La théorie X-barre : notions de base
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La théorie X-barre : notions de base
La théorie X-barre : notions de base Au sein de la GGT, le module X-barre s'intéresse à la manière dont les mots s'organisent dans la phrase - on dit aussi : aux relations structurales ou syntaxiques entre les mots. En effet, la syntaxe postule que les mots ne sont pas juste mis les uns à la suite des autres, mais que certains entretiennent avec d’autres des relations syntaxiques. Chaque langue dispose de règles pour faire apparaître ces relations. Si l’on excepte la coordination, qui est une relation d’un type particulier (égalitaire), les mots entretiennent essentiellement entre eux des relations de subordination : il y a, dans une phrase, des “chefs” qui peuvent avoir sous leurs ordres des subordonnés, appelés “compléments” (au sens large). Comme dans l’organigramme d’une entreprise ou d’une institution, une équipe formée d’un chef et de ses subordonnés peut elle-même recevoir ses ordres d’un chef “au-dessus”, et sera une composante d’un groupe plus large. Pour prendre une image : l’équipe du Département de Lettres modernes (“dirigée” par le Chef de Département) est une composante de l’UFR de Lettres, philosophie, Musique, elle-même “dirigée” par un Directeur d’UFR. La dépendance syntaxique (le fait qu’un groupe est sous les “ordres” d’un chef) peut se manifester de diverses manières : le subordonné peut avoir une place imposée dans la phrase (par exemple, juste après son “chef”) ; ou bien il peut se voir imposer des marques d’accord par son “chef” ; ou encore, il peut avoir une marque matérielle indiquant sa dépendance (préposition par exemple, ou dans certaines langues, marque de cas). Dans certains cas, aucun indice ne met en évidence la relation de dépendance, si ce n’est le sens des divers intéressés, et la cohérence du groupe “chef + compléments” (cf. tests sur la cohérence des constituants). L’essentiel de l’analyse syntaxique sera donc de déterminer ces relations : qui complète quoi et comment ? Mais avant de creuser ces points, puisque que nous avons dit que l’objet de la syntaxe est d’étudier comment les mots s’organisent dans la phrase, il nous faut d’abord définir ce qu'on entend ici par phrase et par mot. Qu'est-ce qu'une phrase ? Pour la grammaire générative, une phrase se définit d’abord par l'association d'un sujet (qui représente en général ce dont on parle, le thème - mais pas toujours) et d’un prédicat (ce qu’on en dit) ; c'est donc l'équivalent de ce que l’approche traditionnelle appelle une proposition. Dans les phrases les plus courantes (disons, dans les phrases prototypiques), le sujet correspond à un syntagme nominal (ou ses équivalents syntaxiques : pronom, complétive) et le prédicat à un syntagme verbal (verbe accompagné de ses éventuels compléments). Donc, rien de neuf par rapport à des approches assez classiques. En français, le verbe se reconnaît par son comportement morphologique, c’est-à-dire ses variations de forme : il porte des flexions (ou désinences) de mode et, selon les modes, de temps et de personne. Le sujet est, sauf cas particulier, l'élément qui impose l'accord en personne du verbe, et qui peut s'extraire entre C'est....qui ou qui répond à la question Qui/Qu' est-ce...qui. D'un point de vue sémantique et logique, la phrase de base constitue une assertion : on peut porter sur elle un jugement en termes de vrai et de faux. Dire Paul dort, c'est dire "il est vrai de dire de Paul qu'il dort". La structure minimale de toute phrase de base sera donc : P SN SV C'est en tout cas celle que nous utiliserons pour l'instant : on verra dans la suite du cours que cette hypothèse sur la structure de la phrase a été modifiée au fur et à mesure de l'évolution de la théorie. Certains compléments, dits compléments de phrase (v. la session sur le structuralisme), nuancent le lien entre le sujet et le prédicat : ils commentent l'assertion, soit en disant dans quelles circonstances (pour quel moment, lieu, intensité, etc.) le lien sujet/ prédicat est vrai, soit en donnant un commentaire du locuteur sur ce lien (probable ou pas, souhaitable ou pas) ou sur sa propre énonciation (Franchement, Paul est idiot = "je suis franc en disant que Paul est idiot"). Pour l'instant, nous représenterons ainsi ces compléments; nous verrons plus tard les inconvénients de ce type de représentation: P Fonctions : ! & SN (sujet) " SV (Prédicat) # (SX) (cplts de phrase) $% & ' ( )* ( Ce type de représentation s’appelle un indicateur syntagmatique (il indique visuellement les syntagmes et leurs liens de dépendance) ; dans la pratique, on utilise plus couramment le terme « d’arbre ». NB : les propositions subordonnées sont appelées "phrases enchâssées" ; on considère qu'elles sont composées d'un élément qui opère la subordination ("complémenteur" en GGT), complété par une phrase de structure normale. Le complémenteur, ou subordonnant, peut être un pronom relatif ou interrogatif, ou une conjonction de subordination. Nous y reviendrons plus loin. La subordonnée munie de son complémenteur remplit dans la phrase où elle s'insère le même type de fonctions que les syntagmes. (On pourrait dire que c'est une phrase qui, grâce à un complémenteur, peut se comporter comme un syntagme vis-à-vis de l'extérieur). La définiton que nous retenons