Émissions d`obligations rachetables

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Émissions d`obligations rachetables
Émissions d’obligations rachetables :
motivations et rendements obligataires impliqués
Maxime DEBON
Université d’Evry
1
& LAREM
Franck MORAUX
Patrick NAVATTE
Université de Rennes 1
Université de Rennes 1
& CREM
& CREM
Octobre 2011
Abstract
Après avoir rappelé les différentes motivations conduisant l’émetteur à intégrer une clause de
remboursement anticipé, cet article étudie de manière empirique l’incidence des clauses de rachat
classique et « make-whole » sur les rendements obligataires. Dans notre échantillon, les obligations
rachetables munies d’une clause classique et « make-whole » ont un rendement actuariel moyen
respectivement supérieur de 155 et 21 points de base par rapport à leur homologue standard. À l’aide
de plusieurs régressions, nous montrons que la présence d’une clause classique induit une prime de
rendement, alors que l’influence de la clause indexée s’exerce en considérant les autres
caractéristiques de la dette émise.
JEL Classification: G12, G17, G34
Lorsque les directeurs financiers d’entreprise souhaitent intégrer une option de remboursement
anticipé à l eur émission obligataire, deux types de clause de rachat (au gré de l’émetteur) sont
aujourd’hui à leur disposition. La première clause, dite classique ou r égulière (pour regular call
1
Correspondance : Université d'Évry-Val-d'Essonne, Bâtiment de la Poste, 2, rue du Facteur
Cheval - 91025 Évry Cedex. Par courrier électronique : [email protected].
1
provision ou RC), fixe à la signature du contrat toutes les conditions du rachat et notamment le prix.
Les investisseurs sont ici susceptibles d’être remboursés avant l’échéance théorique de la dette selon
des termes fixés à l ’avance, et par voie de conséquence, sans tenir compte du contexte de taux
d’intérêt qui prévaudra au moment du r emboursement anticipé. La seconde clause que nous
appellerons « englobante » dans la suite (pour make-whole call provision ou MWC) prévoit des
modalités de rachat qui varient selon le contexte de taux d’intérêt au moment du remboursement. Ces
deux clauses coexistent sur le marché obligataire, elles possèdent donc leur intérêt propre.
L’objet de cet article est d’exposer les motivations d’usage de chacune puis d’analyser si la
présence de la clause modifie les rendements actuariels exigés par les investisseurs. 40% des
obligations d’entreprises américaines sont assorties d’une clause de rachat dans l’étude de Nayar et
Stock (2008). Les raisons poussant les entreprises à inclure une option de remboursement anticipé
sont multiples et de nature stratégique. Pour résumer, la clause de rachat offre essentiellement de la
flexibilité managériale. Cette flexibilité permet d’abord d’ajuster la structure du capital aux
conditions de financement changeantes qui s’appliquent à l’entreprise. C’est ainsi un outil très
efficace pour optimiser le coût de la dette et gérer le risque de taux d’intérêt (cf. Güntay et al., 2004).
Le refinancement de la dette à un taux de rendement moindre est évidemment une des motivations
les plus courantes à l’inclusion d’une clause de rachat. La clause permet, ensuite, un m eilleur
ajustement de la structure de capital aux caractéristiques et propriétés des actifs, investissements et
revenus de l’entreprise. On peut ainsi réduire le risque d’insolvabilité et saisir plus facilement des
opportunités d’investissement. Enfin, comme le soulignent Barnea et al. (1980), la clause de rachat
permet de traiter certains problèmes d’agence, en limitant les tendances aux sur- et sousinvestissement par exemple.
La présence d’une clause de rachat n’est pas anodine, elle peut influencer la tarification de la dette
et la rémunération des créanciers. Selon les caractéristiques de la clause, le remboursement anticipé
peut en effet créer un manque à gagner pour les investisseurs. En cas de rachat anticipé d’une
2
obligation munie d’une clause classique en période de baisse de taux d’intérêt, les investisseurs
subissent clairement un coût d’opportunité. Ce risque de replacement est évidemment pris en compte
dans la rémunération exigée et accordée aux créanciers lors de la signature. On doit s’attendre à
trouver dans ces obligations une « prime » additionnelle au rendement d’une obligation en tout point
similaire mais non-rachetable (cf. Ederington et Stock, 2002). Le rendement de l’obligation devrait
également refléter des autres signifiants « stratégiques » de la clause de rachat. Si les coûts d’agence
sont effectivement réduits par la présence de la clause, le rendement obligataire devrait diminuer,
toutes autres choses étant égales par ailleurs.
Notre échantillon est composé d’obligations d’entreprises américaines. Nous constatons que les
obligations rachetables ont, en moyenne, un rendement actuariel supérieur à leur homologue
standard. L’écart est respectivement de 155 et 21 points de base pour les titres assortis d’une clause
classique et englobante. Nous montrons aussi, à l’aide d’un modèle de régression, que les clauses
influencent positivement le niveau de rendement. L’effet de la clause classique est toutefois plus
affirmé que celui de la clause englobante.
Le reste de l’article est organisé comme suit. La première section expose le contour juridique des
clauses de rachat. Les motivations des émetteurs à inclure une clause de remboursement anticipé sont
détaillées dans la seconde section. La troisième section présente le cadre d’hypothèses avant de
décrire l’échantillon. La quatrième section précise la méthodologie et discute les résultats de l’étude
empirique.
1 Nature contractuelle des clauses de rachat
Les clauses de rachat tentent de répondre aux besoins de l’émetteur. Elles partagent donc des
caractéristiques communes mais se distinguent sur quelques modalités importantes qui les alignent,
de manière contrastée, aux attentes des investisseurs.
