La recharge artificielle des nappes est une pratique qui vise à
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La recharge artificielle des nappes est une pratique qui vise à
SYNTHESE La recharge artificielle des nappes est une pratique qui vise à augmenter les volumes d’eau souterraine disponibles en favorisant, par des moyens artificiels, son infiltration jusqu’à l’aquifère ; elle est une des mesures qui peut être mise en œuvre pour sécuriser l’approvisionnement en eau, compenser certains effets du changement climatique et plus généralement aménager la pression quantitative et qualitative sur les masses d’eau souterraine. Elle ne doit, toutefois, pas remplacer une gestion basée sur la réduction des prélèvements et l’adaptation de ceux-ci à la disponibilité de la ressource. Ce rapport présente une synthèse des connaissances sur le sujet : typologie des dispositifs de recharge artificielle par objectif, par origine de l'eau ou par technique de recharge, contraintes hydrogéologiques et réglementaires, risques sanitaires et environnementaux. Il propose des préconisations concernant le choix des sites, la faisabilité technique et les moyens de surveillance à mettre en œuvre. Il s'appuie en partie sur une analyse des sites recensés en France et à l'étranger présentés en annexe. Le recensement de sites de recharge artificielle, qui vient actualiser un rapport du BRGM de 2008, permet de dénombrer 75 dispositifs sur le territoire national. L’état actuel de 48 d’entre eux est connu avec certitude, sans certitude pour 8 autres et enfin, l’état de 19 sites n’a pas pu être identifié. Deux tiers des sites dont l'état est connu sont situées dans les régions Nord-Pas-de-Calais, Midi-Pyrénées et PACA et seule une vingtaine d’entre eux sont encore en activité aujourd’hui. Les abandons sont souvent dus au fait que les communes trouvent une autre source d’eau pour leur alimentation en eau potable. Dans certains cas le recours à la recharge artificielle n’était plus utile ou bien la qualité de l’eau de recharge ne permettait plus au système de fonctionner correctement. Suite à cet inventaire, une sélection d’une douzaine de sites a permis d’illustrer cette diversité sous forme de fiches détaillées (annexe). Objectifs de la recharge artificielle Dans la majorité des cas recensés en France, le but premier de la recharge artificielle est le soutien à une nappe souterraine surexploitée ; le deuxième objectif poursuivi est l’amélioration de la qualité des nappes avec une baisse significative des concentrations en certains éléments chimiques par dilution (i.e. nitrate, pesticides), permettant ainsi la mise en œuvre de traitements de potabilisation finaux plus simples et plus économiques. En parallèle, la contamination des eaux infiltrées est réduite naturellement si le procédé de recharge mis en œuvre intègre l’identification de zones réactives et/ou de zones tampons ainsi que des zones favorables au développement des microorganismes. En effet, les minéraux argileux, les hydroxydes de fer et de manganèse ainsi que les microorganismes présents dans ces différentes zones ont des capacités importantes de contribuer à la décontamination (i.e. biodégradation des composés organiques, etc.) et de fixer les polluants métalliques et métalloïdes. Cette géo-épuration est utilisée dans beaucoup de pays pour parfaire le traitement d'eau usée traitée et s'en servir comme eau de recharge. Recharge artificielle des eaux souterraines: état de l’art et perspectives Rapport final Casanova et al. Eaux utilisées pour la recharge artificielle Le première critère fondamental concernant la faisabilité d’un projet de recharge artificielle est la disponibilité de l’eau de recharge à proximité du site d’injection afin d’assurer un apport régulier et limiter des coûts potentiels de transport. Un aquifère peut ainsi être réalimenté à partir de plusieurs types d’eau. On distingue en général deux types d'eau utilisés pour la recharge : les eaux de surface issues de cours d'eau et les eaux usées traitées. En raison de leur disponibilité, les eaux de surface issues de cours d’eau sont généralement utilisées si l’objectif de la recharge artificielle est principalement quantitatif. Il est toutefois difficile d’utiliser ce type d’eau en période déficitaire sans dégrader le débit du réseau hydrographique. L’analyse des différents dispositifs de recharge artificielle actuellement en activité en France montre que la quasi-totalité de ces dispositifs emploient des eaux de surface notamment en raison de la disponibilité de cette ressource. En effet, les eaux de surface sont abondantes dans les pays tempérés dans lesquels les précipitations compensent correctement les pertes par évapotranspiration et la décharge en mer. Cette prédominance des eaux de surface peut également être expliquée par trois autres raisons. Premièrement, ces eaux ont une qualité chimique et microbiologique correcte même en absence de prétraitement, ce qui permet de les utiliser pour des objectifs quantitatifs et/ou qualitatifs. Deuxièmement, les eaux de surface peuvent être employées dans le cadre de différents dispositifs de recharges artificielles existantes allant des techniques d’infiltration ou d’injection