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L’Encéphale (2008) 34, 611—617
Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com
journal homepage: www.elsevier.com/locate/encep
THÉRAPEUTIQUE
Toc résistant : caractéristiques cliniques, facteurs
prédictifs et influence des tempéraments affectifs
Resistant obsessive compulsive disorder (ROC):
Clinical picture, predictive factors and influence of
affective temperaments
E.G. Hantouche a,∗, C. Demonfaucon b
a
b
Centre des troubles anxieux et de l’humeur, 117, rue de Rennes, 75006 Paris, France
l’Aftoc, 12, route de Versailles, 78117 Chateaufort, France
Reçu le 20 juin 2007 ; accepté le 17 décembre 2007
Disponible sur Internet le 2 avril 2008
MOTS CLÉS
Toc ;
Roc ou Toc résistant ;
Tempéraments
affectifs ;
Aggravation par
antidépresseurs
∗
Résumé Malgré les avancées importantes dans les domaines cliniques, biologiques et pharmacologiques, le trouble obsessionnel compulsif ou Toc, demeure une affection difficile à traiter.
L’Association française de sujets souffrant de trouble obsessionnel compulsif, l’Aftoc, a mis en
place une nouvelle enquête avec l’objectif d’explorer les « Roc » ou Toc résistants.
Méthode. — Inclusion des sujets souffrant de Toc qui sont adhérant à l’Aftoc. Un dossier clinique
et thérapeutique a été destiné aux participants dans lequel la version complète du Temps-A
(autoévaluation des tempéraments affectifs) a été incluse.
Résultats. — L’enquête « Toc et Roc » a réussi à inclure 360 patients qui sont tous membres de
l’association. Le pourcentage de Roc était estimé à 44,2 %, celui des bons répondeurs à 25,3 % et
à 30,5 % ceux qui s’estiment entre les deux. Par rapport au groupe « bons répondeurs », le groupe
Roc était caractérisé par des différences significatives : pourcentage des cas avec des admissions psychiatriques (49 % versus 28 %), des tentatives de suicide (26 % versus 13 %), le nombre
de médecins consultés (5,5 versus 3,2), le nombre moyen des compulsions (4,6 versus 3,4), et
de la comorbidité psychiatrique (2,8 versus 2,0, notamment agoraphobie, anxiété sociale et
souci de l’apparence). L’évaluation par le Temps-A a révélé dans le groupe Roc des pourcentages significativement plus élevés des cas avec les tempéraments cyclothymique, dépressif et
irritable. Les analyses en régression logistique ont montré que les facteurs les plus pertinents
pour expliquer le Roc correspondaient à un mode d’évolution lente et continue, à la notion
d’aggravation par antidépresseurs, à un souci de l’apparence, à l’âge actuel avancé (plus de
40 ans) et aux admissions en psychiatrie.
Auteur correspondant.
Adresse e-mail : [email protected] (E.G. Hantouche).
0013-7006/$ — see front matter © L’Encéphale, Paris, 2008.
doi:10.1016/j.encep.2007.12.008
612
E.G. Hantouche, C. Demonfaucon
Conclusion. — Notre enquête a permis de préciser les facteurs cliniques liés au Toc potentiellement résistant. Nous suggérons que ces éléments soient regardés de près dans le bilan clinique
de l’ensemble des patients souffrant de Toc (anticiper la résistance) et spécialement chez les
cas déclarés réfractaires : la sévérité initiale, la dominance compulsive, l’amassage, la comorbidité avec la dépression récurrente, l’agoraphobie, l’anxiété sociale, le souci de l’apparence
et la cyclothymie, et du mode évolutif (type lent et progressif). Une vigilance particulière est
également requise quant à la notion d’aggravation avec les antidépresseurs et à l’augmentation
du risque suicidaire dans le Roc.
© L’Encéphale, Paris, 2008.
KEYWORDS
OCD;
Resistant OCD;
Affective
temperament;
Worsening with
antidepressants
Summary
Background. — Despite significant advances in clinical research, Obsessive Compulsive Disorder,
OCD, represents a difficult to treat condition. The French Association of patients suffering from
OCD, ‘‘AFTOC’’ is highly concerned by this issue. A new survey was implemented with the aim
of exploring Resistant Obsessive Compulsive disorder, ‘‘ROC’’.
