Fonctions des textes sacrés
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Fonctions des textes sacrés
Fonctions des textes sacrés Nous commencerons cette petite étude par un commentaire de Tchoang-Tzeu où le Maître Taoïste expose paradoxalement dans une parabole toute la limitation des textes sacrés. « Tch13.I. Un jour, tandis que le duc Hoan de Ts’i lisait, assis dans la salle haute, le charron Pien travaillait à faire une roue dans la cour. Soudain, déposant son marteau et son ciseau, il monta les degrés, aborda le duc et lui demanda : — Qu’est -ce que vous lisez là ? — Les paroles des Sages, répondit le duc. — De Sages vivants ? demanda Pien. — De Sages morts, dit le duc. — Ah ! fit Pien, le détritus des anciens. Irrité, le duc lui dit : — Charron, de quoi te mêles-tu ? Dépêche-toi de te disculper, ou je te fais mettre à mort. — Je vais me disculper en homme de mon métier, repartit le charron. Quand je fabrique une roue, si j’y vais doucement, le résultat sera faible ; si j’y vais fortement, le résultat sera massif ; si j’y vais, je ne sais pas comment, le résultat sera conforme à mon idéal, une bonne et belle roue ; je ne puis pas définir cette méthode ; c’est un truc qui ne peut s’exprimer ; tellement que je n’ai pas pu l’apprendre à mon fils, et que, à soixante-dix ans, pour avoir une bonne roue, il faut encore que je la fasse moi-même. Les anciens Sages défunts dont vous lisez les livres, ont-ils pu faire mieux que moi ? Ont-ils pu déposer, dans leurs écrits, leur truc, leur génie, ce qui faisait leur supériorité sur le vulgaire. Si non, les livres que vous lisez ne sont, comme j’ai dit, que le détritus des anciens, le déchet de leur esprit, lequel a cessé d’être. » Dans cette parabole de nombreux niveaux de lecture peuvent être envisagé, comme par exemple celui où la roue du charron est l’emblème de la « Roue Cosmique ». Le charron devient alors lui-même le symbole du Principe de la Manifestation « T’ai Tchi », ce qui sousentend, dans cette perspective, que l’autorité du Duc prend sa source dans celle incarnée par le Charron et non pas l’inverse. On peut aussi tirer de ce texte beaucoup de substance par rapport aux sciences et arts traditionnels qui sont, comme on peut s’en douter après ce que nous venons de dire, des disciplines où les cheminants effectuent des techniques qui sont de même nature que les mouvements principiels (la Roue Cosmiques) à l’origine du monde manifeste. C’est ce qui distingue une simple activité physique d’une science ou d’un art traditionnel qui permet aux exécutants de « mimer » une sorte de « Danse Cosmique » dont la puissance a engendré les Mondes (ce pluriel désigne le monde informel non-manifeste et manifeste, le monde subtil, et le monde grossier), lui permettant d’harmoniser ses rythmes constitutifs avec l’intégralité des rythmes de l’Existence. Donnons ci-après, sans liens particuliers différents éléments. Parvenir à la perfection du geste passe par une transmission de Maître à élève qui demande une qualification particulière de l’élève ne dépendant nullement de la volonté du Maître luimême, puisque son propre fils (dans le cas retenu) n’est pas qualifié. C’est parce que le progrès spirituel a rapport avec l’intégralité des composantes structurelles de l’être individualisé et qu’il faut que toutes ces composantes soient mues à l’unisson de mouvements archétypaux (images des mouvements qui ont présidé à l’édification et la -1- perpétuation de la Manifestation), que la lecture qui ne concerne que la composante mentale est totalement impuissante à elle seule à réaliser la maitrise en conscience de la totalité des composantes (visibles et invisibles) de l’être. La progression spirituelle d’un individu non encore réalisé est liée à la manière d’être de cet individu dans toutes ses relations avec ce qui constitue encore un monde qui lui est étranger. Cette manière d’être ne peut nullement être apprise par la lecture, mais bien par une