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L’Encéphale (2008) 34, 611—617 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com journal homepage: www.elsevier.com/locate/encep THÉRAPEUTIQUE Toc résistant : caractéristiques cliniques, facteurs prédictifs et influence des tempéraments affectifs Resistant obsessive compulsive disorder (ROC): Clinical picture, predictive factors and influence of affective temperaments E.G. Hantouche a,∗, C. Demonfaucon b a b Centre des troubles anxieux et de l’humeur, 117, rue de Rennes, 75006 Paris, France l’Aftoc, 12, route de Versailles, 78117 Chateaufort, France Reçu le 20 juin 2007 ; accepté le 17 décembre 2007 Disponible sur Internet le 2 avril 2008 MOTS CLÉS Toc ; Roc ou Toc résistant ; Tempéraments affectifs ; Aggravation par antidépresseurs ∗ Résumé Malgré les avancées importantes dans les domaines cliniques, biologiques et pharmacologiques, le trouble obsessionnel compulsif ou Toc, demeure une affection difficile à traiter. L’Association française de sujets souffrant de trouble obsessionnel compulsif, l’Aftoc, a mis en place une nouvelle enquête avec l’objectif d’explorer les « Roc » ou Toc résistants. Méthode. — Inclusion des sujets souffrant de Toc qui sont adhérant à l’Aftoc. Un dossier clinique et thérapeutique a été destiné aux participants dans lequel la version complète du Temps-A (autoévaluation des tempéraments affectifs) a été incluse. Résultats. — L’enquête « Toc et Roc » a réussi à inclure 360 patients qui sont tous membres de l’association. Le pourcentage de Roc était estimé à 44,2 %, celui des bons répondeurs à 25,3 % et à 30,5 % ceux qui s’estiment entre les deux. Par rapport au groupe « bons répondeurs », le groupe Roc était caractérisé par des différences significatives : pourcentage des cas avec des admissions psychiatriques (49 % versus 28 %), des tentatives de suicide (26 % versus 13 %), le nombre de médecins consultés (5,5 versus 3,2), le nombre moyen des compulsions (4,6 versus 3,4), et de la comorbidité psychiatrique (2,8 versus 2,0, notamment agoraphobie, anxiété sociale et souci de l’apparence). L’évaluation par le Temps-A a révélé dans le groupe Roc des pourcentages significativement plus élevés des cas avec les tempéraments cyclothymique, dépressif et irritable. Les analyses en régression logistique ont montré que les facteurs les plus pertinents pour expliquer le Roc correspondaient à un mode d’évolution lente et continue, à la notion d’aggravation par antidépresseurs, à un souci de l’apparence, à l’âge actuel avancé (plus de 40 ans) et aux admissions en psychiatrie. Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (E.G. Hantouche). 0013-7006/$ — see front matter © L’Encéphale, Paris, 2008. doi:10.1016/j.encep.2007.12.008 612 E.G. Hantouche, C. Demonfaucon Conclusion. — Notre enquête a permis de préciser les facteurs cliniques liés au Toc potentiellement résistant. Nous suggérons que ces éléments soient regardés de près dans le bilan clinique de l’ensemble des patients souffrant de Toc (anticiper la résistance) et spécialement chez les cas déclarés réfractaires : la sévérité initiale, la dominance compulsive, l’amassage, la comorbidité avec la dépression récurrente, l’agoraphobie, l’anxiété sociale, le souci de l’apparence et la cyclothymie, et du mode évolutif (type lent et progressif). Une vigilance particulière est également requise quant à la notion d’aggravation avec les antidépresseurs et à l’augmentation du risque suicidaire dans le Roc. © L’Encéphale, Paris, 2008. KEYWORDS OCD; Resistant OCD; Affective temperament; Worsening with antidepressants Summary Background. — Despite significant advances in clinical research, Obsessive Compulsive Disorder, OCD, represents a difficult to treat condition. The French Association of patients suffering from OCD, ‘‘AFTOC’’ is highly concerned by this issue. A new survey was implemented with the aim of exploring Resistant Obsessive Compulsive disorder, ‘‘ROC’’. Method. — Patients with OCD and members of the ‘‘AFTOC’’ were included in the survey. A self-rated file was