réseaux de téléphonie par satellite : INMARSAT, ouvert en 1979 qui utilise une constellation de 11 satellites moyenne orbite pour une couverture totale du globe IRIDIUM, ouvert en 1988 qui utilise une constellation de 66 satellites basse orbite pou une couverture totale du globe THURAYA, le petit dernier, ouvert en 1997 qui couvre l’Asie et l’Europe au moyen de deux satellites géostationnaires. 3. L’INTEGRATION DES SERVICES 3.1. TRANSPAC Nous sommes dans les années 1970. Le développement des communications passait également par la transmission de données. En 1976, l’ITU ratifiait le standard X25 qui définit l’échange de données sous forme de paquets entre un terminal (ETTD) et un serveur (ETCD) sur les trois couches basses du modèle OSI. 6 / 15 C’est sur ce standard que fut développé le réseau français TRANSPAC, ouvert en 1979, et le plus grand réseau de ce type dans le monde. TRANSPAC est toujours opérationnel bien que peu à peu délaissé au profit des réseaux IP. 3.2. LES SIGNALISATIONS SEMAPHORES Non, Chappe n’est pas de retour ! Mais les signalisations voie par voie avaient atteint leurs limites et le public était demandeur de nouveaux services : identification de l’appelant, renvoi d’appel, indication d’appel en instance, sélection directe en arrivée, etc. Il fallait pour cela des signalisations plus puissantes, donc plus bavardes. On peut remarquer que les informations de service (la signalisation) échangées pendant une communication sont peu nombreuses et ne nécessitent pas une voie en continu, d’où l’idée de communiquer par un message paquet émis à bon escient sur la voie réservée à la signalisation. Les signalisations voie par voie et à code multifréquences sont progressivement abandonnées au profit des signalisations sémaphores SS7 et RNIS. Les deux sont issues de l’ITU. La Signalisation Sémaphore 7 (SS7) est utilisée entre centraux du réseau public. Le RNIS concerne les raccordements d’abonnés. La variante QSIG du RNIS est dédiée à l’interconnexion d’installations privées (PABX). 3.3. LE RNIS Le Réseau Numérique à Intégration de Services (RNIS) est né en 1984, mais c’est au milieu des années 90 qu’il a connu son plein déploiement. Le RNIS prévoit deux types d’accès : L’accès de base : 2B+D à 144 kbits/s avec deux canaux (B) pour voix et données et un canal de signalisation sémaphore (D) à 16 kbits/s. Ce type d’accès se trouve chez les particuliers ou pour le raccordement de petits PABX. L’accès primaire : 30B+D à 2 Mbits/s avec 30 canaux (B) pour voix et donnée et un canal de signalisation sémaphore (D) à 32 bits/s (le 32° canal est utilisé pour la synchronisation). Sur un même support, le RNIS fédère des communications de phonie, fax, visiophonie et bien sûr des transmissions de données en mode circuit ou en mode paquet. Le RNIS mettait à disposition du grand public des services jusqu’ici réservés aux PABX, comme le renvoi et l’indication d’appel en instance. Une nouvelle fonctionnalité voyait le jour : la mobilité (portabilité hors et en communication) permettant au terminal de garder ses caractéristiques – et donc son numéro d’abonné – quelque soit la prise sur laquelle il se connecte. Un changement notable intervient au niveau de l’alimentation électrique. Des études médicales avaient montré que des tensions de 48 V représentaient un danger pour l’être humain, fixant le seuil de dangerosité à 42 V. Qu’à cela ne tienne, on adopta pour le RNIS une alimentation de -40 V (± 2V, ce qui donne une limite supérieure de 42 V). Voilà qui est pour nous rassurer ! Les débuts du RNIS furent assez cacophoniques, le standard ITU étant très large et avec beaucoup d’options. Ainsi chaque pays n’avait-il implémenté qu’un sousensemble du RNIS ITU, conduisant à des RNIS nationaux pas toujours compatibles entre eux. C’est plus tard, vers 1990, que l’ETSI définit un Euro-RNIS interopérable au niveau européen. 