Pour un « repos suffisant

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Pour un « repos suffisant
DOSSIER
Pour un « repos suffisant »
e repos de sécurité a cessé de vivre au regard de la réglementation pour les praticiens hospitaliers,
les praticiens contractuels, les PAC, les assistants, les assistants associés et bientôt pour les futurs
praticiens attachés et attachés associés. Il reste en vigueur pour les personnels enseignants et hospitaliers. Pour les autres, il renaît de ses cendres sous la forme d’un repos quotidien, repris de la directive
européenne n° 93/104 du 23 novembre 1993.
L
Le repos quotidien est statutaire depuis les décrets du 8
décembre 2002 et s’énonce ainsi dans les différents statuts :
le praticien « bénéficie d’un repos quotidien d’une durée
minimale de onze heures consécutives par période de vingtheures ». Cela signifie qu’en raison de nécessités de service,
un praticien peut être amené à effectuer jusqu’à 13 heures
de travail par jour…
C ONTRAINTES
ET PÉNIBILITÉ
Mais revenons à son application aux obligations de service de nuit. Ces obligations sont définies,aujourd’hui,comme
une permanence médicale permettant d’accueillir et de soigner de jour et de nuit, 24 heures sur 24, toutes les personnes dont l’état requiert les services de l’établissement de
soins. Cette activité est source d’une réelle contrainte et
pénibilité qui s’accentue avec les ans.Tous les anesthésistesréanimateurs hospitaliers y sont soumis,car il s’agit d’une des
missions du service public hospitalier :la continuité des soins.
L’idée du repos après une garde est l’aboutissement logique
d’une réflexion sur la population médicale vieillissante, sur
l’augmentation des contentieux médico-juridiques et sur la
qualité des soins prodigués.
Le travail de nuit, exigence des sociétés contemporaines
répandue (un million de personnes concernées en France)
voit une interférence des horaires de travail avec une période
normalement dévolue au sommeil. Or, dans bien des domaines, les tâches physiques ont été remplacées par des activités requérant un haut niveau de vigilance. En anesthésieréanimation où technique et attention sont nécessaires à
toute heure du jour ou de la nuit, les médecins sont également soumis à ces contraintes. L’adaptation à ce rythme,
généralement bonne jusqu’à 35-40 ans,est très variable selon
les individus. Le sommeil est un besoin physiologique quotidien indispensable pour notre survie. A 50 ans, un PHAR
devrait avoir dormi, si ses nuits étaient celles d’un quidam
lambda pendant 16,5 ans ! De façon globale, le vieillissement
amène à une désorganisation progressive du rythme
veille/sommeil.Habituellement,le sommeil d’une traite alterne
avec une période d’éveil sans somnolence. Mais, à partir de
50 ans, il fait place à un schéma plus fragmenté (éveils entrecoupant le sommeil, chutes du niveau d’éveil et besoin de
sieste).Pour tout individu,un sommeil de mauvaise qualité se
traduit le jour suivant par une fatigue qui s’exprime de façon
Interview ( SUITE DE LA PAGE 7)
moyen à l’heure actuelle de récupérer des compétences médicales en termes d’anesthésistes,de chirurgiens,de moyens.Cela
permettrait d’améliorer l’image de la chirurgie et de l’anesthésie.
Je tente d’expliquer cela aux politiques qui ont des contraintes au niveau local en termes d’emploi dans certaines structures qui n’ont pas l’activité suffisante pour assurer la sécurité.
8
Nous sommes en plein débat sur la retraite et l'obligation de 42 annuités, comment voyez-vous pour votre
métier la chirurgie la perspective de travailler jusqu'à
65 ans voire 68 pour les PU et de participer à des gardes de nuit ? Aurez-vous à cet âge la même expertise que
maintenant ?
Tous les chirurgiens qui ont plus de 55 ans, parfois moins,
n’ont qu’une idée en tête, l’arrêt de leur activité. Je
trouve cela très inquiétant car cette attitude est liée au
nombre de contraintes (assurances, médicojuridique,
administratif…) qui augmente régulièrement et non pas
par le désintérêt de leur activité. Auparavant, le départ
en retraite était très mal vécu par beaucoup de chirurgiens qui continuaient au-delà de 65 ans. Il est tout à
fait possible d’envisager un travail au-delà de 65 ans avec
pourquoi pas une « certification » pour certains actes
moins pénibles.
