Maladie de Horton chez le sujet âgé de plus de
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Maladie de Horton chez le sujet âgé de plus de
© Masson, Paris, 2002 Ann. Med. Interne, 2002 153, n° 6, pp. 373-377 MALADIES SYSTÉMIQUES DU SUJET ÂGÉ (1re partie) SYSTEMIC DISEASES IN THE ELDERLY (First part) Rédacteur invité/Guest editor : Jean-Pierre Bouchon Mise au point thématique Maladie de Horton chez le sujet âgé de plus de 75 ans Pascal CHEVALET (1), Agathe MASSEAU-IMBERT (1), Marie-Hélène DURAND-FIX (1), Christian AGARD (2), Jean-Marie BRISSEAU (1), Olivier RODAT (3), Jacques-Henri BARRIER (2) RÉSUMÉ : Maladie de Horton chez le sujet âgé de plus de 75 ans L’incidence de la maladie de Horton augmente avec l’âge, et sa prévalence est probablement sous-évaluée dans le grand âge. Si la réponse au traitement cortisonique semble identique chez le sujet de plus de 75 ans, les complications rhumatologiques fracturaires de la corticothérapie paraissent graves, plus fréquentes et au premier plan. Après 75 ans, ou lorsque le patient paraît fragile, un effort doit être fait pour limiter la charge en corticoïdes. L’utilisation dans les formes non compliquées d’une dose initiale réduite de corticoïdes (0,3 à 0,5 mg/kg/jour ou 15 à 25 mg/jour équivalentprednisone) n’augmente pas l’incidence des cécités sous traitement et semble, dans ce cas, acceptable. De la même façon, le monitorage ultérieur des corticoïdes doit être exigeant, l’intérêt d’un parfait contrôle du syndrome inflammatoire biologique n’étant pas démontré. Le sujet âgé doit aussi pouvoir bénéficier d’un traitement anti-agrégant ou anti-coagulant initial, en prévention des complications ischémiques précoces, et d’un traitement préventif plus systématique de l’ostéoporose cortisonique par biphosphonate. SUMMARY: Giant cell arteritis after the age of 75 Despite its increasing incidence giant cell arteritis is not well detected in the elderly. Response to corticosteroid treatment is the same before and after the age of 75, but there are many steroid-induced side effects, particularly bone fractures, in the elderly. Therefore, it is important to reduce the corticosteroid load in elderly and frail people. In this cases, 0.3 to 0.5mg/kg, or 15 to 25mg daily prednisone-equivalent dose at start seems to be enough to prevent blindness in simple forms. This dose has to be rapidly reduced whenever the C-reactive protein remains moderately elevated. Moreover, an anti-agregant or anticoagulant treatment must be associated at the beginning of steroid treatment to prevent ischemic complications, as well as biphosphonates, which could prevent corticosteroid-induced osteoporosis. Mots-clés : Maladie de Horton, Sujet âgé, Ostéoporose cortisonique, Traitement. Key-words: Giant cell arteritis, Elderly, Corticosteroidinduced osteoporosis, Treatment. L’incidence de la maladie de Horton augmente avec l’âge : il s’agit de la principale vascularite du sujet âgé [1, 2]. Cette vascularite étant propre au sujet âgé, nous limiterons nos propos au sujet « très âgé » (plus de 75 ans), ou au sujet âgé fragile (frail elderly). Nos pratiques quotidiennes sont, en effet, peu évaluées dans cette population hétérogène et à haut risque thérapeutique. La corticothérapie orale demeure le traitement de référence de la maladie de Horton [3, 4]. Ses effets délétères sont particulièrement craints dans le grand âge et peuvent être à l’origine d’événements en cascade chez des patients fragiles [5]. Il existe donc une nécessité d’obtention d’une épargne cortisonique maximale chez ces sujets. Cette discussion paraît plus évidente (1) Service de Médecine Polyvalente Gériatrique, Hôpital Bellier, 41, rue Curie, BP 84607, 44046 Nantes Cedex 1. (2) Service de Médecine Interne B, (3) Pôle de Gériatrie, CHU de Nantes, 44093 Nantes Cedex 1. Correspondance et tirés à part : P. CHEVALET, à l’adresse cidessus. E-mail : [email protected] Article soumis le 2 octobre 2001 ; accepté définitivement le 13 août 2002. 