7 / 15 4. LES TERMINAUX ET LES SERVICES 4.1. LE POSTE TELEPHONIQUE Analogique ou RNIS, le téléphone évoluait aussi de son côté. Au début des années 1980, il devint d’abord électronique, intégrant quelques fonctions locales, notamment un répertoire, l’écoute amplifiée et la prise de ligne sans décroché. La bonne vieille sonnerie était remplacée par un buzzer plus mélodieux ( ?) multi mélodies. Un peu plus tard, le téléphone chercha à se débarrasser de son fil, du moins celui du combiné. Apparurent les premiers postes sans fil analogiques au standard CT0 qui fonctionnaient en modulation de fréquence autour de 70 MHz. Mais le développement du sans-fil ne démarra vraiment qu’avec la technologie numérique DECT (Digital Enhanded Cordless Telephone) qui utilise la gamme de fréquences 1 880-1 900 MHz. Il définit 10 porteuses (FDMA), chacune étant multiplexée en 12 intervalles de temps (TDMA). Pour gagner de la bande passante, la voix n’est pas codée en G711 comme sur les lignes filaires, mais en ADPCM à 32 Mbits/s (G726). Aujourd’hui la plupart des téléphones grand public sont sans fil DECT, intègrent répertoires et répondeur ; certains peuvent supporter plusieurs combinés sur une même base avec des fonctions d’interphonie. 4.2. LE MINITEL Dès 1981, les foyers français furent peu à peu envahis par une petite bête qui allait bien changer les mentalités : le Minitel ! Initialement, le MINITEL avait été conçu pour sa fonction de terminal de l’annuaire électronique qui devait remplacer l’annuaire papier dont l’édition représentait un coût important pour l’Administration des PTT. Peu à peu d’autres pourvoyeurs de services s’emparèrent du Minitel et les Français composaient les numéros 3611, 3615 et autres 36xx pour rechercher un numéro de téléphone, consulter les horaires des trains ou leur compte en banque, s’inscrire en faculté et glaner tout type de renseignement. On vit aussi apparaître des sites de « chat » et des messageries roses. Le « réflexe Internet » était né… ne restait qu’à inventer l’Internet, ce qui n’allait pas tarder. Le Minitel était un simple terminal passif, sans intelligence locale. Les transactions s’appuyaient sur le réseau TRANSPAC. Une nouvelle norme vit le jour, le VIDEOTEX, dont la particularité était un débit asymétrique : 75 bits/s en émission et 1200 bits/s en réception. Évidemment, avec des débits pareils, l’affichage d’une page était loin d’être instantané. Le Minitel fut d’abord en noir et blanc avant de se coloriser. Les premiers avaient un clavier avec des touches dans l’ordre alphabétique, déroutant pour ceux qui avaient l’habitude des machines à écrire et des terminaux informatiques, et pas plus ergonomique pour les autres. Ce clavier fut rapidement remplacé par un clavier AZERTY. 4.3. LE VISIOPHONE Le premier visiophone français fut conçu par le CNET en 1972 et construit par MATRA. Il se composait d’un tube cathodique noir et blanc de la taille d’une demi feuille de papier A4 et long de près de 50 cm. L’ensemble était intégré dans une coque orangée, la couleur à la mode des années 70. Il resta à l’état de prototype. 8 / 15 Une nouvelle tentative eut lieu dans la seconde partie des années 1980 grâce au RNIS. Il y eut aussi également des systèmes de visioconférence sur RNIS. Il ne fallait quand même pas bouger trop vite. Malheureusement, le grand public ne fut pas irrésistiblement séduit par ce mode de communication et la visiophonie continua à piétiner jusqu’aux années 1990 qui virent l’introduction des logiciels de compression, plus performants que les codecs utilisés jusqu’alors, et l’arrivée de la webcam. 4.4. LA TELECOPIE C’est en 1843 qu’un inventeur suisse déposa un brevet pour l’envoi de documents écrits via le réseau télégraphique. Le fax était né. Il faudra quand même attendre 1970 et les technologies numériques pour que le fax prenne son essor. Son succès détrôna rapidement le bon vieux Télex. Tout d’abord, l’envoi d’un fax va beaucoup plus vite que le Télex et surtout, il permet d’envoyer à distance croquis et images. La plupart des télécopieurs actuels sont dits de type 3 avec transmission numérique sur réseau analogique de bonne qualité. Les fax de type 4 RNIS n’ont eu que peu de succès. 