LE
TRAVAIL AU - DELÀ DE
65
ANS IMPLIQUE
DONC UNE RÉORGANISATION DU TRAVAIL AFIN
DE PERMETTRE AUX PLUS ÂGÉS D ’ ASSURER
CERTAINES TÂCHES MOINS PÉNIBLES , AVEC UN
TRANSFERT DE COMPÉTANCES PROGRESSIF DES
PLUS ÂGÉS VERS LES PLUS JEUNES .
Quel message souhaitez-vous adresser aux médecins
anesthésistes des hôpitaux publics ?
Enterrons la hache de guerre ! Nous ne sommes pas là pour
nous battre les uns contre les autres. Il faut arriver à prendre
conscience que nous sommes tous amenés à travailler dans
le même sens, dans l’intérêt des malades et dans les meilleures conditions. Nous devons ensemble essayer de faire fonctionner au mieux les blocs opératoires. Pour cela il faut accepter que certains gestes puissent être confiés à des non-médecins (techniciens ou infirmiers ?).
Propos recueillis par Christiane Mura
DOSSIER
variable. Néanmoins, après une nuit blanche, certains individus se sentent, le matin, très fatigués sans avoir envie de se
coucher (effet circadien).
IL
EXISTE DES TRAVAUX SUR LA
RÉPERCUSSION DU MANQUE DE
SOMMEI L
De nombreux travaux sur la répercussion du manque de
sommeil ont été conduits dans des branches professionnelles diverses conduisant parfois à des modifications de
la législation. Ainsi, en reprenant la littérature, dans le
domaine de l’aviation, de l’énergie nucléaire, des transports
routiers et du sport, A. Heins et B. Euerle (1) ont trouvé
des résultats identiques : les mesures de performance se
détériorent avec le manque de sommeil et le travail de
nuit. Jamais dans les travaux compulsés une quelconque
amélioration de la performance après un manque de sommeil n’a été mise en évidence.Au sein de la population médicale, les études menées aux Etats-Unis sur le manque de
sommeil ont surtout été menées chez les médecins juniors.
Un profil se distingue : les résidents tolèrent d’autant mieux
les gardes qu’ils sont jeunes, « du soir », ont une capacité
de surmonter un état de somnolence, qu’ils peuvent dormir n’importe quand et qu’ils n’ont pas d’enfant (2). Chez
des urgentistes confirmés, on note l’augmentation du temps
d’intubation de mannequins, après une garde de 24 heures
(3). Ces conclusions peuvent être rapprochées de celles du
récent travail de Grantcharov et coll. (4) montrant que 14
chirurgiens, d’âge moyen 34 ans, ayant dormi en moyenne
une heure et demi au cours d’une garde, font plus d’erreurs
et opèrent moins vite que ceux qui ont eu une nuit complète de repos. Les conséquences du manque de sommeil
ne sont pas différentes dans notre spécialité ; plus la tâche
est complexe dans la conduite de l’anesthésie, plus la
mémoire s’altère et plus oublis et défauts de vigilance surviennent (5). En Californie, environ 41 % des anesthésistes
en formation ont avoué des erreurs dues à la fatigue (6).
Une étude néo-zélandaise récente, menée chez les médecins anesthésistes juniors et seniors, rapportait un nombre
croissant d’erreurs médicales liées à la fatigue dès que
l’impliqué avait dépassé sa propre limite de sécurité, différente pour chaque individu, en matière d’heures de travail
(7). Plus étonnantes, en revanche, sont les conclusions
d’une étude de Dawson et Reid : la performance psychomotrice d’un individu après 24 heures de veille est la même
que celle d’un individu avec une alcoolémie à 1 g/l (8). Les
résultats de cette étude sont recoupés par ceux d’une
étude plus récente comparant l’effet du manque de sommeil sur, entre autres, les réactions, la réalisation des tâches,
le raisonnement, la mémoire.Trente-neuf même volontaires ont été testés après 28 heures d’éveil et après consommation croissante d’alcool. Un comportement similaire a
été retrouvé chez les participants lorsqu’ils n’avaient pas
dormi depuis 17 à 19 heures et lorsqu’ils atteignaient une
alcoolémie de 0,5 g/l, de même après 18 à 20 heures d’éveil et sous l’influence d’une alcoolémie à 1 g/l (9).