de la phrase est restrictive. Elle suppose que, parmi les diverses organisations de mots possibles lorsqu’on parle ou qu’on écrit effectivement (les énoncés), seuls certains correspondent à une phrase, c’est-à-dire une organisation syntaxique particulière. Ainsi, Délicieux, ce café!, bien que constituant un énoncé, n’est pas une phrase d’un point de vue syntaxique, dans notre définition. Nous ne l’étudierons pas dans ce cours, donc. Autre précision : nous restreindons notre étude à des phrases (“principales” ou “matrices”) qui constituent aussi, du point de vue logique, une proposition : elles présentent un jugement de vérité qui peut être évalué en termes de vrai ou de faux, c’est-à-dire une assertion. D’autres types de phrases existent (et sont exclusifs l’un de l’autre) ; dans leur grandes lignes (ou à première vue), ils servent à coder des énoncés qui relèvent d’autres objectifs que l’assertion : - type de phrase interrogatif (but déclaré : obtenir une information) : Es-tu là ? - type de phrase jussif (but déclaré : obtenir une action de l’interlocuteur) : Viens ici ! - type de phrase exclamatif (but déclaré : exprimer une émotion forte) : Qu’il est bête ! On considèrera que ces types de phrases sont des variations, codées syntaxiquement, sur le schéma de la phrase assertive, et l’on ne les abordera pas dans ce cours. Qu'est-ce qu'un mot ? La réponse à cette question n'est pas évidente. Vous l'aborderez probablement en cours de morphologie. Pour ce cours, on se contentera d'une définition simpliste et intuitive du mot, qui plus est basée sur l'écrit : c'est le signe désigné par une suite de lettres entre deux blancs... RQ : Les mots composés et les locutions fonctionnent du point de vue de la syntaxe comme un seul mot (et pourraient donc tous s'écrire avec un trait d'union, qui "annule" le blanc - ou, s'il en existe un, être remplacés par un élément simple de rôle équivalent). Là encore, comme on ne peut pas tout traiter en un seul cours, on s'en remettra au dictionnaire et à l'intuition pour les repérer. En cas de doute, essayez de voir si leurs composants peuvent commuter avec autre chose de sémantiquement "équivalent". Par exemple : pour que n'est pas une locution, on peut la décomposer en pour préposition et que conjonction de subordination ; en effet dans pour que Léa vienne on peut remplacer "que Léa vienne" par cela. parce que en revanche est une locution : on peut faire commuter parce que avec une conjonction simple, comme puisque, et, dans parce que Léa est venue, on ne peut pas remplacer que Léa est venue par cela. (* parce cela) On distinguera dans la suite de ce cours deux types de mots : - les mots lexicaux ; ils correspondent aux Noms, Adjectifs, Adverbes, Verbes et Prépositions ; - les mots grammaticaux ; ils correspondent aux déterminants, conjonctions, pronoms. Il existe des constituants intermédiaires : les syntagmes Pour former une phrase, les mots commencent par se regrouper entre eux, en général autour d’un mot lexical. Ils forment ainsi des constituants intermédiaires : les syntagmes. La phrase est formée au moins de deux syntagmes, celui qui remplit la fonction de sujet, et celui qui remplit la fonction de prédicat. Dans la phrase de base, le premier est un syntagme nominal : il s'organise autour d'un nom ; le second est un syntagme verbal : il s'organise autour d'un verbe. Le syntagme nominal peut être remplacé par un élément synthétique (pronom), ou par une subordonnée. Le syntagme est une unité intermédiaire entre le mot et la phrase. En GGT, on considère que les mots lexicaux ne remplissent pas de fonction syntaxique ; seuls les syntagmes construits autour d’eux y sont aptes. Toute la question est de savoir comment certains mots s'organisent autour d’un mot lexical (appelé tête ou noyau du syntagme) pour former avec lui ce syntagme. Le module X- barre est une hypothèse sur cette organisation, un peu différente de celle que vous avez vue dans NGF. Dans la suite du cours, NGF désigne La Nouvelle Grammaire du français, de Dubois et Lagane (v. bibliographie) 1. Existence de regroupements intermédiaires de mots Au collège, ou sinon au cours de vos révisions, vous avez déjà vu que les mots s’organisent en groupes. Dans NGF, cela a été affirmé plus que démontré, sauf par un rapide appel à la commutation. Mais on peut argumenter un peu plus cette affirmation. L'existence de constituants intermédiaires entre le mot et la phrase est en effet mis en évidence par des tests syntaxiques aussi bien que par l'intuition sémantique. 1) Intuition Intuitivement, on perçoit que certains mots "vont ensemble" et pas avec le voisin. Si vous voulez faire apparaître les divers sens des phrases ambiguës suivantes juste en lisant la phrase, votre intonation va insister sur la séparation ou au contraire la cohérence des groupes de mots concernés (les barres obliques tentent de noter les pauses, les tirets une prononciation enchaînée) : (4) J'ai frappé un homme avec un parapluie J'ai frappé /// un-homme-avec-un-parapluie = un homme avec un parapluie est le COD; avec un parapluie complète homme et forme avec lui un constituant. La phrase signifie à peu près “ j’ai frappé un homme qui avait un parapluie”: avec un parapluie “va avec” homme. J’ai frappé un homme [ avec un parapluie ] J'ai frappé // un homme /// avec un parapluie = avec un parapluie ne complète pas homme (ce n'est pas lui qui a un parapluie) et ne forme donc pas avec lui un constituant. Il complète frapper, c'est un cplt de manière. Il fait donc directement partie du syntagme verbal et non du COD. La phrase signifie à peu près “j’ai frappé un homme à l’aide d’un parapluie”. J’ai frappé un homme avec un parapluie Donc, intuitivement, selon votre interprétation de cette phrase, vous allez regrouper « avec un parapluie » avec « homme » ou pas : dans un cas vous considèrerez que « ils vont ensemble », c’est à dire qu’ils forment un constituant, dans l’autre pas. Dans le premier cas “avec un parapluie”, qui complète “homme”, indique l’aspect de cet homme ; dans l’autre cas, il indique la manière de frapper et complète le verbe. 