Le feedback des élèves: un instrument pour apprendre
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Le feedback des élèves: un instrument pour apprendre
reissoD Dossier Formation professionnelle suisse Le feedback des élèves: un instrument pour apprendre Ce qui était encore inconcevable il y a quelques décennies est devenu aujourd’hui réalité dans de nombreuses écoles: Les élèves peuvent évaluer l’enseignant, le mettre carrément sur le gril. C’est du moins la crainte qu’éprouvent quelques enseignants. Faux: un bon feedback d’élèves est un instrument important pour l’enseignant, en vue de se développer et de s’améliorer. Interview avec Norbert Landwehr Dr. phil. 28 4 2002 Traduction: Magali Briod D BCH/FPS: Les feedbacks d’élèves ont pris au cours des dernières décennies une place importante, ils sont un must pour l’école moderne. Cela a-t-il vraiment un sens? Je crois que les commentaires des apprenants sont en principe très utiles. Le but du cours est finalement de déclencher des processus d’apprentissage chez les élèves. Les apprenants sont donc des points de référence sérieux pour l’évaluation de la qualité d’un enseignement. Qui peut délivrer des informations plus fiables sur l’efficacité d’un cours que les élèves euxmêmes? Ces derniers savent si le cours les a aidés, s’ils se sont sentis correctement soutenus et accompagnés dans leur apprentissage. BCH/FPS: Mais les élèves sont-ils vraiment en mesure d’évaluer la prestation d’un enseignant? Vous êtes exactement au cœur du problème: la compréhension appropriée du feedback. Le feedback sur un cours devrait être moins orienté sur l’évaluation de l’enseignant que sur les perceptions des élèves et la façon dont ils vivent l’école: Vivez-vous le cours comme un moment intéressant, est-il compréhensible pour vous? Pouvez-vous apprendre dans une atmosphère détendue? L’enseignant vous semble-til compréhensif et juste? Seuls les élèves peuvent finalement répondre à ces questions. Il s’agit donc plutôt de questionner sur des perceptions et des expériences subjectives que de procéder à un jugement général. Le feedback d’élèves n’a donc rien à voir avec le succès scolaire? Je ne l’exprimerais pas ainsi. Il est important de bien vivre sa scolarité pour réussir. Car est-il possible d’apprendre dans un environnement négatif? Non, je suis formel sur ce point. Un malaise dans la classe se répercute très nettement sur la motivation. Comment un enseignant doit-il manier le feedback d’élèves? Pour le corps enseignant, le feedback d’élèves est en fin de compte un instrument d’auto-évaluation. Ce n’est que lorsque l’enseignant sait comment son comportement et son cours sont accueillis par les élèves qu’il peut évoluer et apprendre. Il doit prendre acte des perceptions qu’il déclenche chez ses élèves pour entreprendre une auto-évaluation réaliste. Le feedback est en premier lieu un instrument d’ap- prentissage! Sous cette forme, il s’agit d’une chance et non d’une menace. Il est également très important que l’enseignant discute des résultats avec ses élèves. Un feedback offre l’opportunité de s’entretenir du cours avec la classe. On peut également très bien discuter de la part de responsabilité que la classe ou certains élèves ont dans l’apparition de problèmes et de ce qu’ils peuvent éventuellement faire pour y remédier. L’atmosphère durant le cours ne dépendant pas seulement de l’enseignant mais aussi des élèves, car il n’est pas rare que les problèmes au sein de la classe soient également évoqués. On entend souvent l’argument que le feedback d’élèves est une vengeance en cas de mauvaises notes. Cela peut se produire exceptionnellement. Mais par expérience, les élèves portent un jugement plutôt clément. L’expérience montre que l’approbation des élèves se monte en général à 70 % et plus, et qu’avec un résultat de moins de 60 % il est nécessaire d’entreprendre quelque chose ou du moins de clarifier – donc pas seulement en dessous de 50 %. Par ailleurs, des études démontrent que les appréciations des élèves sont en règle générale très neutres. Il existe naturellement des situations où une classe ne fait que des appréciations négatives, en raison d’un grave problème relationnel entre l’enseignant et les élèves. Même dans ce cas, on peut déduire du sondage une information importante au moins: à savoir qu’il y a un urgent besoin d’agir sur la relation entre l’enseignant et les élèves. Dossier reissoD Dans l’évaluation des enseignants, on a notamment recours aux feedbacks d’élèves comme instrument de la gestion d’école. Est-ce logique? Attention, il s’agit ici de différencier: Le feedback d’élèves en tant qu’instrument du corps enseignant sert à l’auto-évaluation et au soutien de l’apprentissage personnel; il ne doit pas être utilisé abusivement par la direction d’établissement à des fins de qualification. Si la direction souhaite des commentaires de la part des élèves, cela doit se faire d’une manière différente. Il est important de distinguer ces