Bel-Ami- chap VI
Transcription
Bel-Ami- chap VI
univers soucieux de se mettre en scène. Il se rapproche en cela du monde du journalisme. Jeu du pouvoir !" Ce monde du travail est en effet soumis de même à une sorte de représentation sociale dont les rouages sont ignorés du public. La longue explication du narrateur quant aux ressorts cachés du fonctionnement d’un journal permet ainsi de se figurer un monde d’apparences retorses. Le simple portrait de M. Walter, encadré par la double mention du mot « argent », souligne cette volonté de réussir et de régner : « Se faisant (…) de brave homme ». La nomination de Georges Duroy à ses nouvelles fonctions permet d’équilibrer les forces, de parfaire les alliances et d’assurer la réussite. Les principales qualités recherchées pour ce poste sont édifiantes puisque se voit désigné un portrait de chasseur « l’homme qui les dirige (…) coup d’œil » à la morale élastique et aux contacts conséquents. Le fonctionnement du journal en lui-même s’apparente dès lors à un échafaudage de fonctions, une sorte de toile d’araignée où chacun connaît son rôle et ses attributions. Celles-ci constituent en effet un réseau de sens où les non-dits allusifs font fonction d’affirmation, nouant et dénouant les carrières, lançant les ragots comme on le ferait des informations. Les jeux du pouvoir, en s’appuyant sur des ressorts cachés, ne s’avèrent pas différents du jeu théâtral en exercice dans les salons mondains. III. Du jeu au je Les faux-semblants !" Le jeu des faux-semblants débute avant même la rencontre des deux mondes, lorsque Georges Duroy met savamment en valeur une corbeille de fruits en lui donnant une qualité tout à la fois sentimentale et distinguée, démontrant en cela sa finesse comme son désir de manipuler. La présentation de l’immeuble d’un homme de pouvoir rejoint cette morale de l’apparence puisque d’un ton ironique le narrateur entreprend de détailler les mesures prises pour lui donner une allure « comme il faut ». L’emploi de l’expression « un grand air » révèle ce double parti pris de la dénonciation et de la moquerie à l’encontre de ces gens riches mais « pratiques », sachant utiliser tout « procédé économique ». Il est cependant possible d’y voir une allusion antisémite rejoignant les clichés assimilant le juif à l’argent. Le journal, en tentant de sauvegarder une apparence convenable participe de même à ce jeu de faux-semblant puisqu’il s’assure d’une « allure littéraire et convenable », alors même que le narrateur vient d’en détailler les rouages cachés … mais ce jeu des apparences ne se limite pas au monde professionnel. Masque des convenances !" La vie mondaine est en effet organisée autour de ce qu’il convient de faire ou non, la peur de Georges de « commettre une maladresse » étant révélatrice de cette tension mondaine. L’environnement crée la personne, serait-on tenté de penser en voyant l’évolution de Georges qui, de sa gêne initiale, parvient à bousculer les convenances en livrant le fond de sa pensée quant aux académiciens. Les réponses des femmes sont en effet convenues, dites et redites sans conviction à chaque réception parce qu’il ne s’agit plus pour elles d’échanger mais de maintenir les apparences d’une discussion qui ne dévie pas d’un fil. Cette réponse de Georges semble cependant réfléchie, plus révélatrice de la rouerie du personnage que d’une réelle franchise de sa part. Il s’efforce en effet de prendre un « bon départ », de s’assurer les faveurs des femmes. De l’influence des femmes !" Ce sont en effet elles qui ouvrent les portes d’un monde jugé inaccessible. Le lien entre journal et vie privée des protagonistes est ainsi étroit, marquant l’influence souterraine des relations qu’il s’agit de privilégier pour réussir. Notons que Georges en saisit bien l’importance puisqu’il met en scène son entrée, recherchant à passer de la bienveillance de son employeur à une « faveur pour pénétrer dans la maison ». Son intuition s’avère cependant juste puisque à la suite de la bonne impression donnée dans les salons, le voilà promu chef des Echos en même temps qu’invité à dîner chez Madame Walter. Ces deux mondes semblent ainsi régis par des caractères forts qui s’embarrassent de préjugés mais laissent transparaître leurs intentions. IV. Conclusion Jeux des convenances et du pouvoir se mêlent pour nous livrer une vision satirique de deux mondes aux liens étroits. D’une influence cachée aux ambitions démesurées, le roman permet de comprendre ce qui sous-tend les relations mondaines jusque dans leur ridicule mais également, leur pouvoir. Editeur : MemoPage.com SA © 2006 Auteur : Corinne Godmer Expert : Jacques Ménigoz La rencontre entre Georges Duroy et le monde des Walter semble se placer entièrement sous le signe du jeu théâtral. Ses premiers pas dans les salons présentent ainsi une succession de stéréotypes énoncés par le champ lexical du théâtre, du concierge en tenue de « représentation » aux murs « [tendus] de tapisseries » figurant les rideaux de la scène. Le va et vient des valets autour de lui semble de même symboliser le jeu des acteurs remplissant parfaitement leur rôle. Parcourant les « salons déserts », il se voit par ailleurs égaré par le jeu des miroirs pour parvenir enfin à une rencontre mondaine, une causerie suivant fidèlement les règles de la bienséance. Le jeu théâtral autour des entrées et des sorties est à cet égard irrésistible, le regard de Georges posé sur ces convenances d’apparat s’avérant d’une drôlerie féroce. Le commentaire du narrateur quant aux réflexions émises par les dames qui ne s’avèrent que récitations d’un rôle appris par cœur « comme si elles eussent récité une comédie mondaine et convenable, répétée bien souvent » nous permet de pénétrer dans un Jeu théâtral !" II. Sous le signe du jeu Bel-Ami de Maupassant se veut le récit d’une ambition démesurée. George Duroy, jeune provincial et ancien officier devenu journaliste, comprend qu’il doit utiliser et cultiver ses relations pour grimper dans la hiérarchie sociale. A cet endroit du récit, il s’immisce dans un environnement plus mondain dont il apprend les règles. Il serait donc intéressant de nous demander comment ces deux mondes opposés se rencontrent et se complètent. Il serait ainsi possible d’étudier, dans un premier temps, le jeu des apparences pour ensuite s’intéresser à la portée morale d’un tel investissement. I. Introduction Chapitre VI, première partie Bel-Ami, Maupassant