Tension extrême autour du rachat de Flammarion

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Tension extrême autour du rachat de Flammarion
Tension extrême autour du rachat de
Flammarion
Par Alexandre Debouté
Le Figaro, 22/05/2012
Flammarion, la maison dirigée par Teresa Cremisi affiche un résultat d'exploitation de
25 millions d'euros pour un chiffre d'affaires hors distribution de 220 millions. Crédits photo :
John FOLEY/Opale/John FOLEY/Opale
Albin Michel a jeté l'éponge et Gallimard reste seul en lice
pour le rachat de Flammarion. RCS MediaGroup doit
décider vendredi s'il vend ou non.Teresa Cremisi et
Antoine Gallimard, le duo de choc
RCS MediaGroup, le propriétaire italien de l'éditeur Flammarion, est dans une position
délicate. Pour avoir été trop gourmand dans le processus de vente de sa pépite, il se retrouve
face à un seul acquéreur: Gallimard. L'autre prétendant au rachat, Albin Michel, a décidé de
jeter l'éponge. «Au regard de nos derniers échanges avec Mediobanca, conseil du groupe
RCS, force nous est de constater que les attentes de celui-ci sont trop éloignées de ce que nous
estimons être la valeur économique du groupe Flammarion», explique l'éditeur. Conséquence,
vendredi 25 mai, le conseil d'administration de RCS MediaGroup devra prendre une décision:
soit il vend à Gallimard, soit il conserve Flammarion. Or, le conseil de RCS a été largement
renouvelé et les nouveaux membres qui connaissent mal le dossier ne veulent pas être accusés
d'avoir bradé Flammarion. Pire, le groupe italien est toujours privé de patron. Pietro Scott
Jovane, l'actuel dirigeant de Microsoft Italie, pourrait être nommé, mais ce n'est pas encore
fait. Le moment est donc mal choisi pour prendre une décision, ce qui explique les
atermoiements des Italiens.
En attendant, RCS MediaGroup et Gallimard se livrent à un jeu de dupes. L'italien a fait un
pas en acceptant de revoir son prix à la baisse de 300 à 250 millions d'euros. De son côté,
Gallimard, désormais en position de force, devra décider s'il relève pour la quatrième fois le
montant de son offre, actuellement proche de 200 millions d'euros. Gallimard et sa banque
BNP Paribas pourraient faire un dernier geste. BNP Paribas est le banquier historique de
Gallimard et connaît bien Flammarion pour avoir conseillé la vente à RCS MediaGroup en
2000. Au milieu, le Fonds stratégique d'investissement (FSI), jusqu'à présent tenu à l'écart par
les acquéreurs potentiels, pourrait venir à la rescousse pour un dernier coup de pouce
financier. «Si l'intervention du FSI peut permettre à un groupe d'édition français de faire de la
croissance externe pour mieux se positionner face à la montée du numérique, notre rôle est
justifié», souligne un porte-parole du FSI.
Affaire très rentable
La tension est extrême car pour Gallimard le rachat de Flammarion est une opportunité
historique. Et pour Antoine Gallimard, c'est l'occasion de marquer sa place dans l'histoire de
l'illustre maison centenaire. L'ensemble Gallimard et Flammarion, avec un chiffre d'affaires
de plus de 500 millions d'euros, formerait le troisième poids lourd de l'édition française,
derrière Hachette Livre (Lagardère) et Editis (Planeta). Les deux maisons, qui sont plus que
centenaires, pourraient unir le plus beau catalogue mondial en langue française. D'un côté,
celui de Gallimard - Marcel Proust, Albert Camus et 37 Prix Goncourt, dont le dernier,L'Art
français de la guerre, d'Alexis Jenni. De l'autre, celui de Flammarion, qui comprend le
romancier mondialement connu Michel Houellebecq ou le nutritionniste à succès Pierre
Dukan. Les noces font aussi sens en termes d'offre. Dans le livre de poche, les deux groupes
disposent de positions fortes: Gallimard avec Folio dans le poche premium et Flammarion
avec J'ai Lu dans le poche populaire. Gallimard est absent de la BD, tandis que Flammarion
possède Casterman, l'éditeur des Tintin. Au niveau de la distribution en revanche, les deux
groupes disposent chacun de leur propre réseau, ce qui pourrait faire doublon. Flammarion est
une maison florissante, «une très belle affaire bien rentable», résume un banquier. La maison
dirigée par Teresa Cremisi affiche un résultat d'exploitation de 25 millions d'euros pour un
chiffre d'affaires hors distribution de 220 millions. Flammarion a le vent en poupe, avec le
prix Goncourt de Houellebecq en 2010 pour La Carte et le Territoireet l'arrivée de plusieurs
auteurs connus comme Yasmina Reza ou Paulo Coelho.
Antoine Gallimard, petit-fils du fondateur. Crédits photo :
VINCENT BOISOT/Le Figaro
Antoine Gallimard, petit-fils du fondateur Gaston Gallimard,
connaît déjà très bien Teresa Cremisi, l'Italienne qui dirige
Flammarion depuis 2005, puisqu'elle fut sa plus proche
collaboratrice de 1989 à 2005, avant de rejoindre Flammarion. Ce
tandem, qui a bien fonctionné par le passé, pourrait s'avérer utile au
moment où l'industrie du livre entre dans une zone de turbulences
avec l'essor du numérique. En interne chez Gallimard, on s'interroge toutefois sur la
durabilité d'un tel attelage. Teresa Cremisi est plutôt en fin de carrière,et Antoine Gallimard
déjà très occupé entre la direction de son groupe et la présidence du Syndicat national de
l'édition (SNE).
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Crédit : Le Figaro.

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