2) Compétence « innée » La notion de « dépendance structurelle » semble être une donnée innée du langage, d’après les générativistes. C’est l’idée que certains groupes de mots dépendent d’autres. Pour eux, le caractère inné de ce principe se révèle dans le fait suivant : quelle que soit leur langue maternelle, les enfants en cours d’apprentissage du langage vont instinctivement manipuler certains mots « en bloc ». Ainsi, pour le français, un jeune enfant découvrant le passif ne dira jamais, pour exprimer « le chat a mangé la souris de Loulou » : *souris a été mangée par le chat la – de Loulou Pour former le passif, c’est l’ensemble « la souris de Loulou » qu’il va transférer de la position objet à la position sujet, et pas seulement « souris ». Il tient donc compte de façon spontanée du fait que « la » et « de Loulou » sont solidaires de « souris » (ils complètent souris) et que c’est l’ensemble qui est sujet. Rq : ce jeune enfant n’a pas suivi de cours de grammaire, contrairement à de nombreux étudiants qui continuent à dire que le sujet de manger est « souris » au lieu du syntagme « la souris de Loulou ». Comme quoi, on peut utiliser de façon innée et insconsciente des notions que l’on a du mal à reconnaître consciemment.... peut-être à cause d’un certain conditionnement scolaire ? 3) Tests Un certain nombre de tests montrent que des groupes de mots forment des constituants : ils sont ciblés " en bloc " par des opérations syntaxiques. Par exemple, on peut remplacer un groupe par un pronom de même fonction, alors qu’on ne peut pas faire la même chose avec le seul noyau. Cela montre que c’est bien le groupe, et non le seul noyau, qui remplit la fonction en question. C'est ce que montrent les pronominalisations et les dislocations ci-dessous : (a) J'aime le chocolat Je l'aime (l' = le chocolat) (a') J'aime le chocolat *Je l'aime le (l' ≠ chocolat) Ceci montre que le COD représenté par le pronom le est bien le groupe "le chocolat" et non le seul nom "chocolat" : la fonction COD est remplie par le syntagme nominal "le chocolat". (b) Je parle à la voisine Je lui parle * Je lui parle à / *Je lui parle à la c'est « à la voisine » le constituant qui remplit la fonction COI (c) J'écris à la soeur de Paul A la soeur de Paul, je lui écris *A la soeur, je lui écris de Paul * A la soeur de, je lui écris Paul *Soeur, je lui écris à la de Paul "à la soeur de Paul" est un syntagme : c’est le constituant, représenté par lui, qui remplit la fonction COI. En revanche, (d) est possible, aussi bien que (d') : (d) Ce gâteau est délicieux Délicieux, ce gâteau l'est (le = attribut = délicieux) (d') Paul est content de lui Content de lui, Paul l'est (le = attribut = content de lui) L'attribut est un constituant, c'est un syntagme adjectival. Mais en (d), ce syntagme ne contient que son noyau, l'adjectif, alors qu'en (d') il contient le noyau adjectival accompagné de son complément. Les tests d'extraction faut aussi apparaître la solidarité de groupes de mots : (a) C'est le chocolat que j'aime (b) C'est hier matin que j'ai vu Marie (b') *C'est hier que j'ai vu Marie matin (b'') *C'est matin que j'ai vu Marie hier " hier matin " est un constituant On pourrait multiplier les exemples. L’idée principale, c’est que les fonctions semblent parfois remplies par un élément simple (cf. l’attribut en (d)), mais lorsque cet élément a lui-même un complément, on s’aperçoit que c’est l’ensemble du groupe « élément simple + ses compléments » qui remplit la fonction. Ce groupe est appelé syntagme. En d’autres termes, un mot lexical forme avec ses compléments un constituant solidaire appelé syntagme. Ou : on appelle syntagme un groupe de mots solidaires remplissant une fonction syntaxique (si le noyau n’a pas de compléments, le groupe est réduit à un seul élément : le noyau). D'une manière générale, lorsqu'un noyau a des compléments, ceux-ci font toujours partie de son syntagme. 