participation active de l’individu avec une science « s’originant » dans le même Principe d’où procèdent les lois qu’il doit apprendre. Mais dans le texte de référence, il est tout de même possible de percevoir que la lecture peut apporter une certaine aide par la transmission de témoignages qui cependant n’imprègneront pas l’individu avec la même profondeur qu’une expérience vécue directement. On peut cependant dire que la lecture peut produire une sorte de résonnance avec des évènements déjà vécus par le lecteur ou avec une manière d’être en latence chez l’individu dont les qualités intrinsèques le destinent à s’ouvrir à cette manière d’être particulière. Mais ils peuvent aussi être un support accompagnant l’enseignement oral d’un Maître, c’est pour cette raison que le charron demande si les textes qu’est en train de lire le Duc sont ceux de Maîtres vivants, supposant que le Duc recevra de la part de son Maître les indications subtiles permettant d’établir la connexion entre les expériences intérieures vécues lors la pratique de l’art ou de la science enseignée et celles qui sont relatées dans les récits sacrés. Mais il y a plus, car les textes sacrés ne sont pas des récits ordinaires, ils sont des textes symboliques formulant une pensée synthétique. C’est parce qu’ils contiennent intrinsèquement des mouvements idéatiques transposables dans tous les degrés de l’Existence Universelle, qu’ils portent en eux une valeur spirituelle qui demande cependant un catalyseur pour que cette puissance spirituelle passe en actes chez le cheminant. Ce catalyseur est représenté par une science traditionnelle normalement constituée (issue de la même origine spirituelle que le texte sacré de référence s’il y a un tel texte, mais une authentique tradition s’appuie généralement sur une doctrine métaphysique transmise oralement et tenue en l’âme céleste – une sorte de mémoire transcendante [l’image du grenier serait plus adéquate, car le terme mémoire laisse entendre que le degré de l’existence considérée serait soumis aux conditions spatiales et temporelles et plus particulièrement au passé – domaine privilégié de la mémoire – ce qui n’est pas le cas. Le grenier évoque le rassemblement simultané de toutes les possibilités d’une humanité] – par tous les Maîtres des arts et sciences traditionnelles), c’està-dire avec un DoShu et des Maitres. Lorsque cette origine se confond avec l’Origine Suprême (la « Grande Origine » dit le Fondateur de l’Aïkido) tous les textes sacrés peuvent servir de support à la méditation ( dans le sens d’une réflexion intuitive qui permette de mettre en évidence la relation hiérarchique et cohérente de tous les constituants de l’être et de révéler les facultés principielles, attributs essentiels et raisons d’être, initialement hors de la conscience) de l’élève. Parvenir à un état d’être où les expériences vécues intérieurement deviennent la source et la fin des expériences vécues extérieurement. Il faut pour cela que l’horizon mental de l’individu réveille un monde archétypal et principiel source de la Manifestation elle-même qui a produit - simultanément à l’émergence d’un peuple - les textes, l’imagerie et la symbolique (qui, de par la nature de cette origine dépassant le vouloir de l’homme, peuvent être qualifiés de sacrés). Ce monde prendra dans un premier temps les formes particulières véhiculées par la tradition, puis elles s’effaceront parce que la dichotomie Intérieur/Extérieur aura perdue toute signification. Ne subsistera qu’un état de vie où l’invisible devient visible, tant et si bien que l’hypostase de l’être ainsi réalisé en contemplation parfaite et permanente, ne dépendra plus -2- de cette hypostase qui lui aura été nécessaire pour permettre la réalisation de l’Union Absolue, ce qui peut se traduire aussi par la Devise « parvenir au Jour de la victoire éclaire ici et maintenant ». Parce que la réalisation spirituelle mène à un état où le cheminant a ouvert son œil