La forêt privée, plus qu`un revenu d`appoint! De l`aide? Pas

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La forêt privée, plus qu`un revenu d`appoint! De l`aide? Pas
Je ne sais pas si vous êtes comme moi, mais parfois, je suis surpris de
constater que certaines personnes croient que la crise n’affecte pas le
secteur de la forêt privée. Que ce secteur ne produit que des revenus
d’appoint. Que malgré les déboires de l’industrie de l’aménagement
forestier et surtout ceux de l’industrie de la transformation, le monde
de la forêt privée traversera la crise sans heurts majeurs.
Il est, je crois, inutile d’élaborer sur
l’envergure de la crise forestière que
nous subissons actuellement. Ses impacts sur l’industrie de la transformation
ont été bien diffusés dans les médias.
Toutefois, les impacts sur le «monde de
la forêt privée» le sont beaucoup moins.
L’aménagement de la forêt privée est
une industrie très importante dans les
communautés forestières québécoises
et les groupements forestiers en sont les
porte-étendards.
Importante,
la forêt privée?
En 2007-2008, les groupements fo­
restiers ont utilisé 74% du budget
d’aménagement de forêt privée (PMVMF) soit 25,8 M$. Ces sommes ont
permis de générer directement un chiffre d’affaires de 132 M$, soit cinq fois
plus que les sommes allouées par le
programme de mise en valeur du milieu
forestier.
L’action des 26 000 propriétaires regroupés a permis de créer plus de 2 400 emplois dans les communautés forestières.
Il s’agit de 55 emplois par communauté; 1 emploi pour chaque tranche
de 11 000$ investis. Dans un contexte
de crise, c’est très significatif! Ce chiffre
vient d’ailleurs confirmer l’orientation de
développement social et économique
local qui a présidé à la naissance des
groupements forestiers.
Se limiter à ces données économiques
serait toutefois très réducteur. Au-delà
des impacts financiers, la présence des
groupements forestiers se fait sentir
avant tout sur la dynamique forestière
locale et la cohésion de la communauté. N’oublions pas que, comme le
laisse croire leur nature collective, la
mission des groupements forestiers vise
à: «contribuer au développement socioéconomique des régions par la création
d’emplois et l’enrichissement du patrimoine forestier».
Ainsi, nos organisations sont impliquées
dans la vie de la communauté. On les
observe fréquemment agissant comme
administrateurs dans plusieurs forums
régionaux comme: la CRÉ, le CLD, la
SADC et j’en passe. Ils agissent régulièrement comme partenaires du monde
municipal dans des projets de déve­
loppement. Ils sont aussi fréquemment
les promoteurs de projets novateurs
tels les services environnementaux et la
transformation à valeur ajoutée.
Cette implication contribue à forger la vision du développement forestier au sein
des communautés forestières. Sans
une vision du développement de leur
patrimoine forestier, les communautés
forestières auront beaucoup de mal à
imaginer leur place dans un nouvel «ordre forestier».
Rien n’est acquis
La crise forestière change la donne.
Ainsi,­ selon les estimations de la Fédération des producteurs de bois du Québec
(FPBQ), il devrait se récolter 3,4 Mm³ de
bois en 2008. Il s’agit d’une baisse de
plus de 45% par rapport à une année
normale. Cela représentera une diminution de plus de 4 M$ dans le financement industriel du programme de mise
en valeur du milieu forestier. Environ
10% du budget total! De plus, on estime
que le volume récolté diminuera davantage l’année prochaine.
Toujours selon la FPBQ, la baisse de la
demande de bois fera perdre plus de
180 M$ en revenus bruts pour les propriétaires forestiers. Ce sont des revenus
perdus certes, mais ce sont surtout des
travaux qui ne se réaliseront pas et qui
ne créeront pas d’activités économiques
en région.
Nous n’en sommes
plus à une diminution
d’un revenu d’appoint;
nous en sommes à
Jean-Guy Rioux
l’ébranlement de la
Président du Regroupement
structure même de la
des sociétés d’aménagement
forêt privée! Les groupeforestier du Québec
ments forestiers tiennent
à bout de bras le développement de la forêt privée en région.
Ils vont jusqu’à réaliser des pertes volontairement afin de garder leurs employés
au travail et maintenir l’intérêt des propriétaires à produire du bois. Tout cela
parce qu’ils croient fermement que le
développement des régions passe par la
solidarité des forces vives qui les composent.
éditoriaux
La forêt privée,
plus qu’un revenu d’appoint!
Puis après?
Je ne doute pas une seule seconde que
les propriétaires regroupés continueront
à défendre les intérêts de leurs communautés. Je ne doute pas non plus
qu’ils ne ménageront aucun effort afin
de trouver des solutions qui leur permettent de passer la crise. Toutefois,
si comme société nous sommes cohérents avec notre intention de mettre
en place les conditions qui permettront
aux communautés de prendre part
rapidement à la reprise, nous devrons
penser aux groupements forestiers et à
la forêt privée!
