LES CONDITIONS DE L`EXERCICE POLITIQUE DE LA

Transcription

LES CONDITIONS DE L`EXERCICE POLITIQUE DE LA
CAHIER
2014
LES CONDITIONS DE
L’EXERCICE POLITIQUE DE
LA CITOYENNETÉ
- VERS UNE AUTRE DÉMOCRATIE
Par Marc Magnery
Une publication ARC - Action et Recherche Culturelles asbl
Avec le soutien du service de
l’Éducation permanente de la
Fédération Wallonie-Bruxelles
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LES CONDITIONS DE L’EXERCICE POLITIQUE DE LA CITOYENNETÉ - VERS UNE AUTRE DÉMOCRATIE
Une publication ARC - Action et Recherche Culturelles
Le concept de citoyenneté est chaque fois plus présent dans le débat public.
En Éducation permanente ou pour une organisation de jeunesse, il s’agit de
former des citoyens. Comme individus, il nous est demandé d’exercer notre
citoyenneté à différents niveaux : en tant qu’habitants d’une commune,
jeunes ou vieux, pères ou mères de famille, consommateurs, etc.
On constate par ailleurs que les lieux où s’épanouissent les pratiques
participatives se multiplient, sous forme de forums ouverts, de tables
rondes, de consultations populaires, « d’ateliers du territoire », « de contrats
de quartier », « d’agendas 21 », etc. Si ces avancées démocratiques sont à
saluer, ne pourrions ou ne devrions-nous pas aller plus loin ?
Le pouvoir est-il pour autant vraiment délégué au citoyen ? Les conditions
d’exercice de la citoyenneté sont-elles réunies ? Cela ne devrait-il pas
impliquer une autre conception de la démocratie que celle dans laquelle
nous vivons aujourd’hui ?
Une analyse de Marc Magnery
INTRODUCTION
S
i l’on souhaite réfléchir aux conditions rendant possibles l’exercice de notre citoyenneté,
deux remarques préalables s’imposent :
Premièrement, quelles que soient ces conditions, c’est toujours à l’individu que reviendra in
fine la volonté de s’impliquer ou pas dans son rôle de citoyen. Nos démocraties sont certes
imparfaites, mais elles offrent malgré tout déjà un éventail de possibilités d’exercice démocratique
(interpellation citoyenne au niveau communal, adhésion à un parti politique, liberté d’expression...).
Évidemment, l’apathie politique n’est pas exclue. A contrario, dans des contextes politiques parfois
très difficiles (par exemple sous le régime autoritaire chinois), certains individus parviennent à jouer
pleinement leur rôle de citoyen.
Deuxièmement, on peut se demander s’il est juste et souhaitable que les conditions de possibilité
d’exercice de notre citoyenneté se développent davantage. N’a-t-on pas le droit de se désintéresser
et de ne pas s’impliquer? Libre au lecteur de se faire sa propre opinion sur le sujet, car ces questions
ouvrent un débat plus large. Mais dans la suite de cet article, nous assumerons le parti pris que tout
ce que nous offre la vie en société (services sociaux, police, infrastructures de transports, lois, libertés individuelles...) implique notre responsabilité de participer aux décisions qui la construisent. Aux
droits conférés répondrait le devoir de s’y intéresser et de s’impliquer. À moins de renoncer à ces
droits. Une fois cette base normative posée, interrogeons-nous sur les conditions nécessaires à ce
qu’un maximum de personnes puisse développer leur citoyenneté.
LE DEVOIR ÉLECTORAL
Actuellement, beaucoup considèrent comme l’expression la plus aboutie de leur citoyenneté l’accomplissement tous les 4 ou 5 ans (selon le niveau de pouvoir) de leur « devoir électoral », si
possible en s’étant informés au préalable. Mais puisqu’en Belgique le droit de vote est couplé à
l’obligation légale de voter, on peut s’interroger sur les limites de ce droit. Un droit que l’on est
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obligé d’accomplir est-il toujours un droit ou plutôt un devoir ? Cela ne marque-t-il pas la limite de
l’implication citoyenne, à ce niveau ? Une fois mon devoir accompli, que puis-je encore faire de plus
pour être un « bon » citoyen ?