5. LA CONVERGENCE 5.1. LES AUTOROUTES DE L’INFORMATION Le concept d’autoroutes de l’information (ou inforoutes) apparut dans la seconde moitié des années 1990. L’objectif était la mise en place d’infrastructures puissantes au niveau planétaire, susceptibles de généraliser la diffusion de quantités d’informations. Par analogie avec les autoroutes, ces réseaux devaient supporter des débits importants et être susceptible de véhiculer simultanément tous types de services, voix, données et images fixes ou animées. C’est de cette époque que date le concept de « multimédia ». Ces réseaux s’appuient sur différents types de couches physiques dont les principales : ETHERNET pour des réseaux de données jusqu’à 10 Gbits/s Frame Relay de l’ITU qui constitue une avancée de X25 9 / 15 ATM (Asynchronous Transfer Mode). D’autre part, la fibre optique s’est imposée en remplacement du câble pour atteindre de très hauts débits. L’ATM fut mis au point par le CNET dès les années 1980. Il est capable de transmettre à la fois des données paquet et des données synchrones. L’information est véhiculée sous forme de cellules de 53 octets transmises à la demande en fonction de la vitesse de la source et des ressources disponibles sur un circuit de communication. De ce fait, un même circuit peut mixer des cellules relatives à des transactions totalement indépendantes. L’ATM se présente donc comme le mariage heureux de la commutation de circuit pour sa simplicité et de la commutation de paquets pour sa souplesse. Il est largement utilisé pour construire les réseaux xDSL. 5.2. LA REVOLUTION INTERNET Après le Minitel, la conquête des d’abord utilisé rapidement sur Internet. c’est l’ordinateur individuel qui fit ménages et des entreprises. Tout en stand alone, il s’ouvrit les le monde extérieur Intranet et Pour le grand public, les débuts furent assez chaotiques, les débits des modems n’offrant que de piètres performances. La généralisation des services en ligne et leur rapide succès fut en grande partie due aux technologies xDSL, notamment l’ADSL et le HDSL. Le principe est d’utiliser sur les lignes téléphoniques la partie du spectre non utilisée par la phonie, qui occupe, nous l’avons vu, la bande 300-3400 Hz. L’ADSL (Asynchronous Digital Subscriber Line) est asymétrique : les flux montants et descendants ne disposent pas de la même bande passante. Les performances varient selon la distance au central public et peuvent atteindre 1 Mbits/s dans le sens montant et 22 Mbits/s dans le sens descendant. Le HDSL est symétrique et offre des débits de 2 Mbits/s dans les deux sens. On le réserve plus spécialement aux réseaux privés. L’ADSL est commercialisé après du public par les principaux opérateurs téléphoniques. Fin 2003, 3 millions d’usagers étaient raccordés par l’ADSL pour atteindre 11 millions en 2006 (contre un peu plus de 600 000 par câble). 5.3. LA TELEPHONIE ASSISTEE PAR ORDINATEUR Un jour, nous étions au milieu des années 1990, se produisit la rencontre du téléphone et de l’informatique avec la Téléphonie Assistée par Ordinateur (TAO). Quand on a un poste de travail informatique, pourquoi ne pas cliquer sur une icône pour établir ou recevoir un appel téléphonique plutôt que de le faire depuis son téléphone ? La TAO, associée au service audio téléphonique, fournit une variété de services d’établissement de communications et d’accès simultanés à des données informatiques grâce à un ordinateur. Il est ainsi possible d’afficher à l’écran la fiche du client ou du fournisseur qui appelle. La coordination se fait au moyen de protocoles tels TAPI et CSTA. 5.4. LA TELEPHONIE SUR IP Qu’est-ce qu’un fichier de données ? C’est une succession de 1 et de 0… Qu’est-ce que de la phonie numérisée ? C’est aussi une succession de 1 et de 0… 10 / 15 Un dernier pas restait à franchir dans la convergence voix et données. C’est grâce à l’observation de cette analogie qu’il fut franchi. Il ne restait qu’à remplacer les bons vieux réseaux téléphoniques par des réseaux de transport de données, avec quand même quelques précautions car, comme il va être vu plus loin, les 1 et les 0 ont des exigences quelques peu différentes selon qu’il s’agit de la voix ou de la donnée. Dès les années 1980, des expérimentations visèrent à supprimer la bonne vieille matrice de commutation et à bâtir un autocommutateur sur un cœur de réseau X25. Mais l’aboutissement du processus vit le jour avec les réseaux IP et le transport de la parole sous forme de paquets. La ToIP (Téléphonie sur IP) était devenue une réalité. Mais pourquoi