Method. — Patients with OCD and members of the ‘‘AFTOC’’ were included in the survey. A
self-rated file was elaborated in order to get the maximum of information on the clinical and
therapeutic aspects and conditions of OCD. The full version of ‘‘TEMPS-A’’ was also included
for assessment of affective temperaments. Statistical analyses were performed for inter-group
comparison between ‘‘ROC’’ (resistant OCD) and good responders. Logistic regression analyses
with ‘‘ROC’’ method were used to search for independent predictive factors to ‘‘ROC’’.
Results. — The new survey of ‘‘AFTOC’’, ‘‘TOC & ROC’’ selected a sample of 360 patients, who
are members of the association. The rate of ‘‘ROC’’ was 44.2%, 25.3% of Good Responders (GR),
and 30.5% in between. Inter-group comparisons (‘‘ROC’’ versus GR) showed significant higher
rates of psychiatric admissions (49% versus 28%), and suicide attempts (26% versus 13%), greater
numbers of doctors consulted (5.5 versus. 3.2), compulsions (4.6 versus 3.4), and psychiatric
comorbidity (2.8 disorders versus. 2.0; notably agoraphobia, social anxiety and worry about
appearance) in the ‘‘ROC’’ group. Assessment by full ‘‘TEMPS-A’’ scale revealed, significantly
higher rates of Cyclothymic Temperament (63% versus 43%; p: 0.0003), Depressive Temperament
(72% versus 53%; p: 0.004), and Irritable Temperament (21% versus 9%; p: 0.02) in the ROC group.
Moreover, the mean global score on each of these temperaments was significantly higher in the
‘‘ROC’’ group. No difference was obtained in the rate or the mean score on the hyperthymic
temperament scale. The most predictive factors of ‘‘ROC’’ were represented by ‘‘slow continuous course’’, ‘‘worsening under SRI’’, ‘‘worry about appearance’’, current age above 40
years and psychiatric admission.
Conclusion. — Our data provides a more precise clinical picture of ‘‘ROC’’, which should be
initially explored through baseline severity, compulsive dominance, hoarding, special comorbidity such as recurrent depression, obsession of appearance, agoraphobia, social anxiety, and
complex mixture of unstable affective temperament (cyclothymic, irritable, and depressive),
and course of illness. Furthermore, vigilance towards the notion of worsening linked to drug
therapy, and the increased suicide risk is warranted in the clinical management of ‘‘ROC’’.
© L’Encéphale, Paris, 2008.
Malgré un intérêt grandissant au cours des 20 dernières
années, le Trouble Obsessionnel Compulsif ou Toc, demeure
une affection complexe et parfois assez difficile à soigner. À côté des thérapies cognitives comportementales,
les antidépresseurs sérotoninergiques sélectifs et non sélectifs (clomipramine) ont été les plus développés dans le
traitement du Toc, ainsi que certaines stratégies de potentialisation ou de combinaison dans les cas résistants à la
monothérapie [1,7,13]. La fréquence présumée du Toc résistant, à partir des études contrôlées et de suivi, varie entre
15 et 20 % [11,13]. Cependant, peu d’études ont exploré la
phénoménologie des Toc résistants (Roc), à part des analyses
secondaires issues des essais contrôlés [12,16,17]. Ces analyses sont limitées à cause des critères de sélection imposés
par des protocoles stricts. Dans ce contexte, l’association
française des sujets souffrant de Toc (l’Aftoc), a été depuis
quelques années concernée par un pourcentage grandissant
de sujets souffrant de Roc. Une enquête antérieure réalisée
en collaboration avec l’Aftoc a montré une relation étroite
et fréquente entre le Toc, la dépression et la bipolarité
atténuée et fourni des renseignements sur les conditions du
traitement du Toc en France [4,5,9,14]. Dans la continuité
de ces données, l’Aftoc a décidé de mettre en place une nouvelle enquête, « Toc et Roc » dont l’objectif est d’explorer
les caractéristiques cliniques du Toc résistant.
