Journal Le Soir - La Clinique Notre

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Journal Le Soir - La Clinique Notre
Le Soir Mardi 17 mai 2016
L'ENTREPRENEURIAT 13
« Pour réussir, ne pas
quitter sa ligne directrice »
DISTINCTION Frédéric Levy-Morelle décroche l’Entrepreneur Award décerné par « Le Soir »
Le fondateur
de Look&Fin
mis à l’honneur.
Déjà 8 millions d’euros
de prêts pour des PME.
Une « fintech » aux
ambitions européennes.
D’AUTRES MANAGERS
Deux femmes au top
Dans la catégorie « Jeunes CEO », la palme est revenue à
Sylvie Brichard (photo du haut), qui dirige depuis deux ans
la Clinique Notre-Dame de Grâce à Gosselies, l’un des rares
« petits » hôpitaux encore autonomes (tout de même un
millier de personnes). Cette femme de 44 ans a convaincu
par son profil atypique, ayant pris la tête de la clinique après
16 ans de carrière dans l’industrie lourde (groupe HeidelbergCement) puis dans les ressources humaines (Trace).
« Je crois très fort dans la fertilisation croisée entre des secteurs
et des personnes qui ne se connaissent pas. » Après avoir mené à bien trois projets stratégiques de modernisation (notamment dans l’imagerie médicale et dans les services d’urgence), l’une de ses priorités est de créer un « réseau d’hôpitaux de proximité » avec d’autres institutions hospitalières
pour démontrer « qu’il est possible de proposer les meilleurs
soins de santé en étant petit et agile ». A l’en croire, une ASBL
de soins de santé n’est pas si différente qu’une entreprise
industrielle. « Mon rôle est d’indiquer une direction et faire en
sorte que chacun soit dans les conditions pour faire correctement son boulot. » Avec deux différences substantielles
toutefois : un hôpital cumule les complexités technologiques, intellectuelles, humaines et financières (par
exemple, le financement public pour 2016 est basé sur l’activité de 2013…) et « tout ne se règle pas par le pouvoir, en
particulier vis-à-vis des médecins. On est beaucoup plus dans le
dialogue et l’influence, comme dans un nombre croissant d’entreprises. »
Sophie Lambrighs (photo
du bas) a décroché
l’award dans la catégorie
« Investisseurs » pour le
dynamisme qu’elle a
apporté ces 2 dernières
années à la société d’investissement immobilier
Home Invest, cotée en
Bourse et employant 35
personnes. « Nous n’investissons pas dans des startup, mais dans la ville en
mettant chaque année 150
appartements neufs de
qualité à disposition de
publics divers. » Home
Invest développe ellemême ses projets, axés
sur le marché locatif
(1.600 locataires à ce
jour).
ENTRETIEN
rédéric
Levy-Morelle
(32 ans) succède donc à
Fabien Pinckaers (Odoo)
comme gagnant de la 2e édition
des Entrepreneur Awards, dans
la catégorie « Fondateurs ».
L’événement, organisé par le réseau Top Management et soutenu par Le Soir, vise à braquer les
projecteurs sur la génération
montante d’entrepreneurs : des
fondateurs bien entendu, mais
aussi des CEO de moins de
45 ans ou, pour la première fois
cette année, des investisseurs
(lire encadré ci-contre). Frédéric
Levy-Morelle a séduit le jury par
sa capacité à innover avec Look&Fin dans un secteur financier
peu enclin à la prise de risque.
Cela méritait une interview…
© H. KAGHAT.
F
© H. KAGHAT.
Qu’est-ce que récompense
ce prix, d’après vous ?
Quand j’ai commencé à réfléchir à un nouveau mode de financement, à travers des prêts
de particuliers vers des entreprises, on parlait à peine de
crowdfunding et pas du tout de
crowdlending, le prêt participatif. En plein terrain vierge,
les discussions avec le régulateur – la FSMA – ont été compliquées. Il a fallu négocier
pendant deux ans avant de
pouvoir lancer la société fin
2012. Et à l’heure actuelle, le
processus pour obtenir l’agrément auprès du régulateur
n’est pas du tout évident.
O.F.
Dans la catégorie « Fondateurs », Frédéric Levy-Morelle emporte le trophée. © HATIM KAGHAT.
Outre la persévérance, quel
autre mérite vous attribuezvous ?
Je ressens une certaine fierté
d’avoir pris la décision de ne
pas aller vers le financement
participatif par la prise de capital (NDLR : le cheval de bataille de MyMicroInvest en
Belgique) ou le don, comme
c’était la mode, mais d’avoir
voulu développer une véritable
offre financière innovante.
C’était moins « sexy » à
l’époque que le crowdfunding.
La principale qualité d’un bon
fondateur selon vous ?
Avoir une idée et une vision,
c’est bien mais c’est juste un
prérequis. La difficulté, c’est de
bien l’exécuter. Pour cela, il
faut deux choses : une certaine
rigueur, doublée d’un sens de
l’organisation, et la capacité de
bien s’entourer. On ne fait rien
tout seul.