3
1.1 La clause classique (RC)
Dans le contrat obligataire, la clause de rachat classique précise traditionnellement trois
caractéristiques :
•
Le call premium - la prime que doit payer l’émetteur en cas de rachat anticipé.
•
L’exercice de type américain ou be rmudéen de l’option de rachat - le remboursement anticipé
pouvant être alors décidé soit à tout moment, soit à des dates déterminées (comme au versement
de coupon).
•
La notice period - le délai d’annonce que doit respecter l’émetteur avant que le rachat ne prenne
effet.
Des dispositions supplémentaires sont souvent ajoutées pour limiter le droit de rachat et diminuer les
inconvénients pour les investisseurs. Parmi les dispositions les plus usuelles, on trouve :
•
Le call deferment qui définit une période post émission durant laquelle le rachat n’est pas
possible.
•
La nonrefunding provision qui interdit le financement du rachat par une nouvelle dette.
Le call deferment est une disposition très fréquente qui est parfois assouplie pour tolérer une
opération qui ne serait pas refinancée par une nouvelle émission obligataire (two-tiered call). Quant
au caractère nonrefundable de la dette rachetable, il n’empêche pas les entreprises de réémettre une
obligation peu après l’opération de rachat (cf. Kerins, 2001) 2. Une autre stratégie mise en place par
les entreprises pour contourner l’interdiction consiste à mettre en place une opération dite STAC ou
Simultaneous Tender And Call (cf. Dhillon et al., 2001). L’entreprise procède ici à une offre
publique de rachat (tender offer) à un prix supérieur au prix de rachat contractuel c.-à-d. précisé dans
2 Cette disposition provoque parfois des contentieux entre actionnaires et créanciers, comme l’illustre un article du Wall Street
Journal daté du 2 novembre 1992 intitulé « Corporate Issuers Use Bluff-and-Threat Call Gambit ». Il y est écrit : « Morgan Stanley
complained that it had sustained a ’ grave financial injury’ and said it never would have invested in the debt ’if it believed Archer
Daniels would redeem the bonds so soon ».
4
la clause (cf. Mann et Powers, 2003).
La prime de rachat δ (t ) reste le paramètre essentiel de la clause classique. Ce call premium
diminue généralement durant la vie de la dette obligataire de manière régulière et « en escalier ».
Dans tous les cas, cette fonction est déterministe et spécifiée à la signature du contrat. La prime de
rachat implique le prix auquel la firme rachète sa dette, autrement dit le call price, qui noté CP (t ) ,
vérifie :
CP (t ) = F0 + δ (t )
(1)
où F0 est la valeur faciale de l’obligation rachetable concernée. Il est alors clair que plus la prime
de rachat est élevée, plus le call price est difficile à atteindre et moins le rachat est probable. Le
niveau du call premium influence directement la rémunération demandée par les créanciers. La
caractérisation du call price est ce qui distingue fondamentalement la clause englobante de la clause
classique.
1.2 La clause englobante (MWC)
Si l’option de rachat décrite dans la clause englobante est systématiquement américaine, la
particularité de la clause englobante concerne surtout l’indexation de son call price au comportement
des taux d’intérêt. La clause make-whole intègre ainsi dans la définition du call price le mouvement
des taux d’intérêt et la forme de la structure par terme. A une date t quelconque, il est défini comme
suit :
 n

c0 F0
F0
+
CPt = max ∑
; F0 
ti −t
T
(1 + rt (T ) + d (0))
 i =1 (1 + rt (ti ) + d (0 ))

(2)
où F0 et c0 représentent respectivement la valeur faciale et le taux de coupon de l’obligation
rachetable concernée. n est le nombre de coupons jusqu’à l’échéance T et les dates ti pour
i = 1,..., n sont les dates de versement de coupon ( ti − t s’interprétant néanmoins comme une durée).
rt (ti ) est le taux d’intérêt spot qui prévaut à la date t pour un hor izon ti et d (0 ) est une prime
5
connue à l’émission de la dette rachetable qui ajuste le taux d’actualisation à la notation de la firme.
Plus la notation à l’émission est faible et plus la prime d (0 ) est élevée. Notons que l’indice du temps
t souligne son caractère non déterministe.
Par définition, le prix de rachat correspond à la valeur actuelle des flux d’une obligation nonrachetable équivalente ayant une même notation à la date d’émission. La présence de d (0 ) garantit
formellement aux investisseurs que la rémunération qui leur avait été promise à l’émission est prise
en compte dans les conditions de rachat. L’indexation au comportement des taux d’intérêt dans
l’équation (2) protège l’investisseur en cas de rachat dans un contexte de taux d’intérêt faible, c.-à-d.
dans un contexte de risque de replacement fort. Ce faisant, le dispositif englobant favorise les rachats
provoqués par une amélioration de la qualité de signature. Supposons que la rémunération du risque
de crédit s’améliore ( d (t ) < d (0) ), alors le prix de l’obligation rachetable dépasse le call price.
On retiendra que l’investisseur est protégé en cas de rachat, d’autant plus que le call price ne peut
être inférieur à l a valeur de remboursement F0 . Nul besoin donc d’adjoindre à la clause de rachat
englobante une quelconque restriction mentionnée plus haut dans la clause classique.
2 Motivations
Les raisons d’inclure une clause de rachat anticipé dans les contrats de dette sont multiples et de
nature stratégique. Pour faire simple, l’entreprise recherche surtout de la flexibilité managériale et un
outil d’optimisation. Graham et Harvey (2001) constatent en effet que la flexibilité managériale est
une motivation importante des dirigeants au niveau de leur politique d'endettement. Une première
raison de racheter sa dette est évidemment la diminution du c oût du f inancement. En insérant une
clause de rachat dans ses financements, l’entreprise se dote aussi du moyen de modifier le profil de
son endettement. La clause limiterait également des coûts inhérents à plusieurs problèmes d’agence.
