management des mycorhizes chez l`olivier

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management des mycorhizes chez l`olivier
MANAGEMENT DES MYCORHIZES CHEZ L’OLIVIER
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Meddad-Hamza , A. Beddiar , A. Gollotte , et S. Gianinazzi
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Département de Biologie, Faculté des Sciences, Université Badji Mokhtar, Bp.12, 23000 Annaba, Algérie.
INOPLANT, 13 rue des Souhaits, 21110 Aiserey, France.
3
UMR INRA/CNRS /UB, Plante-Microbe-Environnement, CMSE-INRA, BP 86510, 21065 Dijon Cedex- France.
2
Auteur correspondant : [email protected]
RESUME
L’évolution vers une agriculture durable passe par le développement de nouveaux
systèmes de culture utilisant au mieux les ressources biologiques du sol et notamment
les champignons mycorhizogènes à arbuscules (MA). Dans cet article une stratégie de
management de ces microsymbiotes des racines dans les oliveraies est proposée. La
démarche consiste à rechercher des champignons bénéfiques pour cette culture, à les
isoler, les multiplier et in fine à s’en servir pour inoculer en pépinière les jeunes plants
d’olivier. L’intégration dans ces processus des techniques de biologie moléculaire, jointe
aux progrès réalisés dans les méthodologies de production d’inocula mycorhizogènes,
devraient promouvoir fortement l’application des mycorhizes au développement des
plantations de cet arbre emblématique des paysages de la Méditerranée, qu’est l’olivier.
1. INTRODUCTION
Arbre emblématique des paysages de la Méditerranée, l’olivier, par les deux principaux
produits dérivant de sa culture, le fruit et son huile, joue un rôle moteur en termes
d’économie, d’emploi et d’équilibre social et environnemental dans de nombreux pays de
cette région. En effet, près de 97 % des oliviers mondiaux se concentrent dans la région
méditerranéenne pour une production de 17,3 millions de tonnes d’olives et assurant 98 %
de la production oléicole mondiale (Touzani 2004).
En Algérie, le secteur oléicole fait l'objet d'un intérêt croissant, les plantations occupent
300 000 ha, mais de nouvelles cultures se développent aussi bien dans les régions humides
du littoral au Nord du pays, que dans les régions arides limitrophes du Sahara. En effet, dans
ces dernières régions, la culture de l’olivier a été introduite récemment en vue de favoriser
leur développement socio-économique.
Les nouvelles plantations font appel à de nouveaux systèmes de productions telles que
celles pratiquées dans les cultures intensives et nécessitant un apport très important
d’intrants chimiques (pesticides, engrais) et de l’irrigation pour augmenter la productivité
végétale et le rendement, mais qui portent préjudice à l’environnement en contaminant les
sols et les réserves d’eau souterraines.
En Algérie, l’olivier, de par sa rusticité, a été surtout cultivé sur des terres pauvres,
caillouteuses et même arides. Or, dans ces conditions les mycorhizes doivent jouer un rôle
prépondérant (Smith et Read 1997). En effet, il a été démontré que l’olivier est un arbre qui
forme des mycorhizes et qui est très dépendant de cette symbiose (Roldan-Fajardo et Barea
1986). Le recours aux biotechnologies et aux innovations scientifiques et techniques
appliquées à l’oléiculture s’avère incontournable pour l'extension de la culture de l'olivier et
l’amélioration des modes de production associés à la notion de développement durable. De
ce fait, il convient de développer de nouveaux outils biologiques de production tels que les
mycorhizes. Les champignons mycorhizogènes sont actuellement considérés comme des
bio-fertilisants, des bio-protecteurs et des bio-régulateurs (Gianinazzi et al. 2010). Il a été
démontré qu’une gestion appropriée des mycorhizes en agriculture permet une réduction
substantielle de l’apport d’intrants chimiques tout en maintenant de bons rendements (Budi
et al. 1998). Toutefois, l’exploitation raisonnée de ces symbioses en production végétale
n’est qu’à ses débuts. Le but de cet article est donc de définir une stratégie de management
des mycorhizes dans la culture de l’olivier.