La rigueur, comment l’acquérir ?
Je pense que c’est un trait de
personnalité. Et puis, je me
suis fixé une ligne directrice,
me focaliser sur le prêt participatif, en ciblant des entreprises
de plus de 3 ans qui ont déjà
une certaine maturité. La tentation a été fréquente de quitter
notre ligne, d’aller plus vers des
start-up, mais nous avons résisté. Plus personnellement,
une certaine hygiène de vie est
bien sûr aussi très importante.
Entreprendre, c’est un mara-
thon plus qu’un sprint. J’ai la
chance de courir beaucoup.
Vous promouvez un nouveau
mode de financement pour les
PME, mais comment Look&Fin
s’est-elle elle-même financée ?
Nous avons eu la chance d’être
d’abord capitalisée par l’incubateur EEBIC (NDLR : financé
majoritairement par la Région
bruxelloise et l’ULB) et puis
par un investisseur privé français. Nous avons ainsi levé
330.000 euros.
L’impulsion par le secteur public a donc été capitale…
Oui, car on peut y ajouter un
prêt public de 75.000 euros via
la SRIB (Brustart) qui a servi à
l’amorçage et qui a été renouvelé lors de l’entrée d’un investisseur privé. Outre ces deux apports, on peut dire par rapport
à d’autres sociétés comparables
en Belgique, et certainement en
France, que nous grandissons
essentiellement par autofinancement. En France, Unilend
s’est lancée en levant 10 millions d’euros…
Quand serez-vous à l’équilibre
financier ?
Nous comptons à présent 7
équivalents temps plein et totalisons pour plus de 8 millions
d’euros de prêts structurés pour
plus de 40 entreprises. Rien
qu’en avril, nous avons facilité
l’octroi de 900.000 euros. Nos
revenus nous permettent déjà
de couvrir les frais de personnel et opérationnels, à l’exception des développements informatiques et des frais d’avocats,
importants dans notre secteur
très régulé. En incluant ces
deux postes, nous ne sommes
pas encore rentables. Nous
sommes occupés à réaliser une
nouvelle levée de fonds auprès
d’investisseurs pour financer
notre accélération, notamment
à l’international.
Vous avez déjà un bureau
à Paris. Ensuite ?
Nous n’allons pas attaquer le
Royaume-Uni, qui est un marché déjà trop mature avec un
« Depuis le 1er
janvier 2016,
sur 1.000
dossiers reçus,
nous en avons
financé 14 »
acteur comme Funding Circle
qui totalise déjà pour plus d’1
milliard de financements facilités.
Nous irons vers des marchés
moins matures mais pas
vierges non plus.
Deux études récentes sur des
PME belges, l’une par le BCE
relayée par ING et une autre
par Look&Fin et Beci, indiquent
qu’il n’y a pas de problème
généralisé d’accès au financement bancaire en Belgique…
Globalement, les moyennes indiquent que ce n’est pas catastrophique. Mais tout est question d’échantillon. Quand on
commence à cibler les entreprises de moins de 10 ans par
exemple, ou les plus petites, des
différences apparaissent. Alors
oui, les banques prêtent mais
avec deux inconvénients : la
garantie ou la caution personnelle et dans 30 % des cas, plus
d’un mois de patience pour obtenir le prêt. C’est là que Look&Fin a un rôle à jouer, en ne
demandant pas de garantie et
en finalisant les dossiers en
une dizaine de jours.
A quel prix ?
Le taux d’intérêt se situe en
moyenne à 8,3 %, certes généralement plus élevé que dans
les banques mais il est normal
que nous répercutions une
sorte de prime de risque vu
l’absence de garantie.
Combien d’entreprises qui
s’adressent à vous ont-elles
essuyé un refus bancaire ?
Extrêmement peu en fait. Plus
de 95 % ont une dette historique à leur bilan. Et environ
60 % obtiennent un financement bancaire à l’occasion
d’un financement chez nous,
considéré comme des quasifonds propres…
On parle donc plus de financement complémentaire qu’alternatif…
Pour l’emprunteur tout à fait.
Pour le prêteur par contre, qui
peut investir à partir de 500
euros, nous venons avec un
produit financier alternatif. Le
prêt minimum sur Look&Fin
est désormais de 100.000 eu-
ros. Nous voulons couvrir cette
tranche
stratégique
entre
100.000 et 1 million d’euros,
où il y a une forte demande
mais peu d’acteurs.
Vous affichez pour le prêteur
des rendements non négligeables au-delà de 6 % et un
taux de défaut ridiculement
bas de 0,6 %…
Certaines mauvaises langues
disent qu’on se rapproche de la
sélection bancaire, mais c’est
notre gage de réussite… Depuis
le 1er janvier, sur 1.000 dossiers
reçus, nous en avons financé
14, dans divers secteurs, de
l’hôtellerie à la technologie nucléaire issue du CERN. ■
Propos recueillis par
OLIVIER FABES
Entrepreneur
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