pierre et gilles a saint-eustache une installation de la

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pierre et gilles a saint-eustache une installation de la
UNE INSTALLATION DE LA VIERGE A L’ENFANT
PIERRE ET GILLES A SAINT-EUSTACHE
Installation chapelle nord (baptistère)
 Pierre et Gilles : portraitistes non élitistes
Pierre et Gilles ont pour particularité de
réaliser une oeuvre en commun nourrie par leurs voyages, leurs rencontres,
leur imaginaire et leur envie partagée
de réaliser un portrait. Établis d’abord
dans le Marais en 1976, ils se sont installés en 1991, en banlieue parisienne,
au Pré-Saint-Gervais.
Le travail de Pierre et Gilles a pour point
de départ l’empathie, le plus souvent
l’affection, qu’ils éprouvent pour leur
sujet. Qu’il s’agisse d’une célébrité ou
d’un inconnu, chaque modèle fait l’objet d’une composition unique minutieusement préparée. Pierre et Gilles
s’adressent au plus grand nombre en
s’inspirant de l’imagerie pop, indienne
mais aussi religieuse, connue de tous.
Leur travail s’expose dans les musées
les plus prestigieux comme sur des supports de masse (affiches, couvertures,
pochettes d’albums…). Ces caractéristiques expliquent la popularité de ces
deux artistes reconnus tant par le grand
public que par la scène artistique internationale.
À ce jour, une quarantaine d’expositions
ont été consacrées à leur travaux dans
le monde entier. Élevés dans la foi catholique, ils entretiennent avec la religion et avec la religiosité, en tant qu’individus et en tant qu’artistes, un rapport
respectueux et décomplexé.
 Seconde édition de « La Force de l’Art »
À l’initiative du ministère de la Culture
et de la Communication, « La Force de
l’Art 02 » entend valoriser la création
contemporaine française en invitant à
découvrir les travaux d’artistes confirmés ou émergents.
Présentée du 24 avril au 1er juin
2009, cette seconde édition restera ancrée autour du Grand Palais, qui l’a vue
naître, et dans lequel seront présentées
au public plus de quarante créations
avec une scénographie insolite.
Hors les murs du Grand Palais, six artistes confirmés et renommés ont accepté
d’investir le lieu parisien de leur choix
pour y créer une œuvre. Trois musées,
un monument et un lieu cultuel (l’église Saint-Eustache) accueillent à cette
occasion les artistes qui en ont fait la
demande. Appelés « Visiteurs » par les
commissaires de la manifestation, Gérard Collin-Thiebaut au musée du Louvre, Bertrand Lavier à la tour Eiffel,
Annette Messager au palais de la découverte, Orlan au musée Grévin ainsi
que Pierre et Gilles à Saint-Eustache
présentent chacun une œuvre inédite.
Cette rencontre voulue par les artistes
avec le grand public dans cinq lieux de
la capitale est une invitation à aborder
sans intimidation l’art contemporain.
Pour permettre à Pierre et Gilles de réaliser leur projet, « Art contemporain à
Saint-Eustache » a proposé la chapelle
latérale nord abritant les fonds baptismaux. En attente de rénovation, cette
chapelle prête son emplacement à la
présentation de cette installation, signalée comme un chantier, dont la préparation a débuté le 31 octobre dernier.
Du 24 avril au 1er juin 2009
E
n participant à cet évènement majeur
de la scène artistique « La Force de
l’Art 02 », où se retrouvent les artistes qui marquent la recherche d’un art qui
soit véritablement contemporain, dans ses
expressions et dans sa visée, Saint-Eustache veut clairement manifester sa disponibilité.
À une époque où le religieux ne semble
offrir que la caricature de lui-même, à un
moment où le christianisme semble épuisé
dans notre occident débordant de richesses et creusé d’incertitudes, dans une période où le catholicisme donne l’impression d’être uniquement arc-bouté sur des
contenus figés, il nous semble essentiel de
montrer comment nous partageons en réalité les joies et les espoirs, les angoisses et
les tristesses, qui caractérisent toute existence humaine, aujourd’hui comme hier.
En effet, à l’intérieur de notre vie quotidienne de femmes et d’hommes de foi,
d’espérance et d’amour, au milieu des questions écologiques ou économiques, sociales
ou familiales, nous cherchons sans cesse
tous les moyens d’exprimer et de mettre
en œuvre cette sourde palpitation qu’est la
relation à Dieu. Cette alliance perpétuellement nouvelle qui éclaire notre existence,
dans les joies comme dans les épreuves,
nous pousse à servir l’humanité de l’homme, en particulier dans ses lieux de fragilité et donc de vérité. Pour des raisons
complexes, et pas seulement à cause des
agitations médiatiques, cette vie secrète et
palpitante apparaît moins que jamais.