elaborated in order to get the maximum of information on the clinical and therapeutic aspects and conditions of OCD. The full version of ‘‘TEMPS-A’’ was also included for assessment of affective temperaments. Statistical analyses were performed for inter-group comparison between ‘‘ROC’’ (resistant OCD) and good responders. Logistic regression analyses with ‘‘ROC’’ method were used to search for independent predictive factors to ‘‘ROC’’. Results. — The new survey of ‘‘AFTOC’’, ‘‘TOC & ROC’’ selected a sample of 360 patients, who are members of the association. The rate of ‘‘ROC’’ was 44.2%, 25.3% of Good Responders (GR), and 30.5% in between. Inter-group comparisons (‘‘ROC’’ versus GR) showed significant higher rates of psychiatric admissions (49% versus 28%), and suicide attempts (26% versus 13%), greater numbers of doctors consulted (5.5 versus. 3.2), compulsions (4.6 versus 3.4), and psychiatric comorbidity (2.8 disorders versus. 2.0; notably agoraphobia, social anxiety and worry about appearance) in the ‘‘ROC’’ group. Assessment by full ‘‘TEMPS-A’’ scale revealed, significantly higher rates of Cyclothymic Temperament (63% versus 43%; p: 0.0003), Depressive Temperament (72% versus 53%; p: 0.004), and Irritable Temperament (21% versus 9%; p: 0.02) in the ROC group. Moreover, the mean global score on each of these temperaments was significantly higher in the ‘‘ROC’’ group. No difference was obtained in the rate or the mean score on the hyperthymic temperament scale. The most predictive factors of ‘‘ROC’’ were represented by ‘‘slow continuous course’’, ‘‘worsening under SRI’’, ‘‘worry about appearance’’, current age above 40 years and psychiatric admission. Conclusion. — Our data provides a more precise clinical picture of ‘‘ROC’’, which should be initially explored through baseline severity, compulsive dominance, hoarding, special comorbidity such as recurrent depression, obsession of appearance, agoraphobia, social anxiety, and complex mixture of unstable affective temperament (cyclothymic, irritable, and depressive), and course of illness. Furthermore, vigilance towards the notion of worsening linked to drug therapy, and the increased suicide risk is warranted in the clinical management of ‘‘ROC’’. © L’Encéphale, Paris, 2008. Malgré un intérêt grandissant au cours des 20 dernières années, le Trouble Obsessionnel Compulsif ou Toc, demeure une affection complexe et parfois assez difficile à soigner. À côté des thérapies cognitives comportementales, les antidépresseurs sérotoninergiques sélectifs et non sélectifs (clomipramine) ont été les plus développés dans le traitement du Toc, ainsi que certaines stratégies de potentialisation ou de combinaison dans les cas résistants à la monothérapie [1,7,13]. La fréquence présumée du Toc résistant, à partir des études contrôlées et de suivi, varie entre 15 et 20 % [11,13]. Cependant, peu d’études ont exploré la phénoménologie des Toc résistants (Roc), à part des analyses secondaires issues des essais contrôlés [12,16,17]. Ces analyses sont limitées à cause des critères de sélection imposés par des protocoles stricts. Dans ce contexte, l’association française des sujets souffrant de Toc (l’Aftoc), a été depuis quelques années concernée par un pourcentage grandissant de sujets souffrant de Roc. Une enquête antérieure réalisée en collaboration avec l’Aftoc a montré une relation étroite et fréquente entre le Toc, la dépression et la bipolarité atténuée et fourni des renseignements sur les conditions du traitement du Toc en France [4,5,9,14]. Dans la continuité de ces données, l’Aftoc a décidé de mettre en place une nouvelle enquête, « Toc et Roc » dont l’objectif est d’explorer les caractéristiques cliniques du Toc résistant. Méthode de l’enquête Création de l’échantillon Cette enquête a été conduite avec la participation des membres de l’Aftoc. Pour être inclus, les sujets devaient être reconnus comme souffrant d’un Toc et traités pour Toc résistant : caractéristiques cliniques, facteurs prédictifs et influence des tempéraments affectifs 613 cette condition. De