2. ISOLEMENT ET IDENTIFICATION DES CHAMPIGNONS MYCORHIZOGENES A
ARBUSCULES FAVORABLES A LA CULTURE DE L’OLIVIER
Afin de disposer de champignons mycorhizogènes à arbuscules (MA) favorables à la culture
de l’olivier, une recherche a été effectuée pour repérer les isolats fongiques dans des
oliveraies du bassin de Guelma, situées au Nord-est de l’Algérie. Dans cette région, les
terres sont relativement fertiles et productives sans apport de fertilisants chimiques et de ce
fait riches en champignons symbiotiques. Trois plantations d’olivier dans cette région ont été
retenues pour isoler des champignons MA.
2.1 Evaluation de l’efficience des champignons mycorhizogènes à arbuscules des
oliveraies
Des échantillons de sols de la rhizosphère ont été prélevés dans deux oliveraies (Bekouche
Lakhdar et Bouchegouf) et une pépinière (Belkhir) du bassin de Guelma. Une analyse
préalable avait montré la présence des champignons MA (voir Beddiar et al. dans cet
ouvrage). Ces échantillons de sols rhizosphériques qui renferment toute la microflore
naturelle y compris les champignons MA ont donc servi comme inoculum dans des essais de
mycorhization dirigée de vitro-plants de la variété Aglandau. Celle-ci a été effectuée en serre
dans des pots contenant des sols provenant des trois stations et stérilisés à l’autoclave.
Trois traitements ont été réalisés : des vitro-plants (i) inoculés avec du sol rhizosphérique, (ii)
inoculés avec du sol rhizosphérique stérilisé et (iii) inoculés avec l’eau de lavage, après
filtration, des différents sols rhizosphériques contenant la microflore bactérienne.
Le Tableau 1 et la Fig. 1 illustrent les bénéfices de l’inoculation des oliviers par les sols
rhizosphériques contenant des champignons MA. Ainsi, après neuf mois de croissance, les
vitro-plants inoculés voient leur croissance considérablement améliorée par rapport à celle
des témoins. Le fait que les plantes inoculées avec l’eau de lavage ne diffèrent pas des
plantes témoins suggère que l’effet positif sur la croissance est très vraisemblablement dû à
la composante mycorhizienne des sols rhizosphériques. Les poids de la matière fraîche de la
partie aérienne et des racines sont sensiblement plus élevés que ceux des plants non
inoculés ou traités avec l’eau de lavage (Tableau 1) : une augmentation entre 5 à 7 fois de la
biomasse a été observée. Cette stimulation de la croissance s’accompagne d’un taux de
mycorhization assez élevé (M% de 32 à 35 %), ce qui traduit des potentialités intéressantes
des champignons mycorhizogènes présents dans les sols analysés. La dépendance
mycorhizienne calculée selon la méthode de Plenchette et al. (1983) a d’ailleurs présenté un
indice de dépendance mycorhizienne très élevés, allant de 70 à 81 %, ce qui témoigne du
fort impact des mycorhizes indigènes sur la croissance de l’olivier.
2.2 Isolement de morphotypes de spores de champignons mycorhizogènes à
arbuscules des oliveraies
Suite à ces résultats sur l’impact positif des champignons MA indigènes sur la croissance de
l’olivier, l’isolement des spores contenues dans les sols des trois stations du bassin de
Guelma a été effectué par tamisage humide. Six morphotypes de spores ont pu ainsi être
isolés et identifiés à savoir Glomus intraradices, G. mosseae, G. constrictum, Glomus sp1,
Glomus sp2 et d’Entrophospora infrequens (Meddad-Hamza et al. 2010) (Fig. 2).
