Programmes de gestion du diabète en Allemagne

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Programmes de gestion du diabète en Allemagne
Soins de santé
Programmes de gestion
du diabète en Allemagne
Heinz Nagel, Thomas Baehring, Werner A Scherbaum
Face à l’augmentation du nombre de personnes atteintes de diabète, les systèmes de
santé se retrouvent face à de sérieux défis. En Allemagne, le nombre de cas de diabète
diagnostiqués est estimé à près de 7 %, soit quasiment 6 millions de personnes. En outre,
d’après une étude allemande, environ 3 millions de personnes atteintes de diabète ne
seraient pas diagnostiquées, ce qui représente environ la moitié de la population atteinte
de diabète âgée entre 55 et 74 ans. Pour mieux faire face à cette épidémie croissante
et améliorer la qualité et l’efficacité des soins, le gouvernement allemand a adopté en
2002 une loi pour l’introduction de programmes de gestion du diabète de type 2 au
niveau national. Ceux-ci ont été mis en œuvre en 2003 et, en 2004, le gouvernement
adoptait une loi similaire pour des programmes de gestion du diabète de type 1, dont
l’application a commencé en 2005.
La loi sur les programmes de gestion
des maladies s’applique uniquement à
l’assurance maladie légale, qui couvre
environ 88 % de la population allemande
et est obligatoire pour tout employé percevant un revenu annuel brut maximal de
48.150 EUR. Les personnes percevant
des revenus supérieurs, et d’autres dont
les indépendants et les fonctionnaires,
peuvent à leur guise s’inscrire à un régime légal d’assurance maladie ou à
l’un des nombreux régimes privés. Les
personnes qui optent pour l’assurance
maladie légale ont le choix parmi plus
de 200 régimes, lesquels ne poursuivent
pas de but lucratif et sont tenus par la
loi d’offrir une couverture complète des
soins de santé.
Les programmes de gestion des maladies
doivent être approuvés par l’Organisme
fédéral d’assurance. Ils font ensuite l’objet de négociations entre les assureurs
maladie légaux régionaux et les associations de médecins ambulatoires pour une
période de 3 ans. On dénombre actuellement plus de 3000 programmes régionaux de gestion du diabète. L’Organisme
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Soins de santé
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fédéral d’assurance est chargé d’établir
les directives et les normes de qualité,
ainsi que de superviser l’ensemble des
programmes de gestion des maladies
à l’échelle nationale et de collecter et
analyser les données.
traitement personnalisé. Les personnes
atteintes de diabète doivent quant à
elles s’inscrire auprès d’un prestataire
de soins primaires participant, assister
à des sessions d’éducation au diabète
et passer régulièrement des visites.
Concept
Les programmes de gestion du diabète
ont pour objectifs principaux de contrebalancer les différences d’indemnités
pour incapacité des personnes atteintes
d’une condition coûteuse et d’éviter de
pénaliser les assureurs maladie ayant
un grand nombre de personnes atteintes
de conditions chroniques parmi leurs
clients. Fait unique, la participation aux
programmes de gestion du diabète se
fait sur une base volontaire tant pour les
professionnels de la santé que pour les
personnes atteintes de diabète.
Mise en œuvre
Les programmes de gestion du diabète de
type 2 sont progressivement mis en œuvre
à travers toute l’Allemagne depuis avril
2003 et, fin 2007, près de 2,6 millions
de personnes étaient inscrites. La Figure 1
illustre l’évolution des inscriptions depuis
le début de la mise en œuvre. En 2007,
près de 5 millions de personnes atteintes
de diabète de type 2 avaient souscrit à
un régime légal d’assurance maladie et
environ la moitié de ces membres étaient
inscrits à un programme de gestion du
diabète. Le nombre de personnes atteintes
de diabète de type 1 inscrites aux programmes a également connu une hausse
rapide pour atteindre 81.585 personnes
au niveau national (voir Figure 2).1
Une fois inscrits, les professionnels de
la santé sont toutefois tenus de respecter
les directives en matière de pratique
clinique, d’adhérer à des règles de
référence strictes et de tenir des dossiers informatiques complets. Ils doivent également établir des objectifs de
traitement individuels en concertation
avec chacune des personnes atteintes de
diabète et respecter un programme de
Malgré une certaine résistance initiale de
la part de nombreux médecins spécialisés
dans les soins primaires et de la direction
de la plupart des organisations professionnelles, le nombre de professionnels de la
santé participants a également augmenté.
Figure 1 : Personnes atteintes de diabète de type 2 inscrites à un programme de gestion
Les dernières données disponibles (juillet
2005) font état d’une participation d’environ 75 % des médecins allemands spécialisés dans les soins primaires.2,3,4 Il existe
toutefois des différences majeures entre les
régions – de 49 % dans La Sarre à 90 %
dans la région de Westphalie-Lippe.
Financement
Dès le début, les programmes allemands
de gestion des maladies ont été couplés
à une loi d’ajustement des risques, qui a
été introduite afin d’éviter que les gens ne
soient contraints d’opter pour un régime
d’assurance à faible prime – en raison
du profil de risque historiquement bon
des personnes couvertes par ces régimes. Cette loi a été modifiée en 2002
avec pour principal objectif d’éviter de
pénaliser les régimes d’assurance maladie ayant pour clients de nombreuses
personnes atteintes de conditions chroniques. En vertu de la nouvelle loi, les
régimes d’assurance maladie reçoivent
une compensation supplémentaire pour
toute personne atteinte de diabète s’inscrivant à un programme de gestion.