l’envoi total des dossiers (n : 1467), 360 dossiers (24 %) ont été retournés et acceptés pour les analyses statistiques. Cela est une donnée classique où les patients sont réticents à remplir des dossiers longs et complexes. De plus, cette réticence peut être le fait certes du contenu même du trouble (doute, vérifications) et de la comorbidité (dépression, phobie sociale). Toutefois, le but de l’enquête était de réaliser des sous-groupes en fonction de la réponse à la question principale : « est-ce que vous considérez votre Toc résistant au traitement ? » et de comprendre les caractéristiques des cas résistants. Ce protocole ne permet pas donc d’estimer un pourcentage « réel » des cas Roc. degré d’implication de l’entourage dans le Toc. Les analyses effectuées sont les suivantes : Évaluation clinique et psychométrique Résultats Un questionnaire a été élaboré pour une autoévaluation. Il inclut 250 items relatifs aux données sociodémographiques, cliniques et historiques du Toc, et une section spéciale pour fournir le maximum d’informations sur les conditions des traitements, médicaments et thérapies non médicamenteuses (TCC et autres). Six échelles visuelles analogiques représentant le niveau actuel du patient (évitement des situations à cause du Toc, intensité du Toc, incapacité au travail, incapacité au quotidien, incapacité pour les loisirs, implication de l’entourage dans la réalisation des rituels) ont été également remplies avec des scores variant entre 0 et 100. En plus, le dossier comportait la version française complète du Temps-A, un autoquestionnaire destiné à évaluer les quatre tempéraments affectifs : hyperthymique, dépressif, cyclothymique et irritable [8]. Données sociodémographiques Méthodes statistiques Les analyses statistiques ont été conduites par Syliastat. Le masque de saisie pour les data management a été développé à l’aide de Genmask® software. Le comité scientifique a vérifié l’ensemble des dossiers pour repérer les illogismes. Deux opérateurs indépendants ont saisi les données qui ont été par la suite traitées de manière interactive. Les données descriptives ont été obtenues dans les trois sous-groupes qui ont été créés en fonction de la réponse à la question « je considère mon Toc comme résistant ou réfractaire au traitement » : groupe 1 pour les répondeurs positifs (RP) (n : 91 ; 25,3 %), groupe 2 pour les cas résistants ou « Roc » (n : 159 ; 44,2 %), et le groupe 3 pour les cas intermédiaires, car incapable de se classer dans les deux groupes précédents (n : 110; 30,5 %). Les analyses statistiques ont comporté des tests comparatifs entre les deux groupes « RP » versus « Roc ». Pour les variables catégorielles, on a utilisé le test de chi2 (avec la correction de Yates si besoin). Les tests de Student (pour les séries indépendantes) et de Mann-Whitney (si les conditions des tests paramétriques ne sont pas satisfaisantes) ont été appliqués pour les variables continues. Le seuil de significativité était fixé au p : 0,05. En raison du nombre élevé des variables incluses dans les tests comparatifs, le seuil de p à 0,01 a été également considéré. La recherche de bornes a été effectuée sur les six échelles visuelles analogiques représentant l’état actuel du Toc en fonction de l’intensité des évitements et du Toc, des incapacités au travail et au quotidien et pour les loisirs, et du • validation d’un seuil calculé à partir de la valeur de l’échelle expliquant le groupe Roc en comparaison au groupe Toc avec calcul du pourcentage des cas bien classés, de la sensibilité, de la spécificité et des valeurs prédictives positives et négatives. Pour chaque échelle, le meilleur seuil est recherché ; • pour la recherche des variables prédictives, on a isolé en premier les variables significatives puis utilisé des analyses de régression logistique avec la méthode Roc pour les analyses multivariées. La taille de la population sélectionnée est de 360 patients. L’âge moyen est de 35,4 ans (±14,3), 56,7 % sont de sexe féminin et 57,4 % des célibataires ; 37,1 % ont été hospitalisés en psychiatrie