Trop d`examens radiologiques

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Trop d`examens radiologiques
la santé
Trop d’examens radiologiques
Polémique Trop d’actes médicaux inutiles. Un radiologue libéral décrypte cet emballement
dénoncé par l’Académie de médecine et livre quelques pistes pour un retour à la normale
T
rop, c’est trop! En avril,
les sages de l’Académie
de médecine dressaient
un bilan sans concession des
actes inutiles réalisés dans
l’Hexagone, source « d’inflation de dépenses » pour la collectivité, sans pour autant apporter de bénéfices aux patients. En ligne de mire, tout
ou presque : trop d’échographies, d’examens biologiques,
de bilans de santé, d’ordonnances de médicaments, de recours à l’imagerie « lourde »,
voire à des interventions chirurgicales.
Un radiologue grassois, le
Dr Robert Barzilaï, organisait
récemment une réunion sur
la contribution des radiologues à la maîtrise des dépenses de santé. Sans langue de
bois, il livre son analyse des
causes de l’emballement et
propose des pistes pour que
« les choses changent ».
Comment expliquez-vous
la multiplication déraisonnable
des examens d’imagerie?
La peur des procès médicaux,
avec des jugements parfois
surprenants condamnant des
médecins contre toute logique,
est une des causes principales;
elle les pousse, en effet, à ouvrir
le parapluie en multipliant les
prescriptions. Mais, elle n’est pas
la seule cause; il faut aussi noter
que la plupart des médecins
ne sont pas formés à l’imagerie
médicale et n’ont pas suivi
l’évolution très rapide de cette
Le D r Barzilaï, de Grasse,
pointe différents niveaux de
responsabilités.
(DR)
discipline. D’où des prescriptions
abusives ou inadaptées.
On peut enfin regretter que
l’examen clinique soit souvent
trop court pour permettre de
conclure à un diagnostic.
Pourquoi aussi peu de temps
consacré à examiner le patient?
À cause du prix ridicule de la
consultation d’un généraliste,
 €! Combien de consultations
un médecin doit-il réaliser, dans
ces conditions, pour être
rentable? Je vous donne la
réponse : un nombre beaucoup
trop important, et donc un
examen clinique trop sommaire
pour être efficace.
Et les patients dans tout ça?
La pression qu’ils exercent sur le
médecin est réelle. Plus ou moins
bien informés par les médias,
ils sont de plus en plus nombreux
à exiger tel ou tel examen. Les
médecins étant en concurrence,
ils ont peur de perdre un patient
et cèdent donc à ces exigences.
Les pouvoirs publics ont réagi
en diminuant la rémunération
des actes d’imagerie.
Était-ce pertinent?
Non, dans la mesure où cela
n’incite pas les radiologues à
faire le tri dans les prescriptions
d’examens! C’est ainsi qu’ils font
de plus en plus d’examens mal
indiqués et donc inutiles pour
une rémunération de plus en plus
basse. En bref, ils travaillent plus
pour des gains et une efficacité
moindres.
Que faudrait-il faire?
Plutôt que baisser le prix des
actes, il faut responsabiliser les
radiologues, en les incitant à
trier, parmi les prescriptions, les
examens inutiles et à les refuser…
Et pourquoi ne pas envisager,
même, de sanctionner un
radiologue qui aurait réalisé un
examen manifestement inutile,
même si cet examen a été
prescrit par un généraliste.
Le médecin référent était censé
réguler cette consommation.
Il était effectivement la bonne
réponse à ce problème…
à condition de rendre cette
mesure efficace. La pénalité
est tellement dérisoire pour les
patients qui dérogent à la règle
Les IRM « bas champ », moins coûteuses et plus adaptées à la majorité des examens prescrits,
sont interdites en France.
(Photo Gérard Baldocchi)
(consulter son médecin référent
en priorité) que la mesure perd
toute efficacité. C’est « un pas
en avant, trois pas en arrière ».
Marque d’un manque de courage
politique probablement…
L’Académie de médecine
dénonce notamment un recours
excessif à l’imagerie lourde.
Nous subissons une politique
aberrante des pouvoirs publics
concernant les équipements
« lourds » d’imagerie! On nous
dit que nous avons un retard
énorme concernant le nombre
d’IRM disponibles par rapport
aux autres pays développés, et
même moins développés que
nous, et, de ce fait, les délais
d’attente pour obtenir
un rendez-vous sont d’un mois
en moyenne… Ce retard, nous
sommes en train de le rattraper
à coup d’investissements
colossaux, avec de grosses IRM
« haut champ », très coûteuses
à l’achat et à l’entretien.
