LA FASCINATION DU BOURREAU Pourquoi les bourreaux

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LA FASCINATION DU BOURREAU Pourquoi les bourreaux
LA FASCINATION DU BOURREAU
Pourquoi les bourreaux fascinent davantage que les victimes ?
Depuis « Portier de nuit », au cinéma, la fascination pour le bourreau est
souvent au-devant de la scène tant à la télévision que sur le grand écran
et en littérature.
Pour être en phase avec notre actualité, France 3, chaîne du service
public, ce qui n’est pas accessoire, a décidé de programmer à la date
anniversaire de la tuerie, un documentaire sur Mohamed Merah en
interrogeant, entre autres, la famille proche du tueur de Toulouse et de
Montauban. Les familles des victimes, encore accablées de douleur,
s’insurgent avec raison et demandent au Président de France Télévisions
de déprogrammer ce reportage.
Je ne connais pas le contenu de ce programme mais j’entends la publicité
qui lui est déjà faite pour créer l’évènement et je m’interroge sur cette
fascination que provoquent les bourreaux dans les médias.
Sous le prétexte de vérité ne dissimule t’on pas une sorte de voyeurisme
détourné et d’autant plus répugnant ?
Je pense à cette phrase de Jean-Luc Godard : « La pire des barbarie,
c’est de donner la parole aux bourreaux ».
La recherche de la « vérité » n’est pas une excuse face à la barbarie et
par reflexe humaniste, on en viendra sans doute à tenter de comprendre
comment des hommes sont devenus si monstrueux, on finira par leur
trouver des circonstances atténuantes, voire de bonnes raisons…
Aller tuer à bout portant une petite fille ou un soldat désarmé, avec une
caméra accrochée à son blouson, ne mérite aucun pardon. C'est
simplement, le visage hideux de l'abjection.
Pourquoi fallait-il aller interroger la famille proche de cet assassin ?
Pour comprendre ? Pour apprendre ?
Mais quoi exactement ?
Pourquoi fallait-il que les médias diffusent en boucle les images de ce
voyou aux multiples passeports, faisant des pirouettes en voiture ?
Pour nous dire qu’il est comme nous ? Qu’il nous ressemble ?
Non, je ne ressemble pas à Merah, ni à ses proches qui trouveront
naturellement
les
mots
pour
excuser
ses
actions.
Je refuse qu’on puisse accorder une quelconque indulgence aux
bourreaux, ceux d’hier, les nazis les plus abjects, comme ceux
d’aujourd’hui : les fondamentalistes du 11 septembre, les bouchers du
GIA, les meurtriers de Casablanca, de Madrid, ou de Londres.
Non, je ne ressemble pas à Fofana, ni à ces barbares, les tueurs d'Ilan
Halimi.
Il faut que les journalistes, les auteurs et les cinéastes s’interrogent sur
leur responsabilité.
Réaliser un reportage, écrire un livre ou faire un film sur les assassins
met inévitablement en lumière les assassins au risque d’en faire des
héros.
Ne voit-on pas, depuis le drame de Toulouse une multitude de jeunes
revendiquer haut et fort le nom de Mohamed Merah ?
France 3, qui s'apprête - coïncidence - à financer un film sur le supplice
d'Ilan Halimi, vu du côté de ses assassins, devrait s'interroger sur ses
choix.
Humaniser les barbares, ceux qui veulent tout, tout de suite, face à Ilan
Halimi, c’est choisir, quoiqu’on dise, la voie de la compréhension, de la
compassion.
Humaniser Merah face à Myriam Monsenego c’est vouloir charger la
société de tous les maux et c’est le faire au mépris des victimes.
Quand l’immonde Merah a tué, il l’a fait de sang froid, il a rattrapé des
enfants qui fuyaient la mort et il a filmé leur exécution. Nous sommes là
au-delà de l’atroce.
Quand les barbares humilient, torturent, mutilent, puis tuent Ilan Halimi
au prétexte qu’étant un juif, il est riche ou que toute une communauté
derrière lui va payer, cet assassinat, non plus, ne mérite aucune excuse,
aucun pardon.
Il suffit. Je me fous des justifications, des enfances difficiles, de la
méchanceté de la société et du fatras de la bien-pensance.
Merah comme Fofana, sont complices dans l’abominable. Ils sont faits
de chair et d’os, ils ont un cœur, des mains, peut être même un cerveau,
mais ce n’est pas la société qui a levé leur bras, tenu leur main quand ils
ont donné la mort.
J'ai plus à apprendre des faibles que des amis des assassins.
Je ne veux entendre que la douleur des victimes et de ceux qui leur
survivent.
J'ai plus à apprendre et à m'enrichir de la force des parents de Myriam,
de Mme Sandler, de la maman d'Ilan, de ce qu'ils ont subi et de ce qu'ils
trouvent en eux, pour vivre encore.
Ma compassion n'est pas extensible à l'infini, et je ne perds pas mes
repères.
Quant à ceux qui construisent la légende des bourreaux au prétexte de
roman, de film ou d'information, qu'ils s'arrangent avec leur conscience.
Alexandre Arcady
!

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