Par extension, on pourrait rapprocher la conduite d’un
individu qui prend sa voiture après un repas bien arrosé
et celle d’un médecin anesthésiste qui continuerait à
travailler après une garde plus ou moins mouvementée.
L’un et l’autre pensent qu’ils peuvent faire face à n’importe
quelle situation, alors qu’ils sont dangereux…Pis encore, le
sommeil en garde,même sans être interrompu par le service,
est de mauvaise qualité, comme chez les ingénieurs d’astreinte qui s’attendent à être réveillés (10).
En effet, il est fragmenté avec des périodes de micro-éveils
(11, 12) conduisant à une somnolence diurne, même en l’absence de raccourcissement de la durée totale du sommeil (13).
Pourtant au lendemain de la garde, lorsque le praticien
enchaîne sur sa journée, la demande de travail masque fatigue et somnolence qui apparaissent alors seulement dans la
soirée. Chez tout individu, un niveau donné de vigilance peut
être maintenu,si nécessaire,en dépit d’une somnolence mais
le « coût » est élevé comme le suggèrent Clodoré et coll (14).
Ce phénomène est à rapprocher des sportifs de haut niveau
qui puisent dans leurs réserves personnelles l’énergie pour
atteindre le niveau requis, même épuisés… En revanche,
lorsque que la garde est suivie d’un repos, la somnolence et
la fatigue sont démasquées, à travers des épisodes plus longs
et plus fréquents d’hypoactivité motrice et un niveau plus bas
d’activités à partir de midi, comme le montrent les travaux
de Mitler (15). De nombreuses personnes ne s’adaptent pas
biologiquement au travail de nuit et, même parmi celles qui
le tolèrent bien, l’insertion ponctuelle de périodes de travail
nocturne dans un travail de jour demande une adaptation
allant jusqu’à 3 jours (16). Une période de quatre heures de
sommeil la nuit, appelée « anchor sleep » (sommeil de fond)
est suffisante pour maintenir la synchronisation des 24 heures de la température du corps (17).Si besoin en était encore,
ces études militent pour l’instauration d’un repos après les
obligations de service nocturne.
LE
REPOS
:
UNE NÉCESSITÉ
PHYSIOLOGIQUE
Le repos apparaît comme une nécessité physiologique
pour la santé du praticien qui participe au service de garde.
Les médecins ont toujours été en retard sur les autres professions à risque, en matière de législation et de réglementation.Celle de New York a changé pour les internes,à la suite
du décès d’une jeune femme de 18 ans. Elle avait été admise
dans un hôpital universitaire de New York pour hyperthermie et est décédée peu après. Une erreur grave d’un interne
de garde depuis 36 heures avait été mise en avant (affaire Libby
Zion, 1984). De ce fait, le Département de la Santé de New
York a adopté en 1988 une nouvelle réglementation pour la
sécurité et la protection des patients : travail limité à 24 heures consécutives, la garde ne devant pas excéder 12 heures.
L’Etat du New Jersey a modifié également sa réglementation
depuis juin 2002,instaurant une limitation de la durée de travail des internes à 24 heures consécutives et un repos d’au
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DOSSIER
Repose en paix...( SUITE DE LA PAGE 9)
moins 10 heures entre 2 gardes. Le 1er juillet 2003, date fatidique pour les internes et résidents,verra l’application de ces
mesures édictées par le Congrès à l’ensemble des USA,
accompagnées de sanctions juridiques aux hôpitaux qui les
violeraient ! En Europe, plusieurs pays ont adopté une réglementation en matière de durée médicale de travail à la suite
de la parution de la directive du Conseil de l’Union
Européenne relative à l’aménagement du temps de travail
introduite en 1993 et amendée en 2000 (18).La durée de travail y est limitée à 48 heures par semaine, gardes comprises.