Le plan a parfaitement fonctionné. Les
régimes légaux d’assurance maladie figuraient parmi les plus ardents défenseurs
de ces programmes et ont notamment
Figure 2 : Personnes atteintes de diabète de type 1 inscrites à un programme de gestion
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mis sur pied des campagnes publiques
d’information sur les risques et complications du diabète, ce qui a contribué à
accroître la demande.
D’un point de vue financier, l’Organisme
fédéral d’assurance estime les coûts administratifs des programmes de gestion
des maladies à 84 EUR par personne
inscrite et par an, et les coûts de documentation à 75 EUR en moyenne par
personne et par an. Avec 2,5 millions de
personnes atteintes de diabète de type 2
actuellement inscrites à un programme
de gestion des maladies, les coûts administratifs totaux devraient s’élever à
environ 400 millions EUR par an.
Évaluation
Les activités d’évaluation constituent un
pan essentiel du programme. L’évaluation
nationale obligatoire du programme de
gestion des maladies ne fait cependant
pas de comparaisons entre les prestataires
ou personnes inscrit(e)s et ceux qui ne le
sont pas. Pour remédier à cette lacune, une
étude de cohorte (ELSID) impliquant plus
de 20.000 personnes a été menée entre
2005 et 2008 dans deux États d’Allemagne, Rheinland-Pfalz et Sachsen-Anhalt.
L’objectif de cette étude était d’évaluer
l’efficacité des programmes de gestion des
maladies par rapport aux soins de routine,
ainsi que le degré de satisfaction à leur
égard.5 Les premiers résultats de l’étude
ELSID ont été publiés récemment.
Premiers résultats
Une enquête portant sur un échantillon
aléatoire de 3500 personnes atteintes de
diabète de type 2 s’est penchée sur leur
degré de motivation et la qualité des soins
reçus.6 Les personnes inscrites à un programme de gestion des maladies avaient
davantage tendance à percevoir les soins
reçus comme étant centrés sur le patient,
structurés et décidés en concertation. Ces
résultats semblent donc indiquer que ces
programmes pourraient avoir un impact
significatif sur les soins dispensés.
L’analyse d’un sous-groupe de plus de
10.000 personnes âgées (âge moyen
supérieur à 70 ans) a mis en évidence
une différence significative en termes de
mortalité.7 Après ajustement en fonction
de l’âge, du sexe, de la gravité de la
condition et de la co-morbidité, il est
apparu que le taux de mortalité du
groupe de personnes non inscrites à un
programme de gestion était de 12,3 %
contre seulement 9,5 % pour le groupe
de personnes inscrites. Cette différence
est extrêmement significative d’un point
de vue statistique.
Perspectives
La gestion des soins telle que pratiquée
dans le cadre des programmes de gestion du diabète de type 2 a sensiblement
amélioré les soins standard dispensés à
une grande partie des personnes atteintes de ce type de diabète. À partir de
janvier 2009, la loi d’ajustement des
risques susmentionnée englobera dans
un premier temps 80 conditions couplées
à des pratiques établies et à des mesures
de contrôle de la qualité. Ces règlements
s’appliqueront au remboursement des
soins dispensés par des spécialistes, ainsi
qu’au recouvrement de fonds par un fonds
fédéral central de maladie qui sera chargé de collecter et de redistribuer toutes les
primes des régimes légaux d’assurance
maladie. Tout en constituant un véritable
casse-tête en termes d’application pour les
prestataires de soins déjà très occupés,
ces règlements permettront d’accroître
sensiblement le nombre d’options de gestion des soins en consultation externe.
Heinz Nagel, Thomas Baehring,
Werner A Scherbaum
Heinz Nagel est pédiatre et chercheur
au sein des services de la santé. Il est
l’actuel rédacteur en chef de Diabetes
Care Monitor et un ancien associé de
recherche du Centre allemand pour
le diabète.
Thomas Baehring est ingénieur en
technologies biomédicales au sein de
l’hôpital universitaire de Düsseldorf
(Allemagne).
Werner A Scherbaum est directeur
du département d’endocrinologie, de
diabète et de rhumatologie au sein
du Centre de collaboration de l’OMS
pour le diabète, à l’hôpital universitaire
de Düsseldorf (Allemagne). Il est
rédacteur en chef des revues Hormone,
Metabolic Research et Der Diabetologe
et de Diabetes-Deutschland.de.
Références
1 N
agel H, Baehring T, Scherbaum WA.
Daten & Trends der Diabetesversorgung
in Deutschland. Diabetes Care Monitor
2008; 5. (www.diabetes-care-monitor.de.)
2 N
agel H, Baehring T, Scherbaum WA.
Daten & Trends der Diabetesversorgung
in Deutschland. Diabetes Care Monitor.
2005; 1. (www.diabetes-care-monitor.de)
3 N
agel H, Baehring T, Scherbaum WA.
Diabetesversorgung: Deutliche regionale
Unterschiede. Deutsches Ärzteblatt 2006;
7: 394-8.
4 N
agel H, Baehring T, Scherbaum WA.
Implementing Disease Management Programs
for Type 2 Diabetes in Germany. Managed
Care 2006; Special issue: S50-S53.
5 Joos S, Rosemann T, Heiderhoff M, et al.
ELSID-Diabetes study-evaluation of a large
scale implementation of disease management
programmes for patients with type 2 diabetes.
Rationale, design and conduct – a study
protocol [ISRCTN08471887].
BMC Public Health 2005; 5: 99.
6 Szecsenyi J, Rosemann T, Joos S, et al.
German Diabetes Management Programs
Are Appropriate for Restructuring Care
According to the Chronic Care Model.
Diabetes Care 2008; 6: 1150-4.
7 w
ww.aok-bv.de/imperia/md/content/
aokbundesverband/dokumente/pdf/presse/
statement_szecsenyi_elsid_120808.pdf
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