6
2.1 Une gestion dynamique de l’endettement
Munie d’une clause de rachat, l’entreprise a l’opportunité d’échanger une partie de sa dette et
donc de changer sa structure de capital et son profil de risque. Elle pourra ainsi éviter le dilemme du
choix de l’échéance fixe et saisir des conditions d’endettement plus favorables. En émettant une
obligation rachetable, la firme se dote aussi d’un outil de gestion du risque d’insolvabilité. La
décision de racheter la dette callable en (re)finançant l’opération par un autre emprunt permet alors
soit de baisser la charge d’intérêts supportée par l’entreprise pour une même valeur empruntée, soit
d’augmenter le montant emprunté à même charge d’intérêts.
2.1.1 Gérer le risque d’insolvabilité
La clause de rachat donne l’opportunité à un émetteur de ne pas choisir définitivement la maturité
de sa dette et apporte une solution au problème mis en lumière par Diamond (1991). Selon cet
auteur, le choix de la maturité d’une dette devrait résulter d’un compromis (ou trade-off) entre le
court terme et le long terme. Si une maturité de court terme permet d’ajuster le coût de la dette à
toute amélioration des conditions d’endettement, une maturité de long terme réduit les problèmes
d’insolvabilité et d’illiquidité ainsi que le risque de revente d’actifs productifs. Assortir la dette d’une
clause de rachat anticipé permet de sortir de ce dilemme en procédant à une opération de rachat par
un refinancement via une dette de plus court ou bien de plus long terme.
2.1.2 Baisser la charge d’intérêts de l’entreprise
Les économies de charges d’intérêts issues du rachat proviennent du remboursement de la dette
rachetable par un nouvel emprunt en tout point identique mais à un coût moindre. Dans le cas de la
clause classique, l’amélioration des conditions de financement peut provenir d’une baisse généralisée
c.-à-d. systématique des taux d’intérêt sans risque, d’une baisse des rémunérations requises par les
investisseurs sur le secteur, d’une baisse du risque de crédit de l’entreprise ou de toutes combinaisons
de ces deux aspects. Dans le cas de la clause englobante, seule une amélioration de la qualité de
7
signature ou une baisse de la prime de risque peut induire un gain pour l’émetteur.
La figure 1 illustre le rachat motivé par la baisse du taux de coupon exigé par les investisseurs, qui
serait intervenue entre la date d'émission ( t = 0 ) et la date de rachat ( t = t * ).
Figure 1 : Opération de rachat suivie immédiatement d’un refinancement obligataire. Le taux
de coupon de l’obligation de refinancement c1 est inférieur au taux de coupon de l’obligation initiale
c0 .
Pour que le rachat d’une obligation callable soit intéressant pour l’émetteur, le bénéfice de
( )
l’opération doit couvrir le montant de la prime de rachat δ t * que ce d ernier acquitte. Le taux de
coupon de l'obligation de refinancement c1 doit donc être suffisament inférieur au taux de coupon de
l'obligation initiale c0 . Essayons de formaliser cette idée en supposant que la dette de refinancement
est en tout point identique à la dette initiale (même valeur faciale F0 , même fréquence de versement
de coupons, même échéance). La valeur des économies de charges d’intérêts ( ECI ) à la date de
rachat s’évalue alors par la formule :
( )
1
n
ECI t * = (c0 − c1 )F0 ∑
i =1
(1 + r (t , t ) + d (t , t ))
*
i
*
i
ti − t *
( )
− δ t* .
(3)
avec n le nombre de coupons restant à verser avant l’échéance. Cette expression implique, à son
tour, que le nouveau taux de coupon doive être inférieur à :
c1 = c0 −
δ (t * ) *
ψ (t , ti )
F0
8
( )
avec, ψ t * , ti = ∑i =1
1
n
, pour que les économies de charges d’intérêts soient
(1 + r (t , t ) + d (t , t ))
*
*
i
ti −t*
i
positives (autrement dit que le différentiel de coupons actualisés couvre la prime de rachat). Le
niveau du c oupon doit donc être diminué de la prime de rachat ajustée d’un facteur ψ (t * , ti ) , qui
prend en compte les nouvelles conditions de refinancement c.-à-d. de la structure par terme des taux
d’intérêt sans risque et de la structure par terme des marges de crédit (credit spreads) qui
s’appliquent à l’entreprise. Si la nouvelle dette est de plus émise au pair, le nouveau coupon vérifie
également :
c1 F0
n
F0 = ∑
i =1
(1 + r (t , t ) + d (t , t ))
*
*
i
i
ti − t *
+
F0
(1 + r (t , T ) + d (t , T ))
*
*
T −t *
soit encore
c1 F0
n
∑
i =1
(1 + r (t , t ) + d (t , t ))
*
*
i
i
ti − t *
= F0 −
F0
(1 + r (t , T ) + d (t , T ))
*
*
T −t *
.
Les économies de charges d’intérêts se réécrivent alors :
c0 F0
n
( )
ECI t * = ∑
i =1
(1 + r (t , t ) + d (t , t ))
*

F0
−  F0 −
1+ r t*,T + d t*,T

( (
(
)
*
i
) (
))
i
T −t *
ti − t *

 − δ t*


( )
( )
= p0 t * , T − CP t *
avec p0 (t * , T ) le prix à la date t * de l’obligation non rachetable équivalente initiale. On retrouve
le même résultat que précédemment lorsque l’émetteur finance aussi la prime de rachat avec le
nouvel emprunt. Il y a en effet une totale équivalence entre le financement sur fonds propres et le
recours au financement par endettement dans un marché parfait. Deux remarques peuvent être faites
ici.
