La Multithérapie antirétrovirale et la transmission du VIH
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La Multithérapie antirétrovirale et la transmission du VIH
F E U I L L E T D ’ I N F O R M AT I O N La Multithérapie antirétrovirale et la transmission du VIH Ce document est l'un d'une série de feuillets d'information sur la biologie de la transmission du VIH. Ces feuillets d'information passent en revue les facteurs biologiques spécifiques qui rendent plus ou moins probables la transmission du VIH par voie sexuelle. Qu'est-ce que la multithérapie antirétrovirale et quel effet a-t-elle sur la charge virale? La multithérapie antirétrovirale hautement active est le terme utilisé pour décrire le traitement anti-VIH standard. La multithérapie antirétrovirale consiste en un schéma ou une combinaison d'au moins trois médicaments antirétroviraux. La multithérapie antirétrovirale vise à limiter la réplication virale, à ralentir la progression de l'infection au VIH et à hausser le taux des lymphocytes T (également appelés cellules CD4+) du système immunitaire. La réplication virale se mesure par le taux de VIH présent dans le sang (charge virale en VIH); la multithérapie antirétrovirale abaisse la charge virale sanguine. Une charge virale sanguine indétectable, c'est quoi au juste? La charge virale sanguine en VIH (CV) s'entend du nombre de copies du virus VIH présentes dans un millilitre (mL) de sang. Les tests de charge virale sont suffisamment sensibles pour mesurer la teneur en VIH jusqu'à concurrence d'un taux de 50 copies/mL. Quand la CV sanguine est inférieure à 50 copies/mL, on considère alors que la CV se situe sous le seuil de détection des tests cliniques actuels; on dit alors qu'elle est « indétectable ». Mais indétectable ne signifie pas pour autant qu'il y a absence de virus dans le sang. Ce qualificatif signifie tout simplement qu'au moment où le test a été réalisé, le taux de virus était suffisamment bas pour ne pas être détecté par le test. Une multithérapie antirétrovirale qui donne de bons résultats a pour effet La Multithérapie antirétrovirale et la transmission du VIH page 1 de 6 d'abaisser la CV sanguine à un niveau indétectable. Lorsque la CV d'une personne sous multithérapie antirétrovirale est « indétectable », cela signifie-t-il que le virus n'est pas présent dans les liquides génitaux? Une CV sanguine indétectable ne signifie pas nécessairement que la CV est également indétectable dans le sperme, le liquide pré-éjaculatoire, les liquides vaginaux ou les liquides anaux. Selon différentes études, une proportion de 7 à 40 % des personnes dont la CV sanguine est indétectable présenterait néanmoins un taux détectable de virus dans leurs liquides génitaux ou anaux. Normalement, la multithérapie antirétrovirale a pour effet de ramener la CV sanguine sous le seuil de détection mesurable en l'espace de 2 mois après le début du traitement. Les scientifiques n'ont pas encore établi combien de temps après le début de la multithérapie antirétrovirale la CV deviendrait indétectable dans le sperme, les liquides vaginaux ou les liquides anaux. Pour compliquer la situation encore davantage, on n'utilise normalement pas le liquide vaginal ou le sperme pour mesurer le taux de VIH et les tests de CV effectués à partir d'échantillons de sperme ou de liquide vaginal ne s'avèrent pas aussi précis que ceux réalisés à partir d'échantillons sanguins. Dans le cas du sperme, on ne peut y détecter le VIH que lorsque la CV dépasse la marque des 300 copies/mL. Cela signifie donc que si la CV était de 299 copies/mL, on établirait alors, dans pareil cas, que la personne en question a un taux indétectable. Dans une étude regroupant 27 hommes sous multithérapie antirétrovirale, la CV sanguine moyenne était d'environ 200 copies/mL, alors que la CV moyenne dans le liquide anal s'élevait à environ 3 980 copies/mL et celle dans le sperme était de l'ordre de 1 000 copies/mL. Dans une étude menée auprès de 122 femmes sérpositives, dont 