3. PRODUCTION D’INOCULUM ET EVALUATION DE L’EFFET MYCORHIZIEN
3.1 Production d’inoculum
Les six morphotypes de spores récoltées ont été multipliés sur trèfle (Trifolium pratense),
cultivé sur du sol provenant du Domaine Expérimental d’Epoisses de l’INRA de Dijon
stérilisé. Cette plante a été choisie parce qu’elle est dotée d’un système racinaire dense bien
adapté à la multiplication des champignons MA. Les cultures du trèfle mychorizé ont été
effectuées en serre pendant une période de 4 mois, sous la lumière du jour, à une
température moyenne quotidienne de 18/25 °C et d’humidité relative de 60-70 %. Les
plantes ont été arrosées quotidiennement à l’eau osmosée. Les nouvelles spores formées
ont été isolées par tamisage humide et ont servi d’inoculum.
3.2 Inoculation dirigée de vitro-plants d’olivier
Les vitro-plants d’olivier de la variété Aglandau nous ont été fournis par l’Unité Expérimentale
INRA / AO UP vitro (Dijon, France). Le choix de l’utilisation des vitro-plants se justifie par la
nécessité d’utiliser un matériel végétal sain et homogène et permettant de mieux évaluer les
effets des champignons MA.
Les plants d’olivier ont été cultivés sur un substrat composé d’un mélange stérile de sols de
la rhizosphère d’olivier (provenant des trois oliveraies algérienne) et de gravillons (3:1, v:v).
L’inoculum a consisté en 100 spores par plante de chaque morphotype ; les plantes témoins
n’ont pas été inoculées et l’expérience a été réalisée en serre, sous les mêmes conditions
que celles utilisées pour la production d’inoculum. Après une période de croissance de neuf
mois, quatre parmi les six morphotypes de champignons inoculés se sont révélés très
efficients dans l'amélioration de la croissance des plantes, alors que deux n'ont eu aucun
impact significatif par rapport aux témoins non inoculés (Fig. 3).
La matière fraîche aérienne des plants inoculés avec G. intraradices, G. mosseae,
G. constrictum et E. infrequens a augmenté de 3 à plus de 5 fois par rapport aux témoins
non inoculés, alors que Glomus sp1 et Glomus sp2 n’ont eu aucun impact. Le champignon le
plus efficace s’est révélé être E. infrequens et le moins efficace G. intraradices.
Ces résultats montrent l’existence d’une variabilité au niveau des champignons dans leur
capacité respective à stimuler la croissance de l’olivier. Toutefois l’augmentation de la
croissance par les différents morphotypes n’est pas en relation avec les taux de
mycorhization (M%) (Tableau 2). Bien que la colonisation avec G. intraradices ait donné des
taux de mycorhization les plus élevés (M% 69,96), celle-ci s’est révélée être moins efficace
au niveau de la stimulation de la croissance que les trois autres champignons efficients qui
ont moins colonisé les racines : G. mosseae (M% 51,06), G. constrictum (M%33,62) et
E.infrequens (M% 54,40). A noter que les vitro-plants d’oliviers n’ont été que très faiblement
mychorizés avec Glomus sp1 et Glomus sp2.
Les résultats obtenus avec l’inoculation des spores sont comparables à ceux obtenus suite à
l’inoculation à l’aide des sols rhizosphériques, ce qui confirme que les effets bénéfiques de
ces derniers sont très vraisemblablement dus à la présence des champignons MA.
Plusieurs auteurs ont déjà rapporté l’impact positif des champignons MA appartenant au
genre Glomus sur la croissance de l’olivier (Binet et al. 2007, Porras-Soriano et al. 2009 et
Meddad-Hamza et al. 2010). Nos résultats ont fait ressortir pour la première fois la plus
grande efficacité d’une espèce appartenant au genre Entrophospora (E. infrequens) à
améliorer la croissance de cet arbre, alors que d’autres travaux en utilisant des variétés
différentes d'olivier ont conclu à la supériorité de G. mosseae (Binet et al. 2007, PorrasSoriano et al. 2009) ou de G. intraradices (Calvente et al. 2004). De l’ensemble de ces
travaux, il ressort clairement l’intérêt qu’il y aurait à mycorhizer de manière contrôlée les
oliviers et à choisir selon la variété considérée l’espèce fongique la plus appropriée.
4.