intérieur (ses sens intérieurs faut-il généraliser), il participe alors à une vie perçue à l’aide des facultés principielles (l’œil intérieur, qui est représenté graphiquement dans l’idéogramme ancien du Tao) qui sont à l’origine des facultés ordinaires de perception (de la même façon que cette nouvelle vie est la racine de la vie ordinaire). C’est parce que le cheminant aura été imprégné des formes archétypales aux couleurs de sa tradition, qu’il pourra lors de sa progression spirituelle, participer à une vie plus profonde qu’il appréhendera dans un premier temps par les images de sa tradition, puis qu’il vivra dans un deuxième temps de manière tout à fait informelle. L’édification archétypale des traditions, par un corpus structuré en Fables, Légendes et Mythes, correspondant à trois stades successifs très précis dans le cheminement de chacun vers une « ouverture de la conscience » vers les domaines supérieurs de l’être, est un support qui complété par un enseignement traditionnel (et c’est là une absolue nécessité, car il faut le Feu [le Maître], le marteau [la science ou l’art traditionnel], l’enclume [le corpus traditionnel], le Fer [l’élève] et l’Eau [le monde extérieur pour la trempe] pour forger une lame) permet à chacun de rendre intelligible ce qu’il vit à travers la transformation existentielle induit par son enseignement traditionnel, grâce à la similitude qu’il peut établir entre les mouvements se jouant à tous les niveaux de l’épaisseur de son être (dans lequel il surprendra ainsi de nouveaux domaines) et les mouvements de la mise en scène archétypale du corpus idéatique édifié aux couleurs de la sensibilité de son peuple d’appartenance. À travers la métaphore du Charron, il est clairement dit qu’il est impossible d’écrire dans quelque texte que ce soit comment concevoir la Roue Cosmique (tout ce qui est soumis au mouvement). Cependant, jusqu’au grade de Duc ces textes sont nécessaires au cheminement, et l’on voit bien que le Charron ne semble pas les ignorer. Par contre, la réalisation spirituelle passe par une modification de la conscience d’être, modification induite par un processus mystérieux qui fait passer soudainement l’être dans un état supérieur comme l’enfant passe d’un état de non-lecteur à un état de lecteur sans que l’on ne sache pourquoi ni comment ce soudain franchissement s’opère. Une remarque s’impose cependant quant à la traduction de l’idéogramme P’ai en chinois ou Haku en japonais, qui a été rendu par « esprit » dans « le déchet de leur esprit ». Cet idéogramme désigne ce que la tradition Extrême-orientale identifie à « l’âme corporelle », composante en affinité avec les composés substantiels de l’individu et se situant en dessous si l’on peut s’exprimer de la sorte - de « l’âme spirituelle » Houn ou Kon en affinité avec les composantes essentielles de l’individu. Dans toutes les traditions, ce que l’on désigne en occident par l’âme est vu comme une composante double, dont la qualité est telle qu’elle permet de maintenir en cohésion un agrégat substantiel à une pure essence. Il ne faut donc pas voir dans la traduction de l’auteur, l’esprit entendu comme le terme premier du Ternaire traditionnel Esprit-Âme-Corps, qui correspond à l’effort non participatif du Soi sur toutes les composantes déterminées faisant l’être individualisé, mais entendu comme le mental. L’esprit dans son acception traditionnelle n’est pas en prise avec les vicissitudes des conditions spatiales et temporelles. Dans les traditions orientale et extrême-orientale, tout ce qui est en mouvement, comme les associations d’idées par exemple, fait partie de l’âme ou du corps. L’individu n’a pas de prise sur l’Esprit (qui est le principe du mental, mais n’est pas le mental), c’est en l’âme que l’individu peut agir pour la rendre transparente et transmigrer sa conscience d’être vers le Soi inaffecté par aucunes des modifications contingentes des composantes qu’il « agit » sans être aucunement