Méthode de l’enquête
Création de l’échantillon
Cette enquête a été conduite avec la participation des
membres de l’Aftoc. Pour être inclus, les sujets devaient
être reconnus comme souffrant d’un Toc et traités pour
Toc résistant : caractéristiques cliniques, facteurs prédictifs et influence des tempéraments affectifs
613
cette condition. De l’envoi total des dossiers (n : 1467),
360 dossiers (24 %) ont été retournés et acceptés pour les
analyses statistiques. Cela est une donnée classique où
les patients sont réticents à remplir des dossiers longs et
complexes. De plus, cette réticence peut être le fait certes
du contenu même du trouble (doute, vérifications) et de la
comorbidité (dépression, phobie sociale). Toutefois, le but
de l’enquête était de réaliser des sous-groupes en fonction de la réponse à la question principale : « est-ce que
vous considérez votre Toc résistant au traitement ? » et de
comprendre les caractéristiques des cas résistants. Ce protocole ne permet pas donc d’estimer un pourcentage « réel »
des cas Roc.
degré d’implication de l’entourage dans le Toc. Les analyses
effectuées sont les suivantes :
Évaluation clinique et psychométrique
Résultats
Un questionnaire a été élaboré pour une autoévaluation. Il
inclut 250 items relatifs aux données sociodémographiques,
cliniques et historiques du Toc, et une section spéciale pour
fournir le maximum d’informations sur les conditions des
traitements, médicaments et thérapies non médicamenteuses (TCC et autres). Six échelles visuelles analogiques
représentant le niveau actuel du patient (évitement des
situations à cause du Toc, intensité du Toc, incapacité au
travail, incapacité au quotidien, incapacité pour les loisirs,
implication de l’entourage dans la réalisation des rituels) ont
été également remplies avec des scores variant entre 0 et
100. En plus, le dossier comportait la version française complète du Temps-A, un autoquestionnaire destiné à évaluer
les quatre tempéraments affectifs : hyperthymique, dépressif, cyclothymique et irritable [8].
Données sociodémographiques
Méthodes statistiques
Les analyses statistiques ont été conduites par Syliastat. Le
masque de saisie pour les data management a été développé à l’aide de Genmask® software. Le comité scientifique
a vérifié l’ensemble des dossiers pour repérer les illogismes.
Deux opérateurs indépendants ont saisi les données qui ont
été par la suite traitées de manière interactive. Les données
descriptives ont été obtenues dans les trois sous-groupes qui
ont été créés en fonction de la réponse à la question « je
considère mon Toc comme résistant ou réfractaire au traitement » : groupe 1 pour les répondeurs positifs (RP) (n : 91 ;
25,3 %), groupe 2 pour les cas résistants ou « Roc » (n : 159 ;
44,2 %), et le groupe 3 pour les cas intermédiaires, car incapable de se classer dans les deux groupes précédents (n :
110; 30,5 %). Les analyses statistiques ont comporté des tests
comparatifs entre les deux groupes « RP » versus « Roc ». Pour
les variables catégorielles, on a utilisé le test de chi2 (avec
la correction de Yates si besoin). Les tests de Student (pour
les séries indépendantes) et de Mann-Whitney (si les conditions des tests paramétriques ne sont pas satisfaisantes) ont
été appliqués pour les variables continues. Le seuil de significativité était fixé au p : 0,05. En raison du nombre élevé
des variables incluses dans les tests comparatifs, le seuil de
p à 0,01 a été également considéré.
La recherche de bornes a été effectuée sur les six
échelles visuelles analogiques représentant l’état actuel du
Toc en fonction de l’intensité des évitements et du Toc, des
incapacités au travail et au quotidien et pour les loisirs, et du
• validation d’un seuil calculé à partir de la valeur de
l’échelle expliquant le groupe Roc en comparaison au
groupe Toc avec calcul du pourcentage des cas bien classés, de la sensibilité, de la spécificité et des valeurs
prédictives positives et négatives. Pour chaque échelle,
le meilleur seuil est recherché ;
• pour la recherche des variables prédictives, on a isolé en
premier les variables significatives puis utilisé des analyses de régression logistique avec la méthode Roc pour
les analyses multivariées.
La taille de la population sélectionnée est de 360 patients.
L’âge moyen est de 35,4 ans (±14,3), 56,7 % sont de sexe
féminin et 57,4 % des célibataires ; 37,1 % ont été hospitalisés en psychiatrie et 19,6 % ont déjà tenté de se suicider.
Les comparaisons entre les deux groupes RP (répondeurs
positifs) et Roc (Toc résistant) ont révélé une représentation
féminine plus importante dans le groupe RP (61,5 % versus
49,7 % dans Roc ; p : 0,07) ; un âge actuel plus avancé dans
le groupe Roc (38,5 ans versus 30,4 ans ; p : 0,0001) : un
taux de célibataires plus important dans le groupe RP
(70,3 % versus 52,8 % ; dans Roc ; p : 0,015). Deux variables
montraient des différences significatives : taux plus élevés
dans le groupe Roc de tentatives de suicide (25,5 % versus
13,2 % ; p : 0,022) et des admissions psychiatriques (48,7 %
versus 28,2 % ; p : 0,0013).