et 19,6 % ont déjà tenté de se suicider. Les comparaisons entre les deux groupes RP (répondeurs positifs) et Roc (Toc résistant) ont révélé une représentation féminine plus importante dans le groupe RP (61,5 % versus 49,7 % dans Roc ; p : 0,07) ; un âge actuel plus avancé dans le groupe Roc (38,5 ans versus 30,4 ans ; p : 0,0001) : un taux de célibataires plus important dans le groupe RP (70,3 % versus 52,8 % ; dans Roc ; p : 0,015). Deux variables montraient des différences significatives : taux plus élevés dans le groupe Roc de tentatives de suicide (25,5 % versus 13,2 % ; p : 0,022) et des admissions psychiatriques (48,7 % versus 28,2 % ; p : 0,0013). Confirmation de la résistance et la sévérité des cas Roc Les scores moyens obtenus sur les échelles visuelles analogiques évaluant l’intensité du Toc et les incapacités liées confirment que le groupe Roc est significativement caractérisé par une sévérité augmentée (72 versus 28) et des niveaux plus importants d’évitement (60 versus 30) et d’interférence dans la vie sociale (45 versus 13) et professionnelle (59 versus 22). Le niveau d’implication d’autrui dans le Toc était également plus important dans le groupe Roc (34 versus 8). Ces résultats valident la cohérence des réponses des participants sur la question principale au sujet de la résistance au traitement. Par ailleurs, les résultats des analyses des bornes suggèrent des scores seuils permettant de séparer entre les Toc résistants et les répondeurs positifs au traitement (Tableau 1). Histoire et clinique du Toc Les âges de survenue des premiers symptômes du Toc et des premiers soins sont plus avancés dans le groupe Roc (respectivement 17,9 ans versus 15,1 dans le groupe RP ; p : 0,016 et 29,1 ans versus 25,3 ; p : 0,01). Les délais moyens entre les âges de début du Toc et du diagnostic du Toc ne montrent pas de différences entre les groupes. Un mode 614 Tableau 1 E.G. Hantouche, C. Demonfaucon Recherche des seuils optimaux sur les échelles visuelles analogiques par rapport au classement des cas Roc. Seuil optimal % bien classés Sensibilité Spécificité VPP VPN Évitement à cause du TOC Seuil : 40 Intensité du TOC Seuil : 50 Incapacité au travail Seuil : 40 Incapacité au quotidien Seuil : 30 Incapacité aux loisirs Seuil : 50 Implication des autres dans les rituels Seuil : 25 74,2 78,5 67,4 79,1 66,7 83,8 89,1 75,3 85,4 81,0 71,7 66,4 80,2 84,5 59,5 71,7 64,1 84,1 86,7 59,2 69,6 59,9 85,2 86,7 56,8 63,1 46,2 90,9 89,3 50,6 VPP :valeur prédictive positive ; VPN : valeur prédictive négative. d’évolution lente et progressive a été plus fréquemment rapporté par le groupe Roc (69,4 % versus 48,3 % dans le groupe RP ; p : 0,001). Contrairement au groupe RP, le groupe Roc est caractérisé par un nombre moyen de compulsions plus élevé (4,6 versus 3,4 ; p : 0,0003), avec plus de compulsions cognitives (actes mentaux compulsifs), des comportements compulsifs de répétition, d’amassage, de collection et de lavage—nettoyage. En revanche, le nombre moyen et l’inventaire des obsessions ne montrent pas de différences intergroupes. Conditions neuropsychiatriques comorbides Le Tableau 2 liste les taux de fréquence des conditions comorbides. Le nombre moyen des conditions comorbides est plus élevé dans ce groupe (2,8 versus 2,0 dans le groupe RP ; p : 0,0001). Évaluation des tempéraments affectifs Dans le groupe Roc, on a obtenu des fréquences plus importantes pour les tempéraments dépressif (72 % versus Tableau 2 53 % dans le groupe RP ; p : 0,004), cyclothymique (63 % vs 43 % ; p : 0,003), et irritable (21 % versus 9% ; p : 0,02). La fréquence du tempérament hyperthymique était équivalente dans les deux groupes (respectivement 24 % vs 28 %). De même, la comparaison des scores moyens montre des différences significatives pour les tempéraments dépressif (11,9 vs 10,1 ; p : 0,0007), cyclothymique (10,9 versus 8,1 ; p : 0,0004) et irritable (6,7 versus 4,4 ; p : 0,0005). Pour le tempérament hyperthymique, le score moyen est de 6,8 dans le groupe Roc vs 6,5 dans le groupe RP. Histoire des traitements Les analyses