Or, plus de la moitié des examens
d’IRM réalisés concernent le
genou, la cheville, le poignet,
le coude et le rachis; dans de
nombreux pays, ces examens
sont réalisés avec des IRM « bas
champ », des machines beaucoup
moins coûteuses à l’achat comme
à l’entretien, qui prennent la
place d’un gros échographe et
sont très performantes!
Elles permettent même la
réalisation d’examens de la
colonne vertébrale assis ou
debout plutôt qu’en position
couchée, améliorant le diagnostic
de hernies discales, qui peuvent
passer inaperçues en position
couchée…
De plus, le prix de l’exa men
réalisé avec ce type de machine
pourrait être divisé par trois.
‘‘
Il y a
un monopole
d’accès à l’IRM
Pourquoi ne les utilise-t-on pas
en France?
Parce qu’elles y sont interdites!
Le lobby des grosses machines
« haut champ » empêche le
développement de ces IRM
« bas champ ». De plus, les gros
groupes de radiologues, qui sont
seuls à avoir les moyens pour
acheter ces grosses IRM mettent
la pression pour empêcher
l’agrément des IRM « bas
champ ». C’est le moyen qu’ils ont
trouvé pour avoir le monopole
d’accès à l’IRM! Ces gros groupes
préfèrent continuer à se remplir
les poches avec des examens de
genou qui prennent peu de
temps et sont d’interprétation
souvent facile, en les réalisant
avec de grosses machines dont ils
ont le monopole et en les faisant
payer au prix fort, plutôt que de
les réaliser avec ces petites IRM,
plus adaptées, mais qui leur
rapporteraient trois fois moins.
Si rien ne change, nous sommes
ainsi condamnés à continuer
à tuer des mouches avec un
bazooka! Et avec la complicité
de nos gouvernants!
Vos solutions pour retrouver
la raison?
Il faudrait déjà débarrasser les
généralistes de la pression des
patients par le système du
médecin référent rendu vraiment
efficace et dissuasif. Mieux les
payer aussi, afin qu’ils soient plus
à même de prendre du temps
pour réaliser un examen clinique
correct, qui limiterait le recours
aux examens complémentaires,
de labo ou d’imagerie. On
n’aurait alors plus besoin de
baisser la cotation des actes des
radiologues, que l’on motiverait,
voire obligerait à faire le tri dans
les prescriptions de leurs
confrères. Si, en plus de cela,
on se débarrasse de la tendance
procédurière qui prédomine dans
les relations médecins-maladesjuristes… Alors il semblerait qu’on
puisse retrouver un système à la
fois performant et moins coûteux.
PROPOS RECUEILLIS
PAR NANCY CATTAN
[email protected]
En bref
Un dosage sanguin
pour le bon cholestérol
Des chercheurs toulousains viennent de
breveter une nouvelle technique de dosage
du bon cholestérol dans le sang.
Ce marqueur, appelé IF (Inhibitory Factor
One), a été testé avec succès sur
 patients. Les résultats ont été publiés
dans la prestigieuse revue américaine
Journal of Lipid Research. Les équipes
poursuivent leurs travaux afin de généraliser
le dosage à l’ensemble des patients.
Pas de dosage en routine
de la vitamine D
Alors que l’on assiste à une augmentation
importante du nombre de dosages sanguins
de la vitamine D, la Haute Autorité de santé
a édicté de nouvelles recommandations.
« Le traitement par vitamine D est nécessaire
dans certaines situations cliniques. Pour
autant, dans la plupart des cas, doser cette
vitamine dans le sang n’apporte pas de
renseignements utiles pour les professionnels
de santé », précise la haute instance. Le
dosage doit, selon elle, être réservé à des
indications limitées : « Diagnostic de
rachitisme et d’ostéomalacie, mentions des
autorisations de mise sur le marché des
médicaments de l’ostéoporose, et certaines
situations particulières : personnes âgées
faisant des chutes répétées, suivi ambulatoire
de l’adulte transplanté rénal (...), traitement
chirurgical de l’obésité chez l’adulte. »
Concernant les personnes à risque de
fracture, la HAS relève une étude suggérant
un intérêt du dosage de la vitamine D chez
les personnes âgées, mais encore trop peu
étayée pour que l’on puisse recommander le
dosage systématique dans cette situation.