4) Poupées russes Ces tests montrent également qu'il existe des constituants " emboîtés " dans d'autres. Dans l'exemple (3), divers groupes ont un comportement homogène par rapport à divers tests syntaxiques (ils se comportent "en bloc" vis-à-vis de ces tests) (je souligne en double la suite de mots dont le test montre la cohérence) : (3) Léa possède/a acheté un tableau de Picasso C'est de Picasso que Léa possède un tableau, pas de Klimt (Extraction) Léa en possède un, tableau de Picasso (Dislocation) Léa possède un tableau de Picasso et un mobile de Calder (Coordination) C'est un tableau de Picasso que Léa possède (extraction) Léa possède un tableau de Picasso et Jean aussi (= possède un tableau de P.) (Ellipse) Léa a acheté un tableau de Picasso et vendu un mobile de Calder (Coordination) Léa a acheté un tableau de Picasso et est partie (Coordination) RQ : Beaucoup considèrent que la coordination consiste à dupliquer un constituant. Tout ce qui peut se coordonner sous la même forme est donc un constituant. Ces divers tests montrent que " de Picasso ", " tableau de Picasso ", " un tableau de Picasso ", " possède un tableau de Picasso ", " acheté un tableau de Picasso ", " a acheté un tableau de Picasso " sont tous des constituants. Si l'on voulait noter par des parenthèses les frontières de chaque constituant mis en évidence par les tests, on aurait le résultat suivant : Léa [a (acheté [un (tableau [de Picasso])])] Bilan les manipulations syntaxiques « ciblent » seulement des constituants des constituants peuvent être « emboîtés » dans d’autres : dans ce cas, les divers niveaux d’emboîtement peuvent être ciblés par des opérations syntaxiques différentes. 2. Le syntagme comme projection de la tête A partir de ces constatations, la grammaire générative propose de généraliser : tous les constituants, pour toutes les langues, ont les mêmes principes d'organisation. Seul, l'ordre de ces constituants peut varier. Elle propose les principes suivants pour l’organisation des constituants. 1) Tête et syntagme Tout mot lexical (N, V, Adj, Adv, Prép) est une tête, que l’on note avec un indice “°”: ce mot lexical forme (on dit aussi " construit " ou " projette ") un syntagme qui va remplir une fonction dans la phrase. Le syntagme hérite des propriétés de sa tête (genre, nombre, exigences d'accord, type de fonctions qu'il peut remplir dans la phrase,...). On peut représenter cela ainsi : SN SV Sadj SAdv SP N° V° Adj° Adv° Prép° Donc chaque fois qu'on a un mot lexical, on a un syntagme. Et on ne peut avoir un syntagme que s'il a une tête de même nature. Conventions de notation : la tête porte l'indice ou l'exposant zéro (N°, V°, etc.). la barre verticale, appelée " branche ", se note en fait sans flèche (je l'ai utilisée uniquement pour vous familiariser avec l'interprétation de ce type de schémas). en utilisant la variable X, on peut donc résumer les schémas ci-dessus de la manière suivante (qui signifie : le schéma est vrai pour toute classe lexicale représentée par X) : SX X° On note sous la tête le mot auquel elle correspond dans la phrase. Ex : SAdj Adj° bleu Quand, pour une raison ou pour une autre, on ne veut pas décomposer le syntagme, c'està-dire en donner le détail, on l'indique par un triangle. Ex : SAdj SN bleu le chocolat aux noisettes 2) Syntagme simple et syntagme " complexe " La plupart des têtes peuvent être complétées, et certaines le doivent. Prenons les exemples suivants : (8) J'aime (le chocolat) (9) J'aime (le chocolat aux noisettes) En (8), chocolat n'a pas de cplt du nom ; en (9), si. Mais dans les deux cas, aimer a un COD, qui, sémantiquement, exprime ce que le sujet aime. De ce point de vue, le chocolat et le chocolat aux noisettes ont la même fonction vis à vis du reste de la phrase. C'est ce que font apparaître des tests comme la dislocation : (8') Le chocolat, je l'aime (vraiment) (l' = COD = le chocolat) (9') Le chocolat aux noisettes, je l'aime (vraiment) ! + ,-. + # % " aux noisettes " indique le type de chocolat dont on parle, mais n'a pas d'influence sur le lien qu'ont entre eux les autres mots. Pour exprimer que le chocolat et le chocolat aux noisettes ont le même rôle vis-à-vis du reste de la phrase, on considère que, dans les deux cas, le verbe a pour complément d'objet direct un SN. Ce SN a les propriétés que lui transmet " chocolat " (masculin, singulier, inanimé,...), donc " chocolat " est la tête du SN dans les deux cas. La seule chose qui change, c'est le contenu de ce SN : dans un cas, il ne contient que le déterminant et le noyau, dans l’autre, il contient aussi le complément du nom du noyau. On peut représenter (provisoirement) les choses ainsi : SN Dans les 2 cas, c’est un SN dirigé par chocolat SN Dét N° dét N° SP Le chocolat le chocolat aux noisettes Seule "& - le syntagme dirigé par chocolat a la même fonction : COD de aimer. - ce qui change, c'est la structure interne de ce syntagme (représentée par ce qui est sous l'étiquette SN). De même, le rôle du prédicat par rapport au sujet est le même, que le verbe soit transitif ou intransitif : " dort " et " mange une pomme " sont ce qu'on peut affirmer comme vrai au sujet de Paul aussi bien dans (10) que dans (11) : (10) Paul dort (11) Paul mange une pomme Dans les deux cas, on a aussi affaire à un syntagme, ici un SV. La seule chose qui change, c’est que, dans un cas, la tête n’a pas de complément, dans l’autre cas si : SV SV V° V° SN dort mange une pomme Remarques : Pour l’instant, on considérera que la tête lexicale d’un syntagme verbal est aussi bien la forme simple (cf. ici : dort, mange) que la forme composée du verbe (a mangé, a dormi). On notera donc (provisoirement) : SV V° a dormi Dans ce cours, on considérera qu’un syntagme prépositionnel a pour tête la préposition (car elle détermine quelle fonction le groupe va remplir), et que cette préposition a un complément (obligatoire en français) : en général, un SN mais parfois un adverbe ou une subordonnée. Les SP ont donc la structure suivante (provisoire) : SP Prép° SX Enfin, on a vu plus haut que les constituants s’emboîtent : si l’on excepte pour l’instant les mots grammaticaux (en particulier, les déterminants), tous les compléments sont par définition des syntagmes, donc se décomposent eux aussi en " tête + éventuels compléments ". Dans le syntagme verbal mange une pomme, le verbe a pour COD le SN une pomme ; donc la structure est : SV V° mange SN dét N° une pomme A retenir Tout mot lexical est une tête. Elle construit un syntagme auquel elle transmet ses propriétés. C’est ce syntagme qui remplit une fonction dans le reste de la phrase. En plus de la tête, le syntagme contient les compléments de la tête, si elle en a. Hormis les déterminants, ce sont toujours des syntagmes qui remplissent les fonctions. 