De l’aide? Pas si compliqué!
Par le passé, RESAM a proposé à plusieurs reprises des mesures
d’aide permettant au secteur de la forêt privée de traverser la crise.
Nous savons tous qu’il est illusoire d’attendre des mesures miracles
qui permettront au secteur de la forêt privée de sortir intact des per­
turbations actuelles. Peu importe les interventions des différents pa­
liers gouvernementaux, les groupements forestiers auront à essuyer les
contrecoups de la crise.
Que pourrions-nous faire?
1. Augmenter le budget d’aménagement
du programme régulier
Hausser le budget du programme ré-
gulier est un impératif afin de maintenir la structure de la forêt privée. C’est
investir dans nos «infrastructures.»
C’est créer des emplois au sein des
communautés forestières tout en
améliorant nos forêts. Et, contrairement aux projets d’ordre routier, les
sommes investies en forêt prennent
de la valeur!
2. Diminuer temporairement la
contribution de 20% du propriétaire
aux travaux d’aménagement
Les propriétaires forestiers assument
20% des coûts pour tous les travaux
réalisés en forêt privée. En temps
de crise, cette participation devient
un frein pour plusieurs propriétaires
moins nantis. Cette situation mène à
un désintéressement majeur envers
l’aménagement forestier. Sauronsnous récupérer ces sylviculteurs?
Cette mesure est importante pour le
maintien de la qualité des emplois et
l’intérêt des propriétaires envers la fo­
resterie.
3. Aide fédérale
Les groupements forestiers font tout
4. Maintenir et faire évoluer les
mesures d’aide à la formation des
nouveaux travailleurs de manière à
favoriser le maintien à l’emploi
La relance forestière passera nécessairement par des entreprises performantes pouvant compter sur
de la main-d’œuvre en mesure de
répondre aux besoins à venir. Il faut
intervenir dès maintenant pour pouvoir apprécier cette main-d’œuvre
au moment opportun. Quelques
programmes de formation existent
actuellement. Ils manquent toutefois de souplesse. Ces programmes
devraient aussi permettre la formation des travailleurs actuels dans un
modèle de développement général
des compétences.
5. Octroyer de l’aide
à la certification forestière
Nous avons prouvé que la certification est à notre portée. Le seul frein,
le coût découlant des
audits. Enclenchons
la démarche en octroyant une aide financière allouée pour des
hectares certifiés. Si
cette aide permet de
couvrir les coûts supplémentaires découMarc Beaudoin
lant de la certification
Directeur général du Regroupement
de petites superficies
des sociétés d’aménagement
de forêt, soyez prêts,
forestier du Québec
car les résultats iront
au-delà des attentes!
6. Mettre en place un programme de
voirie forestière en forêt privée
Il est actuellement injustifié qu’une
aide provinciale appuie la construction
de chemins d’accès en forêt publique
alors que la forêt privée assume la
quasi-entièreté de ses constructions.
Une mesure équitable devrait aussi
venir appuyer l’accès à la ressource
de la forêt privée.
Avouons que ce n’est pas si compliqué! Une bonne dose de courage, une
foi inébranlable en l’aménagement
forestier ainsi qu’un désir sincère de
voir les entreprises s’armer pour la
relance, voilà tout ce qui est nécessaire! Maintenant, la question demeure :
voulons-nous
appuyer
l’industrie de l’aménagement forestier
de la forêt privée? Si tel est notre souhait collectif, il est grand temps de lui
paver le chemin de la relance…
Le Monde Forestier • Février 2009 Actuellement, la forêt privée s’enlise.
Elle s’enlise à un tel point que plusieurs doutent qu’elle puisse participer pleinement à la relance forestière
lorsqu’elle surviendra. Ne serait-il pas
temps de tenter de limiter les dégâts?
Les organisations de la forêt privée
seront bientôt dans l’obligation de se
départir d’une partie de leur personnel
clé, faute de travail. Personnel qu’elles
ne pourront récupérer ultérieurement.
Faute de marché, plusieurs producteurs remettront en question leur
intérêt à couper du bois et peut-être,
de façon permanente. Deux situations, avouons-le, qui rendent la participation à la reprise plutôt aléatoire.
Dans la recherche de mesures d’aide
efficaces, deux objectifs doivent
guider notre réflexion : maintenir
nos structures en place et maintenir
l’intérêt des propriétaires engagés en
aménagement.
en leur pouvoir pour garder à l’emploi
leur main-d’œuvre malgré la difficulté
de l’exercice. Plusieurs activités se
réalisent à perte dans un souci de rétention de la main-d’œuvre au travail.
Le gouvernement fédéral devrait davantage être impliqué sur cet aspect
spécifique. L’utilisation d’une mesure
facilitant la rétention des employés à
l’emploi pendant les périodes à vide
serait d’une aide précieuse au monde
de la forêt privée.

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