TROIS MODÈLES TYPES1 DE DÉMOCRATIE
Un citoyen peu impliqué, c’est en fait le citoyen de la démocratie libérale, démocratie dans laquelle nous vivons depuis seulement deux siècles. Celle-ci promeut un État minimaliste et neutre,
c’est-à-dire qui vise à préserver au maximum les libertés de l’individu en édictant le moins de règles
possible et sans conception du Bien (ce qu’est la vie bonne) et du mal (chacun ayant le droit d’avoir
sa propre conception du Bien et du mal). Dans ce contexte, le citoyen veille seulement à ce que l’État
interfère au minimum avec ses affaires privées. Ce citoyen récompense ou sanctionne par le vote les
représentants qui accomplissent aux mieux à ses yeux la tâche politique vue comme une profession.
Dans cette configuration, les citoyens de la démocratie libérale sont en fait les clients de la boutique
État, gérée par des politiciens : en échange du meilleur service rendu (c’est-à-dire que l’État interfère
le moins possible dans mes affaires privées : faibles impôts, faible bureaucratie, droits et libertés fondamentales garantis...), le citoyen donne ou non sa voix à l’homme politique. Le citoyen cherche le
meilleur rapport vote/tranquillité privée. Et le politicien reçoit en échange pouvoir et rémunération,
desquels il ne doit pas abuser sous peine d’être sanctionné par l’électeur.
Face à cette démocratie libérale, deux autres modèles existent :
Le premier est la démocratie républicaine, modèle historique qui caractérisait la démocratie
originelle athénienne durant l’Antiquité. Contrairement au modèle libéral, l’action de l’État est ici
maximale et promeut sa propre conception du Bien. Par exemple : si un système d’assurance maladie obligatoire est impensable dans une démocratie libérale, il l’est tout à fait dans ce cas-ci si les
citoyens estiment que ce mécanisme est d’intérêt général (mais pas dans l’intérêt privé de celui qui
pour des raisons X ou Y estimerait ne pas devoir y souscrire argumenterait un citoyen libéral). La
citoyenneté dans le modèle républicain est donc totale (car on agit toujours en fonction de l’intérêt général) et la démocratie doit permettre de construire une conception collective du Bien. Les
affaires publiques prennent ici le pas sur les affaires privées. L’exemple athénien est à cet égard très
parlant : chaque semaine, des débats animaient la place publique, chaque citoyen était susceptible
d’être tiré au sort afin d’effectuer une magistrature. Tour à tour gouvernants et gouvernés, les citoyens athéniens avaient pour objectif de construire leur liberté collective - et moins privée- en se
mettant pour partie au service de la Cité. La grande homogénéité de la population athénienne n’était
pas étrangère au bon fonctionnement de ce type de démocratie.
Le second modèle est celui de la démocratie délibérative. Historiquement, celui-ci est beaucoup plus récent (fin du 20e siècle). Plus complexe, il propose une sorte de fusion par le haut des
deux modèles précédents pour une démocratie ni minimaliste façon libérale, ni maximaliste façon
républicaine. Ce modèle insiste lourdement sur la qualité du processus démocratique, notamment
son aspect délibératif (condition d’un débat juste et équitable).
Une fois ces bases théoriques de philosophie politique posées, il est plus aisé de comprendre la
citoyenneté promue par le système politique mis en place par chacun de ces modèles.