3. X-barre et la différenciation des compléments Le type de représentation ci-dessus met bien en évidence le fait que la structure interne du syntagme peut varier (la tête a ou non des compléments) alors que son comportement vis-à-vis de l'extérieur reste homogène (qu'une tête ait ou non des compléments, cela ne change rien au rôle du syntagme). Pendant longtemps, c'est elle qui a prévalu en grammaire générative, et c'est elle encore qui est " passée " dans de nombreux manuels de grammaire ou de linguistique. C'est elle, à quelques détails près, qu’on trouve dans NGF, qui vous a peut-être servi à réviser .(Selon les cas, ces grammaires de vulgarisation ont conservé le terme " syntagme " et son abréviation (SN, SV, etc.), ou bien ont tenté de le rendre plus transparent en l'appelant " groupe " (avec les abréviations correspondantes GN, GV, etc.), comme c’est le cas dans NGF.). Mais depuis, si les principes de base sont restés inchangés (les mots se regroupent en syntagmes qui remplissent des fonctions), l'analyse et la représentation de la structure interne des syntagmes a évolué. En effet, cette représentation avait des limites : d'un point de vue pratique, elle met sur un même plan (sur une même ligne dans le schéma), la tête et ses compléments, ce qui rend parfois la lecture confuse quand les compléments sont nombreux ; plus gênant, quand une tête a plusieurs compléments, elle ne fait pas apparaître de différence entre eux. Elle les traite indifféremment, en les rattachant de la même manière au syntagme. Or, tous les compléments n'ont pas exactement le même comportement. C’est de ce dernier point que X-barre va tenir compte pour proposer une nouvelle manière de représenter les syntagmes, et de concevoir les liens entre la tête et ses divers compléments. 1) Les « quantifieurs » Parmi les divers types de compléments d’une tête, certains servent à « quantifier» ce qui les suit : ils disent quelle quantité ou quelle intensité du référent (objets, propriétés,...) sont pris en compte. C’est le cas pour les déterminants et pour les adverbes d’intensité, comme le montrent les exemples suivants : un chat noir miaula > parmi les objets du monde que je peux appeler « chat noir », il y en a un auquel j’applique le prédicat « miaula » : un quantifie chat noir deux chats miaulèrent > même chose, mais pour deux individus de la classe des chats Julien est très beau > la quantité de beauté que l’on peut attribuer à Julien est élevée : très quantifie beau Julien a beaucoup mangé > beaucoup quantifie l’action de manger (il dit avec quelle intensité elle s’applique à Julien) juste avant les vacances/le panneau > juste quantifie la distance (temporelle ou spatiale) indiquée par la préposition avant, en disant qu'elle est petite Mélanie comprend très vite > très quantifie l’adverbe vite Il existe ainsi des quantifieurs pouvant s’appliquer aux diverses classes lexicales (N, V, Adj, Adv, Prép). [RQ : Cette analyse est grossière : je ne tiens compte ici que de ce que ces compléments ont en commun, en passant sous silence ce qui les différencie. En particulier, le déterminant défini ne fonctionne pas comme les autres déterminants ; mais dans ce cours, nous ferons abstraction de ce point, et nous traiterons tous les déterminants de la même manière.] Or, ces compléments semblent avoir, en français comme dans d’autre langues, des propriétés syntaxiques communes, qui les distinguent des autres compléments : ils ont une position particulière : en français, ils sont toujours à gauche de ce qu’ils quantifient ; [RQ : Pour les verbes, les choses sont un peu plus complexes, selon qu’il est à une forme simple ou composée ; ce point sera repris plus loin. Pour l’instant, considérons seulement le cas où le verbe est composé : la place naturelle, non emphatique, du quantifieur est à gauche de la partie lexicale : il a beaucoup mangé.] ils ne sont utilisables qu’avec certaines sous-classes sémantiques (ex : le déterminant indéfini n’est compatible qu’avec les noms comptables, seuls certains adjectifs sont gradables, c-à-d- compatibles avec un adverbe d’intensité, etc.); on ne peut en utiliser qu’un à la fois (*deux plusieurs chats, *il a beaucoup énormément mangé, etc.) ; s’il y en a deux à la suite, le premier quantifie le second (il a [trop peu] mangé), ils ne quantifient pas tous les deux la même chose ; le fait qu’ils puissent former des syntagmes est discuté par certains linguistes; ils semblent quantifier non la tête, mais l’ensemble [tête+ ses autres compléments]. Pour illustrer ce dernier point, prenons deux exemples : (1) Paul a volé un tableau de Picasso Paul en a volé un, (de tableau de