Attentat de Londres : le troisième âge du terrorisme islamiste

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Attentat de Londres : le troisième âge du terrorisme islamiste
Attentat de Londres : le troisième
âge du terrorisme islamiste. Danger
Publié sur levif.be, le jeudi 23 mai 2013 par Gérald Papy
L’attentat de Londres, par son modus operandi, visait
ostensiblement à choquer les opinions occidentales. Ce
nouveau « terrorisme individuel », qui émerge de Toulouse
à Boston, est plus difficile à prévenir.
© Reuters
Un assassinat en plein jour, en pleine rue, dans un quartier de Londres, au couteau et à la hache.
Une prise à témoin macabre des passants. Une mise en scène filmée… L’attaque barbare de
Woolwich sème l’effroi et sidère. Après les crimes de Mohammed Merah à Toulouse (qui s’en était
pris lui aussi à des militaires) et ceux des frères Tsarnaev à Boston, il faut désormais s’interroger,
avec le politologue français Gilles Kepel, sur l’émergence d’un « troisième âge du djihad, celui
d’un terrorisme isolé et d’un échec de l’intégration en Occident ». Certes, les violences islamistes
observées ces derniers mois en Occident sont beaucoup moins meurtrières que n’ont pu l’être les
attentats de New York et Washington (2001), de Madrid (2004) ou de Londres (2005) dans la
première moitié des années 2000, elles n’en sont pas moins particulièrement dévastatrices pour les
relations entre Occident et islam, pour le vivre ensemble et, tout simplement, pour la démocratie.
Les éléments d’enquête sur l’agression de Londres sont encore trop partiels pour décrire avec
précision le profil des tueurs du soldat britannique. Venus de Somalie, du Nigeria ? Issus de
l’immigration britannique ? Isolés ou liés à une organisation structurée ? Une certitude, cependant,
leur modus operandi, tout en ciblant l’armée britannique comme le symbole de l’« occupation
occidentale » en terre musulmane en Afghanistan ou en Irak, visait ostensiblement aussi, voire
surtout, à choquer les opinions publiques européennes. La détermination des auteurs à revendiquer
leur geste devant les badauds présents et, à travers une vidéo qui serait largement diffusée, témoigne
du fanatisme hystérique de ce type d’individus.
Ce comportement renvoie les dirigeants européens à l’analyse de l’échec, plus ou moins profond, de
leur politique d’intégration. Évoquant les dossiers de Mohammed Merah et de Tamerlan et
Dzhokhar Tsarnaev, Gilles Kepel expliquait qu’« ils se sont « désintégrés » par rapport aux sociétés
d’accueil, au travers du rejet systématique de leurs valeurs au nom d’une norme islamiste
exacerbée, exprimant par le paroxysme de la violence leur adhésion à une cybercommunauté
imaginaire de djihadistes, héros fantasmatiques de la rédemption de l’humanité face aux kouffar («
impies ») occidentaux ». Après le terrorisme de masse de type Al-Qaeda, après le terrorisme
perpétré par les filiales régionales de cette nébuleuse, émergerait maintenant le « djihad du pauvre
», le terrorisme commis sous impulsion par des individus autoradicalisés ou de tout petits groupes.
Un phénomène d’autant plus dangereux qu’il est difficile de le prévenir par la répression et par le
travail des services de renseignement. Face à un tel processus, la parade ne peut être trouvée que sur
le long terme, par un travail en profondeur sur les remèdes aux échecs de l’intégration. Un chantier
que des fondamentalistes comme ceux qui ont frappé à Londres s’efforcent précisément de saper en
divisant les populations européennes et en accroissant la méfiance générale à l’égard des
communautés musulmanes, qui, en réaction, fourniront de nouveaux candidats au djihad. L’urgence
est donc de mise.
G.P.

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