1. La date « optimale » de rachat au sens de Brennan et Schwartz (1977) est définie comme la date
9
à laquelle le prix de l’obligation rachetable atteint le call price. Or, par définition, le prix de
cette obligation rachetable est inférieur à son équivalente non rachetable. Les économies de
charges d’intérêts sont donc strictement positives à la date de rachat optimale selon Brennan et
Schwartz (1977) 3.
2. Le call price est donc relié intimement aux économies de charges d’intérêts que l’on souhaite
réaliser et donc aux anticipations des conditions de refinancement. L’inclusion d’une clause de
rachat est alors un jeu à s omme nulle selon le raisonnement de Myers (1971) ; le coût
d’inclusion sera égal au bénéfice espéré (au sens d’expected) que les émetteurs estimeront
retirer de son exercice.
2.1.3 Augmenter la somme empruntée
L’optimisation de la structure du c apital de l’entreprise peut passer par une augmentation de la
somme empruntée sur les marchés pour un même coût d’endettement (autrement dit, un m ême
coupon). Le bénéfice de l’opération de rachat peut s’apprécier ici par le différentiel de valeurs
faciales obtenu pour un même montant de charges d’intérêts :
F1 − F0
avec
c0
n
F1 = ∑
i =1
(1 + r (t , t ) + d (t , t ))
*
i
*
i
ti − t *
+
F1
(1 + r (t , T ) + d (t , T ))
*
*
T −t *
.
On peut là encore prendre en compte les coûts de rachat en considérant F1 − F0 − δ (t * ) .
2.2 Une structure de financement ajustée aux investissements
Pour certains auteurs, les clauses des contrats obligataires répondent à la nature particulière des
3 L’étude de Bellier-Delienne (2001) relève un décalage temporel entre l’atteinte du call price et l’exercice effectif de la clause.
Les différentes circonstances amenant une firme à e xercer son option de rachat devraient, d’une certaine manière, répondre aux
différentes motivations d’inclusion de la clause. Les questions liées au rachat effectif des obligations ne seront pas traitées dans cet
article. Très riche, cette problématique mérite en effet une investigation et une collecte de données spécifiques, qui sont effectuées par
ailleurs (King et Mauer, 2000).
10
actifs actuels de la firme, au profil de ses revenus ou à la gestion des options réelles. La clause de
rachat anticipé représente à cet égard un moyen d’adosser les modalités d’amortissement du passif et
de l’actif et de libérer les initiatives d’investissement ou de désinvestissement, notamment en
supprimant des clauses restrictives.
2.2.1 Échapper au risque de sous-investissement
Il est bien connu que le recours à l’endettement classique peut conduire les actionnaires à ne pas
mettre en place un pr ojet d’investissement pourtant porteur de valeur pour l’entreprise. Jensen et
Meckling (1976) expliquent ce phénomène par les nombreux coûts d’agence créanciers/actionnaires.
On pourra également consulter Myers (1977).
Ginglinger (2003) décrit le problème auxquels les actionnaires sont confrontés. Ils ont le choix
entre entreprendre le projet et partager les bénéfices avec les créanciers ou se priver de l’opportunité
de croissance et des revenus qu’il est susceptible d’engendrer. L’inclusion d’une clause de rachat
permet d’échapper partiellement à ce dilemme. Le remboursement anticipé permet d’accélérer le
règlement de la dette et de supprimer le transfert de richesse dont bénéficient les créanciers (Banko et
Zhou, 2010).
2.2.2 Aligner les intérêts des actionnaires et des créanciers
La clause de rachat constitue un mécanisme incitatif mis en place par les créanciers pour que les
investissements entrepris par les dirigeants maximisent la valeur de la firme (et non pas la seule
valeur des capitaux propres). Nayar et Stock (2008) indiquent que l’inclusion d’une clause de rachat
limite l’incitation à l’adoption de projets risqués. Leur raisonnement suppose que l’actionnaire ait
toujours intérêt à maximiser la valeur de l’option pour maximiser la valeur des capitaux propres. Le
rachat (éventuellement recherché par les dirigeants) demande l’appréciation de la valeur de la dette.
Or, la décision d’augmenter le risque des affaires et la volatilité des revenus de la firme augmente la
probabilité de défaut, réduit la valeur de la dette et donc contribue à diminuer la probabilité de
11
rachat. Ce faisant, les actionnaires se privent de la possibilité d’alignement des conditions d’emprunt
sur le risque réel de l’entreprise via une opération de rachat/refinancement.
2.2.3 Disposer d’une option de désendettement
La clause de rachat peut également se révéler intéressante en cas d’échec du projet
d’investissement initialement financé. Cette clause constitue alors une assurance pour l’émetteur de
pouvoir racheter sa dette devenue inutile (Chen et al., 2010). C’est notamment le cas des opérations
de croissance externe, où les projets de fusion/acquisition ne peuvent pas toujours être menés à terme
(cf. Narayanan et Lim, 1989).
3 Hypothèses et échantillon
Les motivations à l’inclusion d’une clause de rachat peuvent accroître et (ou) limiter le risque
associé au titre par l’investisseur. De ce co nstat, nous testons si les obligations rachetables ont des
rendements différents des titres standards et nous explorons dans quelle mesure les clauses de rachat
contribuent à ces éventuelles différences. Nous présentons d’abord nos hypothèses puis notre
échantillon.
3.1 Hypothèses
Comme Ederington et Stock (2002), nous étudions les rendements des obligations émises par une
même firme, qu’elles soient munies d’une clause de rachat ou non. A partir des séries temporelles de
prix, le rendement actuariel de chaque titre est calculé tous les mois selon une démarche classique.