DETECTION
MOLECULAIRE
ET
QUANTIFICATION
DES
CHAMPIGNONS
MYCORHIZOGENES IN PLANTA
La détection et la quantification du niveau de mycorhization couramment effectuée à l’aide
d’un colorant non vital tel que l’encre de chine (Vierheilig et al. 1998), permet certes
d’estimer le taux de mycorhization, mais ne donne aucun renseignement sur l’identité des
champignons mycorhizogènes présents dans les racines. Or, cette information est
absolument nécessaire pour bien maîtriser l’inoculation dirigée et son obtention nécessite le
développent d’outils moléculaire de diagnostique. Plusieurs publications font état de
l’existence de sondes moléculaires taxons spécifiques (van Tuinen et al. 1998, Gollotte et al.
2004, Pivato et al. 2007) qui peuvent être exploitées pour développer
des méthodes
moléculaires de quantification.
Une approche de quantification par PCR en temps réel in planta a été introduite par Alkan et
al. (2004) puis par Pivato et al. (2007), mais son utilisation est restée très limitée. Une
approche combinant PCR en gigogne et Q-PCR a donc été développée pour répondre à la
fois aux exigences d’identification et de quantification des champignons MA colonisant les
racines au cours du développement de la plante.
Pour la quantification des champignons MA, des courbes standards spécifiques réalisées à
partir d’ADN de spores de chaque morphotype (G. intraradices, G. mosseae et E.
infrequens), ont été utilisées. L’ADN de 2000 spores a été extrait et purifié avec le kit
NucleoSpin Plant II (Macherey-Nagel) et quantifié par fluorimétrie (fluorimètre Qubit,
Invitrogen). Il a été dilué en série et une première PCR de 15 cycles a été effectuée à partir
de chaque dilution d’ADN en utilisant l'amorce universelle ITS3 (White et al. 1990) et
l'amorce FLR2 ciblant les champignons (Trouvelot et al. 1999). Les produits obtenus ont été
ensuite amplifiés par PCR avec les amorces spécifiques à chaque morphotype : Ent1/Nt2
pour E. infrequens (Gollotte, non publié), FLR3/8.24 (Farmer et al. 2007) pour G. intraradices
et 5.25/FLR4 pour G. mosseae (van Tuinen et al. 1998, Gollotte et al. 2004). La PCR a été
réalisée au moyen d’intercalant fluorescent SYBR Green ROX Mix (Abgene) qui a permis de
quantifier les amplimères par leur fluorescence à chaque cycle dans un appareil ABI PRISM
7900 (Applied Biosystems). Grâce au logiciel SDS version 2.3, il a été possible de
déterminer le cycle seuil Ct qui représente le nombre de cycles requis lors de la PCR pour
que le signal d’émission de fluorescence soit statistiquement significativement plus élevé que
dans le témoin négatif. Une courbe standard du Ct en fonction de la concentration d’ADN a
été ainsi obtenue pour chaque morphotype (Fig. 4). Cette courbe à ensuite été utilisée pour
déterminer les quantités d’ADN de chaque champignon MA présent dans les racines à partir
des Ct obtenus pour chaque échantillon analysé.
Ainsi, l’ADN de racines d’Aglandau, inoculées ou non avec G. intraradices, G. mosseae et E.
infrequens, a été extrait avec la même méthode utilisée pour les spores et puis dilué en série
et amplifié par PCR comme décrit précédemment. La visualisation des bandes d’ADN sur les
gels d’électrophorèse après la 2ème PCR a révélé que les extraits de racines inoculées
contenaient une quantité plus importante d’ADN de G. intraradices, suivi de G. mosseae et
d’E. infrequens ; en effet un signal positif a été obtenu jusqu'à la dilution 1/1000 pour G.
intraradices, mais seulement jusqu’à la dilution 1/100 pour G. mosseae et E. infrequens (Fig.
5). Ces résultats ont été confirmés par la quantification par Q-PCR de l’ADN fongique : les
valeurs les plus élevées ont été obtenues pour les racines mycorhizées avec G. intraradices
(0,081ng/µl), suivies de celles mycorhizées avec G. mosseae (0,043 ng/µl) et E. infrequens
(0,030 ng/µl) (Fig. 6).
