«Ça me rappelle la perquisition ratée chez Dutroux... »

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«Ça me rappelle la perquisition ratée chez Dutroux... »
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JEUDI 17 DÉCEMBRE 2015
La Belgique encore ridicule
Jean-Denis Lejeune dénonce un nouveau dysfonctionnement
« Ça me rappelle
la perquisition ratée
chez Dutroux... »
En apprenant la perquisition ratée d’Abdeslam, Jean-Denis Lejeune n’a pas pu s’empêcher
d’exprimer son désarroi sur Facebook. « C’est la bien triste réalité et
absurdité de notre système policier
et judiciaire », écrit-il.
Dans le drame qui l’a frappé, le
papa de Julie, l’une des victimes
de Marc Dutroux, a lui aussi subi
le dysfonctionnement de la part
du « système ». « Ce qui s’est passé
avec Abdeslam me fait vraiment
penser à l’opération Othello : la
gendarmerie observait la maison
de Marcinelle mais n’a rien vu du
tout, alors que Dutroux y détenait
nos filles ! Ça me fait aussi penser à
René Michaux : il perquisitionne la
maison de Dutroux à la recherche
de caches et… il se contente d’ouvrir des tiroirs ».
« JE REVIS UN CAUCHEMAR »
On se souvient que ce policier de
la BSR de Charleroi était passé à
deux doigts de retrouver les
fillettes vivantes. Lors de sa perquisition, il avait entendu des
chuchotements d’enfants mais
n’avait pas pris la peine de crier
après eux.
LA PERQUISITION RATÉE DE MOLENBEEK
CE QU’ON A FAIT
0 On a l’info : Abdeslam est peut-être
caché au 47, rue Delaunoy mais on attend
pour entrer de force.
47, Rue
Delaunoy
CE QU’IL AURAIT FALLU FAIRE
0 On a l’info : Abdeslam est peut-être caché rue Delaunoy,
47. On alerte de suite les unités spéciales et on se met en
route.
0 On n’entre pas car la loi sur les perquisitions l’interdit entre 21 heures et 5 heures.
0 On déploie les forces autour de l’immeuble, on envoie
éventuellement un hélicoptère.
0 En attendant 5 heures, on envoie
deux policiers sur place pour surveiller
l’immeuble.
0 En vertu de la « menace grave pour l’intégrité physique de
plusieurs personnes », la police entre de force, et de suite.
0 On attend 10 heures pour donner
l’assaut.
© REPORTERS
« Cette perquisition manquée à Molenbeek, c’est vraiment navrant »,
poursuit Jean-Denis Lejeune. « J’ai
l’impression de revivre un cauchemar. Abdeslam, c’est quand même
le suspect numéro 1 recherché en
Europe ! Une fois de plus, ça a foiré.
A-t-on une logique de recherche
dans cette enquête ? Et si j’entends
bien qu’il faut respecter les horaires de perquisition, a-t-on au
moins bouclé le quartier ? Si cela a
été fait, il s’est échappé par des souterrains ou alors, c’est Fantomas ! »
0 Si on n’utilise pas cette dérogation, on mène la perquisition
dès 5 heures, en équipant la police d’un équipement
adéquat vu le danger.
Jean-Denis Lejeune précise : il ne
pointe personne en particulier, ni
les policiers, ni les magistrats,
mais « le système policier et judiciaire ». « C’est comme pour Amra-
ni, le tireur de la place Saint-Lambert. Ce gars devait en principe être
surveillé dans le cadre de sa libération conditionnelle mais s’il n’était
pas chez lui, on ne s’en inquiétait
pas. On revenait plus tard… »
Sur une note ironique, il ajoute :
« En Belgique, on est les rois et les
champions de la réaction. Tant
qu’il n’y a pas
dix morts à un
carrefour, on ne
mettra pas de feux
rouges ! » Jean-Denis
Lejeune pointe le
manque de réactivité
des politiciens. « Ils
veulent toujours repousser, ne pas voir la réalité en
face, et en attendant, on diminue le budget de la Justice. » F. DE H.
La police réagit
« Cette perquisition manquée,
c’est navrant. J’ai l’impression de
revivre un cauchemar! Une fois de
plus, ça a foiré»
« Une faute grave de M. Geens »
L’air de rien, la police est un peu
ridiculisée par le ministre de la
Justice. À l’entendre, elle aurait
attendu tranquillement le 16
novembre, 10 heures du matin
(et même pas 5 heures) pour
intervenir dans la cache supposée
d’Abdeslam et mener cette fameuse perquisition. « Pour moi,
Jean-Denis Lejeune, papa de Julie
Lutte contre la propagande : Jan Jambon annonce une grande offensive en 2016
Le ministre pense aux
mères des djihadistes
La lutte contre la propagande djihadiste est l’un des projets les plus
« secrets » du gouvernement. Réfutant l’idée que le programme s’enlise, le ministre de l’Intérieur, Jan
Jambon, a toujours affirmé que les
choses avançaient plutôt bien…
mais dans la discrétion. Là, il promet une offensive visible en 2016.
Il y a deux mois, la France mettait
en ligne le témoignage de quatre
parents d’enfants partis faire le djihad en Syrie et parfois morts au
combat. L’objectif : prévenir le ralliement de jeunes Français à l’État
islamique, avec un message émouvant, plein d’empathie. Parmi ces
témoins, une maman belge…
Pourquoi la Belgique ne faisait-elle
pas la même chose ? « Une initia-
tive gouvernementale doit faire partie d’un cadre plus large. C’est donc
un bon exemple, mais il ne suffit
pas à lui seul », avait alors répondu
Jan Jambon.