Le rendement du k − iéme mois d'une obligation, noté y (k ) , est obtenu par la formule :
n
cF
∑ (1 + y(k ))
i =1
ti − t k
+
F
− pˆ (t k , T ) = 0
(1 + y(k ))T −tk
(4)
avec T l'échéance de l'obligation, c le taux de coupon, F sa valeur faciale et pˆ (t k , T ) son prix à
la date t k . Lorsqu’une firme présente, à une même date, plusieurs titres d’une même catégorie
12
(rachetable classique, rachetable englobante ou standard), une moyenne arithmétique des rendements
obligataires sera calculée.
Notre analyse se concentrera d’abord sur le niveau et la significativité de l’écart de rendement
entre titres rachetables et standards sachant qu’un titre rachetable devrait offrir une prime à
l’investisseur pour le rémunérer du risque de replacement. À l’opposé, le rendement est
éventuellement diminué du fait de la réduction des coûts d’agence et des autres bénéfices. Les
intérêts des investisseurs étant plutôt bien protégés par la clause englobante, une rémunération
additionnelle particulière serait une surprise. Nous formulons donc deux hypothèses testables :
H1 : L’écart de rendement entre une obligation munie d’une clause de rachat classique (RC) et une
obligation standard (NC) est positif .
H2 : L’écart de rendement entre une obligation munie d’une clause de rachat englobante (MWC) et
une obligation standard (NC) est nul ou négatif.
Notons que ces hypothèses pourraient être validées sans que la clause de rachat en soit la cause. Il
suffirait par exemple que les obligations observées dans une même société aient des notations
significativement et systématiquement différentes (défavorable aux obligations rachetables pour
l’hypothèse H1, favorable pour l’hypothèse H2). Un document de l’agence Standard & Poor’s
(Sheridan et Gillis, 2009) précise toutefois que la notation d’un titre est, en règle générale,
indépendante de la présence d’une clause de remboursement anticipé. Il nous suffit donc de tester si
la présence des clauses de rachat reste un facteur explicatif du niveau de rendement, en présence de
variables de contrôle constituées des caractéristiques de l’émission (coupon, durée de vie, etc.). Deux
autres hypothèses sont donc testées à l’aide d’un modèle de régression linéaire multiple :
H3 : Le rendement supérieur d’une obligation rachetable classique est expliqué par la présence de
la clause de rachat .
H4 : La présence d’une clause de rachat englobante n’est pas un facteur constitutif du ni veau
13
observé du rendement obligataire.
L’hypothèse H4 porte sur les rendements obligataires en cours de vie des obligations. Et, si elle
intéresse en premier chef les investisseurs, elle s’apparente en fait à cel le testée par Mann et
Powers (2003) selon laquelle les dirigeants pensent que la clause de rachat englobante est gratuite.
3.2 Échantillon
Nous présentons successivement notre procédure de sélection des émissions obligataires puis
quelques statistiques descriptives de l’échantillon recueilli.
3.2.1 La procédure de sélection des émissions obligataires
Les acteurs du marché obligataire français ont jusqu’à maintenant utilisé quasi exclusivement la
clause de rachat classique. L’étude empirique est donc menée sur des obligations d’entreprises
américaines pour disposer aussi de titres attachés de clauses englobantes. La base de données
d’origine, qui couvre une période totale de vingt ans (d’Avril 1990 à Avril 2010), a été constituée à
l’aide d’informations fournies par Thomson One Banker et Datastream. Nous avons sélectionné des
obligations corporate non-convertibles américaines en écartant, sur les recommandations de Güntay
et al. (2004), les institutions financières et les assurances (codes SIC 6000 à 6999), les services
d’enseignement, les services sociaux et les administrations (codes SIC 9000 à 9999). Les 2721 titres
de l’échantillon sont obtenus en utilisant les contraintes suivantes :
• Identification précise de l’appartenance des obligations aux catégories High Yield Corporate ou
Investment Grade Corporate (20377 titres)
• Présence d’un taux de coupon fixe (18467 titres)
• Principal de la dette supérieur à 10 millions de dollars (17745 titres)
• Existence sur Datastream de séries temporelles munie d’un même code ISIN « US » (4202
titres)
14
• Cotation sur une place financière américaine (3444 titres)
• Maturité supérieure à 5 ans (3280 titres)
• Suppression des obligations rachetables au gré des investisseurs (puttable bonds) assorties
d’une clause d’amortissement (sinking fund provisions) ou au descriptif incomplet (3107 titres)
• Conservation des obligation émises entre 1986 et 2008 (2721 titres)
Les émissions sélectionnées se répartissent en 759 obligations rachetables munies d’une clause
classique (RC), 1175 obligations rachetables munies d’une clause englobante (MWC) et 787
obligations standards (NC) émises par 1263 f irmes différentes (c.-à-d. identifiées par un num éro
CUSIP-6 spécifique). Parmi elles, 566 ont émis au moins une obligation RC, 490 ont émis au moins
une obligation NC et 506 ont émis au moins une obligation MWC. On a également extrait, pour
chaque type de clause, un s ous-échantillon pour lequel on di spose d’au moins une obligation
rachetable et d’une obligation standard par firme. L’étude et la comparaison des rendements n’est
alors possible que si l’on dispose (pour chaque firme) d’une date commune d’observation des prix
obligataires. Nous avons donc dû contrôler le chevauchement des périodes de cotation sur la période
allant du 01/04/1990 au 01/04/2010 .
L’étude de la clause classique est finalement envisageable sur 45 firmes ayant émis 68 obligations
rachetables et 71 obligations standards (soit un total de 139 titres). L’étude de la clause englobante
est, quant à elle, possible sur 99 firmes ayant émis 238 titres rachetables et 161 titres standards (soit
un total de 399 titres). Le tableau 1 regroupe cinq indicateurs permettant de vérifier l’homogénéité
des titres avant de comparer les rendements obligataires et l’incidence de la clause sur ceux-ci.