indirecte jusqu’aux techniques d’injection directe. Troisièmement, le cadre législatif permettant l’utilisation des eaux de surface au sein de dispositifs de recharge est déjà établi. Le deuxième type d'eau utilisé pour la recharge artificielle est l'eau usée traitée (actuellement interdite en France). Les enjeux diffèrent de ceux de la recharge artificielle par eau de surface. A l'échelle mondiale, les pressions exercées sur les ressources en eaux sont appelées à s'intensifier. Ces pressions viennent notamment de l'accroissement démographique associé à la concentration de la population dans les zones urbaines, en particulier en zone littorale, et induisent une dégradation qualitative et quantitative des nappes d'eau, plus marquée sur le littoral où cela se traduit notamment par l'intrusion progressive d'eau de mer. Les efforts considérables de mobilisation des ressources en eau atteignant à plus ou moins long terme leurs limites tant physiques qu'économiques, les efforts à mener au cours des prochaines décennies doivent se focaliser sur une gestion plus efficace de la ressource, assurant à la fois sa protection et l'optimisation de son exploitation. Dans ce contexte, la recharge artificielle des nappes d'eaux souterraines par infiltration d'eaux usées traitées peut être envisagée comme l’une des solutions visant à recycler l'eau dans son milieu tout en permettant, par exemple, de soutenir les nappes surexploitées, de lutter contre l'invasion saline des nappes littorales ou de stocker l'eau, sans perte par évaporation comme dans un réservoir à l'air libre, pour la rendre disponible pendant les périodes de fortes demandes. A ce titre, les eaux usées traitées constituent une ressource alternative disponible tout au long de l'année et plus particulièrement en période d'étiage, au moment où les ressources conventionnelles sont fortement sollicitées voire indisponibles. Elle prend un intérêt particulier lorsque la ressource naturelle est rare, notamment en zone littorale et en milieux insulaires. De plus, l'infiltration à travers une zone non saturée d'eaux usées traitées pour recharger 5 / 227 Recharge artificielle des eaux souterraines : Etat de l’art et perspectives Rapport final Casanova et al. une nappe, bénéficie des capacités épuratoires du sous-sol dans lequel des processus se produisent naturellement permettant la dégradation ou la filtration d'un certain nombre de polluants de l'eau. Dispositifs de recharge Les méthodes d’infiltration consistent à faciliter l’infiltration de l’eau jusqu’à la nappe dans des bassins, tout en améliorant la qualité de l’eau de recharge grâce aux capacités géoépuratrices du sol et de la zone non saturée de l’aquifère. Elles sont généralement utilisées pour réalimenter les nappes libres ou dans certains cas pour mettre en place des barrières hydrauliques. Un des principaux avantages de ces méthodes est qu’elles sont peu coûteuses et relativement faciles à mettre en œuvre et à entretenir. Les méthodes d’injection directe via des forages sont les méthodes les plus utilisées à travers le monde. Elles permettent de recharger des nappes captives et/ou de créer des barrières hydrauliques afin de repousser certaines contaminations d’aquifères destinées à la consommation, notamment les intrusions salines. Elle nécessite un bon contrôle de la qualité de l'eau utilisée. La recharge artificielle indirecte, aussi appelée «la réalimentation artificielle induite» consiste à augmenter le transfert d’eau entre un cours d’eau et une nappe alluviale en mettant en place des sites de pompage à proximité des berges de celui-ci. Lors de ce transfert, l’eau du cours d’eau est filtrée grâce au pouvoir épurateur des berges. Enfin, la recharge artificielle est parfois « passive ». C’est le cas, par exemple, lorsque des fuites sont présentes dans le réseau d’eau urbain, ou lorsque l’irrigation des cultures est trop intense. Ce type de dispositif n'est pas discuté dans ce rapport, même si certaines recommandations notamment sur la qualité de l'eau infiltrée restent valables. Contraintes hydrogéologiques et réglementaires La faisabilité d'un dispositif de recharge artificielle dépend largement des conditions hydrogéologiques locales. La zone non saturée doit être en mesure de laisser l'eau s'infiltrer vers la nappe et l'aquifère doit pouvoir stocker l'eau reçue, privilégiant ainsi les sites pour lesquels on identifie une diffusivité plutôt faible, c'est-à-dire une perméabilité pas trop élevée et un bon coefficient d'emmagasinement. Ces conditions peuvent être trouvées dans les formations aquifères à porosité d'interstices (formations sableuses, gréseuses, …) ou à double porosité d'interstice et de fissures, comme la craie. Concernant la qualité de l'eau, le choix d’un site de recharge artificielle implique de s’assurer de la compatibilité entre la qualité de l’eau de recharge et les performances réactives du sol et surtout de la zone non saturée. Côté réglementaire, un dispositif de recharge artificielle est soumis à une obligation d’autorisation préalable au titre de l’article R. 214-1 du code de l’environnement et doit faire l'objet d'une étude d'impact (annexe de l'article R. 122-2). Il doit respecter la législation