Confirmation de la résistance et la sévérité des cas
Roc
Les scores moyens obtenus sur les échelles visuelles analogiques évaluant l’intensité du Toc et les incapacités
liées confirment que le groupe Roc est significativement
caractérisé par une sévérité augmentée (72 versus 28) et
des niveaux plus importants d’évitement (60 versus 30) et
d’interférence dans la vie sociale (45 versus 13) et professionnelle (59 versus 22). Le niveau d’implication d’autrui
dans le Toc était également plus important dans le groupe
Roc (34 versus 8). Ces résultats valident la cohérence des
réponses des participants sur la question principale au sujet
de la résistance au traitement. Par ailleurs, les résultats des
analyses des bornes suggèrent des scores seuils permettant
de séparer entre les Toc résistants et les répondeurs positifs
au traitement (Tableau 1).
Histoire et clinique du Toc
Les âges de survenue des premiers symptômes du Toc et
des premiers soins sont plus avancés dans le groupe Roc
(respectivement 17,9 ans versus 15,1 dans le groupe RP ; p :
0,016 et 29,1 ans versus 25,3 ; p : 0,01). Les délais moyens
entre les âges de début du Toc et du diagnostic du Toc ne
montrent pas de différences entre les groupes. Un mode
614
Tableau 1
E.G. Hantouche, C. Demonfaucon
Recherche des seuils optimaux sur les échelles visuelles analogiques par rapport au classement des cas Roc.
Seuil optimal
% bien classés
Sensibilité
Spécificité
VPP
VPN
Évitement à cause du TOC
Seuil : 40
Intensité du TOC
Seuil : 50
Incapacité au travail
Seuil : 40
Incapacité au quotidien
Seuil : 30
Incapacité aux loisirs
Seuil : 50
Implication des autres dans les rituels
Seuil : 25
74,2
78,5
67,4
79,1
66,7
83,8
89,1
75,3
85,4
81,0
71,7
66,4
80,2
84,5
59,5
71,7
64,1
84,1
86,7
59,2
69,6
59,9
85,2
86,7
56,8
63,1
46,2
90,9
89,3
50,6
VPP :valeur prédictive positive ; VPN : valeur prédictive négative.
d’évolution lente et progressive a été plus fréquemment
rapporté par le groupe Roc (69,4 % versus 48,3 % dans
le groupe RP ; p : 0,001). Contrairement au groupe RP,
le groupe Roc est caractérisé par un nombre moyen de
compulsions plus élevé (4,6 versus 3,4 ; p : 0,0003), avec
plus de compulsions cognitives (actes mentaux compulsifs),
des comportements compulsifs de répétition, d’amassage,
de collection et de lavage—nettoyage. En revanche, le
nombre moyen et l’inventaire des obsessions ne montrent
pas de différences intergroupes.
Conditions neuropsychiatriques comorbides
Le Tableau 2 liste les taux de fréquence des conditions
comorbides. Le nombre moyen des conditions comorbides
est plus élevé dans ce groupe (2,8 versus 2,0 dans le groupe
RP ; p : 0,0001).
Évaluation des tempéraments affectifs
Dans le groupe Roc, on a obtenu des fréquences plus
importantes pour les tempéraments dépressif (72 % versus
Tableau 2
53 % dans le groupe RP ; p : 0,004), cyclothymique (63 %
vs 43 % ; p : 0,003), et irritable (21 % versus 9% ; p : 0,02).
La fréquence du tempérament hyperthymique était équivalente dans les deux groupes (respectivement 24 % vs 28 %).
De même, la comparaison des scores moyens montre des
différences significatives pour les tempéraments dépressif
(11,9 vs 10,1 ; p : 0,0007), cyclothymique (10,9 versus 8,1 ;
p : 0,0004) et irritable (6,7 versus 4,4 ; p : 0,0005). Pour
le tempérament hyperthymique, le score moyen est de 6,8
dans le groupe Roc vs 6,5 dans le groupe RP.