1 Un idéal-type est un concept sociologique défini par Max Weber. Il vise, pour Weber, à bâtir un modèle d’un phénomène social qu’on cherche à étudier pour ses qualités intrinsèques. Pour Weber, cette méthode permet de dresser
un « tableau de pensée homogène » qui n’a pas pour finalité de retranscrire la réalité : c’est seulement un guide dans la
construction des hypothèses. La construction d’un idéal-type consiste tout d’abord à relier dans une trame commune, des
phénomènes potentiellement disparates de l’expérience. http://fr.wikipedia.org/wiki/Id%C3%A9al-type
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Démocratie
libérale (Hobbes,
Locke)
Démocratie républicaine (Aristote,
Rousseau)
Démocratie délibérative (Habermas,
Rawls)
Type d’État
Minimal et neutre
Maximal et avec
une conception du
bien
Exécutant et garant
de la délibération
Type de liberté
Négative
(indépendance par
rapport à l’État)
Positive (autonomie collective)
Positive
Type de citoyen
Faible
Totale
Intermédiaire
(Impliqué)
Système politique
Représentatif
Direct/Participatif
Représentatif
adapté
DÉMOCRATIE OU ARISTOCRATIE Si voter est l’acte citoyen par excellence, c’est parce que nous vivons dans des démocraties libérales
où le système politique privilégié est la représentation basée sur l’élection. Comme le démontre
très bien Bernard Manin2 tout au long des 344 pages de son ouvrage qui fait référence en la matière, nos démocraties libérales ne sont que des démocraties partielles, impliquant une citoyenneté
elle-même partielle. Le principal argument de Manin étant que l’égalité politique, qui était le cœur
de la démocratie athénienne (et du modèle républicain) et faisait de chaque Athénien un citoyen
total, est loin d’être aujourd’hui complètement réalisée. Aujourd’hui, l’un des principaux obstacles
à l’implication d’un maximum de personnes dans le processus décisionnel est l’élection elle-même.
Intéressons-nous brièvement au moment où nos démocraties basées sur les élections sont nées...
Saviez-vous que si les révolutionnaires français ou américains du 18e siècle ont choisi le processus
électif pour fonder nos démocraties, c’est justement parce que ce procédé ne l’était pas vraiment et
qu’ils se méfiaient du peuple3. À l’issue de la Révolution française, c’est bien la monarchie qui tombait.
Au pouvoir politique qui se transmettait par le sang, les révolutionnaires ont substitué le pouvoir
transmis par le mérite. On élirait ceux qui le méritent, les meilleurs. Ainsi, si le vote d’une grande
partie de la population avait un parfum de démocratie, c’est bien les meilleurs qui allaient exercer le
pouvoir et pas le peuple. Les meilleurs, « aristos » en grec, fondaient ainsi une aristocratie.
Les révolutionnaires avaient-ils tort ou raison de se méfier du peuple à cette époque ? Difficile à
dire.Toujours est-il que depuis, beaucoup de choses ont changé, nous laissant penser que les raisons
de leur méfiance n’auraient aujourd’hui plus de raison d’être: le niveau d’instruction n’a fait qu’augmenter, les nouvelles technologies permettent un accès croissant à l’information et au débat public
et la machinisation de l’industrie a rendu possible la diminution du temps de travail. Il n’est pas étonnant que deux cents ans plus tard, notre démocratie nous semble bien moyenâgeuse ! Du coup, les
résistances croissent chaque jour : Indignés, mouvement des 99 % aux États-Unis et des 5 étoiles en
Italie, G1000, démocratie « liquide » du parti Pirate, mouvement abstentionniste... Le point commun
à ces mouvements, c›est leur volonté d’approfondir ou de refonder nos démocraties. Combien de
2 3 MANIN Bernard, « Principes du gouvernement représentatif », Flammarion, 2012.
DUPUIS-DERI F., « L’esprit antidémocratique des fondateurs de la démocratie moderne », Résumé, 1999.
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temps pourra encore tenir un système basé sur le consentement des votants à être représentés si
ce consentement n’est plus donné ? Le coup fatal porté au système électoral étant certainement la
hausse continue et dans des proportions jamais vues de l’abstentionnisme. En effet, « En trente ans,
soit l›espace d›une génération, le poids des abstentionnistes n›a cessé de se renforcer, s›imposant
comme la première force politique dans la plupart des pays de l›Union où le vote n›est pas obligatoire. »4 Et c’est sans compter ceux qui participent aux élections, mais qui seraient tout à fait prêts
à changer de système.
RÉINTÉGRER L’ÉGALITÉ ET LA DÉLIBÉRATION DANS NOS DÉMOCRATIES
Les démocraties républicaines et délibératives proposent des systèmes politiques alternatifs, mais
également hybridables, à la représentation est issue des élections : le scrutin direct/participatif
-ou des procédés basés sur le tirage au sort.