impliqué dans cette action. -3- Tout ce qui a été dit depuis le début de cette étude, peut nous mener à comprendre les paroles du Fondateur : « Il est donc nécessaire de connaitre l’histoire depuis l’époque des dieux. La danse sacrée que le Grand Dieu de l’origine unique a fait naître est l’apparition des dieux. Ceci est une Grande science1. ». Bien évidemment « les dieux » désignent les kamis et le « Grand Dieu de l’origine unique » est une proposition des traducteurs de Takemusu Aïki pour désigner très certainement le « Grand Kami » Ame-no-minaka-nushi-no-kami que l’on peut identifier à la représentation archétypale de l’Identité Suprême que Tchoang-Tzeu nomme « l’Être indéfini infini » (voir l’extrait ci-dessous). « L’époque des Kamis » est quant à elle une expression désignant le moment (ou plus exactement le degré) dans la descente ontologique où l’existence commence à s’exprimer en mode distinctif. Cela correspond aussi à un niveau de conscience où les êtres bien que se reconnaissant distinctement ne réalisent qu’une seule et même activité s’identifiant à la cohésion Universelle. Ainsi cette histoire est celle qui conte le mystérieux du passage des états supérieurs de l’êtres (totalement inconditionnés, c’est-à-dire, non soumis au temps et à l’espace) aux états en mode individuel. Mais c’est aussi l’histoire de la reconquête des états supérieurs depuis l’état individuel. Et c’est en ce sens que c’est une « Grande Science », car elle est cette science suprême qui permet de préserver pour les hommes l’accès à ses possibilités supraindividuelles. Nous donnons ci-dessous quelques extraits des commentateurs Taoïstes du Tao-Te-King où il est question de la « Grande science » dont parle O’Sensei. Tchoang-Tzeu 23.E « Le Principe un et universel subsiste dans la multiplicité des êtres, dans leurs genèses et leurs destructions. Tous les êtres distincts, sont tels par différenciation accidentelle et temporaire (individuation) d’avec le Tout, et leur destinée est de rentrer dans ce Tout, dont leur essence est une participation. De ce retour, le vulgaire dit que les vivants qui étant morts n’en trouvent pas le chemin, errent comme fantômes ; et que ceux qui étant morts ont trouvé le chemin, sont défunts (éteints). Survivance, extinction, ce sont là deux manières de parler d’un retour identique, qui proviennent de ce qu’on a appliqué à l’état d’être non -sensible, les notions propres à l’être sensible. La vérité est que, sortis par leur génération du néant de forme (l’être indéterminé), rentrés par leur trépas dans le néant de forme, les êtres conservent une réalité (celle du Tout universel) mais n’ont plus de lieu ; ils gardent une durée (celle du Tout éternel) mais n’ont plus de temps. La réalité sans lieu, la durée sans temps, c’est l’univers, c’est l’unité cosmique, le Tout, le Principe. C’est dans le sein de cette unité, que se produisent les naissances et les morts, les apparitions et les disparitions, silencieuses et imperceptibles. On l’a appelée la porte céleste ou naturelle, porte d’entrée et de sortie de l’existence. Cette porte est le non-titre de forme, l’être indéfini. Tout en est sorti. L’être sensible ne peut pas être en dernière instance issu de l’être sensible. Il est nécessairement issu du non-être de forme. Ce non-être de forme, est l’unité, le Principe. Voilà le secret des Sages, le pépin de la science ésotérique. Dans leurs dissertations sur l’origine, ceux des anciens qui atteignirent un degré supérieur de science, émirent trois opinions. Les uns pensèrent que, de toute éternité, fut l’être défini, infini, auteur de tous les êtres limités. Les autres, supprimant l’être infini , pensèrent que, de toute éternité, des êtres limités existèrent, passant par des phases alternatives de vie et de mort. D’autres enfin pensèrent, que d’abord fut le néant de forme (l’être indéfini infini), duquel émanèrent tous les êtres définis, avec leurs genèses et leurs cessations. Etre