15
Tableau 1 : Échantillons des titres obligataires sélectionnés pour analyser les différences de
rendement. La volatilité du taux à 1 mois est calculée sur une période de 250 jours avant émission
(« BBUSD1M » sous Datastream). L’écart-type des notations est calculé en associant une valeur
numérique à chaque cran de rating (1 pour AAA, 2 pour AA+, ... et 21 pour C). Un écart-type de 4
correspond donc à 4 crans autour de la moyenne.
3.2.2 Description des échantillons d’étude de la clause classique
Les obligations rachetables classiques affichent une année moyenne d’émission (2001) très
légèrement postérieure aux obligations standards (2000). Leurs échéances (maximales) sont
également plus lointaines avec une maturité qui est plus élevée (de plus de 2 a ns et demi). La
maturité supérieure des titres rachetables est conforme à l ’hypothèse de gestion de risque
d’insolvabilité. Cependant, l’émission médiane d’obligations rachetables est identique, en taille et en
16
maturité, à l’émission médiane d’obligations standard.
L’écart d’un cran de la moyenne des notes de l’agence Standard & Poor’s constaté à l’avantage
des titres standards (BB+ contre BB) ne peut a priori être attribué à la présence de la clause de rachat
(Sheridan et Gillis, 2009). On remarque néanmoins que les notes médianes sont bien plus distinctes.
Le taux de coupon pourrait en revanche être sensible à l a présence de la clause de rachat, mais la
différence de 0,5 n’est pas significative. En moyenne, la volatilité du taux d’intérêt n’influe pas sur la
décision d’inclusion d’une clause de rachat d’après un test de Wilcoxon.
3.2.3 Description des échantillons d’étude de la clause englobante
L’année moyenne d’émission des obligations rachetables englobantes de notre échantillon est de 4
ans postérieure à leurs homologues standards tout en affichant une similitude des échéances
théoriques. La maturité des obligations MWC est aussi plus courte que leurs homologues standards.
Comme précédemment, la notation est légèrement supérieure pour les titres NC mais le risque de
crédit des obligations MWC est plus réduit que celui des obligations RC.
La faible dispersion du montant d’émission pour les titres MWC suggère un usage similaire de la
clause englobante. Les montants moyen et médian émis sont d’environ 50 millions de dollars
supérieurs à c eux des émissions standards de l’échantillon. Le taux de coupon est, quant à lui,
significativement plus faible sur les titres MWC que sur les titres RC. Cela s’explique par la notation
et un niveau de taux sans risque plus faible à la date d’émission (non illustré).
4 L’étude empirique
Dans cette section, nous exposons les résultats de l’étude des rendements obligataires et explorons
l’incidence des clauses classique et englobante sur ces derniers.
4.1 Les écarts de rendements
Notre étude montre que les écarts de rendements entre titres rachetables et standards diffèrent
17
suivant le type de clause. Le tableau 2 permet d’en rendre compte. Le nombre de rendements
comparés est proche pour les deux clauses. Le nombre moyen de dates examinées pour la clause RC
et la clause MWC est respectivement de 48 et 43,4 par firme. Sachant que chaque date représente un
mois donné, cela fait près de 4 ans d’observations en moyenne 4. On peut vérifier que les rendements
des obligations rachetables et standards sont bien calculés sur les mêmes dates pour chaque clause.
L’écart obtenu en différence de la moyenne des rendements entre les titres RC et NC est de 1,55
(8,93-7,38). Les obligations rachetables classiques offrent un r endement supérieur à l eurs
homologues standards. L’écart est significatif d’après le test de Wilcoxon au seuil de risque de 5% ,
ce qui valide notre hypothèse H1. Nous remarquons également que l’écart-type du rendement est
nettement plus faible (sans être significatif) pour les obligations RC. Ce résultat est logique avec la
présence de la clause classique car elle amortit les chocs de taux d’intérêt.
Le constat n’est pas identique en étudiant la clause englobante. La différence des rendements
moyens entre les titres MWC et NC est nettement plus restreinte, à 0,21% . L’écart est cependant
significatif au seuil de 10% d’après un test de Wilcoxon et infirme l’hypothèse H2. Cela signale que
l’exercice de la clause est perçu par l’investisseur plus défavorablement qu’une offre publique de
rachat obligataire. En outre, la différence des écarts-types de rendement est moins marquée que
précédemment puisque la clause englobante n’a pas un rôle d’atténuation de l’effet des mouvements
de taux sur le prix obligataire.
4 Le nombre minimum de dates disponibles pour une firme est 2, le nombre maximal est de 182 et 111 pour chacun des
échantillons.
18
Tableau 2 : Échantillons des titres obligataires sélectionnés pour analyser la valeur implicite de
la clause englobante.
La prime de rendement n’est pas nécessairement consubstantielle à l a présence d’une clause de
rachat au gré de l’émetteur. Certaines caractéristiques de l’obligation, comme sa notation plus faible
et son montant plus élevé, peuvent impliquer un écart de rendement hors clause. Comme les motifs
exposés en section 2 le rappellent, c’est parfois précisément pour ces raisons que les émetteurs sont
incités à inclure une possibilité de rachat anticipé. La différence de rendement peut ainsi recouvrir à
la fois la cause et la conséquence de la présence d’une clause de rachat dans le contrat obligataire.
Nous devons tester les hypothèses H3 et H4 pour vérifier si le rendement est modifié par la présence
de la clause.