Au-delà de toute conviction personnelle,
c’est justement la force des artistes authentiques de rendre palpable une aventure
intérieure, qui est sans doute commune à
toute l’humanité, mais qui pour nous prend
corps et visage dans un Enfant présenté,
et comme offert, par sa Mère, fille d’Israël.
Il y a chez ceux qui portent ce beau nom
d’artistes, et qui se consacrent à leur art,
au point de renoncer à beaucoup et de traverser leur expérience intime avec suffisamment de détachement pour être capable de la rendre universelle, une capacité à
expliciter les vrais moteurs de l’humanité,
souvent réduits à la consommation.
À Saint-Eustache, notre choix d’accueillir les formes les plus variées de l’art
d’aujourd’hui vient de cette recherche permanente de donner corps à ce qui nous
rassemble et à ce qui nous transcende.
Mais nous proposons un lieu exigeant à
plusieurs titres. Non seulement l’espace et
l’ampleur des œuvres déjà présentes oblige à entrer en dialogue avec des formes
majeures des traditions artistiques. Mais
c’est surtout le dialogue nécessaire avec ce
qu’il y a de plus haut dans l’humanité de
l’homme et ce qu’il y a de plus divers dans
la société, qui conduit les artistes sollicités
à se dépasser.
Il faut en effet que la pertinence du lien entre la démarche artistique et ce dont le bâtiment est porteur apparaisse comme une
évidence. Il faut que soient immédiatement
sollicitées les capacités de l’homme de s’interroger sur l’essentiel et le supérieur.
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Saint-Eustache - 2 impasse Saint-Eustache - 75001 Paris ı 01 42 36 31 05 ı www.saint-eustache.org
Saint-Eustache - 2 impasse Saint-Eustache - 75001 Paris ı 01 42 36 31 05 ı www.saint-eustache.org
En recevant Pierre et Gilles dans une démarche qui semble nouvelle à l’intérieur
même de leur histoire d’artistes, SaintEustache propose une œuvre qui s’inscrit immédiatement dans l’église. Cette
«Vierge à l’Enfant» va pourtant au-delà
de la simple illustration, en interrogeant
les différences religieuses, mais aussi les
questions bien sensibles de la «diversité»,
qui sont familières au christianisme, né
du métissage entre le monde sémitique
et le monde gréco-romain et porteur d’un
dépassement de toutes les frontières.
Que soient remerciées toutes les personnes qui ont rendu possible cette participation de Saint-Eustache à « La Force de
l’Art 02 », non seulement les artistes et
les organisateurs, mais aussi les autorités de la Ville de Paris, propriétaire de
l’église, et les Monuments historiques,
chargées de la conservation de ce bâtiment qui appartient à tous. Un grand
merci aussi à toute l’équipe de « Art
contemporain à Saint-Eustache » : grâce
à eux, l’art demeure vif !
Luc FORESTIER,
prêtre de l’Oratoire,
curé de Saint-Eustache
Les artistes plasticiens
« visiteurs » de Saint-Eustache depuis 40 ans
La sculpture du «départ des Halles»
de Raymond Mason (1969-1971), le
triptyque «Altar Piece» de Keith Haring (1990), l’aménagement de la
chapelle des charcutiers de John Armleder (2001) sont trois réalisations
d’artistes du vingtième siècle qui ont
trouvé leur place à Saint-Eustache.
Dans les années à venir, un nouveau
maître-autel, dont le traitement sera
confié à un créateur, représentera un
apport contemporain supplémentaire.
Ces œuvres installées de façon pérenne dans l’église témoignent des
liens entretenus par Saint-Eustache
avec les artistes plasticiens. Ces liens
se reflètent par les contributions qui
leur sont demandées dans le cadre
du calendrier liturgique (notamment
à Noël autour des thèmes de la crèche et de la nativité). Ils se tradui-
sent également par la participation de
Saint-Eustache au Festival d’Automne
et à la Nuit blanche.
Christophe Huysman, Philippe Perrin,
Kees Visser, Javier Tellez, Charlotte
de Maupeou, Quayola … sont autant
d’artistes connus ou moins connus qui
ont été inspirés par Saint-Eustache,
encouragés à y intervenir ou tout simplement accueillis. Ils ont été les hôtes de ce lieu dans la double acceptation que la langue française accorde à
ce mot : à la fois invités et personnes
qui invitent. Cette invitation à prêter
attention à ce que peuvent nous dire
les artistes plasticiens du temps présent, et à leur façon de nous le dire,
s’adresse à celles et ceux qui fréquentent Saint-Eustache comme à toute
personne qui passe par cette église
ouverte sur le centre de Paris.
