(clochette) [chapitre 1. Légendes sur St Jacques-le

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(clochette) [chapitre 1. Légendes sur St Jacques-le
(clochette)
[chapitre 1. Légendes sur St Jacques-le-Majeur, l’origine du mot Compostelle]
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Bonjour Henri !
Bonjour Marie-Thérèse !
(bise)
Alors, Compostelle ?
Formidable ! Mais que de monde sur le Chemin et à l’arrivée !
Comme autrefois ?
Ça dépend ce que vous appelez autrefois… Si vous situez autrefois à… 2005, oui, on a compté deux
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fois plus de pèlerins en 2012 qu’en 2005 !
Ah bon ! Et au Moyen-Age ?
Au Moyen-Age, c’est une autre histoire.
Racontez-moi l’histoire…
L’histoire de quoi ?
L’histoire du Chemin pardi !
L’histoire du Chemin ? Hou là, ça se complique. Mais je veux bien vous éclairer un peu. Vous voulez
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que je commence par quoi ?
Par le commencement !
Par le commencement… Eh bien il était une fois…
Ça ressemble à un conte, ce que vous me dites là !
Précisément, un conte, plutôt une légende si vous voulez… La réalité part de Jacques, frère de Jean
l’Évangéliste. Jacques dit « le Majeur » est décapité vers 44 après Jésus-Christ. On raconte que ses
disciples ont déposé son corps dans une barque. Et, sans pilote, portée par les courants et les vents, elle
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va s’échouer sur une plage de Galice en Espagne…
Légende, légende…
Oui, oui. On prétend que les taureaux attelés à la charrette qui transporte le corps se sont arrêtés dans un
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endroit et ont refusé d’avancer. Le corps a été enterré dans un compostum, c’est-à-dire un « cimetière ».
Compostum, Compostelle, je vois…
7 siècles plus tard, nous voilà le 25 juillet 813.
Un 25 juillet ?
Oui, pourquoi ?
Parce que c’est le jour de la Saint-Jacques.
Évidemment… Donc, en ce 25 juillet 813, un vieil ermite - certains parlent du roi des Wisigoths qui
occupent le pays - voit dans le ciel une étoile nouvelle. Au Moyen-Age, comme dans toute l’Antiquité,
tout homme connaît et interroge la carte du ciel. L’étoile, c’est le signe d’un grand événement. On
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raconte que, sous cette étoile, les troupeaux refusaient de brouter dans un champ.
Légende, légende…
C’est vrai que les animaux flairent la mort, l’insolite, comme ils pressentent la tempête ou le
tremblement de terre. Bref, ça se passe dans un endroit qu’on appelle « Champ de l’étoile », en latin
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Campus stellae.
Je vois ! Campus stellae, Compostelle…
Exactement, mais d’autres encore affirment que l’ermite, guidé par l’étoile, aurait découvert un
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souterrain menant à une tombe.
Du coup, on a la conjugaison du cimetière… et de l’étoile.
(clochette)
[chapitre 2.Le chemin au Moyen-Age] Qui ?
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Toutes ces légendes, je m’y perds un peu.
Pas grave. Au sens étymologique, la légende est un récit, destiné à être lu, à caractère merveilleux où
des faits historiques sont transformés par l’imagination populaire ou par l’invention poétique. L’objet
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d’évocation de la légende est le miracle. On y est avec St Jacques-le-Majeur !
Et la réalité historique alors ?
A la découverte du tombeau présumé de l’Apôtre en 813, l’évêque du lieu et le roi font construire une
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première église à cet endroit et les premiers fidèles arrivent…
Et qui fait le pèlerinage à cette époque-là ?
Les premiers pèlerins connus sont Charlemagne, l’évêque du Puy-en-Velay en 951 et le duc d’Aquitaine
vers l’an 1000. Au Moyen-Age, ce sont surtout des nobles et des marchands qui circulent. Ils vivent leur
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dévotion en même temps qu’il s guerroient, qu’ils commercent ou qu’ils s’amusent.
Pas de gens ordinaires ?
Si tout de même ! Ces gens riches entraînent dans leur sillage une multitude de gens plus simples. Ils se
font héberger de deux façons. Soit les pèlerins quémandent leur nourriture et un toit (une grange, un
fenil) pour passer les nuits dans les villages situés près de la piste - faire l’aumône est une obligation
pour les chrétiens -.
Soit ils s’arrêtent dans les installations mises à leur disposition par le clergé catholique tout au long des
itinéraires qui mènent vers Compostelle. Ces installations importantes sont aménagées par diverses
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organisations religieuses.
Lesquelles ?
A partir du 11e siècle, les abbayes ouvrent des aumôneries, des prieurés qui accueillent les pèlerins.