indéfini, genèse, cessation, ces trois termes se tiennent, comme la tête, la croupe et la queue d’un 1 « Takemusu Aïki », Ueshiba Morihei, Editions du Cénacle, page 109 -4- animal. Moi ( Tchoang-tzeu) je soutiens cette thèse. Pour moi l’être indéfini, tous les devenirs, toutes les cessations, forment un complexe, un tout. Je mets ma main dans la main de ceux qui pensent ainsi. Cependant, à la rigueur, les trois opinions susdites pourraient se concilier. Elles sont parentes, comme branches d’un même arbre. L’être particulier est à l’être indéfini, ce que la suie (dépôt palpable) est à la fumée (type de l’impalpable). Quand la suie se dépose, il n’y a pas eu de production nouvelle, mais seulement un passage de l’impalpable au palpable, la suie étant de la fumée concrète. Et de même, si cette suie se redissipe en fumée, il n’y aura encore eu qu’une conversion, sans modification essentielle. Je sais que le terme conversion que j’emploie, pour exprimer la succession des vies et des morts dans le sein du Principe, n’est pas vulgaire ; mais il me faut dire ainsi, sous peine de ne pas pouvoir m’exprimer... Les membres disjoints d’un boeuf sacrifié, sont une victime. Plusieurs appartements, sont un logis. La vie et la mort sont un même état. De la vie à la mort, il n’y a pas transformation, il y a conversion. Les philosophes s’échauffent, quand il s’agit de définir la différence entre ces deux états. Pour moi, il n’y a pas de différence ; les deux états n’en sont qu’un. » Lie Tzeu 4.F « Jadis quand Lie-tzeu était disciple, il mit trois ans à désapprendre de juger et de qualifier en paroles ; alors son maître Lao-chang l’honora pour la première fois d’un regard. Au bout de cinq ans, il ne jugea ni ne qualifia plus même mentalement ; alors Laochang lui sourit pour la première fois. Au bout de sept ans, quand il eut oublié la distinction du oui et du non, de l’avantage et de l’inconvénient, son maître le fit pour la première fois asseoir sur sa natte. Au bout de neuf ans, quand il eut perdu toute notion du droit et du tort, du bien et du mal, et pour soi et pour autrui ; quand il fut devenu absolument indifférent à tout, alors la communication parfaite s’établit pour lui entre le monde extérieur et son propre intérieur. Il cessa de se servir de ses sens, (mais connut tout par science supérieure universelle et abstraite). Son esprit se solidifia, à mesure que son corps se dissolvait ; ses os et ses chairs se liquéfièrent (s’éthérisèrent) ; il perdit toute sensation du siège sur lequel il était assis, du sol sur lequel ses pieds appuyaient ; il perdit toute intelligence des idées formulées, des paroles prononcées ; il atteignit à cet état, où la raison immobile n’est plus émue par rien. » Tchoang-Tzeu 23.C « L’œuvre de votre purification avance-t-elle ? lui demanda celui-ci. Il me paraît qu’elle n’est pas encore parfaite. Les troubles d’origine externe (entrés par les sens) ne peuvent être rembarrés que par l’opposition d’une barrière interne (le recueillement). Les troubles d’origine interne (issus de la raison) ne peuvent être rembarrés que par une barrière externe (la contrainte de soi). Ces deux sortes d’émotions, même ceux qui sont avancés dans la science du Principe, en éprouvent occasionnellement les attaques, et doivent encore se prémunir contre elles ; combien plus ceux qui comme vous ont vécu longtemps sans connaître le Principe, et sont peu avancés. » -~o°o~Voici les commentaires d’un ami qui se définit comme une sorte de moine méditant philosophe. Concernant le texte Tch13H, celui-ci comporte plusieurs aspects : -5- - - - - - - - - - L’idée du savoir-faire difficilement transmissible si l’élève n’est pas disposé à étudier assidûment. Donc la transmission n’est pas systématique. L’aspect figé de l’écrit n’équivaut pas à la transmission vivante qu’offre la tradition orale à condition que l’élève soit doué et motivé. Donc, ce phénomène inclut la perte d’un savoir-faire et de connaissance. L’illusion