28 d'entre elles recevaient une multithérapie antirétrovirale, le VIH s'avérait détectable dans le liquide vaginal chez près de 11 % des femmes qui présentaient un taux indétectable de VIH dans le sang. Une personne sous multithérapie antirétrovirale ayant une charge virale indétectable pourrait-elle quand même transmettre le VIH? Malgré les recommandations issues de la Suisse en 2008, les scientifiques, pour la plupart, s'entendent à savoir que la transmission sexuelle du VIH est une possibilité même dans le cas des personnes sous multithérapie antirétrovirale affichant un taux sanguin indétectable du virus. On associe généralement une faible charge virale sanguine à une moindre fréquence de transmission du VIH étant donné qu'il existe une corrélation entre le taux de VIH dans le sang et le taux de VIH dans les sécrétions génitales. Par contre, on n'a pas encore établi quelle est la « dose » infectieuse du VIH dans le liquide génital. Même si la CV sanguine est indétectable, personne ne sait à quel point la CV dans le liquide génital doit être faible pour que le VIH ne soit pas transmis par voie sexuelle. Il existe un bon nombre de facteurs La Multithérapie antirétrovirale et la transmission du VIH page 2 de 6 susceptibles d'augmenter la CV du VIH dans le liquide génital ou anal, dont les suivants : • L'inflammation localisée au niveau des voies génitales donne lieu à une augmentation de la quantité de VIH présent dans les liquides génitaux. Pour combattre l’infection, il y a migration de cellules immunitaires infectées dans la zone d'inflammation mais ces cellules finissent plutôt par y reproduire de nombreuses autres copies du VIH (consulter le feuillet d'information sur la Transmission du VIH : un aperçu). • Cela signifie donc que les cas de co-infection avec une infection transmissible sexuellement (ITS) ou même les cas d'irritation d'origine non spécifique peuvent donner lieu à une augmentation de la quantité de VIH présente dans les liquides génitaux (consulter le feuillet d'information sur les infections transmissibles sexuellement et la transmission du VIH). • Chez la femme, on a constaté que certains contraceptifs oraux, de même que les fluctuations cycliques des taux d'hormones liées aux règles, peuvent avoir des répercussions sur la quantité de VIH contenue dans les liquides génitaux. • Les agents utilisés dans les schémas de multithérapie antirétrovirale, plus particulièrement les inhibiteurs de la protéase, n'ont pas tous la faculté de pénétrer dans les tissus des voies génitales. Les inhibiteurs de la protéase seraient moins efficaces que d'autres classes de médicaments à réduire le taux de VIH dans le sperme, même s'ils diminuent efficacement le taux de VIH dans le sang. • Les résultats préliminaires de récentes recherches effectuées à Toronto et à Ottawa donnent à penser que le VIH peut, dans certains cas, être néanmoins décelé dans le sperme, et ce, même chez des personnes indemnes d'une ITS dont la charge virale sanguine se situe sous le seuil de détection. Une étude menée actuellement aux États-Unis évoque une situation similaire dans le cas des liquides génitaux chez la femme. Que laissent entendre les études sur la multithérapie antirétrovirale au plan de la prévention? De façon générale, les chercheurs s'entendent à savoir qu'être sous multithérapie antirétrovirale et avoir une CV sanguine indétectable pourraient contribuer, du moins en théorie, à réduire la transmission du VIH. D'après une conclusion issue d'une étude menée à San Francisco auprès d'hommes gais, l'utilisation étendue de la multithérapie antirétrovirale sur la base d'une population donnée pourrait réduire l'infectiosité parmi les gens vivant avec le VIH à raison d'un taux aussi grand que 60 %. Toutefois, il a également été établi qu'une augmentation de la prise de risques, aussi minime soit-elle, inverserait cette réduction de la transmission et que le taux des infections nouvelles se maintiendait au même niveau. Plusieurs