L’expression en % des quantités relatives des trois champignons donne les valeurs
suivantes : 52,85 % pour G. intraradices, alors que pour G. mosseae et E. infrequens, les
valeurs respectives sont de 22,85 % et 19,28 % (Fig. 6). Ces résultats sont en accord avec
le taux de mycorhization évalué par la méthode classique de coloration au bleu de Trypan ;
en effet, les taux de mycorhization des racines (M%) sont respectivement de 69,96 % (G.
intraradices), 51,06 % (G. mosseae) et 54,4 % (E. infrequens) (Tableau 2).
L’expression en % des quantités relatives des trois champignons basé sur les quantités
d’ADN fongique mesurés dans les racines donne les valeurs suivantes : 52,85 % pour G.
intraradices, 22,85 % pour G. mosseae et 19,28 % pour E. infrequens, (Fig. 6). Ces résultats
sont en accord avec le taux de mycorhization évalué par la méthode classique de coloration
au bleu de Trypan. En effet, les taux de mycorhization des racines (M%) sont respectivement
de 69,96 % (G. intraradices), 51,06 % (G. mosseae) et 54,4 % (E. infrequens) (Tableau 2,
voir paragraphe 3.2).
Ainsi, la méthodologie développée a permis à la fois de détecter les champignons MA
inoculés et de quantifier leur importance relative. Néanmoins, comme pour la méthode basée
sur les colorations non vitales, nous n’avons pas pu mettre en relation le niveau de
mycorhization avec l’effet bénéfique de la symbiose. En effet, E. infrequens qui a le moins
colonisé les racines d’olivier, s’est révélé être le plus efficace en terme de stimulation de
croissance.
5. APPLICATION DES OUTILS DE BIOLOGIE MOLECULAIRE A LA DETECTION ET A
LA QUANTIFICATION DES CHAMPIGNONS MYCORHIZOGENES EN PEPINIERE
La validité de la méthode mise au point pour la détection et la quantification relative des
champignons MA a été éprouvée à la pépinière de Belkhir productrice de plants d’olivier
sauvage, l’oléastre. Pour cela, des racines ont été prélevées et l’extraction de leur ADN
effectuée. Une première PCR a été réalisée en utilisant les amorces universelles ITS3 et
FLR2 et une deuxième en utilisant les amorces spécifiques aux différentes espèces de
champignons MA. Le couple d’amorces FLR3/FLR4 a été utilisé pour la détection de
l'ensemble des champignons MA (Gollotte et al. 2004), GloITS/LR3rev pour le genre Glomus
(Gollotte non publié), Ent1/Nt2 pour E. infrequens (Gollotte non publié), FLR3/8.24 pour
G. intraradices (Farmer et al. 2007), 5.25/FLR4 pour G. mosseae (van Tuinen et al. 1998),
23.51/FLR4 pour les genres Scutellospora et Gigaspora (Gollotte non publié) et Acaul/FLR4
pour les espèces du genre Acaulospora (Gollotte non publié).
La présence des champignons MA dans les racines d’olivier a été détectée et l’analyse
visuelle des gels à fait ressortir que le genre Glomus est le plus fréquemment présent
comparativement aux genres Entrophospora, Gigaspora et Scutellospora ; le genre
Acaulospora était totalement absent (Fig.7). L’utilisation d’amorces spécifiques de G.
intraradices, G. mosseae et E. infrequens, a démontré que G. intraradices était relativement
le plus abondant, alors qu’aucune différence n’a été observée entre G. mosseae et E.
infrequens. Ces premiers résultats mettent en avant la compétitivité de G. intraradices vis-àvis des autres espèces fongiques dans la colonisation de l’olivier.
La quantification des champignons MA par Q-PCR effectuée sur les racines d’oléastre a
montré que la quantité d’ADN de G.intraradices détecté dans un µl d’extrait d’ADN est de
0,0027 ng, celle de G. mosseae est de 0,00073 ng et celle d’E. infrequens est de 0,00053
ng. La quantité d’ADN de G. intraradices est donc significativement plus importante que celle
de G. mosseae et E. infrequens.
