Décès du père Luis Ruiz, S.J., de Macao

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Décès du père Luis Ruiz, S.J., de Macao
IN MEMORIAM
Décès du père Luis Ruiz, S.J., de Macao
Depuis de nombreuses années, le
Bureau des missions de Montréal
soutient le travail de Casa Ricci Social
Services, de Macao. Son fondateur et
inspirateur, le P. Luis Ruiz, originaire
d’Espagne mais qui a dédié sa vie
entière au service des pauvres de
Chine, est décédé le 26 juillet dernier.
Il avait 97 ans. Il est principalement
connu pour son travail auprès des
lépreux, mais aussi des orphelins et
des malades du SIDA. Plusieurs amis
et bienfaiteurs du P. Ruiz vivent au
Canada et utilisaient nos services pour
faire parvenir leurs dons à l’œuvre du P.
Ruiz basée à Macao. Voici le
témoignage que le Provincial de Chine,
le P. Louis Gendron, a rendu au P. Ruiz.
Le P. Ruiz était le jésuite le plus
âgé de la Province de Chine, né en
1913 comme le P. Georges-Étienne
Beauregard. J’ai eu le privilège de le
connaître vers la fin de sa vie, alors
qu’en 2005 nous avons emménagé la
curie provinciale à Macao et que j’ai
pu le rencontrer en personne pour la
première fois, lui qui avait vécu ici
depuis 1951. L’an dernier, lors de ma
visite à sa communauté, il m’a dit :
« S’il vous plait, dites à mon supérieur
de communauté de me laisser encore
aller en Chine à tous les trois mois ! Je
dois vraiment y aller pour témoigner
auprès de nos bienfaiteurs de la
situation concrète des lépreux de
sorte qu’ils continuent à soutenir
notre œuvre. »
Même s’il avait près de 100 ans, le
P. Ruiz connaissait l’importance des
« réseaux ». C’est par des histoires
touchantes, qu’il recueillait durant
ses périples en Chine, qu’il pouvait
écrire à ses amis et bienfaiteurs de
partout dans le monde ; il leur écrivait
dans plusieurs langues et il a entretenu ce réseau durant plus de 40 ans.
Grâce à ces personnes, il fut vraiment
la voix des pauvres.
Au cours de la conversation que j’ai
eue avec lui l’an dernier, le P. Ruiz m’a
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dit : « Je ne suis pas doué du point de
vue intellectuel, mais ce que j’ai, je le
mets au service des pauvres ». Je me
suis rendu compte, ces dernières
années, que le P. Ruiz se laissait
guider par quelques principes fondamentaux, trois surtout. Le premier :
« Rendre les gens heureux est la
meilleure manière d’être heureux soimême ». Il était de fait, certainement,
un homme heureux. Deuxièmement :
« Si vous voulez aider des gens, vous
devez d’abord les rencontrer, les voir
de vos propres yeux ». Son implication
avec tant de léproseries en Chine a
commencé après qu’il eût l’occasion
d’en visiter une, dans la Province de
Guangdong, et parce qu’un prêtre
chinois lui avait dit combien la situation de ces gens était misérable. Et le
troisième principe : « Les supérieurs
sont bien occupés ; il vaut mieux ne
pas les déranger ! » Intéressant !
Quand le P. Ruiz est venu à Macao
pour la première fois, en 1951, et
durant plusieurs années par la suite,
C’est alors que fut ouverte l’école
Matteo Ricci, principalement pour les
réfugiés. Le P. Ruiz a convaincu deux
personnes de libérer un édifice de
sorte que l’école puisse s’y loger; il
leur a bien sûr trouvé un petit appartement ailleurs.