ainsi révolutionner le petit monde de la téléphonie ? La raison est que les avantages de la ToIP sont nombreux : La convergence des applications voix et données signifie l’enrichissement et l’intégration des fonctionnalités L’infrastructure est commune à la voix et à la donnée sur un câblage unique, ce qui réduit les coûts d’infrastructure La compression de la parole réduit la capacité de l’infrastructure, donc de nouveau réduit des coûts d’infrastructure. Ces multiples avantages seront développés plus avant dans cet ouvrage. Mais auparavant, nous allons brosser un aperçu technique de la VoIP qui traite du codage de la phonie en vue sa transmission sur IP, et de la ToIP qui définit les protocoles de traitement d’appels téléphoniques sur IP. La numérisation du signal : la VoIP Nous en sommes restés à l’échantillonnage à 64 kbits/s sur les réseaux téléphoniques. Rapidement, ce codage s’est avéré trop « gourmand » en bande passante et des techniques de compression de données se sont développées comme l’ADPCM. Elles sont essentiellement basées sur des codages différentiels et des transformations de Fourier. D’autre techniques, dites de « vocodage », sont également apparues, basées sur la spécificité de la voix. Les vocodeurs de la famille CELP ont des performances de 9,6 kbits/s à 4,8 kbits/s. De nouvelles générations, R-CELP, IMBE (4,4 kbits/s) et AMBE (4,8 ou 2,4 kbits/s) diminuent encore le débit. Les vocodeurs du GSM débitent 13 kbits/s. La compression de la phonie repose sur plusieurs constatations : Dans toute conversation il y a des « blancs » qui ne transportent aucune information. Ils sont donc éliminés. Ceux-ci représentent statistiquement 15% dans un monologue, 20% dans une conversation à 2. Tout dans la parole n’est pas utile. La voix émet des signaux à des fréquences qui ne sont pas perçues par l’oreille. Il est donc inutile de les transmettre. Certaines fréquences sont occultées par un signal utilisant une fréquence voisine. Il est donc inutile de transmettre ces fréquences masquées. L’analyse de la voix permet de la décomposer en phonèmes. Ceux-ci jouent un rôle plus ou moins important dans la restitution de la parole. Les phonèmes non importants sont éliminés. Le codage des phonèmes restants tient compte de leur importance afin de privilégier ceux qui sont indispensables à la compréhension et à la caractérisation de la parole. 11 / 15 Le revers de la médaille est que les vocodeurs, basés sur la reconnaissance de la voix, donnent de mauvais résultat pour transmettre de la musique, voire les tonalités téléphoniques. La VoIP utilise généralement le codage CELP G729 (8 kbits/s) qui constitue un bon compromis entre la fidélité du son et le débit. Les codages plus performants sont plutôt utilisés en radiocommunication où la largeur canal, directement liée au débit, est un facteur critique. Les contraintes de la voix sur IP La voix ainsi numérisée est mise en paquets et en trames afin d’être transmise sur le média. C’est à ce point que la VoIP se différencie de la donnée. En transmission de données sur IP, les paquets peuvent attendre ou suivre des chemins différents. Ils arrivent avec plus ou moins de retard et plus ou moins dans le désordre. Ce n’est pas grave, les couches supérieures remettent tout ceci en ordre pour reconstituer le message d’origine. Par contre, il est essentiel que les paquets arrivent sans erreurs et il faut veiller à ne pas en perdre en route, sous peine de fausser la signification du message reçu. La transmission de données met donc en jeu des mécanismes de contrôle d’intégrité et de réémission de paquets pour palier les erreurs de transmission. En téléphonie, c’est tout le contraire. Il s’agit d’assurer un service temps réel et interactif. Le délai de transmission doit être minimal et stable (la variation du délai s’appelle la « jitte ») et les paquets doivent arriver dans l’ordre. Tout le monde connaît l’agacement dû au délai de transmission sur les communications par satellite ; si ceci est toléré sur des communications longue distance, c’est absolument inacceptable pour la téléphonie courante. Dans la pratique, une conversation est satisfaisante si le délai reste inférieur à 400 ms, la valeur