Picasso). La particule en reprend l’ensemble "tableau de Picasso": c’est cela que un quantifie, et non juste tableau. *Paul en a volé de Picasso, (de tableau) > un tableau n’est pas un constituant qui peut être repris par en; *Paul a volé un tableau de Picasso et Marie de Miro > on ne peut sous-entendre « un tableau » car ce n’est pas un constituant. Donc un complète (quantifie) tableau de Picasso et non tableau. De plus, ces tests font apparaître qu'il existe un constituant tableau de Picasso alors qu'il n'y a pas de constituant un tableau. Aucun de ces deux faits n'est visible dans notre ancienne représentation, que je SN dét (un) N° (tableau) SP (de Picasso) rappelle : Cette représentation fait apparaître comme constituants "un", "tableau", "de Picasso" et "un tableau de Picasso". Mais rien n’indique que un se comporte différemment de de Picasso : ces deux compléments sont traités comme équivalents. Et tableau de Picasso n'apparaît pas comme un constituant complété par un. Au contraire, tableau paraît complété simultanément et sans étape intermédiaire à la fois par un et par de Picasso. Le second exemple est un peu plus délicat : (2) Paul est très fier de lui Paul est très fier de lui mais Luc l'est [peu __ ] Ici, l' représente fier de lui, qui est donc un constituant Paul est très fier de lui et Léa l'est [ ___de son frère.] Ici, à première vue, le test semble contredire notre analyse : très fier semble former un constituant, où très quantifie fier, et non fier de son frère. Mais d'après certains sémanticiens, ce n'est qu'une apparence : dans Léa l'est de son frère, on comprendrait en fait Léa est fière de son frère et pas forcément très fière de son frère. Ceci apparaît plus clairement dans les tests suivants : Paul est peu fier de lui depuis que Léa l'est de son frère *? Paul est peu fier de son frère tout comme Léa l'est du sien Paul est peu fier de son frère tandis que Léa l'est du sien. Dans ces phrases, on interprète “Léa est fière de son frère/du sien” et non “Léa est peu fière de son frère/du sien”. Le reprend ici la tête seule, et non l’ensemble quantifieur+tête. Le test qui pourrait faire apparaître l’ensemble quantifieur+tête comme un constituant est donc trompeur. Seul celui qui montre la cohérence de l’ensemble tête + autres compléments est fiable. Le quantifieur s'applique donc ici aussi à l'ensemble "tête + son autre complément".1 Or, dans notre représentation provisoire, on aurait la structure suivante : Sadj Sadv (très) Adj° (fier) SP (de lui) Rien n'indique que très complète fier de lui, qui forme un constituant, alors que très fier n'en forme pas un. Donc cette représentation n'est pas adaptée. [Cet exemple est tiré de Labelle M. et P. Hirshbuller, Syntaxe du français : l'universel et le particulier dans la langue, vol. 1, 1991, Québec, ronéotypé.] Il faut que notre représentation des syntagmes tienne compte du fait que le quantifieur porte sur un constituant formé de la tête et de ses autres compléments, alors qu'il ne forme pas lui-même un constituant avec la seule tête. Et elle doit faire apparaître un constituant intermédiaire : celui formé de la tête et de "de Picasso" / "de lui", sur lequel porte le quantifieur. Pour faire apparaître ces différences de comportement (qui ne sont pas limitées au français), X-barre fait l’hypothèse qu'il existe, à l'intérieur du syntagme, plusieurs “étages”. Il y a un constituant intermédiaire, appelé X' (c'est à dire : " X barre ", d’où le nom de la théorie...), sur lequel portent les quantifieurs. Cette structure réserve donc une position particulière aux quantifieurs : la position de spécifieur (ou spécificateur, selon les traductions). Ce principe ferait partie de la grammaire universelle ; donc pour toutes les langues, moyennant des variations de place, on aurait pour tout syntagme la structure suivante (provisoire) : / SX spécifieur Le spécifieur complète X' X’ X° 0 1 SY La tête et ses autres cplts forment un constituant : X' * Dans cette représentation, SY représente tout autre complément de la tête (je n’en mets qu’un pour alléger). Il forme avec la tête un constituant : X'. X’ représente donc l’ensemble formé de la tête et de SY (c'est à dire ce qu'il y a au bout des "branches" qui partent de lui). Ici, X’ = “tableau de Picasso” ou “fier de lui”. Le spécifieur est sur la même ligne que X’ et relié au même point , SX, ce qui signifie que c’est X’ (= X° +SY) qu’il complète. On a ainsi fait apparaître les particularités des spécifieurs. [Dans la pratique, on ne dit pas « point », mais « noeud » : on dit « le noeud X°, le noeud SY, le noeud X’, etc. ». Un noeud est dit « branchant » quand deux branches partent de lui vers le bas : ici, SX est un noeud branchant, et X’ aussi. Deux noeuds rattachés à un même noeud au-dessus d’eux sont dits « soeurs », comme dans un arbre généalogique : ici, spécifieur et X’ sont soeurs, X° et SY sont soeurs.] 