Histoire des traitements
Les analyses ont montré que les sujets dans le groupe ROC
ont consulté un nombre moyen de médecins plus important
(5,5 versus 3,2 dans le groupe RP ; p : 0,0008) pour soigner
le Toc. Ce groupe a également reçu plus de médicaments à
visée antiToc (64,9 % versus 54,2% du groupe RP ; p : 0,09,
différence non significative). De plus, le groupe Roc a reçu
plus de combinaisons médicamenteuses (71,1 % versus 53,8%
du groupe RP ; p : 0,006). Dans le groupe Roc, 66,7 % ont
participé à une thérapie cognitive comportementale (versus
Comorbidité psychiatrique.
Nombre des troubles associés au TOC
Dépression
Agoraphobie
Attaques de panique
Timidité pathologique
Souci de l’apparence
Troubles alimentaires
Crises de colère
Angoisse psychotique
Idées délirantes
Hallucinations
Tics moteurs/vocaux
Diagnostic de bipolarité déjà posé
Affections somatiques
NS : différence non significative.
TOC Résistant
TOC Répondeur
Ne sais pas
p
2,78
68,6 %
9,4 %
38,4 %
28,9 %
25,2 %
25,2 %
33,3 %
23,9 %
13,2 %
5,7 %
19,5 %
21,4 %
53,4 %
2,0
52,7 %
2,2 %
29,7 %
18,7 %
13,2 %
19,8 %
26,4 %
5,5 %
6,6 %
4,4 %
14,3 %
13,2 %
37,6 %
2,13
59,1 %
6,4 %
24,5 %
16,4 %
16,4 %
27,3 %
28,2 %
5,5 %
6,4 %
0,9 %
13,6
17,3 %
37,1 %
<0,0001
0,013
0,028
NS
0,07
0,025
NS
NS
0,0002
NS
NS
NS
NS
0,02
Toc résistant : caractéristiques cliniques, facteurs prédictifs et influence des tempéraments affectifs
Tableau 3
615
Variables liées significativement au Roc : analyses comparatives.
Variables liées au ROC
p
Valeur ou modalité en faveur du ROC
Âge actuel
Quantitatif
Qualitatif
< 0,0001
0,0009
Les plus âgés
> 40 ans
Statut marital
Déjà hospitalisé en psychiatrie
Tentative de suicide
Âge des 1ers symptômes du TOC
Âge lors des 1ers soins pour TOC
Nombre de compulsions
Lavage/nettoyage
Répétitions compulsives
Actes mentaux compulsifs
Amasser
Collectionner
Évolution de manière lente et continue
Nombre de phénomènes pathologiques
Agoraphobie
Dépression
Souci obsédant de l’apparence
Nombre de diagnostics
Angoisse psychotique
Troubles touchant à la santé physique
Consultés
Aggravation paradoxale sous IRS
Virage de l’humeur sous IRS
Combinaisons de médicaments
0,0154
0,0013
0,0219
0,0164
0,0110
0,0003
0,0021
0,0445
0,0033
0,0073
0,0278
0,0011
< 0,0001
0,0288
0,0129
0,0249
0,0003
0,0002
0,0206
0,0008
0,0115
0,0042
0,0061
Marié ou autre statut
Oui
Oui
Les plus âgés
Les plus âgés
Élevé
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
Oui
Élevé
Oui
Oui
Oui
Élevé
Oui
Oui
Élevé
« Oui »
« Oui »
Oui
Score tempérament dépressif
Quantitatif
Qualitatif
0,0007
0,0035
Élevé
≥ 10
Score tempérament cyclothymique
Quantitatif
Qualitatif
0,0004
0,0033
Élevé
≥ 10
Score tempérament irritable
Quantitatif
Qualitatif
0,0005
0,0146
Élevé
≥ 10
75,8 % du groupe RP, différence NS). Le groupe Roc a rapporté plus de cas d’aggravation induite par les médicaments
sérotoninergiques (21,1 % versus 9,7 % dans le groupe RP ;
p : 0,012) et plus de cas de virage thymique (42,0 % versus
27,0 % ; p : 0,0042).
Facteurs explicatifs du Roc
Le Tableau 3 fait la synthèse des variables significativement liées au Roc obtenues par les analyses comparatives
intergroupes. Les analyses de régression uni- et multivariées ont révélé des variables significatives associées au Roc
(Tableau 4).