4.2 La clause classique a un prix
Nous analysons maintenant si l’intervalle de 155 points de base entre les rendements des
obligations standards ou munies d’une clause classique est partiellement attribuable à l a clause de
rachat (soit H3). Pour ce f aire, nous étudions la dispersion des rendements moyens des titres
19
obligataires émis par les firmes. La variable endogène est le rendement yi , j avec i l'identifiant de la
firme et j l'identification de l'obligation. Ce rendement moyen par titre s’obtient en calculant la
moyenne arithmétique des rendements obligataires mensuels disponibles pour chaque obligation de
l’échantillon. En cas d’émission unique d’obligations standards par l’entreprise i , on pose :
yi , NC =
1
N i , NC
N i , NC
∑ y (k )
k =1
i , NC
avec yi, NC (k ) le taux de rendement calculé le mois k à l’aide de la formule (4) et du pr ix de
l’obligation standard observé ce mois-là. N i , NC représente le nombre de dates d’observation du
rendement. En cas de multiples obligations d’un même type disponibles à une date t , on retient la
valeur moyenne des rendements. Une approche similaire est utilisée pour les obligations rachetables.
Rappelons que notre échantillon contient 45 firmes ayant émis 139 obligations rachetables ou
standards. On dispose donc pour chaque firme de deux taux de rendements moyens yi , NC et yi , RC ,
soit 90 rendements.
Pour établir si le rendement moyen yi d’une firme i s’explique par les caractéristiques du titre
émis, nous mettons en œuvre une régression linéaire multiple. Afin de définir le modèle et éviter les
éventuels problèmes de colinéarité, nous devons effectuer au préalable une étude de corrélation des
variables exogènes envisagées. Le tableau 3 reporte les corrélations entre variables exogènes et la
variable endogène y .
20
Tableau 3 : Corrélations entre les variables explicatives potentielles de l’écart de rendement
observé pour l’étude de la clause classique. ***, **, * : significatif respectivement au seuil de 1%,
5%, 10% par le test de Pearson.
Le taux de coupon et la volatilité du taux à un mois au moment de l’émission sont deux variables
significativement corrélées que nous allons retenir. Moins liés aux écarts de rendements observés, ni
la maturité, ni le montant de l’émission ne sont conservés comme variables exogènes. La notation (à
l’émission) est sans doute un facteur explicatif du niveau observé des rendements. Pour éviter à la
variable indicatrice de présence de la clause de jouer le rôle de variable proxy de la notation, nous
créons une variable booléenne de la notation. Notre modèle complet de régression pour tester
l’incidence de la clause classique sur le niveau moyen de rendement y des obligations est le
suivant :
yi , j = β 0 + β1d i , j + β 2σ i , j + (β 5 + β 3 d i , j )ci , j + β 4 ki , j + ε i , j , (5)
avec i ∈ {1,...,45}, j ∈ {RC , NC } . d i , j est la variable indicatrice signalant la présence d'une clause
de rachat (on a d i ,RC = 1 et d i ,NC = 0 ). σ i, j est la volatilité du taux court (1 mois) à l'émission et ci , j
est le taux de coupon. ki , j vaut 0 ou pr end la valeur 1 lorsque la notation S&P d’un titre est plus
faible que la moyenne de l’échantillon (soit ici une note inférieure à BB+). Le modèle tient compte
des relations entre la présence de la clause et le niveau de coupon au travers de l’estimation du
coefficient β 5 . Le terme d’erreur ε i, j est supposé avoir toutes les qualités nécessaires au bon
déroulement de cette régression multiple. Les estimations ont témoigné d’une colinéarité modérée
entre les variables puisque le VIF n’a pas excédé 1,35. Quatre régressions sont présentées dans le
tableau 4. La première inclut toutes les variables du modèle (1), la seconde conserve le maximum de
21
variables significatives (2), la troisième retire la variable de présence de la clause classique (3), et la
quatrième ne considère que cette variable indicatrice (4).
Tableau 4 : Estimation des coefficients des quatre modèles de régressions dédiés à l’étude de la
clause classique (RC). Les séries de données des variables explicatives sont centrées et réduites
pour hiérarchiser le poids des variables. ***, **, * : significatif respectivement au seuil de 1%, 5%,
10% par le test de Student pour les variables et par le test de Fisher pour le R 2 .
L’estimation des coefficients du modèle complet (1) montre que les variables retenues expliquent
21,4% de la dispersion des rendements autour de la constante, égale à l a moyenne des rendements
observés, soit 7,8%. On remarque que la variable booléenne discriminant les notations faibles ( k )
n’est pas significative. Les différences de rendement observées entre les titres ne proviennent donc
pas d’un effet rating. La variable liant la présence de la clause au coupon perçu ( d * c ) doit aussi être
supprimée pour que le modèle de régression (2) soit bien spécifié. Les valeurs et la significativité des
coefficients n’en sont pas modifiées, les écarts de rendements sont encore expliqués par trois
variables : la volatilité du taux court ( σ ), le taux de coupon ( c ) et la présence de la clause de rachat
classique ( d ). Leur pouvoir explicatif est proche puisque le niveau des coefficients est du même
ordre sur des séries des données normalisées.
Le modèle restreint (3) indique que l’absence de la variable indicatrice d’inclusion d’une clause
22
RC fait perdre 4,3% de variance expliquée. Par ailleurs, le coefficient de détermination, significatif à
1% d’après le test de Fisher, s’établit à 5,3% lorsque la variable de présence de la clause est la seule
prise en compte. L’hypothèse H3 est donc validée, la présence de la clause classique surenchérit le
rendement actuariel moyen exigé par l’investisseur. D’après les deux dernières colonnes, on déduit
également que la présence de la clause explique directement une part de la dispersion des
rendements. Comme King (2002; 2007), nos résultats montrent que la clause de rachat classique a un
prix.