Proportionnellement, l’ADN de G.intraradices représente 68,18 % alors que celui de G.
mosseae et E. infrequens est respectivement de 18,43 % et 13,38 % (Fig.8). G. intraradices
apparaît donc comme le meilleur colonisateur des racines d’oléastre en pépinière et en cela
plus compétitif que les autres espèces détectées (G. mosseae et E. infrequens).
Singh et al. (2008) ont aussi rapporté que le genre Glomus est plus abondant dans les agroécosystèmes que dans les écosystèmes naturels. Selon Jeffries et al. (1988) ce genre serait
mieux adapté aux sols fertiles avec un niveau élevé en éléments nutritifs, alors que Koske
(1987) a signalé que Scutellospora, Acaulospora et Gigaspora sont plus abondants dans les
sols pauvres en nutriments.
6. CONCLUSION
Le développement durable de la culture de l’olivier doit pouvoir se faire en accord avec la
préservation de l’environnement. Les nouvelles biotechnologies basées sur le management
des microbes bénéfiques, notamment, des champignons MA vont permettre une réduction
considérable d’intrants chimiques de synthèse et de ce fait elles ouvrent des alternatives fort
intéressantes en production végétale. Nos travaux ont clairement permis de définir une
stratégie de management des symbioses mycorhiziennes dans la production de l’olivier. La
démarche consiste à rechercher des champignons MA bénéfiques pour cette culture, à les
isoler, les multiplier et in fine à s’en servir pour inoculer les jeunes plants d’olivier : le tout en
se basant sur un suivi aussi bien qualitatif que quantitatif rendu possible grâce aux
techniques de biologie moléculaire.
C’est ainsi que nous avons isolé à partir de sols d’oliveraies peu perturbés par les
techniques culturales, et où la mycorhization est bien développée, des champignons MA
efficaces dans la stimulation de la croissance de plants d’olivier. Quatre espèces sur les six
isolées se sont révélées bénéfiques pour la croissance de l’olivier, à savoir Glomus
intraradices, Glomus mosseae, Glomus constrictum et Entrophospora infrequens. Toutefois,
leur degré d’efficacité varie, ce qui souligne l’importance du génotype fongique dans
l’interaction avec la plante. Nous avons travaillé avec une seule variété (Aglandau), il
convient donc avant d’inoculer d’autres variétés, d’effectuer un screening préalable afin de
définir le ou les champignons MA les plus appropriés. Néanmoins, en Algérie la plupart des
plantations se font avec un porte-greffe identique (oléastre), ce qui facilite la tâche dans la
recherche de ou des champignons MA d’intérêt, car on peut raisonnablement penser que
leur mode d’action ne soit pas modifié par la variété greffée.
Une fois, le ou les champignons choisis, la production de l’inoculum peut se faire sur des
matrices déjà conçues pour la multiplication de ces champignons destinés à d’autres
cultures (Gianinazzi, communication personnelle).
Pour s’assurer du succès de la mycorhization contrôlée, il est nécessaire que cette
biotechnologie intègre l’utilisation de sondes moléculaires actuellement en développement,
afin de se donner les moyens pour suivre le développement in planta du ou des
champignons MA inoculés. Comme dans notre étude E. infrequens s’est révélé être le
champignon MA le plus intéressant, nous avons développé une sonde taxon spécifique et
déposé un exemplaire de ce champignon à la Banque Internationale des Glomeromycètes
sous la référence BEG 223 (www.kent.ac.uk/bio/beg/french/frenchhomepage.htm). C’est ainsi,
qu’à l’aide de diverses sondes taxons (G. intraradices, G. mosseae et E. infrequens) et
genres (Glomus, Entrophospora, Scutellospora, Gigaspora et Acaulospora) spécifiques, les
divers inocula MA apportés ont pu être suivis au cours de leur colonisation des racines et la
présence de ces champignons a pu être facilement détectée en pépinière sans faire appel
aux techniques classiques très consommatrices en temps
et moins riches en
renseignements.
