CSN_Note sur le Trust

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CSN_Note sur le Trust
Trust et droit français
Le trust est une Institution du droit anglo-américain jusqu'ici inconnue du droit français qui,
dans certains cas, par une adaptation, peut produire certains effets en France. Cette institution
a fait l'objet de la Convention de La Haye du 1er juillet 1985 sur la loi applicable au trust et à
sa reconnaissance qui est à ce jour en vigueur pour le Royaume Uni, l'Italie et l'Australie, pour
la plupart des provinces du Canada (Alberta, Colombie britannique, Ile du prince Edward,
Nouveau Brunswick, Terre Neuve, Manitoba et Saskatchewan), aux Pays Bas, à Malte, à
Hong-Kong et applicable au Luxembourg le 1er janvier 2004. Elle a été signée par les EtatsUnis, Chypre et la France le 26 novembre 1991 qui ne l'a pas encore ratifiée.
Bien que la Convention de La Haye sur le trust ne soit pas encore en vigueur en France, elle
peut servir de référence pour l'analyse de l'institution. De plus, les solutions qu'elle consacre
étaient déjà reconnues par le Notariat français dans l'adaptation du trust lors du règlement
d'une succession (M. Revillard, Droit international privé et pratique notariale, 5ème éd.
2001 n° 58 et s. ; Droz et Revillard, Jcl. Not. Rép. VO Donations et testaments fasc. 190
n° 116 et s.).
Définition et caractéristiques du Trust :
Le trust ne peut plus être considéré comme une institution inconnue des praticiens à la suite
de la Convention de La Haye. L'article 2 de la Convention donnant les caractéristiques du
trust aboutit indirectement à une définition de l'institution qui devrait mettre un terme aux
essais de qualification
Selon l'article 2 « le terme trust vise les relations juridiques créées par une personne, le
constituant, par acte entre vifs ou à cause de mort, lorsque des biens ont été placés sous
le contrôle d'un trustee dans l'intérêt d'un bénéficiaire ou dans un but déterminé ». Le
transfert des biens, le constituant, le trustee et les bénéficiaires représentent les éléments
essentiels du trust.
Le trust présente les caractéristiques suivantes : « les biens du trust constituent une masse
distincte du patrimoine du trustee. Le titre relatif aux biens du trust est établi au nom du
trustee ». Cependant, un tiers peut être titulaire de certains biens appartenant au trust pour le
compte du trustee. Les obligations du trustee sont énoncées: «le trustee est investi du
pouvoir et chargé de l'obligation dont il doit rendre compte, d'administrer, de gérer ou
de disposer des biens· selon les termes du trust et les règles particulières imposées au
trustee par la loi ». Le trustee est l'organe fondamental du fonctionnement du trust.
La Convention de La Haye s'applique aux trusts inter vivos comme aux trusts testamentaires
qui représentent la majorité des trusts auxquels les notaires sont confrontés. Nous suivrons
cette distinction dans cette présentation
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Trust inter vivos
L'acquisition d'un immeuble en France peut-elle être faite par un trust inter vivos valablement
constitué selon le droit anglais par exemple?
Tant que la Convention de La Haye du 1er juillet 1985 sur la loi applicable au trust et à sa
reconnaissance n'est pas entrée en vigueur en France (avec modification prévue du décret de
1955 pour permettre l'inscription du trust en tant que tel), la publication d'un titre de propriété
au nom du trust n'est pas possible puisque le trust n'a pas la personnalité morale et crée un
démembrement du droit de propriété inconnu du droit français, Des instructions ont d'ailleurs
été données aux conservateurs par les services de la DG.I. et il n'est pas possible actuellement
d'inscrire le trust en tant que tel.
Il est donc totalement déconseillé en l'état actuel du droit positif d'effectuer l'achat d'un
immeuble situé en France par un trust inter vivos constitué valablement en Angleterre.
Trust testamentaire
Le trust est l'instrument juridique le plus employé dans les pays de Common Law pour
organiser sa succession sur tout ou partie de son patrimoine. L'exécution d’un trust
testamentaire se présente fréquemment lors dû règlement des successions d'Anglais,
d'Américains, de Canadiens.
Peter Johnson, de nationalité britannique, est décédé le 8 août 2003 à Oxford (Grande
Bretagne) où il était domicilié. Il laisse son épouse survivante, Margaret, leurs deux enfants
communs Anthony et Caroline et un enfant Charles né d'un premier mariage. Aux termes de
son testament établi à Oxford en la forme anglaise le 10 janvier 1996, il a constitué un trust
nommant Alex Marshall et George Ducan, sollicitors, en tant qu'exécuteurs testamentaires et
trustees. Après avoir fait divers legs particuliers d'objets mobiliers, il a légué l'ensemble de sa
succession à ses trustees à charge de régler le passif successoral, d'acquitter les droits de
succession, de gérer les biens et distribuer les revenus à ses trois enfants et à son épouse
Margaret. Lorsque sa fille Caroline aura atteint l'âge de 30 ans, tous les actifs nets du trust
reviendront par parts égales à ses, trois enfants et à son épouse. Sa succession comprend en
Angleterre : deux immeubles, des comptes bancaires et un portefeuille de valeurs mobilières
et en France : un compte bancaire et des valeurs mobilières déposées à la B.N.P. de Nice et
une maison à Saint Paul de Vence.
Pour l'exécution de ce trust testamentaire, il y a lieu de distinguer l'effet du testament sur une
succession soumise à une loi étrangère et sur une succession soumise à la loi française. En
l'espèce, toute la succession mobilière de Peter Johnson est soumise à la loi anglaise, loi du
domicile du défunt de même que la dévolution des immeubles situés en Angleterre alors que
l'immeuble situé en France est régi par la loi française.