du lecteur qui pense avoir en sa possession toutes les clés pour accéder à une connaissance supérieure, alors qu’il se trouve devant des fragments d’une expérience qui demande toute une vie, voire plusieurs. Le sentiment de supériorité généré par l’intellect du lecteur, vis-à-vis d’un ouvrier qualifié devenu maître dans son office principal, mais transposable dans d’autres concepts. La connaissance de la nature profonde des choses dont fait preuve le Charron concernant l’universalité dans la diversité des disciplines. L’enseignement oral qui demeure toujours la meilleure école, à condition que l’élève accepte l’humilité, la modestie et le respect envers son maître. Que ce soit la lecture d’un texte ou la confection d’un objet mécanique au savoir-faire indéniable, ne suffisent pas à la progression mentale et spirituelle de l’homme qui désire apprendre. Si les textes sont sacrés et conçus pour servir de support à la méditation ils doivent être développés en guise d’explications par le maître. Et même si les textes symbolisent une pensée profonde synthétisée à l’extrême, cela ne prouve pas « qu’un déclic » se produira chez le lecteur en quête spirituelle. Si la nature des textes crée un miroir sur l’état d’être négatif du lecteur quel que soit son niveau ou son approche de lecture, il y a peu de chance que cet individu change de point de vue. Le comportement de la personne est directement lié à la relation que la personne a des arts, la science et autrui, car le comportement dénote d’un certain état d’être ; On pourrait dire que l’âme n’a pas de secret que la conduite ne révèle. La seule mémoire qui intègre l’immuabilité de la nature de l’esprit est celle qui nécessite le plus de travail et d’approfondissement à l’étude des textes sacrés et à la pratique de la méditation. Connaître l’histoire de la matière que l’on étudie est important pour que la mémoire acquiert des repères indispensables sur lesquels elle peut faire référence, et donc revenir en cas de nécessité lors d’une approche supplémentaire permettant de développer ou synthétiser de nouveaux concepts mis en corrélation. Amener l’intellect à intégrer l’unicité dans la diversité (comme le tronc de l’arbre avec ses branches et ses ramifications) de manière à ce que l’Un et le Multiple deviennent un principe universel qui sert de base à toutes les formes de recherches (en faisant attention à ne pas multiplier les extrapolations), où grâce à l’assimilation des l’universel, on peut établir une structure, comme par exemple les trois pôles corpsesprit-âme, qui sont tendus vers un épicentre ; l’application de la sagesse dans nos sociétés contemporaines. Le texte 4F fait penser à une pratique spirituelle : 1) Désapprendre de juger : Il est vrai qu’une fois que l’on a compris la loi de causalité on a plus envie de juger, car ce n’est pas nécessaire. 2) Oublier la distinction des catégories (oui/non, droit/tort, avantage inconvénients) permet de ne plus prendre comme référence des clichés erronés. -6- 3) Cesser d’utiliser ses sens, c’est permettre à l’intellect d’éliminer les idées reçues toutes faites, sans aucun fondement, que ce soit sur un problème général ou différentié. 4) Cesser la parole qu’on a tendance à utiliser sous l’influence d’un contexte social, ou sous la pression d’un groupe d’individus qui prennent leurs opinions pour des connaissances. D’où oublier la communion entre le monde intérieur et extérieur afin d’accéder à la raison immobile. Le texte 23C qui nous indique les étapes pour atteindre l’Éveil Universel : - Cessation de l’entrée des informations par les sens externes, - Recueillement - Cessation des troubles internes (contrainte de soi) - Se prémunir des émotions perturbatrices pour accéder à l’éveil - Étudier les textes traditionnels, prémisses de la poésie ; la science ésotérique. La poésie fait vivre la transcendance du monde vulgaire afin d’accéder à la réalité poétique, véritable effort de l’âme. -7-