374 P. CHEVALET ET AL. encore lorsque le sujet âgé est porteur d’une contreindication relative au traitement cortisonique (insuffisance cardiaque, diabète, ostéoporose, troubles cognitifs ou psychiatriques). La charge en corticoïdes mérite une discussion, quitte à bouleverser les conventions habituelles du traitement [5]. Considérant les aspects de l’évolution de la maladie et la prise en charge thérapeutique des sujets âgés de plus de 75 ans (ou des sujets âgés fragilisés), nous étudierons les aspects sémiologiques de la maladie, la réponse au traitement cortisonique et l’optimisation du monitorage du traitement dans ce groupe de patients. Seuls seront étudiés les aspects de la corticothérapie dans les formes non compliquées (et sans syndrome de menace oculaire). Épidémiologie et sémiologie de la maladie de Horton dans le grand âge L’incidence de la maladie de Horton augmente avec l’âge, pour atteindre un pic après 80 ans [6]. Il existe très peu de données sur la maladie de Horton dans le grand âge. Pour Machado, l’incidence de la maladie de Horton est de 44,7 pour 100 000 personnes de plus de 80 ans dans le Minnesota [7]. La maladie de Horton apparaît également comme la première cause des aortites du sujet âgé [2]. La sémiologie de la maladie de Horton a été très peu étudiée chez le sujet très âgé. Des séries autopsiques invitent à penser que la sémiologie classique est fréquemment en échec, puisque celles-ci estiment la prévalence de la maladie de Horton à 0,4 et 1,6 % [8, 9]. Parmi les signes céphaliques classiques, la claudication intermittente de la mâchoire pourrait être moins fréquente [10]. Des signes généraux tels qu’asthénie, perte de poids, anorexie, syndrome dépressif, peuvent être négligés et mis à tort sur le compte de l’âge [1, 3]. Certaines formes cliniques peuvent faire égarer le diagnostic lorsqu’il existe une atteinte de l’arche aortique [11]. Citons également des formes avec toux, dysphagie, nausées, vertiges [3]. L’anémie peut être révélatrice [12], alors qu’elle est souvent peu explorée dans le grand âge. Le clinicien rencontrera aussi des difficultés évidentes auprès du sujet dément, qui exprime très difficilement ses douleurs. Diagnostic anatomo-pathologique La fréquence, dans le grand âge, des lésions d’artériopathie scléreuse chronique avec interruption et calcification de la limitante élastique interne [13] rend compte de difficultés supplémentaires. Il faut aussi souligner que la biopsie d’artère temporale peut être de réalisation difficile chez le sujet présentant des troubles cognitifs. Réponse au traitement cortisonique chez le sujet très âgé dans les formes non compliquées La réponse au traitement cortisonique chez le sujet très âgé semble comparable à celle du sujet plus jeune [1, 2, 5] : – pas d’augmentation du taux de cortico-résistance ou du nombre d’événements de cortico-dépendance sous traitement ; – même délai de réponse sur les signes cliniques et la biologie ; – pas d’augmentation des doses cumulées de corticoïdes à 1 an [5] ; – pas d’augmentation significative des accidents liés directement à la maladie de Horton (complications oculaires, vasculaires cérébrales, accidents ischémiques coronariens) dans une étude avec un suivi limité à 12 mois [5]. Tout ceci doit être modéré car certains observent une augmentation des décès précoces [10]. Liozon trouve, par ailleurs, une tendance à l’augmentation (non statistiquement significative) des complications céphaliques ischémiques irréversibles avec l’âge [14]. Relation âge et complications attribuables à la corticothérapie Les complications attribuables au traitement intéressent déjà 40 % des patients à 1 an (tous âges confondus) [3]. Si les complications infectieuses sont fréquentes dans la première année de traitement [3], les complications rhumatologiques apparaissent au premier plan lorsque le suivi des patients est plus long [15-21]. Dans une étude récente, elles intéressent 15,5 % des patients de plus de 75 ans à 1 an de suivi seulement [5] ; dans une autre série, 44 % de l’ensemble des patients pour un suivi de 3 ans [17]. Elles ne sont pas strictement limitées aux tassements vertébraux car on constate aussi des fractures du col fémoral, du cadre obturateur, des ostéonécroses de tête fémorale [3, 17]. Les complications fracturaires, restant essentiellement des tassements vertébraux, sont d’autant plus fréquentes (chez le sujet porteur d’une maladie de Horton) que l’âge est avancé [5, 17, 22]. La fréquence de l’ostéoporose cortisonique fracturaire augmente en effet sensiblement avec l’âge, avec un risque fracturaire 5 fois plus élevé dans une tranche 70-79 ans par rapport aux moins de 60 ans [22]. Les complications psychiatriques semblent aussi fréquentes [3] et sont vraisemblablement sous-évaluées. Il semble logique de penser