Trust et succession soumise à la loi étrangère
Sur la succession mobilière dévolue selon la loi anglaise qui connaît. le trust, le trust peut
s'exécuter. Les comptes bancaires et valeurs mobilières en France pourront être remis à la
personne qualifiée suivant la loi étrangère compétente pour les appréhender. En pratique, la
qualité et les pouvoirs des administrateurs étrangers en matière de succession mobilière
étrangère sont reconnus en France. Peu importe alors que le trust institue un mode de
propriété sans équivalent en droit français car il s'agit au fond plus de pouvoir que de
propriété (Cass. civ. 3 nov. 1983 : Rev. crit. 1984 art. 33225 et Rev. crit. 1984, 336 note
Revillard ; JDI 1985, 115 note B.Ancel).
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Dans ces conditions, l'exécution du trust sur les biens mobiliers situés en France dévolus
conformément à la loi anglaise ne doit pas soulever de difficulté. Ces biens mobiliers pourront
être appréhendés par les trustees désignés en vertu de la loi anglaise; Ceux-ci pourront les
administrer, les vendre ou les distribuer. Les trustees désignés peuvent donc agir sur les actifs
mobiliers français (M: Revillard, Droit international privé et pratique notariale, 5ème éd. 2001
n°586 et s. ; Droz et Revillard, Jcl. Not. Rép.V° donations et testaments fasc. 190 et Jcl. dr.
int. fasc. 557-30 n° 80 et s.).
Il suffira pour l'exécution du trust que les trustees présentent les documents attestant d'une
part l'homologation du testament par le tribunal (jugement de Probate) et d'autre part, la
reconnaissance de leur désignation comme exécuteurs testamentaires et trustees pour pouvoir
légitimement se faire délivrer le compte bancaire en France et gérer le portefeuille de valeurs
mobilières.
Trust et succession soumise à la loi française
Au cas exposé, dans quelle mesure peut·on exécuter ce trust en France, alors que la dévolution
de la propriété de Saint Paul de Vence est régie par la loi française ? Ce trust testamentaire,
même valablement constitué suivant la loi anglaise qui connaît le trust, ne peut porter atteinte
aux règles d'ordre public de droit français relatives à la réserve. Or Peter Johnson a laissé trois
enfants héritiers réservataires en droit français.
L'exécution du trust sur la succession dévolue selon la loi française soulève un problème
délicat lorsqu'il existe des héritiers réservataires. En effet, il est fréquent que le testateur,
donne au trustee le pouvoir de vendre les biens successoraux et de placer les fonds à charge
d'en reverser les revenus aux bénéficiaires et de différer la remise du capital. Les héritiers
réservataires saisis de plein droit de tous les biens de la succession pourront exiger leur
réserve en nature sans restriction du droit de disposer et le trust devient alors inexécutable sur
les biens situés en France (Paris 10 janv. 1970 : Rev. crit. 1971, 518 : Droz, JDI 1973, 107 ;
Loussouarn, D 1972, 122 note Malaurie). Un trust testamentaire anglo-américain ne peut
fonctionner sur une succession soumise à la loi française conformément au droit étranger
applicable à cette institution.
Toutefois, le trust ne peut-il pas s'exécuter sur la quotité disponible? Dans cette mesure en
effet, le respect de la volonté du testateur doit pouvoir être assuré. On a suggéré à cet effet de
qualifier les bénéficiaires selon le bien ou la quotité attribuée, de légataire, particulier,
légataire à titre universel ou légataire universel, ces bénéficiaires pouvant, s'ils le désirent;
donner mandat au trustee de gérer la succession (Droz et Revilfard, Jcl. Not.Rép. V°
donations et testaments fasc. 190 ou Jcl. Droit. int. fasc. 557-30 n° 100).
En l'espèce, le règlement de la succession de Peter Johnson régie par la loi française
dépendra donc de l'attitude des héritiers réservataires. S'ils exigent leur réserve en nature,
le trust ne pourra éventuellement s'exécuter que sur la quotité disponible: Mais si en les
supposant majeurs et maîtres de leurs droits- ils n'exigent pas leur réserve en nature, rien,
ne s'opposera à ce que le règlement de la succession régie par loi française se fasse
conformément aux volontés exprimées par le de cujus dans son trust testamentaire.
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Bien entendu, une telle adaptation ne peut se concevoir que si aucun désaccord n'existe
entre les parties concernées, alors qu'elle pourra se réaliser beaucoup mieux si la
Convention de La Haye sur la loi applicable au trust et à sa reconnaissance est ratifiée par
la France (M. Revillard, op. cit. 5ème éd. 2001 exemple 159 n° 587).
Pour parvenir à l'exécution du testament sur l'immeuble en France, on pourrait interpréter
le testament en considérant que les trois enfants et l'épouse recueillent par parts égales
l'immeuble en France bien que cette solution ne corresponde pas à l'Institution du trust.
Ceci aurait l'avantage de permettre d'établir l’acte de notoriété et l'attestation immobilière
sur cette base.
Ces essais d'adaptation du trust testamentaire lors du règlement de successions
internationales montrent que le trust reste une institution sui generis
Régime fiscal du trust en droit français
La fiscalité internationale des trusts est imprécise. En effet, faute de cadre juridique
français, il est très délicat de l'appréhender sur le plan fiscal. On mentionnera ici une
étude de P.J. Douvier et C. Potter sur « le régime fiscal du trust en droit français »
(Bulletin Lefebvre juin 2000 p. 343 et s.) et un commentaire de B. Gouthière sur « le
trust et la fiscalité internationale» (Les impôts dans les affaires internationales, éd.
Lefebvre 5ème éd. 2001 p.558 et s.).
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