Quand la situation à Macao s’est
stabilisée, le P. Ruiz s’est intéressé à
ce qui se passait à la source de
l’arrivée des réfugiés, la Chine continentale. C’est alors qu’il a repéré les
lépreux et leurs grands besoins. À
l’époque, il avait déjà plus de 70 ans,
mais cela ne l’a pas empêché de se
lancer dans ce nouveau projet
exigeant. Les « Services sociaux Casa
Ricci » ont tissé des liens amicaux
avec une centaine de léproseries
dans les régions montagneuses
éloignées de différentes provinces de
Chine. L’œuvre a voulu changer le sort
de ces villages misérables pour en
faire des milieux de vie dignes des
personnes humaines qui y vivaient. Le
P. Ruiz a construit des routes, des
ponts, des centres d’accueil, des
cliniques médicales. Il a installé l’eau
courante et a fait construire des
lignes électriques. De plus, il a offert
quelque 2000 bourses chaque année
à des jeunes de ces villages, de la
maternelle à l’université. Il m’a dit
qu’il ne s’était jamais vraiment préoccupé de l’argent « parce que le
Seigneur a soin des gens » ; il utilisait
les ressources financières qui lui
étaient envoyées avec générosité,
sans trop calculer.
Après environ 10 ans de ce travail, il
a eu une intuition bénéfique : inviter
des religieuses à se joindre à son
œuvre. Quelques années plus tard,
plus de 80 religieuses vivaient dans
les villages des lépreux, dans de
petites communautés de trois ou
quatre soeurs. À son avis, toute l’atmosphère du village est changée
quand quelques religieuses y vivent,
car les sœurs créent « une oasis
d’amour ».
Sur une note plus intime, le P. Ruiz
m’a dit que pour vivre continuellement en présence de Dieu, il répétait
plusieurs fois par jour deux prières
ignatiennes : le « Suscipe »1 et l’« Anima Christi »2. Chaque soir, il préparait
sa méditation et son Eucharistie du
lendemain. Il se consacrait à la prière
de 6 h 30 à 9 h chaque matin, avant
d’aller célébrer la messe pour les
religieuses et les résidents du centre
d’accueil St. Aloysius à Taipa – ce
qu’il a fait pratiquement jusqu’à son
décès. Très candidement il m’a dit
que souvent, quand il se mettait en
prière, il s’endormait. Mais ça allait
tout de même car il se sentait entre
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les mains du Seigneur. « Après tout,
concluait-il, je suis pauvre, même
dans ma prière ».
Tout le monde à Macao connaît les
« Services sociaux Casa Ricci ». Je
trouve très significatif qu’avec les
années le P. Ruiz ait jugé bon
d’enrichir le nom de son institution en
lui ajoutant la référence au père
Matteo Ricci. Ce dernier a toujours
été associé aux « missionnaires
savants ». Mais à Macao, le nom de
Ricci a été rehaussé, il a pris une
dimension nouvelle grâce à son
association avec « le soin des réfugiés, des malades et des pauvres »,
ce qui définit l’œuvre du P. Ruiz.
Matteo Ricci doit être reconnaissant
au P. Ruiz pour cette association. Ils
partagent maintenant ensemble le
bonheur du ciel.
Louis Gendron, S.J.
Provincial de Chine
1
La prière du « Suscipe » : Prends
Seigneur, et reçois toute ma liberté,
ma mémoire, mon intelligence, et
toute ma volonté ; tout ce que j’ai et
possède, tu me l’as donné. À toi,
Seigneur, je le rends.
2
L’ « Anima Christi » : « Âme du Christ,
sanctifie-moi. Corps du Christ,
sauve-moi. Sang du Christ, enivremoi. Eau du côté du Christ, purifiemoi. Passion du Christ, fortifie-moi.
IN MEMORIAM
le territoire était rempli de réfugiés
venant du continent. Ceux-ci entraient
par milliers à Macao et le gouvernement de l’enclave les envoyait chez le
P. Ruiz pour que celui-ci leur donne
des vêtements, de la nourriture,
un logement temporaire. Le P. Ruiz
prenait soin de ces gens durant
quelques semaines puis il leur demandait de partir de sorte qu’il puisse
en accueillir d’autres. Le soir, il
donnait des leçons de catéchisme et,
de ce travail, 5000 personnes furent
baptisées ici, à Macao. Bien vite trois
hospices pour les personnes âgées et
les handicapés physiques ou mentaux
furent construits : les dons arrivaient
providentiellement.

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