études ont montré que des personnes séropositives comme séronégatives délaissent l'usage du condom et prennent plus de risques à l'idée d'une CV indétectable ou sachant que la multithérapie réduit la transmission, ce qui aurait pour effet de contrecarrer l'effet positif de cette multithérapie. La Multithérapie antirétrovirale et la transmission du VIH page 3 de 6 La plupart des scientifiques et des médecins sont persuadés que la multithérapie antirétrovirale réduira la transmission sexuelle du VIH, mais personne ne sait à quel point cela influera sur le risque individuel de transmission du VIH ou d'infection par le VIH et quelle en sera l'incidence. Des études sont actuellement en cours afin de déterminer si la multithérapie antirétrovirale contribuera à réduire la transmission du VIH, mais il faudra attendre plusieurs années avant que les résultats n'en soient connus. Les autres feuillets d'information composant la série sont les suivants : • La Transmission du VIH : un aperçu; • Les Femmes et la biologie de la transmission du VIH; • Les Infections transmissibles sexuellement et la transmission du VIH. Crédits Auteurs : Prameet Sheth, PhD, Brook Thorndycraft Traduction : André Côté 2009 Recommandations de lecture Alors donc, que signifie tout cela? Il n'y a pas de réponse toute simple en ce qui concerne la multithérapie antirétrovirale et son rôle potentiel de prévention du VIH. La transmission du VIH est un processus très complexe qui varie en fonction de facteurs sociaux et biologiques autant pour le partenaire séronégatif que le partenaire séropositif. Point important à retenir, c'est que même dans le cas d'une personne sous multithérapie antirétrovirale ayant une CV sanguine indétectable, il subsiste toujours un risque de transmission du VIH. En outre, bien qu'une personne sous multithérapie antirétrovirale puisse être moins infectieuse lorsqu'il y a suppression complète du virus, la moindre augmentation du comportement à risque, comme le sexe anal ou vaginal non protégé, le partage d'aiguilles ou le fait de contracter une infection transmise sexuellement, peut inverser les effets protecteurs conférés par la multithérapie antirétrovirale en présence d'une CV indétectable. Charge virale dans les liquides génitaux Fiore JR, Suligoia B, Saracinob A, Stefanob MD, Bugarinia R, Leperac A, et al. Correlates of HIV-1 shedding in cervicovaginal secretions and effects of antiretroviral therapies. AIDS 2003;17(15):2169–2176. Étude de large envergure regroupant 122 femmes infectées par le VIH recevant divers schémas de traitement. Près de 11 % des femmes de cette étude sous multithérapie antirétrovirale présentaient un taux détectable de VIH dans leurs liquides génitaux. Ghanem KG, Shah N, Klein RS, Mayer KH, Sobel JD, Warren DL, et al, for the HIV Epidemiology Research Study Group. Influence of Sex Hormones, HIV Status, and Concomitant Sexually Transmitted Infection on Cervicovaginal Inflammation. Journal of Infectious Disease 2005;191:358–366. Il s'agit d'une étude examinant l'impact de la séropositivité au VIH, des hormones sexuelles et des ITS sur l'inflammation du col utérin et du vagin. Cette étude examine l'association étroite qui prévaut entre l'inflammation et l'infection par le VIH dans le contexte des voies génitales chez la femme. Taylor S, Pereira AS. Antiretroviral drug concentrations in semen of HIV-1 infected men. Sexually Transmitted Infections 2001;77:4–11. Mémoire de recherche examinant la faculté de pénétration intratesticulaire de divers agents antirétroviraux. Les auteurs passent en revue diverses études de dosage des concentrations de différents médicaments dans le liquide séminal. La Multithérapie antirétrovirale et la transmission du VIH page 4 de 6 Zhang H, Dornadula G, Beumont M, Lovornese L, Uitert BV, Henning K, Pomerantz RJ. Human Immunodeficiency virus type 1 in the semen of men receiving highly active antiretroviral therapy. New England Journal of Medicine 1998;339(25):1803–1809. L'une