Ces deux systèmes alternatifs redonnent une place centrale à l’égalité entre les citoyens. Cette
égalité postule la compétence de chacun à participer au débat public et pourrait se résumer par
le slogan 1 homme = 1 voix... pas seulement dans les urnes tous les 5 ans, mais également pour
des décisions effectives. Dans le cas du scrutin direct/participatif (dont le mécanisme le plus connu
est celui du référendum), l’égalité est évidente : que ce soit Elio Di Rupo, Albert Frère ou votre
grand-mère, chacun mettra une seule voix dans l’urne, qui aura le même poids au décompte. Quant
au tirage au sort, l’égalité qu’il instaure est plus subtile. Le tirage au sort permet à chaque citoyen
d›avoir une chance réelle et égale d›être tiré au sort (au sein d›un panel citoyen destiné à prendre la
décision par exemple) et ainsi une chance égale d›influencer les décisions prises. Mais, direz-vous, ma
grand-mère n’aura pas vraiment d’influence sur la décision si elle est tirée au sort dans un panel avec
Albert Frère et Elio Di Rupo. Et c’est ici qu’entrent en jeu tous les développements récents de la
théorie délibérative, fort liée aux sciences sociales. En effet, pléthore de mécanismes et procédures
sont discutés afin de rendre le débat le plus équitable et juste possible :
Le mécanisme le plus connu de scrutin direct/participatif est le référendum. Ce procédé, lorsqu’il est accompagné d’un débat public, est évidemment tout à fait démocratique. Mais s’il n’est
pas accompagné d’un débat et si peu de gens y participent, ce mécanisme séduisant se révèle au
final antidémocratique. Notons bien qu’à la différence d’Athènes, nous verrions mal aujourd’hui les
citoyens voter chaque jour par référendum un ensemble de lois comme le faisait l’Eclessia. Tout au
plus pourrions-nous imaginer que les grands choix de société y soient soumis. Qui sait, peut-être un
jour nous lèverons-nous le matin en votant sur notre smartphone les propositions de loi du jour...
Mais nous n’en sommes pas encore là.
Une autre solution pourrait être celle du scrutin représentatif adapté prôné par la démocratie
délibérative. Le constat de base posé par les tenants de cette proposition est simple : les instances
législatives (du conseil communal au Parlement européen) ne nous représentent pas fidèlement. En
effet, l’homme âgé, blanc, diplômé et à haut revenu y est surreprésenté. Comment y intégrer femmes,
jeunes, diversité ethnique, faibles revenus... ? Le meilleur moyen pour assurer cette représentation
« statistique » de la population serait le tirage au sort ! De plus, en y associant une rotation rapide
(tous les ans ou tous les 3 ans par exemple), on assurerait une non-professionnalisation du politique
et une diminution des biais engendrés par l’élection à venir5.
Le tirage au sort et la non-professionnalisation, parce qu’ils induisent une égalité, non pas seulement
au moment du vote, mais au moment de la prise de décision, semblent être des mécanismes à même
4 MUXEL A., « La participation électorale : un déficit inégalé », Revue internationale de politique comparée, 2009/4,
Vol. 16, p.569.
5 Nous connaissons tous des exemples d’annonces, de travaux, de promesses faites les mois précédents les élections afin de rallier un maximum d’électeurs.
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de renouveler et de réenchanter nos chambres législatives. En plus d’une meilleure représentativité
et de l’égalité politique qu’ils engendrent, ils présenteraient d’autres avantages :
•
Une vertu éducative : Comment mieux former des citoyens qu’en donnant à chacun la possibilité effective d’exercer des responsabilités politiques ? Le tirage au sort, c’est parier sur le fait
que c’est en faisant de la politique qu’on devient citoyen.
•
La construction d’un vivre-ensemble : « Il semble que la délibération entre des citoyens aux visions
de la société diamétralement opposées conduit à plus de respect et d›appréciation des différences
d›opinions. »6
•
Plus de légitimité : Comme exposé plus haut, la légitimité des élections tient dans le consentement donné par les votants à leurs représentants. Le tirage au sort fonderait une légitimité
d’un autre type : c’est parce que cet échantillon tiré au sort (duquel j’aurais pu faire partie)
représente la population (et donc me représente statistiquement aussi) que cette décision est
légitime.
