Le Point 15/02/2015

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Le Point 15/02/2015
Marie-Paule Belle et rebelle
Le Point - Publié le 15/02/2015 à 09:09
Considérée comme fantaisiste à cause d'une chanson, "La
Parisienne", Marie-Paule Belle chante aussi la tendresse et prend
position sans en avoir l'air.
MariePaule Belle sur scène. © DR
Par Jean-Noël Mirande
Son piano noir ne la quitte plus depuis vingt ans. C'est avec lui qu'elle sillonne les routes de
France. On pense à son aînée Barbara, qui, comme elle, chanta au cabaret l'Écluse, quai des
Grands Augustins sur la rive gauche de Paris. La rive gauche, un esprit si particulier que MariePaule Belle retrouve dans son nouveau spectacle "Comme au cabaret". Que l'on soit de Paris ou
d'ailleurs, on connaît la chanson. "De l'Échelle de Jacob à l'Écluse, c'est là que j'ai appris le
métier."
Marie-Paule enchaîne avec justesse les textes de Jacques Brel, Guy Béart, Barbara, Mouloudji et
Jacques Prévert. Au détour d'une anecdote inédite, elle vous emmène chez la diseuse Yvette
Guilbert et son "Éloge des vieux" ou dans l'univers du comique troupier, vedette du café concert,
Ouvrard. D'un éclat de rire à l'émotion, la transition est naturelle pour Marie-Paule Belle, comme
dans la vie, et c'est ce naturel qui nous charme. "J'ai toujours été inclassable. J'adore les ruptures
et renverser l'humeur. J'ai deux facettes et ça désarçonne."
Homophobie et violence faite aux femmes
Le public lui demande son inévitable "Parisienne", qui lui a tant porté bonheur. "C'est une carte
d'identité, reconnaît-elle, et c'est sans doute grâce à elle si je suis toujours là." Mais il ne faut pas
oublier un autre répertoire plus grave. De ses nouvelles chansons, on retiendra "Celles qui aiment
elles" de Dominique Valls. Ce texte nous rappelle que l'artiste vécut au grand jour son amour avec
la romancière Françoise Mallet-Joris. Sans tapage, mais avec un certain courage à l'époque. Elles
furent toutes deux le pendant féminin de Jean Cocteau et Jean Marais. "Pendant des années, je
n'éprouvais pas le besoin d'aborder ce sujet puisque je le vivais naturellement avec Françoise.
Nous avions sans le chercher un parfum de scandale mais de liberté. On nous invitait aussi pour
ça."
Paradoxalement, si les moeurs sont plus libres aujourd'hui, la violence des propos est encore là.
"Je ne suis pas une militante dans l'âme, dit la chanteuse, mais j'aime faire prendre conscience
avec les mots." L'homophobie, les violences faites aux femmes sont autant de thèmes qu'elle
aborde sans agressivité mais avec conviction. "J'ai vécu le racisme avec Françoise. À la
campagne, lorsque les gamins chantaient ah, les gouines autour de notre maison, cela nous
faisait mal." C'est ce qu'elle dit dans sa chanson "Les mots qui glissent, les regards en coulisse",
avec pudeur et classe, toujours.
Regard franc
Depuis 45 ans qu'elle fait ce métier, Marie-Paule est devenue une vraie Parisienne, même si elle
partage son temps entre la butte Montmartre, Perpignan et Nice, où elle s'occupe d'une tante
âgée. Le regard franc de cette artiste discrète ne trompe pas. Elle ne se lamente pas, et si elle n'a
plus de maison de disques, elle a recours à la souscription de près de 800 internautes. Ce qu'elle
aime, c'est chanter et témoigner du monde comme il va. "C'est mon seul engagement, et si j'ai
encore la santé pour le faire, mes dernières forces serviront à cela."
Passant par l'humour et la nostalgie, elle se souvient de ses années dans La maison de papier* de
Françoise Mallet-Joris." Le 7 de la rue Jacob à Saint-Germain-des-Prés dans les années 70 était
la maison du bonheur. "Dans chaque pièce, il y avait un artiste, un peintre, un photographe ou un
sculpteur, se souvient-elle. C'était comme le compagnonnage au Moyen Âge. On ne savait jamais
si on allait être 8 ou 15 à table. Avec un autre écrivain, Michel Grisolia, on formait un trio infernal.
Du matin au soir on ne faisait qu'écrire des chansons." Si ce temps est révolu, la passion demeure
intacte et Marie-Paule Belle reprend la route et ses chansons. Elle redeviendra parisienne sur
scène très vite, et il ne faudra pas la manquer.
* disponible au Livre de Poche

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