que ces troubles (syndrome dépressif, agitation, manie) sont plus nombreux lorsqu’il existe des troubles cognitifs latents ou avérés, mais cela n’a jamais été démontré. D’une façon générale, les complications liées au traitement dépendent de la dose initiale [15-17, 23], de la dose cumulée de corticoïdes [15, 24], et probablement du terrain chez une personne âgée fragile [5]. MALADIE DE HORTON APRÈS 75 ANS Optimisation gériatrique de l’initiation et du monitorage du traitement (formes non compliquées) DOSE INITIALE L’utilisation d’une dose initiale conventionnelle, de l’ordre de 0,7 à 1 mg/kg équivalent-prednisone (EP) [4, 25] a été retenue pour la maladie de Horton non compliquée, en l’absence de grande tare viscérale (diabète, insuffisance cardiaque, démence, dialyse péritonéale). Compte tenu de l’importance des événements iatrogéniques, cette dose initiale doit être discutée chez le sujet âgé de plus de 75 ans, ou en cas de fragilité d’organe. En effet, des doses faibles de l’ordre de 14 à 25 mg EP [19, 26] ou 0,5 mg/kg/jour [3] ne semblent pas augmenter le risque de cécité sous traitement, au regard de ces 3 études totalisant 171 patients soumis à ces régimes de dose réduite. Rappelons, en revanche, que des cécités peuvent apparaître sous de fortes doses [20, 26], voire après bolus intraveineux de corticoïdes [3]. Par conséquent, la protection oculaire n’apparaît pas dose-dépendante, du moins au dessus de 14 mg/jour EP. Si l’utilisation de doses faibles ne paraît pas augmenter le risque de cécité, il faut mentionner, en revanche, que les autres complications ischémiques spécifiques de la maladie ont été peu évaluées [3] car elles sont souvent tardives ou peu accessibles à un diagnostic étiologique précis [20, 27-29]. L’utilisation éventuelle de doses initiales faibles nécessite donc la précaution d’une surveillance attentive de l’état vasculaire. Par ailleurs, une dose initiale faible supérieure à 14 mg/ jour EP [19] ou supérieure ou égale à 25 mg/jour EP [26] ne semble pas entraîner la majoration plus fréquente de la corticothérapie initiale du fait de la persistance ou de la réapparition de signes cliniques [19] ou de signes cliniques et/ou biologiques inflammatoires [26]. Il semble en être de même en ce qui concerne les effets d’une dose initiale réduite sur la corticothérapie plus tardive [3, 30]. Il semble donc acceptable d’utiliser une dose initiale réduite de corticoïdes, inférieure à 0,7 mg/kg/jour et supérieure à 14 mg/jour EP, chez les sujets âgés de plus de 75 ans ou fragilisés mais indemnes de complication oculaire ou vasculaire de la maladie de Horton. Un tel régime n’a toutefois pas démontré d’épargne cortisonique significative au long cours [3] ou de baisse significative des effets indésirables liés au traitement cortisonique [3, 16]. On pourrait, néanmoins, s’attendre à une baisse des complications réputées précoces, telles les complications psychiatriques [3, 15], ou diabétiques [3]. MONITORAGE DE LA CORTICOTHÉRAPIE La poursuite de doses élevées de corticoïdes n’augmente pas le taux de guérison mais majore les complications thérapeutiques [23]. Une réduction rapide de la dose initiale est recommandée [4, 23]. Nesher préconise l’obtention d’une dose de 10 mg/jour à 6 mois [23]. La survie paraît augmentée lorsque la dose est inférieure à 10 mg/jour à 6 mois [30]. La question du monitorage de la corticothé- 375 rapie reste une grande inconnue mais représente le principal problème de la corticothérapie de la maladie de Horton, car la plus grande partie de la corticothérapie est donnée après le deuxième mois [3]. Certains préconisent de ne pas augmenter la corticothérapie devant un syndrome inflammatoire isolé [16, 23]. À titre d’exemple, l’étude randomisée de Jover [31] étudie l’effet du méthotrexate sur l’épargne cortisonique. Passée la période initiale, le régime de corticothérapie (la procédure est malheureusement peu détaillée dans cette étude) ne tient pas systématiquement compte d’un syndrome inflammatoire isolé. Si l’oculo-protection est satisfaisante dans les deux groupes, ce type de monitorage permet d’obtenir une dose cumulée modérée de corticoïdes à 2 ans dans le groupe placebo : 5,49 g. En revanche, ce type de procédure n’a pas bénéficié d’une évaluation de la survenue des autres complications vasculaires de la maladie de Horton [20, 32]. Enfin, l’étude de Jover nous montre qu’une