Combattre l`obésité : l`approche thérapeutique recommandée

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Combattre l`obésité : l`approche thérapeutique recommandée
Combattre l’obésité :
l’approche thérapeutique recommandée
Marie-Eve Domingue,
M.D., M.Sc.
Marie-France Langlois, M.D.
Jean-Patrice Baillargeon,
M.D., M.Sc.
Cet article est tiré de
la conférence
« L’obésité : le nouveau
fléau » présentée au
congrès Mise à jour en
thérapeutique, organisé
par le Centre de
formation continue de
la Faculté de médecine
et des sciences de la
santé de l’Université de
Sherbrooke.
Le cas de Madame Fafard
Mme Fafard, âgée de 42 ans, se présente à son rendez-vous annuel. Elle n’a pas
d’antécédent pertinent, ne fume pas et ne prend pas de médication sur une base
régulière. Sa mère (74 ans) souffre de diabète de type 2 et d’une maladie
coronarienne. À l’anamnèse, Mme Fafard ne présente aucun symptôme, mais se dit
de plus en plus incommodée par son poids. Elle travaille à temps plein, mange
souvent au restaurant et dit ne pas avoir le temps de faire de l’exercice.
Vous notez un poids de 86 kg et une taille de 1,65 m (IMC de 32 kg/m2). La
pression artérielle est à 135/85. À part une obésité abdominale (tour de taille de
102 cm), l’examen physique ne révèle rien de particulier.
Comment prendrez-vous en charge le problème de poids de cette patiente?
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a prévalence de l’embonpoint, définie par un indice de masse corporelle
(IMC) supérieur à 25 kg/m2, et de l’obésité (IMC > 30 kg/m2) a pris des proportions épidémiques depuis les 15 dernières années. Selon les données publiées
en 2008 par Statistique Canada, 68,1 % des hommes et 55,7 % des femmes présent
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Les coûts associés au surpoids et à l’obésité se chiffraient, en 2009, à 6 milL’u rger,
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liards de dollars, soit 4,3 % des dépenses en santé au Canada2.
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Il a été démontré que chez les personnes obèses atteintes de dysglycémie, d’hypertension ou d’hyperlipidémie, une perte modeste de 5 à 10 % du poids améliore
le contrôle glycémique, la tension artérielle et le profil lipidique3, tout en diminuant la mortalité chez les sujets diabétiques4. Il est aussi reconnu qu’une modification des habitudes de vie accompagnée d’une perte de poids de cet ordre de
grandeur diminue de 60 % le risque de progression vers le diabète chez les
intolérants au glucose5.
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Combattre l’obésité
Patient obèse ou avec surpoids (IMC > 25)
Rechercher et traiter, s’il y a lieu : comorbidités (hypertension, diabète, dyslipidémie) et troubles de l’humeur
Évaluer l’état de réceptivité au changement et les barrières à la perte de poids
Définir un objectif de perte de poids et de réduction des facteurs de risque (ex. : 5 à 10 % du poids initial)
Intervention de modification des habitudes
de vie : nutrition et activité physique
Objectif atteint ou progrès satisfaisant?
oui
Suivi régulier
Maintien du poids et
renforcement
non
Pharmacothérapie
Si IMC ≥ 30 ou ≥ 27 avec comorbidités
(en plus de la modification des
habitudes de vie)
Chirurgie bariatrique
Si IMC ≥ 40 ou ≥ 35 avec
comorbidités (à considérer que si
les thérapies précédentes
échouent) – Suivi médical à vie
Figure 1. Algorithme de traitement du patient obèse ou avec surpoids. Adapté de : Lau D, et coll. CMAJ 20076
La prise en charge thérapeutique de l’obésité
Les récentes lignes directrices canadiennes sur la prévention et la prise en charge
de l’obésité6 recommandent une approche thérapeutique intégrée de l’obésité et du
surpoids (Figure 1).
Le traitement de première ligne : la modification des habitudes de vie
Dr Jean-Patrice Baillargeon,
Dre Marie-Eve Domingue,
résidente, et Dre MarieFrance Langlois pratiquent au
service d’endocrinologie et au
département de médecine de
l’Université de Sherbrooke.
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Après l’évaluation des comorbidités, la première étape du traitement est la modification des habitudes de vie. Les lignes directrices soulignent que la gestion du
poids devrait idéalement se faire selon une approche multidisciplinaire. Cette
approche est tout à fait applicable dans le contexte du sytème de santé québécois,
tel qu’à la Clinique d’obésité du Centre hospitalier universitaire de Sherbrooke
(CHUS), mise sur pied en 20017.
Il est aussi possible d’arriver à des résultats de perte de poids cliniquement significatifs hors du contexte d’une clinique multidisciplinaire. Par exemple,
Combattre l’obésité
Dr Baillargeon a suivi une cohorte de 117 femmes obèses atteintes du syndrome
des ovaires polykystiques. Celles-ci avaient toutes été soumises aux principes de
base de la modification des habitudes de vie par leur médecin, à la Clinique d’endocrinologie de la reproduction du CHUS. Après 12 à 18 mois de suivi régulier,
43,5 % d’entre elles avaient perdu 5 % ou plus de leur poids initial. Cette perte de
poids s’est maintenue chez les 35 femmes ayant été suivies pendant trois ans ou
plus8. La modification des habitudes de vie visant une perte de poids est donc
recommandée pour tous les patients obèses ou avec un surpoids (Tableau 1).