deux niveaux. Il est naturellement légitime de la part de la direction de demander des informations sur la qualité de l’enseignement auprès des élèves, mais je ne l’appellerais pas feedback mais évaluation de l’enseignement. Il est important que l’enseignant puisse prendre connaissance des résultats de cette évaluation d’un et qu’un dialogue ouvert ait lieu, pour que l’enseignant puisse également présenter son propre point de vue. Lorsque des élèves ne s’entendent pas avec un enseignant, leur frustration est souvent perceptible, le feedback n’y change rien. C’est en effet un point délicat. Naturellement, l’attente est légitime de voir un feedback déboucher sur des conséquences, quelles qu’elles soient, surtout lorsque de nombreuses critiques ont été formulées. Si les élèves ne remarquent aucun effet, cet instrument perd de sa crédibilité et les apprenants rechignent à participer par la suite à d’autres enquêtes. 4 2002 Formation professionnelle suisse 29 reissoD Dossier Formation professionnelle suisse qualité introduits récemment, chaque école définira les qualités d’enseignement qu’elle considère comme des valeurs directrices sérieuses. C’est sur cette base que les questions du feedback seront élaborées. Quels genres de problèmes voyez-vous avec l’émergence de cette culture du feedback? A quoi ressemble un bon feedback d’élèves? Le feedback, en tant qu’instrument pour le corps enseignant, peut avoir diverses formes: Il peut se faire par oral ou par écrit au moyen d’un questionnaire – avec des réponses ouvertes ou des réponses à choix. Dans un questionnaire à choix multiples, il faut veiller à ce que la part subjective soit clairement énoncée dans les réponses à choix: Donc pas: «L’enseignant sait bien expliquer», mais: «Quand l’enseignant explique quelque chose, j’arrive bien à suivre». C’est seulement de cette manière que les élèves peuvent signaler leur propre perception. Par ailleurs, il est aussi très important que l’enseignant pose uniquement des questions sur des aspects qu’il peut modifier. «L’enseignant a de l’humour» a peu de sens. C’est un trait de caractère qu’il est très difficile de changer. Les sondages écrits devraient être anonymes pour faciliter des réponses honnêtes. Sinon, je procéderais plutôt à une consultation orale. 4 2002 30 Quels aspects du cours ou de la «vie scolaire» un sondage doit-il couvrir? 1 Q2E = Qualitätsentwicklung und -evaluation auf der Sekundarstufe II (Sviluppo e valutazione della qualità a livello secondario II). NWEDK = Nordwestschweizerische Erziehungsdirektorenkonferenz (Conferenza dei direttori cantonali della pubblica educazione della Svizzera nordorientale). (N.d.T.) Chaque école doit le déterminer elle-même. En relation avec les systèmes de management de la Dans quelques écoles très actives, je constate une certaine saturation. Les élèves en ont parfois par-dessus la tête de ces éternels feedbacks. Je pense qu’une coordination ciblée au sein de l’école résoudrait ce problème. Une autre chose a également fait ses preuves – surtout dans l’enseignement des branches professionnelles: Au lieu de faire des feedbacks généralisés dans toutes les classes, l’enseignant choisit une classe par année avec laquelle il poursuit une réflexion approfondie sur la qualité de l’enseignement et qu’il intègre dans le développement de la qualité du cours. Il procède avec cette classe à plusieurs feedbacks même, afin de contrôler également l’efficacité des mesures introduites. De cette manière, le feedback devient un instrument d’apprentissage des plus efficaces – et pas seulement une obligation agaçante. Après un certain temps, mon opinion par rapport à un enseignant est souvent tout autre que lorsque je dois le voir chaque semaine. Que retenez-vous d’un ancien sondage? Un ancien sondage constitue effectivement une source très intéressante. Il permet avant tout une évaluation de l’efficacité de l’apprentissage, bien que les résultats passent souvent au deuxième plan, derrière les «résultats de socialisation cachés». On apprécie tout différemment ce qu’on appris lorsqu’on est dans la vie professionnelle que lorsqu’on est à l’école et cela permet de donner un éclairage différent au cours vécu. Je trouve qu’on devrait interviewer d’anciens élèves à intervalles réguliers ou faire un sondage écrit. Cela donnerait ainsi à l’école et à l’enseignant de précieuses informations et impulsions pour continuer à évoluer. Norbert Landwehr, Dr. phil., a été actif durant plusieurs années dans la formation des enseignants et a dirigé différents projets de développement scolaire axés sur la didactique. Il est actuellement responsable du secteur pédagogie au degré secondaire II du département de l’éducation, de la culture et du sport du canton d’Argovie. Son activité principale actuelle est le soutien de gymnases et d’écoles professionnelles dans la mise sur pied d’un management de la qualité. Il dirige entre autres le groupe de pilotage du projet Q2E de la CDIP/Nord-Ouest1.