La prise en compte du développement durable dans les projets d
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La prise en compte du développement durable dans les projets d
Rédacteur : Serge VILLETTE Chef de la Division Infrastructures et Environnement CETE de l’OUEST Conférence C7 La prise en compte du développement durable dans les projets d’infrastructures Le vocable "Développement Durable" est maintenant assimilé dans le contexte du "Grenelle de l'Environnement" initié en 2007 et de sa déclinaison dans les politiques publiques. Dans la pratique, il correspond à une nouvelle étape dans l'évolution permanente et continue du processus de la prise en compte de l'environnement, notamment dans les projets d'infrastructures. De fait, la prise en compte réelle de l’environnement trouve son origine à la fin des années 70. La période de reconstruction, guidée par des besoins urgents à assurer et une attente très forte pour l'aménagement du territoire, avait créé une notion d'urgence qui laissait peu de place aux réflexions préalables, aux études d'opportunité ou encore à une véritable prise en compte de l'environnement. L'évolution de la société et des citoyens, l'impact grandissant de la réglementation européenne dans la législation française ont par ailleurs souvent guidé, accentué, voire orienté ce processus. En un peu plus de trente ans, on est ainsi passé d’ • une compensation de choix techniques préalables à • une justification des choix avec des mesures d'insertion, puis à • une conception de moindre impact des projets pour, ensuite, aboutir à • une prise en compte de façon globale de l'aménagement et ses effets. Aujourd'hui on s'oriente vers une approche sur tout le cycle de vie de l'infrastructure, y compris les phases de construction, d'exploitation, d'entretien, voire de démolition. Les textes réglementaires qui se sont appliqués aux projets d'infrastructures (voir liste non exhaustive en annexe) illustrent parfaitement cette évolution et encadrent de façon pragmatique ces démarches par des obligations juridiques. 1 Au-delà des textes, le rôle du citoyen et son investissement croissant dans les choix et les décisions (via les concertations) voire la judiciarisation de son action constituent aussi des vecteurs majeurs qui ont favorisé cette évolution. Avec les premières lois relatives à la protection de la nature, l'élaboration des études d'impact et la démocratisation des enquêtes publiques, les maîtres d'ouvrage et les concepteurs s'attachaient principalement à la qualité technique des projets et s'efforçaient de prendre en compte l'environnement, souvent par des mesures compensatoires, pour accompagner le projet (dont la justification sur le choix des options techniques était rarement étayée). Par la suite, les phases de conception et les décisions ont été accompagnées de phases de concertation qui ont amené les acteurs à renforcer leurs études et à étoffer leurs argumentaires pour justifier leurs choix. Ce changement a permis d'évoluer vers des choix auxquels les citoyens adhéraient et de créer des partenariats qui optimisaient l'insertion des projets. Pendant les années 90, les procédures ont été revues, les études d'impact ont été mieux définies et cadrées sur tous les thèmes environnementaux et sont apparus les suivis et bilans environnementaux qui permettaient de garantir que les études préalables seraient mises en oeuvre concrètement lors de la réalisation du projet et feraient l'objet d'une évaluation. Avec les années 2000, la réflexion a été étendue aux plans et programmes au-delà du seul projet et la relation de celui-ci avec le territoire est devenue essentielle. Cette relation "projet – territoire", initiée dès les études amont, permet aujourd'hui d'influer sur les options tant en terme de fonctionnalités qu'en terme de choix techniques et les maîtres d'ouvrages sont plus à même de justifier leur projet et de réaliser leur conception avec un objectif de moindre impact. Ce travail et ce partenariat trouvent aujourd'hui leur formalisation dans les démarches développement durable qui se mettent en place via l'approche environnementale, économique et sociale. En effet, le Développement Durable appliqué à un projet d’infrastructures c’est : •la prise en compte, dans un contexte plus vaste, de l'environnement et du respect des ressources et de la biodiversité et, ce, au-delà du seul projet ; •l'écoute du citoyen de façon continue, via les concertations, pour une acceptabilité sociale des projets et une maîtrise de leurs effets sur la population ; •l'approche économique via les études d'aménagement du territoire et les études de déplacements. 2 Les démarches mises en place doivent répondre à quelques règles importantes pour garder leur pertinence. Tout d'abord elles doivent être cohérentes entre elles et s'articuler autour des phases de concertation et de décision. A ce titre, elles doivent être progressives et être abordées, à chaque étape, à un niveau de précision adapté. Ce niveau de précision doit : −être en relation avec la pertinence de l'objet étudié et de la question posée (opportunité - choix du fuseau ou de la bande - détermination des emprises…), et −tenir compte de l'échelle du territoire concerné. Elles doivent toujours s'appuyer sur des constats objectifs, notamment au niveau : −des hypothèses retenues (croissance, démographie, développement économique, trafics...) et −de l'état initial du territoire (milieux naturels mais aussi urbanisme, économie, occupation du sol). Enfin, elles doivent être globales au niveau spatial mais aussi temporel. Ainsi les effets positifs et négatifs doivent-ils −être étendus à l'impact de toutes les actions qui contribuent ou contribueront au projet et −intégrer toute la vie du projet de sa réalisation à son utilisation et à son entretien. Dans le cadre des études d'impact, la prise en compte de la phase fonctionnement du projet et de sa relation avec le territoire est aujourd'hui