4.3 La clause englobante n’est pas transparente
Reprenons l’approche suivie ci-dessus pour l’appliquer à l’échantillon constitué pour étudier les
obligations munies d’une clause de rachat englobante. Le tableau 5 présente les corrélations entre
différentes variables explicatives à sélectionner et leur lien avec le rendement obligataire.
Tableau 5 : Corrélations entre les variables explicatives potentielles de l’écart de rendement
observé pour l’étude de la clause englobante. ***, **, * : significatif respectivement au seuil de
1%, 5%, 10% par le test de Pearson.
À la différence de l’échantillon précédent, la maturité est corrélée aux rendements des obligations
de manière plus forte que la volatilité du taux à un mois à la date d’émission. Ce résultat est logique
dans la mesure où l a clause englobante (par définition) tient compte des mouvements de taux et
immunise les investisseurs contre le risque de replacement. Le modèle est stipulé comme suit pour
23
étudier l’incidence de la clause englobante sur le rendement moyen y d’une obligation :
yi , j = β 0 + β1d i , j + β 2σ i , j + (β 6 + β 3 d i , j )ci , j + (β 7 + β 4 d i , j )Ti , j + β 5 ki , j + ε i , j
(6)
avec i ∈ {1,...,99}, j ∈ {MWC , NC } . d i , j est la variable indicatrice signalant la présence d'une
clause de rachat (on a d i ,MWC = 1 et d i ,NC = 0 ), Ti , j la maturité du titre. ki , j prend la valeur 1 lorsque
la notation S&P est plus faible que BBB+ et 0 sinon. Les régressions sont effectuées sur 99 firmes,
soit 198 rendements moyens y . De manière similaire à l a clause classique, la multicolinéarité est
modérée (VIF < 1,40) et les résultats sont affichés en distinguant quatre régressions (tableau 6).
Tableau 6 : Estimation des coefficients des quatre modèles de régressions dédiés à l’étude de la
clause englobante (MWC). Les séries de données des variables explicatives sont centrées et réduites
pour hiérarchiser le poids des variables. ***, **, * : significatif respectivement au seuil de 1%, 5%,
10% par le test de Student pour les variables et par le test de Fisher pour le R 2 .
Le coefficient de détermination du modèle complet (1) est de 19,5%, un niveau proche du R 2 du
modèle dédié à la clause classique. Une fois la variable d * T supprimée, la variable d * c est
significative et le modèle devient bien spécifié (2). La présence de la clause de rachat englobante
accroît donc l’influence du taux de coupon sur le rendement actuariel moyen exigé y . Notons que,
24
plus la volatilité du taux court ( σ ) est forte, plus le rendement de l’obligation MWC diminue par
rapport à celui d’une obligation standard. Ce résultat, opposé à celui de la clause classique, indique
que les deux clauses ne sont pas substituables. La clause classique est une couverture contre le risque
de taux pour l’émetteur alors que la clause englobante protège davantage l’investisseur. De plus,
contrairement à l ’échantillon d’étude de la clause RC, une note identifiée comme « faible » à
l’émission implique un rendement actuariel moyen plus réduit. Le signe négatif peut s’expliquer par
un potentiel de réduction de coûts d’agence plus fort eu égard aux rôles de la clause de rachat.
À l’instar de la clause classique, β1 est positif, si bien que le rendement actuariel exigé est
supérieur en moyenne en présence d’une clause englobante. Ce résultat est appuyé par le modèle
bien spécifié et le modèle restreint, dans lequel l’absence de la variable indicatrice d’une clause
MWC fait chuter le R 2 de 4,8%. La clause englobante fait ainsi partie intégrante du rendement exigé
par les investisseurs. Nous concluons que la clause englobante n’est pas gratuite et nous infirmons
l’hypothèse H4. Si les travaux conjugués de Mann et Powers (2003) et Nayar et Stock (2008)
attestent d’un signal positif envoyé par l’inclusion d’une clause englobante au contrat obligataire,
nous montrons que l’effet ne perdure pas une fois l’obligation cotée. Notons que le retrait de la
variable de présence de la clause MWC rend la variable indicatrice de notation faible ( k ) non
significative. Cela suggère que la note est particulièrement observée par les investisseurs lorsque le
titre est rachetable.
Le modèle univarié montre que l’influence de la clause englobante n’est pas aussi directe que la
clause RC. Son incidence ne s’observe qu’à la considération du « mix » contractuel. La variable
indicatrice d n’explique en effet aucune dispersion des rendements ( R 2 = 0 ). La clause de rachat
englobante se révèle une fois prises en compte les caractéristiques essentielles de la dette.
25
Conclusion
Dans cet article, nous sommes revenus sur les différentes raisons qui incitent les entreprises à inclure
une clause de rachat anticipé dans les contrats obligataires. Puis, nous évaluons dans une étude
empirique sur un échantillon de plusieurs centaines de titres obligataires d’entreprise si les deux
clauses impactent le rendement des titres obligataires. Nos résultats montrent d’abord que les
obligations rachetables munies d’une clause classique ont, en moyenne, un rendement supérieur de
155 points de base à leur homologue standard et qu’à l’opposé, les titres assortis d’une clause
englobante affichent un rendement supérieur de 21 poi nts de base (toujours par rapport à des
obligations standards comparables). Nous constatons, à l’aide de plusieurs régressions, que les
clauses classique et englobante influencent positivement le niveau de rendement exigé par les
investisseurs. Conformément à l a littérature, la clause classique a u n effet direct sur le rendement
exigé. L’effet de la clause englobante est un résultat nouveau. Il n’est révélé qu’à la considération
des autres caractéristiques de l’obligation et suggère que la clause réussit à concilier les intérêts des
deux parties.
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