Comme nous l’avons démontré l’exploitation de l’outil moléculaire dans la biotechnologie des
mycorhizes ne doit pas se limiter à la détection d’un champignon MA donné mais aussi
pouvoir nous renseigner sur son abondance. Dans cet objectif, nous avons été amenés à
développer une approche moléculaire de quantification des champignons MA in planta.
Celle-ci a été éprouvée en conditions contrôlées, chez la variété Aglandau préalablement
inoculée soit avec des spores de G. intraradices, soit de G. mosseae et/ou d’E. infrequens et
en utilisant des sondes taxons spécifiques : des valeurs comparables avec celles obtenues
après quantification par coloration au bleu de Trypan ont été enregistrées. En particulier
avec les deux méthodes utilisées, G. intraradices se révèle être le plus abondant dans les
racines d’Aglandau, alors que G. mosseae et E. infrequens se développent moins bien : les
valeurs sont similaires quelle que soit la méthode utilisée.
La méthodologie mise au point appliquée ensuite en pépinière sans apport d’inoculum a
permis de confirmer que G. intraradices était parmi les champignons indigènes, l’espèce
relativement la plus importante. Elle s’est révélée ainsi valable pour analyser l’importance
relative des champignons MA en pépinière. Cela a été confirmé par les résultats obtenus à
l’aide de techniques d’observation se basant sur la morphologie des spores (voir Beddiar et
al. dans cet ouvrage). Bien que des expérimentations supplémentaires soient indispensables
pour s’assurer de la validité de cette méthode moléculaire de quantification des
champignons MA, les résultats déjà obtenus démontrent son applicabilité au management
des mycorhizes chez l’olivier. Ainsi l’intégration des technologies de biologie moléculaire
devrait contribuer à l’essor de la mycorhization en production végétale et par conséquent
favoriser le développement d’une industrie des inocula mycorhizogènes.
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Légendes des figures
Fig. 1 : Effet de la microflore bénéfique sur les viro-plants d’Aglandau : inoculés avec du (i) sol
rhizosphérique (I), (ii) sol rhizosphérique stérilisé (IS) et (iii) l’eau de lavage (IF). Les témoins IS et IF
ne sont présentés sur cette photo que pour un seul sol rhizosphérique, les autres témoins ont donné
les mêmes résultats.
Fig. 2 : Différentes spores de champignons mycorhizogènes isolées des deux stations
d’oliveraies (Bekouche Lakhdar, Bouchegouf) et de la pépinière Belkhir : Glomus intraradices
(a), Glomus mosseae (b) Glomus constrictum (c), Entrophospora infrequens (d), Glomus sp1 (e) et
Glomus sp2 (f)
Fig. 3 : Biomasse de la partie aérienne (a) et des racines (b) de vitro-plants d’Aglandau, inoculés
avec des spores de six morphotypes de champignons mycorhizogènes et exprimée en pourcentage
par rapport à la biomasse des témoins.
Glomus intraradices (Gi), Glomus mosseae (Gm) Glomus constrictum (Gc), Entrophospora infrequens
(Ei), Glomus sp1 (Gsp1) et Glomus sp2 (Gsp2)
Fig. 4 : Exemple de courbe standard obtenues avec de l’ADN de 2000 spores de G. mosseae
établie à partir de dilutions au quart successives. Représentation de l’amplification par PCR en
temps réel de cinq dilutions d’un échantillon standard contenant la séquence du gène cible de G.
mosseae avec le SYBR Green. L’axe des abscisses correspond au logarithme des concentrations
d’ADN de G. mosseae (exprimé en ng/µl) et l’axe des ordonnées correspond aux Ct.