recommandée étant 150 ms. En contrepartie, la téléphonie est moins stricte que la transmission de données sur l’intégrité du message. Une trame erronée ou perdue ne nuit pas à la compréhension de la communication, par conséquent il n’est pas demandé de répétitions qui auraient des effets négatifs sur le délai. Les paquets qui n’arrivent pas dans un délai inférieur à une valeur donnée sont ignorés : il vaut mieux se priver d’un paquet que l’attendre. Bien évidemment, le taux de paquets erronés doit rester globalement bas. A l’arrivée, les paquets sont traités afin de neutraliser les anomalies de transmission. Les protocoles de transmission horodatent les paquets transmis afin qu’ils puissent être restitués selon la même séquence qu’à l’émission. Les paquets manquants sont alors remplacés par du silence ou mieux, par du bruit blanc, mieux toléré par l’oreille humaine. Certaines techniques remplacent le paquet manquant par un paquet estimé en fonction des derniers reçus. La jitte est également traitée par bufferisation et équalisation des paquets reçus, afin de lisser le délai de transmission. La bufferisation introduisant à son tour un délai, il est essentiel de maintenir la jitte dans des limites raisonnables. Tout se complique lorsqu’un même média doit à la fois véhiculer de la voix et de la donnée. Le transfert d’un gros fichier est susceptible d’occuper toute la bande passante et de compromettre la transmission temps réel des communications téléphoniques. C’est ici qu’intervient la QoS (Quality of service). La QoS repose sur différents mécanismes : Caractérisation et priorisation des flux afin de donner à la VoIP une priorité d’accès au média supérieure à celle des paquets de données ; Réservation de bande passante pour les flux temps réel ; Contrôle d’admission (CAC) qui consiste à refuser de nouveaux appels lorsque la charge courante du réseau atteint un seuil donné, ceci pour garantir la qualité des communications déjà établies. 12 / 15 Une autre contrainte est celle de la sécurité. La ToIP est également vulnérable aux attaques des réseaux IP et mérite la même protection. La menace majeure est bien évidemment l’écoute indiscrète des communications, mais les hackers recherchent aussi des points d’accès pour téléphoner aux frais d’autrui. Une mesure contre les écoutes est le cryptage des communications, par exemple au moyen d’un VPN. Il existe également des filtres d’accès qui n’autorisent les communications qu’entre correspondants appartenant à des tranches référencées d’adresses IP. Toutefois, certains mécanismes de sécurisation des réseaux IP doivent être pris avec précaution. C’est notamment le cas du NAT (Network Address Translation) qui, en cachant les adresses IP réelles des correspondants entre en conflit avec les adresses IP véhiculées par les protocoles de traitement d’appel qui, elles, ne sont pas translatées. Les protocoles de la ToIP La transmission de la voix s’appuie sur UDP plutôt que TCP. La priorité première n’étant pas l’intégrité des paquets mais la performance, UDP est de ce point de vue mieux adapté. Aux couches supérieures, le protocole RTP (Real Time Protocol) numérote et délivre les paquets de phonie en temps réel, conformément à leur séquencement de départ. Il détecte également les pertes de paquets et les répare. Il est souvent complété par RTCP (Real Time Control Protocol) qui fournit un retour à l’émetteur sur la qualité de la transmission. Celui-ci peut par exemple réagir en passant à un autre codage afin de diminuer le débit nécessaire. Des protocoles de signalisation téléphonique contrôlent au niveau applicatif le déroulement des communications. Parmi eux, H323 est le plus ancien, issu du monde téléphonique (ITU), pour traiter les communications simples et la visioconférence. Il est maintenant devancé par SIP (Session Initiation Protocol) issu du monde Internet (IETF), pour gérer des sessions multicast et unicast. SIP, qui présente l’avantage d’être totalement indépendant des couches basses, est plus simple à implémenter que son aîné. Les postes contrôlent eux même leur extrémité de communication et disposent donc d’une intelligence interne de traitement interne. A l’opposé de SIP et H232 qui sont