Discussion
Malgré les limitations dues à l’autoévaluation et à la proportion des non participants, l’enquête « Toc et Roc » révèle
une donnée importante : le faible taux de sujets qui considèrent leur Toc comme étant amélioré par les traitements,
seulement 25 % ! Il est probable que le nombre des sujets
qui ne sont pas satisfaits des traitements reçus soit plus
représenté dans ce genre d’enquête. S’agit-il de « vraie »
ou « fausse » résistance ? Malgré les précisions mentionnées
dans le dossier de l’enquête sur les conditions optimales
des traitements anti-Toc (durée, dose, observance des IRS,
qualité des TCC), il n’est pas certain de pouvoir confirmer l’exactitude des réponses. Toutefois, notre enquête a
permis de vérifier que le groupe déclaré comme Roc était
cliniquement plus sévère, avait consulté en moyenne cinq
médecins pour soigner leur Toc et reçu plus de combinaisons médicamenteuses. Cette donnée pourrait répondre à
la question de « fausse » résistance. Cela dit, le pourcentage de 25 % des sujets déclarés « répondeurs » est proche
des taux montrés dans les études de suivi prospectif au long
cours [2].
616
Tableau 4
E.G. Hantouche, C. Demonfaucon
Analyse multidimensionnelle des facteurs liés au Roc : modèle de régression logistique.
Effet
Estimation OR
95% Intervalle de confiance
Âge : > 40 ans versus ≤ 40 ans
Hospitalisation psychiatrique
Évolution de manière lente et continue
Souci obsédant de l’apparence
Aggravation sous IRS
2,683
2,232
2,229
2,847
2,851
1,252
1,067
1,104
1,071
1,001
L’objectif de l’enquête n’était pas d’estimer la prévalence des cas résistants mais plutôt d’apporter des éléments
descriptifs et prédictifs du Roc dans un échantillon non
sélectionné de patients, contrairement aux échantillons des
études pharmacologiques contrôlées. Dans notre enquête,
les cas de Roc souffrent d’une forme plus sévère du Toc
avec plus d’admissions psychiatriques. Ce résultat rejoint
d’autres données récentes de la littérature [17]. Le Roc est
également caractérisé par une augmentation du risque suicidaire, proche de celui observé (20 %) dans une enquête
précédente sur le Toc cyclothymique [10]. L’intensité et
la récurrence plus importantes de la dépression associée
au Roc, ainsi que la résistance, voire même l’aggravation
induite par les antidépresseurs, peuvent expliquer cette
caractéristique [4,14].
Le tableau clinique du Roc est caractérisé par un nombre
plus important de compulsions cognitives, d’amassage,
de collection et de lavage—nettoyage. Les compulsions
d’amassage sont régulièrement observées dans les cas
de Toc résistant aux antidépresseurs sérotoninergiques et
même à la thérapie comportementale [12,16]. La comorbidité est également impliquée dans la résistance du Toc
au traitement [10,14]. Nos données ont montré que la
dépression, la timidité, l’agoraphobie et les obsessions de
l’apparence sont plus présentes dans le groupe classé Roc.
Une telle complexité clinique est le mieux expliquée par
la comorbidité bipolaire atténuée qui se manifeste par une
mixture de traits cyclothymiques, dépressifs et irritables
[4,5,10]. En effet, l’enquête de l’Aftoc a le mérite d’être la
première à avoir exploré le rôle des tempéraments affectifs
dans le Toc résistant. Ce travail soutient les contributions
des pionniers français, longtemps oubliés, comme celles de
G. Ballet ou de G. Deny, sur les liens privilégiés entre Toc et
cyclothymie ou formes atténuées de la psychose périodique
[4].
Dans la pratique, il est important de pouvoir anticiper la résistance du Toc au traitement et l’ensemble des
complications qui vont avec, comme les tentatives de suicide et les admissions psychiatriques. En fonction de nos
données et celles de la littérature [6,9,12,15—17], nous
proposons un bilan clinique qui doit concerner l’ensemble
des patients présentant un Toc et spécialement ceux
désignés comme réfractaires et probables candidats à la
neurostimulation profonde [3,11]. Un tel bilan doit comporter une évaluation complète des obsessions—compulsions,
une description du mode évolutif du Toc, une recherche
systématique de la comorbidité anxieuse, dépressive, et
avec d’autres troubles (peur d’une dysmorphie corporelle,
abus de substance, déficit de l’attention), une évaluation du tempérament cyclothymique, du risque suicidaire
5,749
4,668
4,501
7,564
8,118
et de la réactivité antérieure aux antidépresseurs (virage,
aggravation).
En conclusion, notre enquête permet de décrire d’une
façon précise les critères cliniques des patients souffrant de
Toc résistant.
Références
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