UNE INSTALLATION DE LA VIERGE A L’ENFANT
Il faut que les publics heureusement très
divers qui entrent dans l’église, paroissiens et visiteurs, touristes et personnes
de la rue, étudiants en école d’art et dévots de sainte Rita, personnes en recherche ou heureuses du calme et du silence,
habitués des lieux et passagers éclairs
de ce grand vaisseau, bref que toute
cette humanité avide, joyeuse, inquiète
ou fatiguée, comprenne immédiatement
de quoi il s’agit dans cette œuvre. Il faut
qu’en étant compréhensible au plus large
public, l’œuvre soit en même temps suffisamment élaborée pour nourrir la réflexion de ceux qui sont prêts à entrer
dans une démarche d’interrogation et
même de subversion.
 Le chantier : une annonce
Un chantier a l’avantage qu’il attire l’attention sur un lieu devant lequel nous
passions jusque-là avec indifférence. A
l’évidence, un chantier suppose que des
moyens sont employés pour édifier quelque chose ou restaurer un endroit qui le
mérite.
L’installation de Pierre et Gilles, autour de
leur réinterprétation du thème traditionnel de la « Vierge à l’Enfant », remplit
cette fonction. Elle attire notre attention
sur une mère et sur un enfant « issus des
minorités visibles » pour employer la formule politique consacrée. Elle attire no-
tre attention sur des tours, probablement
de l’autre côté du périphérique, qui nous
semblent lointaines. Or, c’est manifestement le choix délibéré de Pierre et Gilles
d’avoir mis en lumière, dans cette œuvre
et dans l’installation qui l’annonce, la fertilité de cet environnement urbain et l’espoir qu’il porte.
A la jonction de la plupart des déplacements inter-urbains entre Paris et sa banlieue, Saint-Eustache accueille naturellement cette œuvre dont le thème et sa
réinterprétation sont très justement ancrés dans notre quotidien.
 La Vierge à l’Enfant de Pierre et Gilles :
une édification contemporaine
Depuis presque 33 ans, Pierre et Gilles
travaillent sur l’image et plus particulièrement sur le portrait. À leur actif des
«photographies» uniques car retravaillées
à la peinture ou à l’aérographe, mises en
scène généralement autour d’un personnage célèbre ou inconnu.
En acceptant de réaliser leur installation
à partir non pas d’un sujet mais d’un lieu
comme ils l’avaient déjà fait en 2000 lors
de l’exposition La Beauté au Palais des
Papes d’Avignon avec l’installation Radha
et Krishna, Pierre et Gilles ne se sont pas
affranchis de leur « manière ». La démarche qu’ils ont accomplie à la demande des
organisateurs de « La Force de l’Art 02»,
et de leur propre initiative en choisissant
l’église Saint-Eustache, reste fidèle à leur
façon de travailler, volontairement artisanale. Il a fallu trouver le modèle susceptible d’incarner le sujet voulu (en l’occurrence la Vierge Marie) puis imaginer la
mise en scène appropriée.
Le produit de cette recherche joue sur
des paradoxes et non pas sur des provocations. Dans cette représentation, le
choix de la comédienne française d’origine maghrébine, Hafsia Herzi n’est pas un
manifeste politique ou religieux. L’amoncellement de voitures disloquées mises en
décharge sur laquelle elle se tient n’est
pas un repoussoir. Enfin, la barrière de
chantier sur laquelle elle est assise n’est
pas irrespectueuse. Si la composition
s’éloigne des codes esthétiques des ima-
ges pieuses où il est convenu que le fond
magnifie le modèle, cet environnement ne
dessert pas la figure centrale. Il affirme
au contraire sa prédominance.
En fait et contrairement aux apparences,
Pierre et Gilles restent fidèles à une composition classique. Il n’y a pas de perspective mais une construction verticale,
du chaos au ciel, mettant en évidence au
centre la Vierge lumineuse et son enfant.
L’attitude de la Vierge portant son enfant
de la main gauche et le désignant comme
le Christ de la main droite est conforme
aux représentations les plus anciennes de
l’iconographie chrétienne.
Dans cette composition, tout porte à croire que Pierre et Gilles jouent sur des faux
semblants. Tout en restant fidèles à des
canons classiques, ils s’attachent à démontrer que des représentations perçues
comme archaïques peuvent produire du
nouveau. Ce nouveau ne porte pas tant
sur la forme ou sur le sujet mais plutôt
sur ce qui peut apparaître comme périphérique qui occupe, dans cette composition comme dans son installation, une
place particulièrement importante. C’est
peut-être là le message « d’édification »
de ces deux artistes. Du centre de Paris,
Pierre et Gilles semblent nous inviter à
porter notre regard vers ce périphérique
que nous ne considérons pas, vers nos fécondes banlieues.
Marie Caujolle
« Art contemporain à Saint-Eustache »