2) Arguments et modifieurs Notre représentation a fait des progrès. Mais il y a encore une différence entre compléments dont elle ne tient pas compte, et qui ne relève pas non plus de la grammaire traditionnelle. Une fois qu’on a mis à part les spécifieurs, on s’aperçoit que les autres compléments de la tête n’ont pas tous le même comportement, ni le même type de lien avec la tête. Prenons la phrase suivante : (3) Je mange un gâteau (1) salement (2) Le complément que j’ai appelé (1) est un complément d’objet direct du verbe. Il n’est permis qu’avec certains types de verbes (les verbes transitifs directs). Quand vous cherchez un verbe dans le dictionnaire, celui-ci précise si ce verbe exige ou pas un COD (ou un COI), ou s’il l’exclut (V. intransitif), ou si, comme manger, il l’admet et en principe l’exige (manger : V. transitif), mais peut dans certains contextes le laisser sous-entendu (on parle alors d’emploi absolu). Les compléments comme (1) ont un rapport étroit avec le verbe choisi : on dit qu’ils sont sélectionnés par le verbe. Ils sont soit rendus obligatoires par le verbe, soit directement impliqués par son sens (par exemple, durer implique un complément de temps, partir suppose des cplts de lieu : quoique facultatifs, ceux-ci sont impliqués par le sens même du verbe; on ne peut pas se représenter une action de partir sans se représenter en même temps un lieu de départ). Quand il sélectionne des compléments, le verbe impose, selon les cas : - leur forme (SN, SP, subordonnée...), - pour les SP, souvent, la préposition qui va les introduire (ex : compter sur quelqu’un/*vers qq’un /*sous qq’un, ...) - ou encore, le type de circonstance exprimée par le cplt :se comporter implique un cplt de manière, durer un cplt de temps, etc. Au point que si on utilise un complément a priori non compatible avec cette circonstance, on peut parfois réussir à l’interpréter... en déviant le sens du complément ; ex : si je dis « cela a duré un livre », la phrase peut être bonne en interprétant « un livre » comme un cplt de temps : cela a duré le temps de lire un livre - ou de l’écrire. C’est donc le verbe qui impose l’interprétation du cplt, s’il le peut. En revanche, le complément que j’ai appelé (2) est complément du verbe, circonstanciel de manière. Le dictionnaire ne précise pas si ce verbe admet ou pas des compléments de manière, de lieu, de temps, etc. (sauf si ce type de complément est, pour ce verbe, obligatoire ; mais dans ce cas, il s’agit d’une forme de COD ou de COI : Paul a mis la lettre sur la table). En effet, ce sont des cplts que, comme celui de (2), l’on peut trouver dans n’importe quel SV. Tout verbe, indépendamment de son sens spécifique, peut être complété par un SAdv cplt de manière, ou de lieu, de moyen, de temps... De plus, «salement », comme tous les compléments de même type que lui, est toujours facultatif. Enfin, le verbe pourrait prendre un nombre illimité de compléments circonstanciels de rôle équivalent : je mange un gâteau salement avec les doigts directement sur la toile cirée etc. (2) (3) (4) Il s’agit ici de compléments non-sélectionnés par le verbe. Les compléments sélectionnés comme (1), contrairement aux autres, ont donc des rapports très étroits avec le verbe. Ils sont en outre en nombre limité et imposé par le verbe. On les appelle des arguments du verbe. Ceux de type (2) sont appelés des modifieurs du verbe, ou des adjoints. Pour les distinguer, X-barre propose la représentation suivante : SV spécifieurs V’ adjoints à V’ ou modifieurs de V SP V’ beaucoup V° arguments de V° SN mangé ces gâteaux avec les doigts L’idée que la forme et/ou le sens de certains compléments du verbe sont définis par le verbe lui-même n’est pas nouvelle ni propre à la grammaire générative. On la retrouve sous diverses formes dans les grammaires. La terminologie peut changer, les détails aussi, mais l’idée générale reste. Certains auteurs parlent de valence du verbe et distinguent les verbes avalents (sans complément ni sujet personnel : pleuvoir), monovalents (sujet seul : dormir), bivalents (sujet + un complément : critiquer x), trivalents (sujet + deux compléments : mettre qqch qqpart). La grammaire générative parle plutôt de sous-catégorisation des verbes ou de grille argumentale. Selon les cas, la notation peut préciser ou non le comportement du sujet. Mais surtout, elle étend la distinction arguments vs modifieurs à toutes les classes lexicales : noms, prépositions, adjectifs, adverbes peuvent avoir des arguments (obligatoires ou facultatifs), comme on le détaillera ci-dessous. On peut donc, comme on l’a déjà fait plus haut, synthétiser ce point de vue en recourant à la variable X , qui désigne n’importe quelle classe lexicale : SX spécifieurs X’ X’ X° adjoints à X’ / modifieurs de X arguments de X° RQ: on a dit plus haut que le nombre d’adjoints n’était pas limité : le noeud X’ qui les accueille est donc récursif : il peut se répéter pour rattacher un nouvel adjoint. En revanche, dans ce cours, si une tête a plusieurs arguments (ex : dire qqch à qq’un), on les rattachera tous deux comme sœurs de la tête : SX spécifieur X’ X’ adjoint/modifieur 2 X’ X° adjoint/modifieur 1 argument 1 argument 2 Petites remarques terminologiques : La notion de syntagme est désormais assez ancienne, et X-barre a modifié la manière de les analyser. De plus, cette théorie (et les termes qu’elle emploie) est née aux EtatsUnis, et a été adaptée en français par diverses personnes. On trouve donc des termes ou des abréviations variables d’un manuel à l’autre, d’un article à l’autre. Pour vous y retrouver, voici un bilan. le syntagme : seule projection de la tête pendant longtemps, puis projection maximale de la tête avec l’arrivée de X-barre, il peut porter plusieurs noms. Pour un syntagme verbal, par exemple, l’abréviation la plus