des premières études ayant évalué l'impact de la multithérapie antirétrovirale sur le taux de VIH dans le sperme. Les auteurs de cette étude ont constaté une association du VIH à des cellules isolées du sperme, ce qui donne à penser que, même si le sperme contenait un taux indétectable de VIH, l'association qui prévaut entre le virus et certaines cellules spermatiques continuerait de poser un risque de transmission. Zuckerman RA, Whittington WL, Celum CL, Collis TK, Lucchetti AJ, Sanchez JL, et al. Higher concentration of HIV RNA in rectal mucosa secretions than in blood and seminal plasma, among men who have sex with men, independent of antiretroviral therapy. Journal of Infectious Disease 2004;190(1):156–161. Étude comparative des concentrations de VIH dans divers liquides organiques dont le sang, le sperme et les sécrétions rectales. Le taux de VIH dans les sécrétions rectales serait beaucoup plus élevé que celui dans le sang ou le sperme, et ce, même chez les hommes sous multithérapie antirétrovirale suppressive. Multithérapie antirétrovirale et prévention Crepaz N, Hart TA, Marks G. Highly active antiretroviral therapy and sexual risk behavior. Journal of the American Medical Association 2004;292:224–236. Une méta-analyse d'études menées dans le but d'établir si une charge virale indétectable en VIH est associée à une augmentation des pratiques sexuelles à risque chez les hommes. Lima VD, Johnston K, Hogg RS, et al. Expanded access to highly active antiretroviral therapy: a potentially powerful strategy to curb the growth of the HIV epidemic. Journal of Infectious Disease 2008;198(1):59–67. Cette étude fait appel à un modèle mathématique visant à montrer qu'une utilisation élargie de la multithérapie antirétrovirale pourrait conduire à des réductions considérables aux plans de la croissance de l'épidémie du VIH et des coûts connexes à celle-ci. Porco TC, Martin JN, Page-Shafer KA, Cheng A, Charlebois E, Grant RM, Osmond DH. Decline in HIV infectivity following the introduction of highly active antiretroviral therapy. AIDS 2004;19:81–88. Il s'agit de l'une des premières études ayant examiné l'impact de la multithérapie antirétrovirale sur l'infectiosité du VIH. Les auteurs de cette étude ont observé une chute de près de 60 % du taux de transmission du VIH suivant l'arrivée de la multithérapie antirétrovirale dans la collectivité gaie de San Francisco. Ressource supplémentaire Le document de la Société canadienne du sida intitulé La transmission du VIH : Guide d’évaluation du risque – une ressource pour les éducateurs, les conseillers et les professionnels de la santé (2005) est disponible auprès du Centre de distribution de CATIE (http://orders.catie.ca). Déni de responsabilité Toute décision concernant un traitement médical particulier devrait toujours se prendre en consultation avec un professionnel ou une professionnelle de la santé qualifié(e) qui a une expérience des maladies liées au VIH et des traitements en question. CATIE (le Réseau canadien d’info-traitements sida) fournit, de bonne foi, des ressources d’information aux personnes vivant avec le VIH/sida qui, en collaboration avec leurs prestataires de soins, désirent prendre en mains leurs soins de santé. Les renseignements produits ou diffusés par CATIE ne doivent toutefois pas être considérés comme des conseils médicaux. Nous ne recommandons ni appuyons aucun traitement en particulier et nous encourageons nos clients à consulter autant de resources que possible. Nous encourageons vivement nos clients à consulter un professionnel ou une professionnelle de la santé qualifié(e) avant de prendre toute décision d’ordre médical ou d’utiliser un traitement, quel qu’il soit. Nous ne pouvons garantir l’exactitude ou l’intégralité des renseignements publiés ou diffusés par CATIE, ni de ceux auxquels CATIE permet l’accès. Toute personne mettant en application ces renseignements le fait à ses propres risques. 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