Sur le plan alimentaire, une évaluation nutritionnelle avec le médecin ou une
nutritionniste accréditée est suggérée. Au besoin, l’adhésion à court terme à une
diète riche en protéines ou faible en gras, de même que la consommation de substituts de repas, peuvent être inclus à l’approche alimentaire de la perte de poids,
mais on prône davantage un recalibrage des habitudes alimentaires. L’activité
physique, pour sa part, est associée à long terme à une perte modeste, mais est
essentielle au maintien d’une perte de poids et est recommandée pour tous les
adultes obèses.
Le traitement de deuxième ligne : la médication anti-obésité
Afin de prévenir le développement du diabète, l’ajout d’une médication antiobésité est suggéré si les objectifs de perte de poids ne sont pas atteints à la suite
de la modification des habitudes de vie (en particulier chez les patients intolérants
au glucose). Au Canada, le seul agent approuvé pour cette indication est l’orlistat,
étant donné le récent retrait du marché de la sibutramine* (Tableau 2).
L’orlistat, un inhibiteur des lipases intestinales, entraîne une perte de poids en
empêchant l’absorption des graisses alimentaires. La perte de poids moyenne en
un an, selon une méta-analyse de 22 études, est évaluée, avec l’orlistat, à 2,89 kg
de plus qu’avec le placebo9. Par ailleurs, l’étude XENDOS (pour XEnical in the
prevention of Diabetes in Obese Subjects) a démontré que l’orlistat combiné à la
modification des habitudes de vie entraîne une réduction additionnelle de l’incidence du diabète de 45 % chez les sujets intolérants au glucose et de 37 % chez
l’ensemble des sujets avec surpoids ou obésité, comparativement à la modification des habitudes de vie seule12.
Le choix de l’agent à utiliser peut être fait selon les obstacles identifiés par le
patient (faim, mauvaise identification des gras cachés, etc.), les comorbidités ou
le profil d’effets secondaires. Avant son retrait, on favorisait la sibutramine si le
patient présentait surtout des rages de faim ou de sucre, de la difficulté à réduire
les portions d’aliments et une intolérance ou une contre-indication à l’orlistat
(symptômes intestinaux), par exemple. D’un autre côté, l’orlistat est particulièrement utile si le sujet obèse semble avoir une mauvaise évaluation des gras cachés.
Tableau 1
Principes de base de
la modification des
habitudes de vie
Alimentation
• Fractionner les apports en
plusieurs repas, en favorisant le
déjeûner;
• Adopter « l’assiette santé » :
1/2 légumes, 1/4 viandes et
substituts, 1/4 féculents;
• Réduire : jus et liqueurs,
aliments panés, matières
grasses des produits laitiers;
• Augmenter : fibres alimentaires
et légumes;
• Assurer un apport en
protéines à chaque repas.
Activité physique
• Fixer un objectif atteignable et
réalisable pour le patient;
• Augmenter progressivement
pour éviter les blessures;
• Viser un objectif à moyen
terme d’au moins 30 minutes
d’activité modérée par jour,
7 jours par semaine;
• Privilégier l’activité physique de
la vie quotidienne (transport
actif, loisirs, activités familiales,
etc.), en plus de l’exercice
structuré;
• Choisir des activités physiques
appréciées par le patient.
* À noter : Une fois la rédaction de cet article achevée, Santé Canada a annoncé le retrait de la sibutramine du
marché. Cette décision a été prise à la lumière des résultats de l'étude SCOUT (Sibutramine Cardiovascular
Outcomes), dont les résultats suggèrent un risque accru d'événements cardiovasculaires graves associés à
l'emploi de la sibutramine, chez des patients à risque élevé d'événement cardiovasculaire (Source : Santé
Canada, 14 octobre 2010).
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Combattre l’obésité
Tableau 2
Médication
anti-obésité : l’orlistat
Mécanisme d’action :
• Réduction de l’absorption des
graisses alimentaires
Posologie :
• 120 mg 3 f.p.j. avec les repas
Effets secondaires :
• Diarrhée, stéatorrhée,
flatulences et ballonnement
Contre-indication :
• Malabsorption chronique
Le traitement de troisième ligne : la chirurgie bariatrique
Enfin, si les autres tentatives de perte de poids ont échoué, la chirurgie bariatrique
doit être envisagée dans les cas d’obésité morbide ou compliquée, car elle s’accompagne à long terme d’effets positifs démontrés sur les comorbidités et la mortalité13.
En bref
Avec la prévalence du surpoids et de l’obésité dans notre société et les problèmes
de santé qui en découlent, il est primordial de s’attaquer au phénomène. De simples conseils au bureau peuvent avoir des impacts positifs sur le poids des patients,
bien qu’un suivi multidisciplinaire soit préférable. Le recours à la médication peut,
dans un deuxième temps, apporter des bénéfices supplémentaires en aidant les
patients à réduire leur poids.
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À retenir
• Il est essentiel de dépister et d’aborder la question du surpoids et de l’obésité.
• Une perte de poids modeste entraîne des bénéfices majeurs pour la santé.
• Des conseils simples sur le changement des habitudes de vie sont efficaces, mais un suivi
multidisciplinaire intégré est recommandé.
• La pharmacothérapie est une option efficace à considérer si le patient n’atteint pas les
objectifs après six mois.
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