•
Plus d’efficacité : Collaborer à une décision permet sans aucun doute de mieux la comprendre et
de mieux l’appliquer. Par exemple, si je ne comprends pas pourquoi des zones 30 sont apparues
dans ma commune, j’aurai moins tendance à respecter cette limitation que si j’ai moi-même
participé à délimiter ces zones autour des écoles.
•
De meilleures décisions : Au-delà du fait qu’il y a plus de choses dans la tête de l’ensemble de la
population que dans celles des quelques élus, Loïc Blondiaux a pointé dans son livre consacré à
la démocratie participative l’expertise d’usage et l’expertise profane7 de la population. Enfin, une
étude récente montre que « les citoyens ordinaires, plus que les élites politiques, sont à même
de parler de façon ouverte et constructive ainsi que de prendre des décisions sur des thèmes
importants, comme la réforme de l’État et l’immigration »8.
EN PRATIQUE
Tenant compte de toutes ces évolutions, le monde politique est aujourd’hui en ébullition : panels
de citoyens tirés au sort, budgets participatifs, débats publics... Les expériences et réussites ne
manquent pas et sont variées, allant de l’aménagement d’un parc à la rédaction d’une nouvelle
constitution. Entamons donc un petit tour d’horizon, non exhaustif, en la matière :
•
Les budgets participatifs : Le pouvoir politique traditionnel dédie une enveloppe budgétaire
dont l’utilisation sera déterminée par les citoyens (tirés au sort ou pas). Ce mécanisme donne
un vrai pouvoir aux citoyens, mais a la faiblesse de se restreindre à la distribution d’une ligne
budgétaire. C’est une bonne chose d’avoir 50.000€ pour le réaménagement d’un quartier, mais
que faire si les citoyens estiment que ce n’est pas suffisant ou que c’est trop et que les priorités
sont ailleurs ? La ville de Porto Allegre au Brésil représente une des expériences les plus abouties et ambitieuses de budgets participatifs.
•
Les jurys/panels citoyens : Inspirés du jury judiciaire, les jurys citoyens rassemblent des citoyens tirés au sort qui pendant un laps de temps donné vont émettre un avis sur un sujet. Cet
avis sera contraignant ou pas selon ce qu’aura décidé l’autorité politique qui les a mis en place.
Tant que ce type de mécanisme ne sera pas institutionnalisé, il n’aura toujours que le pouvoir
que les politiques voudront bien lui donner...
6 Didier Caluwaerts, Min Reuchamps, Does Inter-group Deliberation Foster Inter-group Appreciation? Evidence
from Two Experiments in Belgium, in Politics, 2014.
7 BLONDIAUX Loïc, Le nouvel esprit de la démocratie, Editions du Seuil et la République des Idées, 2008.
8 Didier Caluwaerts, Min Reuchamps, Does Inter-group Deliberation Foster Inter-group Appreciation? Evidence
from Two Experiments in Belgium, in Politics, 2014.
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•
Les sondages délibératifs : À la différence d’un sondage classique, qui donne un aperçu des
opinions figées à un moment donné et sans interactions, le sondage délibératif tente d’intégrer
une dimension délibérative. Au contraire d’un avis non informé tel que pris par un micro-trottoir, il permet de déterminer ce que pourrait être l’avis de la population si celle-ci était informée
et débattait sur un sujet donné.
•
Le World Café : « Processus qui vise à faciliter le dialogue constructif et le partage de connaissances
et d›idées, en vue de créer un réseau d›échanges et d›actions. Ce processus reproduit l›ambiance d›un
café [...]»9
•
Le focus groupe : « Discussion planifiée au sein d›un petit groupe de parties prenantes (4 à 12)
et animée par un modérateur compétent. Il permet d›obtenir des informations sur les préférences et
valeurs de diversifiées personnes [...]»10
•
Chez nous en Belgique, le G1000 fait figure d’expérience la plus poussée en matière de nouvelle méthode démocratique. Ce processus a permis de réunir 1000 citoyens belges (flamands,
wallons, bruxellois) tirés au sort11 autour de thématiques comme le chômage, l’immigration ou
la réforme de l’État12.
On pourrait également citer le Town Meeting, la conférence de consensus, le Delphi, la cellule de
planification, le Festival technologique... Toutes ces méthodes ont en commun un objectif de démocratisation de la prise de décision et l’avènement d’une citoyenneté renforcée.