La période de repos se décline non seulement en repos
journalier, hebdomadaire et congés annuels mais également en repos suffisant : « le fait que les travailleurs
disposent de périodes de repos régulières… suffisamment longues et continues pour éviter… qu’ils ne blessent d’autres personnes et qu’ils ne nuisent à leur santé,
à court ou à plus long terme, par suite de la fatigue ou
d’autres rythmes de travail irrégulier. »
10
Libre aux pays de la communauté européenne de mettre
en place une réglementation nationale développant de
meilleures conditions de travail.Ainsi, en Finlande, en Italie
ou en Allemagne, on rentre chez soi, le lendemain d’une
garde.Au Royaume Uni, un jour de congé supplémentaire
est octroyé par garde, mais non pris nécessairement le
lendemain. D’autres pays comme l’Espagne ou l’Allemagne
tentent de freiner l’application de cette mesure.Tous les
niveaux d’application de cette directive sont observés
selon les pays, mais un réel effort de mise en conformité
est recherché dans toute l’Europe. En France, de longue
date, les anesthésistes-réanimateurs avaient pris l’habitude,
dans de nombreux services, de s’octroyer un jour de congé
hebdomadaire. Ce dernier est statutaire dans la mesure où
les 10 demi-journées de travail sont accomplies dans la
semaine. En fait, il ne pouvait s’agir que des semaines où le
praticien effectuait une visite médicale au cours de 2 demijournées, le samedi et/ou le dimanche. Rapidement, cette
pratique s’est étendue aux praticiens qui participaient au
service de garde, constituant une sorte de compensation.
Le décret n° 99-563 du 6 juillet 1999 a eu le mérite de rendre cette pratique réglementaire en introduisant la notion
de repos de sécurité à l’issue de la garde. Un arrêté d’application du 14 septembre 2001, aujourd’hui abrogé, en
précisait les modalités de mise en place qui relevait du
parcours du combattant. Il a fallu attendre le tout récent
décret du 6 décembre 2002 (19) pour que soit intégrée la
directive européenne sus-citée, autorisant même par dérogation d’accomplir une durée de travail continue maximale de vingt-quatre heures suivie alors d’un repos d’une
durée équivalente.
Sa mise en place oblige à la modification de l’organisation
de certains services, particulièrement dans le contexte
actuel d’aménagement et d’organisation du temps médical.
Elle repose, conformément à la réglementation, à l’établissement d’un tableau général de service dans lequel sont inscrits,
en premier lieu, les gardes et les repos post-gardes puis les
obligations de service de jour, enfin les journées d’intérêt
général. Cela doit conduire à une réflexion sur le dimensionnement suffisant des équipes d’anesthésistes-réanimateurs. Le décloisonnement des secteurs d’activité chirurgicale doit permettre une optimisation de la gestion quotidienne des effectifs tant médicaux que paramédicaux.
Le bloc opératoire prend toute son importance et doit être
considéré comme un pôle d’activités où le temps médical ne
doit pas être gaspillé. Il semble logique que les salles d’opération fonctionnent au maximum au moment où médecins
et personnel paramédical sont présents en grand nombre,
c’est-à-dire entre 8 h et 16 h.Il suffit que soit élaboré conjointement le programme opératoire, comme le précisnt les circulaires de conseil de bloc opératoire, rappelant le décret
n° 94-1050 du 5 décembre 1994 dit de sécurité.Ainsi l’utilisation des salles d’opération est rationalisée au cours de la
journée. L’efficience des blocs opératoires, objectif prioritaire, paralysera alors la pratique du plateau technique de
complaisance tout en générant du temps anesthésique.
LA
SALLE D ’ OPÉRATION NE
CONSTITUANT PAS LA SEULE ACTIVITÉ
DU MÉDECIN ANESTHÉSISTE RÉANIMATEUR , IL DEVIENT IMPÉRATIF
D ’ IDENTIFIER LES TÂCHES QUI
RELÈVENT DE SON EXPERTISE .
Est-ce au médecin anesthésiste de faire une visite systématique de tous les malades des services d’hospitalisation chirurgicaux, alors que le chirurgien est docteur en médecine,
lui aussi ? Cette activité participe à la formation des internes
de chirurgie. Rappelons le récent rapport de l’Agence
Régionale d’Hospitalisation d’Ile de France qui soulignait que
les chirurgiens étaient 3 fois plus nombreux que les anesthésistes-réanimateurs et travaillaient 3 fois moins.Voilà de
quoi remettre les pendules à l’heure… Toutefois, l’anesthésiste-réanimateur peut être appelé par son collègue chirurgien (et non sifflé par l’infirmier !), au même titre que le cardiologue ou le radiologue de l’hôpital pour un avis spécialisé,
relevant de ses compétences.Il ne s’agit pas de disparaître des
services d’hospitalisation, mais d’y proposer son expertise.
Des procédures de soins peuvent être mises en place, en
concertation avec les médecins (prévention de la maladie
thrombo-embolique, par exemple), pour la prise en charge
des patients.