Interpellé par la députée cdH Vanessa Matz, le ministre de l’Inté-
rieur reconnaît que « les villes et
communes ont été informées et stimulées à diffuser, en collaboration
avec les acteurs de terrain (sociaux),
une communication positive sur
notre société et à proposer des messages alternatifs aux jeunes. Les
mères de jeunes partis combattre à
l’étranger racontent leur histoire à
un large public. Le réseau SAVE (Sisters Against Violent Extremism)
d’Autriche publie leurs récits pour
offrir un contrepoint à la propagande extrémiste. Nous examinons
si cette possibilité peut être exploitée dans le contexte belge ».
Mais le ministre l’annonce : la Belgique intensifiera son dispositif de
communications
stratégiques,
comme d’autres pays (il cite la
France, NdlR). Cible privilégiée ?
Les jeunes, bien sûr ! « Nous devons
les protéger davantage contre cette
influence négative. Le contrôle du
contenu en ligne est crucial, aussi le
renforcement de la résilience des
jeunes au message extrémiste. C’est
un processus intégral avec des initiatives en ligne et hors ligne complémentaires », explique-t-il.
PAS QUE SUR LE WEB
Le ministre sort une étude récente,
réalisée à la demande du SPF Intérieur et de BELSPO (Belgian
Science Policy), qui démontre
« que l’impact de l’exposition au
contenu radical sur les jeunes dépend fortement de leur propension
à sympathiser avec ledit contenu. La
radicalisation ne se produit pas
seulement sur le web mais puise ses
racines dans l’environnement social
et la situation générale dans laquelle
le jeune se trouve ».
Le gouvernement annonce avoir
élaboré des outils d’entraînement
pour les jeunes, les parents et les
acteurs de première ligne. « Pour
renforcer positivement et de manière précoce les jeunes à reconnaître les alternatives s’ils sont
confrontés à des messages extrémistes. » Les experts des Régions et
Jean-Denis Lejeune revit un cauchemar. © S. Kip
Jan Jambon. © PhotoNews
Communautés ont déjà été formés
pour transmettre ces outils aux acteurs de terrain. Ils sont proposés
actuellement à tous les fonctionnaires de prévention et de radicalisation des villes et communes.
FACEBOOK ET GOOGLE OK
Il reste que le contrôle des messages radicaux sur le web est essentiel. « Début décembre, une
réunion s’est tenue entre les 28 ministres de l’Intérieur européens et
les trois grands d’Internet : Twitter,
Facebook et Google », indique Jan
Jambon. « Elles sont disposées à
supprimer toutes les pages contenant des messages de haine. » Pour
cela, il faut un seul point de
contact et il passe par Europol. DIDIER SWYSEN
le ministre Koen Geens a commis
une faute grave », accuse Vincent
Gilles, président du Syndicat
Libre de la Fonction Publique
secteur police (SLFP). « D’abord, il
n’a pas à parler d’un dossier
judiciaire en cours. Ensuite, il se
trompe, comme l’a indiqué le
parquet. À force de survoler ses
dossiers, M. Geens finit par dire
des bêtises. Ce monsieur dit des
choses sans en peser la valeur et
l’importance. J’espère qu’il va
reconnaître sa faute. Le ministre
de l’Intérieur Jan Jambon (N-VA)
a, lui aussi, commis une faute en
dévoilant une partie de la menace
du dimanche 22 novembre et en
évoquant la recherche de véhicules
chargés d’explosifs .»
Mais sur le fond, pourquoi avoir
attendu 10 heures pour mener
l’assaut ? « Les policiers sont
confrontés à une série d’informations et définissent les opérations à
mener par ordre prioritaire », poursuit Vincent Gilles. « Il y avait une
target numéro 1, une target numéro 2, etc. Ce jour-là, Abdeslam
n’était pas encore la target numéro
1. Tout cela a été validé par les
magistrats. Ni les policiers ni les
magistrats n’ont à rougir de ce qui
s’est passé. »
Le 16 novembre, la cible 1 restait
sans doute Abaaoud (tué le 18
novembre mais identifié le 19). Cela
dit, n’est-on pas capable de mener
plusieurs opérations en même
temps ? F. DE H.
Liens avec les attentats de Paris
Deux arrêtés à Salzbourg
Deux personnes soupçonnées de
lien avec les attentats djihadistes
qui ont fait 130 morts à Paris le 13
novembre ont été arrêtées dans
un foyer de migrants de Salzbourg (Autriche). « Deux per-
sonnes en provenance du MoyenOrient ont été arrêtées ce weekend », a indiqué un porte-parole
du parquet de Salzbourg, Robert
Holzleitner. « Des vérifications
sont en cours concernant un possible lien avec les attentats de Pa-
ris .» Les deux individus, « soupçonnés d’appartenir à une organisation terroriste », ont été interpellés dans un centre d’accueil de
migrants de Salzbourg, a-t-il précisé.
Selon le site du journal « Kronen
Zeitung », les deux suspects seraient de nationalité française et
seraient arrivés en Autriche en octobre depuis la Syrie en compagnie d’auteurs des attentats, munis de faux papiers syriens. 5

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