CONCLUSION
Comme nous avons pu le voir, la citoyenneté ne pourra pleinement se développer que dans un
système politique prêt à accueillir et intégrer cet appel de la population. Parmi les nombreux mécanismes qui visent à améliorer nos démocraties, il n’est pas toujours évident de repérer ceux qui
améliorent réellement. Les conditions de l’exercice politique de la citoyenneté responsable et active
de ceux qui ne servent qu’à faire façade pour perpétuer le système actuel. Cependant, on peut
dégager deux axes essentiels qui n’amélioreront nos démocraties que s’ils progressent ensemble :
l’égalité des citoyens quant à la prise de décision et la dimension délibérative de cette décision. Un
référendum, processus où l’égalité entre les citoyens est forte, n’a pas beaucoup de sens sans un
large et profond débat de l’ensemble de la population sur le sujet13. Inversement, un large débat public qui ne serait pas pris en compte lors de la décision par les politiques n’aurait pas plus de sens14.
Pour accélérer cette transition vers une démocratie meilleure, il ne tient qu’à nous de faire usage
de notre pouvoir de citoyen non encore institutionnalisé pour encourager nos politiques afin d’obtenir ce pouvoir de manière institutionnalisée. Droit de vote, interpellations directes, débats, esprit
critique et investissement personnel sont nos meilleurs alliés sur ce chemin inéluctable si nous
souhaitons ne pas retomber dans des sombres heures de notre Histoire, où le repli sur soi et la
concentration des pouvoirs ont été préférés à plus de démocratie...
Par Marc Magnery
Maître en sciences politiques de l’UCL et Conseiller communal à Dison
9 Méthodes participatives. Un guide pour l’utilisateur. Fondation Roi Baudouin. 2006.
10 Idem
11 Ils ont été tirés au sort, mais notons que parmi ceux-ci, on n’a retenu que les volontaires, car seuls 3% des répondants au tirage au sort acceptaient l’invitation.
12 Pour en savoir plus à ce sujet, consultez le rapport final de cette expérience sur www.g1000.org/
documents/9_Panel_Citoyen_Rapport_Final_FR.pdf‎
13 Ce genre de reproches est souvent fait aux référendums suisses où la participation de la population
pourrait être améliorée.
14 Par exemple en Belgique concernant une taxe sur les transactions financières, largement plébiscitée par la population, mais sur laquelle les politiques ont du mal à avancer.
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BIBLIOGRAPHIE
ARIES P., Nos rêves ne tiennent pas dans les urnes : Éloge de la démocratie participative, Max Milo
Editions, 2013.
BLONDIAUX L., Le nouvel esprit de la démocratie : actualité de la démocratie participative, Éditions
du Seuil et La République des Idées, 2008.
CASTORIADIS C., Une société à la dérive, Points, 2011.
MANIN B., Principes du gouvernement représentatif, Flammarion, 1996.
SINTOMER Y., Petite histoire de l’expérimentation démocratique. Tirage au sort et politique
d’Athènes à nos jours, La Découverte, 2011.
Politique : Impasses de la démocratie. De la « particratie » au G1000, n°79, mars-avril 2013.
VAN REYBROUCK D., Contre les élections, De Bezige Bij, 2013.
VAN RUYCHEVELT J., «Quelle place pour le tirage au sort dans une juste démocratie ?» UCL/
Chaire Hoover d’Éthique économique et sociale/FILO 2360, 2012.
MAGNERY M., Réflexions sur l’apport potentiel du tirage au sort dans nos démocraties, UCL/
Chaire Hoover d’Éthique économique et sociale/Travail de synthèse personnelle, 2013.
MAGNERY M., Entre éthique et bonne gouvernance, fondements philosophiques de la démocratie
des quatre principaux partis francophones, UCL/Ecole des sciences politiques et sociales, 2011.
G1000 Le rapport final : http://www.g1000.org/documents/9_Panel_Citoyen_Rapport_Final_FR.pdf
Le tirage au sort comme bombe politiquement durable contre l’oligarchie: http://www.dailymotion.
com/video/xiyzhh_etienne-chouard-conference-le-tirage-au-sort-comme-bombe-politiquementdurable-contre-l-oligarchie_news