Les bénédictins de Cluny ?
Absolument ! Mais aussi des ordres monastiques hospitaliers, en particuliers les Templiers et surtout
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l’ordre des Hospitaliers qui créent des commanderies.
Y avait-il plusieurs routes pour aller à Compostelle ?
Beaucoup ! Les principaux chemins partant de France sont répertoriés dès le XIIe siècle : Le Puy-en
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Velay, Vézelay, Arles, Tours.
Beaucoup de pèlerins à l’époque ?
Contrairement à ce qu’en ont dit certains, sans doute pas. Il faut plutôt penser à des « foules
symboliques » telles qu’on l’imaginait au Moyen-Age. Une vision de la cohorte des Élus, en somme !
(clochette)
[chapitre 3. Motivations du pèlerinage au Moyen-Age] Pour quels motifs ?
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Ce qui frappe aujourd’hui, c’est la motivation des personnes qui veulent aller à Compostelle.
Les pèlerins ont les motivations… de leur temps.
Au Moyen-Age, c’était pareil ?
Comment pareil ?
Aujourd’hui, certains ne vont pas à Compostelle pour des motifs religieux. A l’époque, c’était pareil ?
Au Moyen-Age, comme aux périodes qui ont suivi, l’imbrication de la vie sociale et de la vie spirituelle
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ou religieuse est permanente.
Ils vont donc à Compostelle en raison de leur foi ?
D’une certaine façon.
Par exemple ?
Par exemple, certains se mettent en route pour accomplir un acte de foi qui leur assurerait le salut de
leurs âmes. Ils renoncent au monde dans lequel ils vivaient. Ils font connaître par écrit ou par oral leurs
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dernière volontés. Ils organisent le partage de leurs biens au cas où… ils ne reviendraient pas !
Certains espèrent un miracle ?
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Oui. Ce peut être la guérison d’une grave maladie, la demande de faveurs diverses, par l’intervention
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miraculeuse de saint Jacques.
D’autres raisons ?
Pour expier leurs péchés en faisant pénitence par le renoncement à leur vie passée et en affrontant les
difficultés et les dangers du voyage. Ou encore pour faire le voyage… à la place d’un autre qui ne peut
voyager ou qui le demande par testament. On trouve aussi quelques faux pèlerins qui espèrent tirer de la
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crédulité des gens…
C’est de tout temps !
En résumé, la motivation des pèlerins de l’époque était surtout la foi, le fait de pouvoir toucher le
tombeau de l’apôtre Jacques. La vénération des reliques… Et l’accomplissement d’un vœu ou
simplement… l’aventure !
(clochette)
[Chapitre 4. Jacques le Matamore. Contexte politique au Moyen-Age]
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On reste encore au Moyen-Age…
Encore un peu, parce que c’est important, pour aujourd’hui, de comprendre la spécificité des motifs liés
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à l’époque, à l’organisation de la société médiévale, etc.
Je me souviens d’un détail de l’Histoire : l’Espagne a été occupée par les Maures durant plus de 7
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siècles. Quelle influence sur l’histoire du Chemin ?
Elle est fondamentale ! Les Maures pénètrent dans la péninsule en l'an 711 et en achèvent la conquête
en 714. St Jacques est considéré comme le symbole de la résistance chrétienne face au monde
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musulman.
Toute l’Espagne est alors occupée ?
Non, une province, dans les montagnes du Nord, reste chrétienne. La province des Asturies
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d’aujourd'hui province d'Oviedo. De là partira plus tard la Reconquista de l'Espagne.
Et saint Jacques dans tout cela ?
On comprend que, dans ce contexte, la découverte, en 813, de la sépulture du Saint aux portes de
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l'empire Musulman, prend une consonance de résistance à l'envahisseur.
Une croisade ?
Oui. Saint Jacques est, au début, associé à l'image d'un Matamore, c’est-à-dire, au sens étymologique du
mot, un exterminateur de Maures, représenté sur un cheval blanc, parfois en armure, l’épée à la main.
J’ajoute que des chevaliers français ont participé à cette croisade, à défaut de pouvoir aller en Palestine,
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trop éloignée, incertaine.
Je comprends pourquoi le Chemin vers Compostelle s’est alors développé jusqu’à nos jours.
Détrompez-vous !
C’est-à-dire ?
Le pèlerinage a été malgré tout très perturbé par un certain nombre de facteurs en cette fin de MoyenAge. La guerre de cent ans au XIVe siècle et XVe siècle, les famines, les épidémies, pensez à la peste...
Dernier facteur qui découle de ce qui précède : les enjeux de la Reconquête se sont reportés au sud de
l’Espagne où les musulmans restent implantés, délaissant par voie de conséquence la partie nord.