courante en France est désormais SV. Certains manuels (cf. NGF), de même que la terminologie officielle, lui ont préféré GV (groupe verbal) pour ne pas effaroucher les élèves du second degré. On trouve aussi VP, qui est l’équivalent anglo-saxon (Verb Phrase, phrase signifiant syntagme et non phrase - qui se dit sentence). Enfin, on trouve l’apellation V’’ (« V deux barres »), par opposition à V’ (« V barre » ou « V une barre »), qui est celle d’origine, et a l’avantage de ne pas poser de problème de traduction... mais manque un peu de poésie ! Donc SX=XP=X’’= (parfois) GX les projections intermédiaires : plus récentes, elles ont moins inspiré les auteurs. On les trouve essentiellement sous l’étiquette X’ ( donc V’ pour notre syntagme verbal). En France, certains ont exploité l’ancienne hésitation entre SX et GX pour spécialiser ces deux termes : ils gardent SX pour le syntagme, et utilisent GX pour désigner X’. D’autres enfin parlent de « tête expansée », notée NE, VE,... Donc X’=XE = GX (si non utilisé pour SX) la tête : elle s’appelle partout X ou X° problème pratique et théorique Les modifieurs sont facultatifs, donc le second X’ à partir du bas aussi. Par ailleurs, il existe des têtes sans arguments (par exemple, un verbe intransitif, comme pleurer), mais qui peuvent avoir des modifieurs (ex : Léa pleure bruyamment). Quels niveaux faut-il noter dans l’arbre ? Si on rend le premier X’ facultatif quand il n’y a pas d’argument, on se retrouve avec un schéma ambigu : V’’ V’’ V’ V’ V° se comporte SAdv bien V° dort Sadv bruyamment Cette représentation ne fait pas apparaître que le lien entre « bien » et « se comporte » est différent de celui qui existe entre « dort » et « bruyamment » – ce pour quoi on vient justement de modifier la représentation ! On aurait pu choisir de nommer différemment les deux noeuds X’ auxquels se rattachent respectivement les arguments et les modifieurs (par exemple, en notant le premier X1 et le second X2). Mais cette solution, pour diverses raisons, n’a pas été retenue. Pour éviter toute ambiguïté, et faire d’un coup d’œil apparaître dans l’arbre si la tête a ou non des arguments (ce qui est une information importante), on note toujours le premier noeud X’, qu’il « héberge » ou pas des arguments. Les suivants en revanche ne sont notés que s’ils hébergent des modifieurs. Les deux exemples ci-dessus ont donc une forme différente, compréhensible immédiatement : V’’ V’’ V’ V’ V° se comporte V’ SAdv V° bien dort Sadv bruyamment Ainsi, quand on voit un arbre avec un seul noeud X’, on sait quelle est la nature du complément : c'est forcément un argument. D’autre part, on ne note la position de spécifieur que s’il y en a un, car aucune ambiguïté n’est possible. Remarque sur l’ordre des mots Le principe d’une projection « à étages » de la tête (un étage pour les arguments, le suivant pour le modifieurs, le dernier pour les spécifieurs) est considérée comme valable dans toutes les langues. Mais la position des compléments, à droite ou à gauche, varie selon les langues, et parfois selon le type de tête ou de complément. J’ai donné ci-dessus leur position la plus courante en français. - Les spécifieurs y sont toujours à gauche ; - les arguments toujours à droite (sauf les pronoms personnels clitiques qui sont à gauche). - Les modifieurs posent quelques problèmes, car ils sont mobiles. Or, dans l’arbre, une branche peut être à droite ou à gauche, mais deux branches ne peuvent pas se croiser. On considérera (toujours pour le français) que : - pour les modifieurs de type SP et SAdv, leur position est à droite, donc, linéairement, après les arguments. Pour une phrase comme Il a mangé lentement sa soupe, l’arbre correspondra en fait à Il a mangé sa soupe lentement. Représenter l’ordre effectif des mots nécessite des notions que nous n’auront pas le temps de voir dans ce cours (en fait, des déplacements entre structure profonde et structure de surface, plus des contraintes d'interprétation pour les effets de mise en relief que ces mouvements créent). - pour les adjectifs épithètes, qui sont des modifieurs, on agira de même s’ils sont à droite, simplement (le drapeau rouge) ou placés entre le nom et son argument, comme dans la destruction totale de la ville. (l’arbre représentera en fait la destruction de la ville totale). En revanche, dans certains cas, ils peuvent être, en français, à gauche de la tête (SAdj. épithète antéposé), comme dans la violente destruction de la ville : dans ce cas, aucun problème – il SN dét N’ Sadj dét N’ N° la SN N’ N’ SP violente destruction de la ville N° la destruction Sadj SP de la ville violente (représente aussi : la destruct° violente de la ville) suffit ... de faire la branche à gauche : De ce point de vue, l’anglais se distingue du français par un paramètre : les SAdj épithètes sont (presque) toujours à gauche. Des exercices vous seront proposés pour voir comment les paramètres de place des compléments (à droite ou à gauche) sont illustrés dans diverses langues. Pour l'instant, précisons juste ceci : pour tenir compte des variations possibles selon les langues, le schéma d’un syntagme devrait être le suivant (les pointillés indiquent que le côté droit ou gauche dépend des langues) : SX (spécifieur) X' SZ (adjoints à X') SY (arguments de la tête) (spécifieur) X' X° (tête) SZ (adjoints à X') SY (arguments de la tête)