ont montré que les sujets dans le groupe ROC ont consulté un nombre moyen de médecins plus important (5,5 versus 3,2 dans le groupe RP ; p : 0,0008) pour soigner le Toc. Ce groupe a également reçu plus de médicaments à visée antiToc (64,9 % versus 54,2% du groupe RP ; p : 0,09, différence non significative). De plus, le groupe Roc a reçu plus de combinaisons médicamenteuses (71,1 % versus 53,8% du groupe RP ; p : 0,006). Dans le groupe Roc, 66,7 % ont participé à une thérapie cognitive comportementale (versus Comorbidité psychiatrique. Nombre des troubles associés au TOC Dépression Agoraphobie Attaques de panique Timidité pathologique Souci de l’apparence Troubles alimentaires Crises de colère Angoisse psychotique Idées délirantes Hallucinations Tics moteurs/vocaux Diagnostic de bipolarité déjà posé Affections somatiques NS : différence non significative. TOC Résistant TOC Répondeur Ne sais pas p 2,78 68,6 % 9,4 % 38,4 % 28,9 % 25,2 % 25,2 % 33,3 % 23,9 % 13,2 % 5,7 % 19,5 % 21,4 % 53,4 % 2,0 52,7 % 2,2 % 29,7 % 18,7 % 13,2 % 19,8 % 26,4 % 5,5 % 6,6 % 4,4 % 14,3 % 13,2 % 37,6 % 2,13 59,1 % 6,4 % 24,5 % 16,4 % 16,4 % 27,3 % 28,2 % 5,5 % 6,4 % 0,9 % 13,6 17,3 % 37,1 % <0,0001 0,013 0,028 NS 0,07 0,025 NS NS 0,0002 NS NS NS NS 0,02 Toc résistant : caractéristiques cliniques, facteurs prédictifs et influence des tempéraments affectifs Tableau 3 615 Variables liées significativement au Roc : analyses comparatives. Variables liées au ROC p Valeur ou modalité en faveur du ROC Âge actuel Quantitatif Qualitatif < 0,0001 0,0009 Les plus âgés > 40 ans Statut marital Déjà hospitalisé en psychiatrie Tentative de suicide Âge des 1ers symptômes du TOC Âge lors des 1ers soins pour TOC Nombre de compulsions Lavage/nettoyage Répétitions compulsives Actes mentaux compulsifs Amasser Collectionner Évolution de manière lente et continue Nombre de phénomènes pathologiques Agoraphobie Dépression Souci obsédant de l’apparence Nombre de diagnostics Angoisse psychotique Troubles touchant à la santé physique Consultés Aggravation paradoxale sous IRS Virage de l’humeur sous IRS Combinaisons de médicaments 0,0154 0,0013 0,0219 0,0164 0,0110 0,0003 0,0021 0,0445 0,0033 0,0073 0,0278 0,0011 < 0,0001 0,0288 0,0129 0,0249 0,0003 0,0002 0,0206 0,0008 0,0115 0,0042 0,0061 Marié ou autre statut Oui Oui Les plus âgés Les plus âgés Élevé Oui Oui Oui Oui Oui Oui Élevé Oui Oui Oui Élevé Oui Oui Élevé « Oui » « Oui » Oui Score tempérament dépressif Quantitatif Qualitatif 0,0007 0,0035 Élevé ≥ 10 Score tempérament cyclothymique Quantitatif Qualitatif 0,0004 0,0033 Élevé ≥ 10 Score tempérament irritable Quantitatif Qualitatif 0,0005 0,0146 Élevé ≥ 10 75,8 % du groupe RP, différence NS). Le groupe Roc a rapporté plus de cas d’aggravation induite par les médicaments sérotoninergiques (21,1 % versus 9,7 % dans le groupe RP ; p : 0,012) et plus de cas de virage thymique (42,0 % versus 27,0 % ; p : 0,0042). Facteurs explicatifs du Roc Le Tableau 3 fait la synthèse des variables significativement liées au Roc obtenues par les analyses comparatives intergroupes. Les analyses de régression uni- et multivariées ont révélé des variables significatives associées au Roc (Tableau 4). Discussion Malgré les limitations dues à l’autoévaluation et à la proportion des non participants, l’enquête « Toc et Roc » révèle une donnée importante : le faible taux de sujets qui considèrent leur Toc comme étant amélioré par les traitements, seulement 25 % ! Il est probable que le nombre des sujets qui ne sont pas satisfaits des traitements reçus soit plus représenté dans ce genre d’enquête. S’agit-il de « vraie » ou « fausse » résistance ? Malgré les précisions mentionnées dans le dossier de l’enquête sur les conditions optimales des traitements anti-Toc (durée, dose, observance des IRS, qualité des TCC), il n’est pas certain de pouvoir confirmer l’exactitude des réponses. Toutefois, notre enquête a permis de vérifier que le groupe déclaré comme Roc était cliniquement plus sévère, avait consulté en moyenne cinq médecins pour soigner leur Toc et reçu plus de combinaisons médicamenteuses. Cette donnée pourrait répondre à la question de « fausse » résistance. Cela dit, le pourcentage de 25 % des sujets déclarés « répondeurs » est proche des taux montrés dans les études de suivi prospectif au long cours [2]. 