française et européenne sur l'eau, en particulier l’arrêté du 17 juillet 2009 modifié qui concerne la prévention et la limitation des introductions de polluants dans les eaux souterraines. Dans le cas particulier des dispositifs de recharge impliquant l’utilisation des eaux usées, l'article R.211-23 du code de l’environnement sert de base à l’interdiction de l’utilisation des eaux usées traitées dans le cadre d’activité de recharge artificielle en attendant un avis favorable de l'ANSES. En 2013, l’ANSES a rassemblé un groupe d’experts afin de travailler sur l’évaluation qualitative des risques sanitaires liés à 6 / 227 Recharge artificielle des eaux souterraines: état de l’art et perspectives Rapport final Casanova et al. la recharge artificielle de nappes d’eau souterraines. Un rapport de synthèse est attendu pour fin 2013. Risques sanitaires et environnementaux Selon la qualité et l’efficacité des traitements réalisés sur les eaux de recharge, ces eaux peuvent contenir à un degré plus ou moins important différents contaminants tels que des métaux traces, des nutriments ainsi que des micro-organismes, y compris des microorganismes pathogènes et des molécules dites « émergentes ». L’utilisation d’eau d’origine et de qualité variées, notamment d’eaux usées traitées, dans le cadre de dispositifs de recharge artificielle est donc susceptible de présenter des risques sanitaires élevés. La complexité des modalités de transferts réactifs en zone non saturée met en évidence deux des principaux points de blocage à prendre en considération dans l’hypothèse d’un recours à la recharge artificielle des eaux souterraines étendu au territoire national avec des eaux de diverses qualités : un premier verrou d’ordre scientifique souligne le besoin de disposer de simulations numériques permettant d’intégrer l’ensemble des processus hydro-biogéochimiques impliqués dans le transfert réactif alors qu’une deuxième difficulté d’ordre plus opérationnelle, consiste à disposer de caractérisations « eau-roche » spécifiques à chaque site de recharge. Faisabilité d'un dispositif de recharge artificielle et moyens de surveillance Une fois identifié le site de recharge artificielle en tenant compte des contraintes de disponibilité d'eau, des caractéristiques hydrogéologiques et de la réglementation (rappelées ci-dessus) cinq étapes sont en général nécessaires : l’évaluation préliminaire de la faisabilité d’un dispositif de recharge sur le site sélectionné à partir des données existantes ou d’outils de modélisation, la conception du dispositif de recharge, la réalisation d’une étude détaillée sur site afin de valider ou compléter les résultats obtenus lors de l’étape 1, la construction d’un pilote ou dispositif expérimental à une échelle permettant l’extrapolation suivie de la réalisation d’essais préliminaires, l’agrandissement du site de recharge à une échelle opérationnelle. Pour limiter les risques sanitaires et environnementaux, la caractérisation "eau-roche" de la zone non saturée doit être menée. Les critères pouvant affecter les processus géochimiques et microbiologiques favorisant l’épuration des eaux de recharge sont : (i) le pH, (ii) le potentiel d’oxydoréduction, (iii) la concentration en matière organique et (iv) la minéralogie. Les moyens de surveillance de la qualité de l'eau recommandés par Ollivier et al. (2013) pour caler un modèle de transfert réactif en zone non saturée comprennent les dispositions suivantes : mesures de paramètres physico-chimiques : saturation en eau, pression de l'eau, température, conductivité, potentiel redox, pH des eaux d’infiltration, échantillonnage et analyse des gaz de la zone non saturée, échantillonnage et analyse des eaux de la zone non saturée, échantillonnage des sols pour une analyse minéralogique et microbiologique, tests de perméabilité sur les sols et sous-sols du site de recharge. Dans le cas de recharge artificielle par infiltration d’eaux usées traitées, si elle est autorisée, il sera par ailleurs nécessaire de caractériser la qualité des effluents en cherchant à intégrer sa variabilité probable au cours de l’année (nombre de personnes rattachées variant au cours de l’année, température différente pouvant affecter l’activité des microorganismes présents dans le bac à boue…). A partir de là, en fonction des 7 / 227 Recharge artificielle des eaux souterraines : Etat de l’art et perspectives Rapport final Casanova et al. grandes familles de polluants (notamment polluants émergents) représentées et s’il est possible d’identifier une ou plusieurs molécules « traceurs », un monitoring ciblé pourra être mis en place. Si un large screening est nécessaire à plusieurs dates, un suivi plus restreint mais bien ciblé pourra probablement être initié. Le suivi pourra concerner à la fois l’évolution de la qualité des eaux souterraines mais aussi le transfert des substances dans le sol et/ou la zone non saturée plus profonde via des profils de concentrations dans le sol ou la zone non saturée (après carottage ou par des dispositifs de type bougies poreuses et/ou plaques lysimétriques). Le choix du dispositif est conditionné par la durée de l’expérimentation, le type de sol, la profondeur à investiguer etc. 8 / 227