épargne cortisonique modérée (1,3 g à 2 ans), obtenue ici par le méthotrexate, n’est pas suffisante pour diminuer significativement les effets indésirables de la corticothérapie. Si une épargne cortisonique est obtenue dans le cadre d’une procédure particulière de monitorage de la corticothérapie, il reste aussi à prouver son efficacité sur la survenue des événements iatrogéniques. Au total, peu d’études existent, en fait, sur le monitorage au long cours de la corticothérapie, ce qui peut sembler surprenant alors que l’on teste des molécules adjuvantes d’épargne cortisonique. COUVERTURE DES RISQUES SPÉCIFIQUES ISCHÉMIQUES PAR ACIDE ACÉTYLSALICYLIQUE OU HÉPARINE DE BAS POIDS MOLÉCULAIRE La fréquence des complications ischémiques précoces est en faveur de l’utilisation initiale d’un traitement par acide acétylsalicylique ou héparine de bas poids moléculaire [25, 33]. Il faut souligner qu’un certain nombre de ces complications pourrait être rapporté à une toxicité des corticoïdes en début de traitement [33]. PRÉVENTION DE L’OSTÉOPOROSE CORTISONIQUE Comme nous l’avons vu, les complications rhumatologiques liées au traitement sont plus fréquentes chez les sujets très âgés, et, à ce jour, un monitorage « exigeant » de la corticothérapie n’a pas montré d’efficacité suffisante sur la diminution des fractures osseuses. L’utilisation plus systématique d’un biphosphonate en association avec calcium (en cas de carence d’apport) et vitamine D est recommandée [22, 34-36]. Le choix du biphosphonate devrait se porter sur une molécule efficace à la fois sur l’os trabéculaire et l’os cortical, cibles de l’ostéoporose cortisonique [34, 35]. Dans le cadre de la corticothérapie de la maladie de Horton, il paraît raisonnable de traiter systématiquement la femme âgée, en réitérant l’absorptiométrie à 1 an, puis tous les 2 ans sous corticoïdes. Chez l’homme âgé, une absorptiométrie initiale est recommandée afin d’étayer l’indication thérapeutique du biphosphonate [36]. 376 P. CHEVALET ET AL. Conclusion La prévalence de la maladie de Horton dans le grand âge est probablement sous-évaluée. La sémiologie classique est plus souvent en échec et imbriquée dans une polypathologie. Si la réponse au traitement cortisonique semble équivalente chez le sujet âgé de plus de 75 ans, les complications rhumatologiques liées au traitement cortisonique sont clairement liées à l’âge et constituent le deuxième enjeu du traitement. Il convient donc de limiter la dose initiale et d’effectuer un monitorage au plus près de la dose minimale efficace, chez les sujets les plus âgés ou fragiles, présentant une forme non compliquée. L’utilisation d’une dose initiale faible de corticoïdes (de l’ordre de 15 à 25 mg ou 0,3 à 0,5 mg/kg/jour EP) semble en pratique acceptable, sans augmentation des complications oculaires spécifiques de la maladie. La question de l’optimisation du monitorage ultérieur est plus cruciale : si la corticothérapie est majorée en cas de réapparition des signes cliniques de la maladie, l’intérêt d’un parfait contrôle du syndrome inflammatoire biologique n’est pas prouvé. Il reste aussi à démontrer qu’une épargne cortisonique issue d’une technique exigeante de monitorage soit suffisante pour permettre à terme l’obtention d’une réduction significative des complications fracturaires de l’ostéoporose cortisonique. L’utilisation plus systématique des biphosphonates en prévention de l’ostéoporose cortisonique, dont on connaît les conséquences graves et souvent en cascade chez le sujet âgé, est recommandée. Il paraît, par ailleurs, prudent d’utiliser un traitement héparinique ou anti-agrégant plaquettaire à la période initiale de la maladie. Références 1. HUNDER GG: Giant cell arteritis: a disease of the elderly. Geriatrics, 1983; 38: 55-64. 2. EMMERICH J, FIESSINGER JN : Épidémiologie et facteurs étiologiques des artérites à cellules géantes (maladie de Horton et maladie de Takayasu). Ann Med Interne, 1998 ; 149 : 425-32. 3. CHEVALET P, BARRIER JH, POTTIER P, et al.: A randomized, multicenter, controlled trial using intravenous pulses of methylprednisolone in the initial treatment of simple forms of giant cell arteritis: a one year follow-up study of 164 patients. J Rheumatol, 2000; 27: 1484-91. 4. BARRIER JH, CHEVALET P, PONGE T : Les principes du traitement d’attaque de la maladie de Horton. 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