616 Tableau 4 E.G. Hantouche, C. Demonfaucon Analyse multidimensionnelle des facteurs liés au Roc : modèle de régression logistique. Effet Estimation OR 95% Intervalle de confiance Âge : > 40 ans versus ≤ 40 ans Hospitalisation psychiatrique Évolution de manière lente et continue Souci obsédant de l’apparence Aggravation sous IRS 2,683 2,232 2,229 2,847 2,851 1,252 1,067 1,104 1,071 1,001 L’objectif de l’enquête n’était pas d’estimer la prévalence des cas résistants mais plutôt d’apporter des éléments descriptifs et prédictifs du Roc dans un échantillon non sélectionné de patients, contrairement aux échantillons des études pharmacologiques contrôlées. Dans notre enquête, les cas de Roc souffrent d’une forme plus sévère du Toc avec plus d’admissions psychiatriques. Ce résultat rejoint d’autres données récentes de la littérature [17]. Le Roc est également caractérisé par une augmentation du risque suicidaire, proche de celui observé (20 %) dans une enquête précédente sur le Toc cyclothymique [10]. L’intensité et la récurrence plus importantes de la dépression associée au Roc, ainsi que la résistance, voire même l’aggravation induite par les antidépresseurs, peuvent expliquer cette caractéristique [4,14]. Le tableau clinique du Roc est caractérisé par un nombre plus important de compulsions cognitives, d’amassage, de collection et de lavage—nettoyage. Les compulsions d’amassage sont régulièrement observées dans les cas de Toc résistant aux antidépresseurs sérotoninergiques et même à la thérapie comportementale [12,16]. La comorbidité est également impliquée dans la résistance du Toc au traitement [10,14]. Nos données ont montré que la dépression, la timidité, l’agoraphobie et les obsessions de l’apparence sont plus présentes dans le groupe classé Roc. Une telle complexité clinique est le mieux expliquée par la comorbidité bipolaire atténuée qui se manifeste par une mixture de traits cyclothymiques, dépressifs et irritables [4,5,10]. En effet, l’enquête de l’Aftoc a le mérite d’être la première à avoir exploré le rôle des tempéraments affectifs dans le Toc résistant. Ce travail soutient les contributions des pionniers français, longtemps oubliés, comme celles de G. Ballet ou de G. Deny, sur les liens privilégiés entre Toc et cyclothymie ou formes atténuées de la psychose périodique [4]. Dans la pratique, il est important de pouvoir anticiper la résistance du Toc au traitement et l’ensemble des complications qui vont avec, comme les tentatives de suicide et les admissions psychiatriques. En fonction de nos données et celles de la littérature [6,9,12,15—17], nous proposons un bilan clinique qui doit concerner l’ensemble des patients présentant un Toc et spécialement ceux désignés comme réfractaires et probables candidats à la neurostimulation profonde [3,11]. Un tel bilan doit comporter une évaluation complète des obsessions—compulsions, une description du mode évolutif du Toc, une recherche systématique de la comorbidité anxieuse, dépressive, et avec d’autres troubles (peur d’une dysmorphie corporelle, abus de substance, déficit de l’attention), une évaluation du tempérament cyclothymique, du risque suicidaire 5,749 4,668 4,501 7,564 8,118 et de la réactivité antérieure aux antidépresseurs (virage, aggravation). En conclusion, notre enquête permet de décrire d’une façon précise les critères cliniques des patients souffrant de Toc résistant. Références [1] Bloch MH, Landeros-Weisenberger A, Kelmendi B, et al. Antipsychotic augmentation with treatment refractory obsessive— compulsive disorder. Mol Psychiatry 2006;11:622—32. [2] Catapano F, Perris F, Masella M, et al. Obsessive—compulsive disorder: a 3-year prospective follow-up of patients treated with SRI (OCD follow-up study). J Psychiatr Res 2006;40: 502—10. 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