des protocoles fonctionnels, MGCP (Media Gateway Control Protocol), également issu de l’IETF, est un protocole de type stimulus qui ne véhicule que des informations de très bas niveau (type décroché/raccroché, appuitouche, affichage…). L’intelligence de traitement d’appel est concentrée dans le commutateur dont le poste est totalement esclave. MGCP permet la mise en œuvre de davantage de services (par exemple l’émission d’une annonce parlée contextuelle au décroché, au lieu de la tonalité). Les deux types de protocoles ne sont pas antinomiques, un cœur de réseau SIP pouvant très bien supporter des terminaux MGCP. 13 / 15 5.5. LES APPORTS DE LA TELEPHONIE SUR IP La téléphonie sur IP n’est pas simplement l’émulation sur IP du téléphone de grandpapa. C’est aussi l’intégration de nombreux services, aboutissement de l’intégration qui avait été réalisée en son temps par le RNIS : - service téléphonique de base ; - applications de messagerie unifiée avec intégration de la messagerie vocale, du fax et du mail, sur support voix ou données grâce à des moyens de synthétisation et de reconnaissance de la parole (Text to Speech, Speech to Text) ; - applications de centre d’appel avec routage applicatif et montée de fiches ; - intégration de services annuaires (LDAP) ; - mobilité ; - etc. Ceci est rendu possible en grande partie grâce à l’unicité du support et à la mise en commun des couches de transmission. Le téléphone aussi évolue. Il existe bien sûr des IP-phones qui ne diffèrent des postes téléphoniques classiques que par leur raccordement (et leur logiciel), mais il existe également des softphones qui sont des postes de travail voix + données sur ordinateur. La fédération des services voix, données (et autres, tels que la vidéo) sur un même support permet de capitaliser sur une infrastructure en réduisant les coûts d’installation et d’exploitation, cette dernière se faisant depuis un point unique pour tous les services. Toutefois, ce réseau doit être particulièrement bien défendu contre les attaques et les pannes, puisqu’une défaillance prive l’utilisateur de tous ses moyens de communication. Il faut noter également que la ToIP reste indépendante de la nature du média. On trouvera ainsi les mêmes protocoles et mécanismes sur un réseau IP filaire ou radio (ADSL, Ethernet, Wi-Fi, satellite…). 6. L’AVENIR …qui vivra verra ! L’histoire continuera après la grande révolution qu’a été la convergence voix-données. Une autre révolution a été le sans fil grâce au développement rapide des radiocommunications, qu’il soit téléphone portable ou cordless domestique. Mais ceci est une autre histoire que je vous raconterai prochainement. 7. GLOSSAIRE ET ACRONYMES ADSL Asymetrical Digital Subscriber Line AMBE Advanced MultiBand Excitation ATM Asynchronous Transfer Mode BF Basse Fréquence CAC Call Admission Control CELP Code Excitated Linear Prediction CGCT Compagnie Générale de Construction Téléphonique CNET Centre National d’Études des Télécommunications 14 / 15 8. CSTA Computer Supported Telecommunications Applications DECT Digital Enhanced Cordless Telephone DTMF Dual Tone Multi Frequency ETSI European Telecommunications Standards Institute HDSL High bitrate Digital Subscriber Line IETF Internet Engineering Task Force IMBE Improved MultiBand Excitation ITU International Telecommunication Union LDAP Lightweight Directory Access Protocol MGCP Media Gateway Control Protocol MIC Modulation par Impulsions Codées NAT Network Address Translation PABX Private Automatic Branch eXchange OSI Open System Interconnection (reference model) QoS Quality of Service RNIS Réseau Numérique à Intégration de Services RTCP Real Time Control Protocol RTP Real Time Protocol SIP Session Initiation Protocol TAO Téléphonie Assistée par Ordinateur TAPI Telephony Application Programming Interface TCP Transmission Control Protocol TDMA Time Division Multiplex Access ToIP Telephone over IP UDP User Datagram Protocol VoIP Voix sur IP VPN Virtual Private Network POUR EN SAVOIR PLUS Sur la sécurité des réseaux : La sécurité à l’usage des décideurs – Ouvrage collectif (CollectionTENOR) Les réseaux de téléphonie sur IP : La Voix sur IP - O. Hersant, D. Gurle, J.P. Petit (Dunod) 15 / 15