La nuit,il appartient à la récente commission de la permanence
des soins dont les missions sont précisées dans l’arrêté du
30 avril 2003, d’évaluer l’activité chirurgicale et médicale, afin
de vérifier la pertinence du nombre de listes de gardes ainsi
que le nombre de praticiens pour les constituer. Tous les
DOSSIER
praticiens participent au service de gardes (en dehors des praticiens placés en mi-temps thérapeutique, à leur demande et
ceux qui ont fait l’objet d’une décision d’exclusion) et un
même praticien ne peut,sauf nécessité impérieuse de service
et à titre exceptionnel,être mis dans l’obligation d’assurer plus
de 4 gardes dont un dimanche ou un jour férié. Face au faible niveau d’activité de certaines structures, la nuit, dénoncé
par l’enquête « 3 jours en anesthésie », réalisée en 1996, il
faudra parfois envisager une restructuration régionale des sites
de gardes. Le but est un dimensionnement correct des listes
de gardes (7 à 8 médecins pour constituer une liste de gardes) et du niveau d’activité des sites de gardes.
PRIVILÉGIER LE REGROUPEMENT DES SITES
OPÉRATOIRES
Une concertation entre le seul médecin anesthésiste,souvent
seul,et les différentes équipes chirurgicales est nécessaire pour
définir les priorités.Avant l’ère du repos de sécurité, un praticien pouvait être amené à commencer son travail à 8h30
et finir le lendemain à 18h30, soit travailler pendant 34 heures, ce que n’assumait aucune autre profession, en dehors de
situation de guerre ou de plan ORSEC.Rappelons que les gardes sont imposées par le service public (continuité des soins)
et relèvent de l’employeur (Directeur de l’hôpital) pour la proximité, de la Région (Directeur de l’Agence Régionale
d’Hospitalisation) pour un maillage sanitaire, de l’Etat pour le
service fourni à l’usager voire à la population en général. En
conséquence, l’attribution d’un repos après une période de
travail, de plus nocturne, semble une juste reconnaissance de
la pénibilité de l’exercice des praticiens.Aujourd’hui,les médecins bénéficient d’un repos quotidien minimum de 11 heures, mais par dérogation, peuvent être amenés à travailler
jusqu’à 24 heures consécutives avec, dans ces conditions, un
repos immédiat d’une durée égale à la durée de travail. Il ne
s’agit pas de facto d’un repos de sécurité, selon la définition
réglementaire.Au terme de repos de sécurité, il faut préférer celui de repos « suffisant ». Sa mise en application après
la garde permet de garantir une sécurité sanitaire pour les
patients et une équité sociale pour les praticiens. Même s’il
est difficile à mettre en œuvre à certaines périodes de l’année (congés annuels), il doit demeurer un objectif prioritaire. L’instauration de ce repos, loin d’encourager les havres
organisationnels développés par certains individualismes,
impose l’entraide entre différents secteurs d’activités.Il ne faut
pas sous-estimer, et particulièrement chez nos jeunes collègues, l’importance que peut revêtir ce repos. La situation
démographique des spécialités à gardes trouve une de ses origines dans les conditions d’exercice des médecins. Le repos
de sécurité a constitué une mesure d’attractivité à un moment
où il n’était pas d’application obligatoire en France.Ainsi, le
repos « suffisant » participe à la réorganisation de l’hôpital
public sur le concept simple de la pertinence et de l’efficience des sites opératoires et des listes de gardes. De plus,
il remet en cause les dérives qui permettaient d’assurer l’attractivité d’un poste de praticien hospitalier dans certains hôpitaux (forfait mensuel de 10 gardes prises en astreinte,astreinte
à domicile indemnisée sous forme de garde effectuée à l’hôpital…)
Aujourd’hui, le repos suffisant est une composante d’une
meilleure prise en charge du patient.Il participe,en effet,à l’amélioration de la qualité des soins ; un praticien qui sait qu’il
pourra bénéficier d’un repos à l’issue de sa garde sera plus
performant à la prise en charge rapide et souvent complexe
du patient en urgence. Les établissements où le repos suffisant n’est pas instauré devraient être sanctionnés. Il représente une mesure sanitaire essentielle,qui devra être intégrée
dans les critères d’accréditation des établissements.
Michel Dru, Secrétaire Général-Adjoint
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