(clochette)
[Chapitre 5. De la Renaissance…]
La Réforme protestante
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Alors, à quel moment Compostelle prend-il l’envol qu’on lui connaît aujourd’hui ?
Seulement très récemment ! Surtout pas au XVIe siècle, le temps de l’influence de la Réforme
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protestante en Europe.
Pourquoi ?
Parce que Luther condamne les pèlerinages à saint Jacques. On lui attribue même cette phrase : « On ne
sait pas si est enterré là Jacques, un chien ou un cheval mort… Alors, n’y allez pas. ». Luther condamne
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le principe des indulgences.
Plus personne ne va à Compostelle à cette époque ?
Si ! Des groupes d’Allemagne, de Lorraine viennent y prier pour l’Église menacée, disent-ils, par la
Réforme. Mais le succès des doctrines de Luther est quand même un coup dur pour le pèlerinage. Un
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autre coup dur : la disparition des reliques de saint Jacques !
Ah bon ?
Oui, vers la fin du XVIe siècle, l’évêque de Santiago décide de cacher les reliques de Jacques pour éviter
qu’elles ne tombent entre les mains d’un corsaire anglais qui menaçait de détruire la ville et le tombeau
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de l’Apôtre !
Est-ce qu’on retrouve les reliques ?
Non, c’est bien là le problème. L’évêque va mourir sans dire à personne où elles sont… C’est une des
raisons pour lesquelles la décadence du Chemin se poursuit, s’accélère…
(clochette)
[Chapitre 6. …à la renaissance du Chemin]
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Nous avons évoqué tout à l’heure le « profil » des pèlerins du Moyen-Age. Et aux siècles suivants ?
Après la Renaissance, au XVIIe siècle, on rencontre des paysans et des artisans car la noblesse est… à
la Cour ! Au XVIIe et XVIIIe siècles, ce sont des personnes à la recherche de travail ou d’assistance ou
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des hommes fuyant la conscription militaire. Aussi par soif d’aventure !
A quel moment l’intérêt de Compostelle renaît-il ?
Très clairement à partir de la fin du XIXe siècle avec des érudits et des chercheurs. A ce moment-là, on
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retrouve la trace de l’évêque du Puy parti à Compostelle en 951, vous vous souvenez ?
Oui, oui ! C’est à cette période qu’ont été remis en valeur les itinéraires des chemins ?
D’une certaine façon. En particulier, par la traduction en français d’une partie d’un document du
Moyen-Age. Ce manuscrit, qui date du XIIe siècle, venait de la volonté de l’évêque de Compostelle et
pape bourguignon Calixte II de rassembler l’histoire de saint Jacques depuis le IX e siècle. Volonté de
l’Église de Compostelle de mettre en valeur le tombeau de l’Apôtre, face à des événements politiques
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locaux
Remis au goût du jour après 8 siècles de sommeil ?
Parfaitement. La traduction date de 1938 seulement ! Cette édition fut un vrai succès de librairie et a
orienté la recherche compostellane de façon durable. Au-delà, elle a même guidé une politique
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d’aménagement du territoire.
Comment cela ?
Après cette parution, certain ont relié les sanctuaires pour tracer des chemins qualifiés d’historiques.
Parfois artificiellement. En transformant tous les noms de lieux comportant « Saint-Jacques » en
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balises.
Avec donc des erreurs à la clé !
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Évidemment !
Les hommes politiques se sont-ils souciés de Compostelle ?
En particulier dans les années sombres de la guerre civile en Espagne, dans les années 1935 - 1940
Et les papes dans tout cela ?
On peut citer Léon XIII qui reconnaît en 1884 l’authenticité des reliques de Compostelle, Pie XI qui
accorde en 1938 une année sainte exceptionnelle et, plus près de nous, Jean-Paul II qui y convoque les
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journées mondiales de la jeunesse en 1989.
Et aujourd’hui ?
Comme je vous le disais en commençant, le succès actuel du pèlerinage est phénoménal. Quelques
dizaines de pèlerins seulement en 1867, 200 000 l’an passé ! A tel point que de nouveaux chemins sont
ouverts pour décharger le Camino francès, mais aussi pour satisfaire le besoin de nouveauté de pèlerins
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multirécidivistes qui « font » régulièrement Compostelle.
Vous pensez qu’on peut trouver le Chemin monotone en le recommençant ?
J’ai croisé un prêtre espagnol qui en était à son 17e Camino ! Comme quoi, le Chemin n’est jamais
identique, même répété. Il se refait à chaque parcours ! En pensant à tous ceux qui nous ont précédés
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depuis… des siècles !
Merci Henri !
Merci Marie-Thérèse !