intégrée et elle est perçue par les maîtres d'ouvrage et les concepteurs comme une nécessité impérieuse. Tous les projets envisagés doivent, aujourd'hui, être justifiés par des études étayées et il convient de démontrer la pertinence des choix, les objectifs fonctionnels, économiques et sociaux et l'intérêt pour la société de réaliser l'opération. Les textes réglementaires sur l'environnement et sur l'association du citoyen encadrent ces exigences et guident les maîtres d'ouvrage. Les outils méthodologiques élaborés par le Réseau Scientifique et Technique du MEEDDAT constituent des aides précieuses pour structurer et produire les études et procédures nécessaires. La modélisation multimodale des déplacements permet aussi d'évaluer l'importance de l'attractivité de l'infrastructure envisagée et son incidence sur la part respective des différents modes de transport. Cette modélisation trouve sa pertinence, là encore, •en exploitant des données fiables sur les niveaux et la nature des trafics existants dans l’aire d’étude mais aussi et surtout •en prenant des hypothèses réalistes sur les évolutions socio-économiques et cohérentes avec les politiques de transport mises en oeuvre (qu'il s'agisse de croissance ou de répartition modale). 3 Cette modélisation peut aussi être exploitée pour évaluer les impacts (bruit - pollution et qualité de l'air - émissions de gaz à effet de serre...) et elle permet d’alimenter l’étude socio-économique quantitative (bénéfice actualisé ou taux de rentabilité interne du projet). Dans le cadre de l'approche construction, le choix des matériaux utilisés (avec leur provenance, leur transport, leur mise en oeuvre, leur durabilité) et le choix des options techniques de réalisation (de même que l'incidence sur les phases d'entretien) sont pris en compte. Au niveau énergie et changement climatique, et au-delà de l'usage de l'infrastructure (qui constitue la part prépondérante des consommations et émissions de gaz à effet de serre), c'est dans cette approche qu'il convient d'établir le bilan des émissions pour la phase réalisation et entretien. Les études menées par le Laboratoire Central des Ponts et Chaussées (LCPC) autour de la phase construction et des matériaux qui constituent les structures ont permis d'évaluer la part respective des contributions et peuvent constituer une aide à la décision précieuse au niveau des choix techniques. S'agissant du Développement Durable, sa prise en compte sur les projets d'infrastructures, au-delà de ce qui précède, relève aussi d'une approche de management du projet. Toutes les étapes des études, (des études d'opportunité, en amont, à la conception de détail préalable à la réalisation) doivent faire l'objet d'un questionnement et d'une analyse vis à vis des critères du développement durable. Cette démarche permet, par une évaluation appropriée, d'affecter et d'orienter le cas échéant les options techniques ou les choix qui sont envisagés. Le processus continu permet également d'actualiser le travail à chaque phase pour intégrer les évolutions du contexte socio-économique ou les nouvelles données environnementales. La démarche permet également d'identifier les points négatifs pour les supprimer, les réduire et à défaut les compenser. Pour aider les acteurs et plus particulièrement les maîtres d'ouvrage dans cette démarche, le Réseau Scientifique et Technique du MEEDDAT a élaboré en 2006 des grilles d'analyse des projets d'aménagement (grilles RST 02 CERTU) à l'intérieur d'un guide. Elles permettent, grâce à un questionnement détaillé et une évaluation pondérée par thème, d'appréhender la performance d'un projet et de la démarche engagée vis à vis des critères de développement durable (lien d’accès au site correspondant ci-dessous). http://www.certu.fr/spip.php? page=article_theme&id_article=311&id_rubrique=207&lang=fr 4 Ce travail a été complété en 2007 et 2008, en lien avec les CETE, pour être adapté aux projets d'infrastructures et le guide correspondant devrait être disponible rapidement sous le timbre du SETRA. Ce type de management de projet associé à une politique technique volontariste et aux démarches qualité telle que l'association de l'exploitant et du gestionnaire (pour prendre en compte leurs attentes et leurs besoins) contribuent à une meilleure qualité globale des projets et à la satisfaction des citoyens qu'ils soient usagers, riverains ou contribuables. 5 Chronologie des textes réglementaires 1976 : loi relative à la protection de la nature 1978 : première circulaire sur l’élaboration des études d’impact des projets Cadre technique pour les études 1983 : loi sur la démocratisation des enquêtes publiques et à la protection de l’environnement Fixation des règles d’information des citoyens avec l’objectif de renforcer les études d’impact 1985: Directive européenne concernant l’évaluation des incidences des projets sur l’environnement Premières règles supra nationales d’harmonisation des pratiques 1993:Décret relatif aux études d’impact et aux champs d’application des enquêtes Toilettage des règles pour intégrer la directive européenne 1995 : Loi relative au renforcement de la protection de l’environnement Adaptation à l’évolution de la société 1996 : guide technique sur les études d’impact,les suivis et les bilans environnementaux Structuration des productions pour les services de l’État 1997 : nouvelle directive européenne sur l’évaluation et l’incidence des projets sur l’environnement Actualisation de la première directive de 1985 2001 : Directive européenne sur l’évaluation des plans et programmes sur l’environnement On passe du projet à quelque chose de plus global 2003 : nouvelle adaptation des textes de 1983 et 1976 Prise en compte des textes européens notamment sur la concertation 2004-2005 : décrets et loi pour l’adaptations des textes pour la prise en compte du droit communautaire 2006 : Guide pour la prise en compte du développement durable dans un projet ….. 6 7