Fig. 5 : Détection par PCR en gigogne de G. intraradices, E. infrequens, et G. mosseae chez
l'olivier mycorhizé (Aglandau) âgé de six mois. La détection moléculaire a été réalisée en utilisant
les amorces spécifiques de : G. intraradices (8.24/FLR3) (5.a), G. mosseae (5.25/FLR4) (5.b) et E.
infrequens (Ent1/Nt2) (5.c),
PM : échelle de poids moléculaire; T1 et T2 : témoin sans ADN; D1, D2, D3 et D4 correspondent aux
dilutions de l’ADN (1, 1/10, 1/100, 1/1000) des échantillons analysés.
Fig. 6 : Representation après analyse moléculaire des quantités relatives d’ADN des
champignons mycorhizogènes présents dans les racines d’oliviers (var. Aglandau) suite à
l’inoculation avec G. intraradices (Gi), G. mosseae (Gm) et E. infrequens (Ei).
Fig. 7 : Détection par PCR en gigogne de champignons mycorhizogènes chez l’oléastre en
pépinière 7.a Détection de l’ensemble des champignons mycorhizogènes (FL3/FLR4) ; 7.b Détection
du genre Glomus (GloITS/LR3erv) ; 7.c Détection des genres Scutellospora :Gigaspora (23.5/FLR4) ;
7.d Absence de détection du genre Acaulospora (Acaul/FLR4) ; 7.e Détection de l’espèce Glomus
intraradices (FLR3/8.24) ; 7.f Détection de l’espèce Glomus mosseae (5.25/FLR4) ; 7.g Détection
d’Entrophospora infrequens (Ent1/Nt2)
PM : échelle de poids moléculaire ; T1 et T2 témoin sans ADN ; D1, D2, D3 et D4 correspondent aux
dilutions de l’ADN (1, 1/10, 1/100, 1/1000) des échantillons analysés.
Fig. 8 : Representation après analyse moléculaire des quantités relatives d’ADN
des
champignons mycorhizogènes présents dans les racines d’oleastre en pépinière : G.
intraradices (Gi), G. mosseae (Gm) et E. infrequens (Ei).
Tableau 1 : Tableau 1 : Effet de l’inoculation à l’aide de sols rhizosphériques des oliveraies sur
la croissance de vitro-plants d’olivier (var. Aglandau), inoculés avec du (i) sol rhizosphérique (I),
(ii) sol rhizosphérique stérilisé (IS) et (iii) l’eau de lavage (IF). Poids de la matière fraîche de la partie
aérienne (PFA) et de la partie racinaire (PFR), taux de colonisation mycorhizienne (M%) et
dépendance mycorhizienne (IDM).
IDM (%)
M (%)
PFR (g)
PFA (g)
Station Bekouche Lakhdar
I
79,69
32,31±3,04
6,46±1,60*
7,06±1,70 *
-
-
1,4±0,81
1,12±1,03
IS
-
-
1,36±0,67
1,2±0,65
IF
70,96
32,94±8,56
5,52±2,05
5,72±1,50*
Station Bouchegouf
I
-
-
2,52±1,65
1,14±0,96
IS
-
-
2,08±0,27
0,96±0,28
81,46
35,68±7,5
8,15±3,73*
7,8±1,43*
IF
Pépinière de Belkhir
I
-
-
2,12±1,75
1,32±0,95
IS
-
-
2,1±0,99
1,12±0,52
IF
La moyenne ± écart type, n = 5, les chiffres suivis d’une étoile (*) diffèrent significativement (P < 0,05)
Le taux de mycorhization (M%) a été évalué selon la méthode de Trouvelot et al. 1986.
Tableau 2 : Taux de colonisation des racines de vitro-plants d’Aglandau inoculés avec des
spores de six morphotypes de champignons mycorhizogènes et exprimée en pourcentage (M%)
Glomus intraradices(Gi), Glomus mosseae (Gm) Glomus constrictum (Gc), Entrophospora infrequens
(Ei), Glomus sp1 (Gsp1) et Glomus sp2 (Gsp2)
spores
Gi
M%
69,96 ± 4,5
Gm
51,06 ± 7,4
Gc
Ei
33,62 ± 9,32
54,40 ± 5,60
Gsp1
0,04 ± 0,06
Gsp2
3,73 ± 0,7