Des mensonges de Bush et des vérités simples

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Des mensonges de Bush et des vérités simples
Le 26 octobre 2002,de nombreuses manifestations pacifistes eurent lieu aux ÉtatsUnis et en Angleterre. A Washington, 100.000 personnes participèrent à une marche
sur le Pentagone.
Voici la traduction du discours que prononça, à cette occasion, à l'étape du Capitole,
Robert Jensen, professeur associé de journalisme à l'Université du Texas, à Austin.
Robert Jensen est membre du Collectif «No War», avec Noam Chomsky.
On peut le joindre par courriel : [email protected], ou consulter ses travaux
dans le site de l’Université du Texas :
http://uts.cc.utexas.edu/~rjensen/freelance/freelance.htm
Des mensonges de Bush et des vérités simples
Il y a quelques semaines, Jim McDermott, un courageux membre du Congrès de
l'état de Washington, faisait un voyage à Bagdad, dans la poursuite de la paix, et fut
durement critiqué, particulièrement pour son commentaire dans lequel il a dit que
George Bush «pourrait bien être en train de tromper» le peuple Américain en
construisant son argumentaire pour envahir l'Irak.
McDermott n’a fait qu'une seule erreur : en utilisant le conditionnel "might" (pourrait).
Georges Bush a trompé le peuple américain et il est en train de tromper le peuple
américain, et nous pouvons assurer qu'il continuera à tromper ce peuple. De fait,
l'administration Bush toute entière s'est occupée à tromper le peuple, parfois par une
fausse orientation, parfois en éludant les faits, et parfois directement, par de purs et
simples mensonges.
Souvenez-vous lorsque Donald Rumsfeld a raconté devant un comité du Congrès
que l'Irak avait fichu dehors les inspecteurs d'armement des Nations-Unies, en 1998.
C'EST UN MENSONGE ! C'est le chef du groupe d'inspection qui a poussé les
inspecteurs hors d'Irak, après avoir été informé que l'administration Clinton allait
procéder à l'«Operation Desert Fox», ce bombardement illégal de l'Irak.
Des faits passés sous silence? Bon, rappelez-vous la déclaration de Rumsfeld
soutenant que les USA avaient une «preuve évidente, à l'épreuve des balles»
concernant une connexion entre l'Iraq et Al Qaeda! Pour une évidence à l'épreuve
des balles, il y avait certainement bon nombre de trous, y compris un rapport en
provenance du Président Tchèque, M. Vaclav Havel, selon lequel il n'y en avait pas
d'évidence sinon tout au plus une rencontre, très ancienne,entre un des pirates du
09/11/02 et un officier des Renseignements irakiens, à Prague.
Il y a des mensonges qui n'en sont pas, évidemment, qui ne sont que des
«interprétations alternatives». Prenez les prétendues zones d’exclusion aérienne
(«no-fly zones») dans le Nord et le Sud de l'Irak, où patrouillent dans les airs les
avions US et UK, qui bombardent des objectifs irakiens comme ils le veulent. Les
USA clament que ces zones sont autorisées par des résolutions du Conseil de
Sécurité des Nations-Unies. Que le reste du monde soit en désaccord
(avec ces comportements) et les considère comme une violation de la souveraineté
de l'Irak importe peu aux USA. Le Pouvoir vous signifie que l'explication «alternative»
ne peut être mise au défi.
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Une fausse orientation est commode, utile même. Prenez l'assertion de Bush selon
laquelle (si) l'Irak pouvait «produire, acheter ou voler une quantité d'uranium
hautement enrichi, un peu plus grande qu'un ballon de softball, il pourrait produire
une arme nucléaire en moins d'une Année». Oui, c'est assurément vrai, mais cette
assertion est équivalente à dire : «Si l'Irak avait une arme nucléaire, il aurait une
arme nucléaire». Créer les autres composantes d'une bombe nucléaire serait
relativement aisé; mais la question est (l'obtention de ce) matériau.
La question n'est pas de savoir si Saddam Hussein est un bon type ou non ; dans
son cas, il n'y a de doute pour personne, ce n'est pas un bon type. LA QUESTION
EST DE SAVOIR s'il constitue une menace réelle. Étant donné qu'aucun de ses
voisins ne se sent menacé, (que ceux-ci) restent catégoriquement opposés à la
guerre, que l'Irak est beaucoup plus faible qu'en 1991, et que la planète pense que
recommencer les inspections et la diplomatie constituent la juste voie, il reste à
l'administration Bush seulement un petit nombre de choix pour discuter avec les
autres nations (principalement des menaces et de la corruption, ce qu'un journaliste
anglais a nommé «le cassage de rotules diplomatique») et UN SEUL CHOIX POUR
DISCUTER AVEC LE PEUPLE AMÉRICAIN. Ils savent que la seule manière
d'atteindre le peuple américain est de nous effrayer avec des scénarios
cauchemardesques, peu importe qu'ils soient peu probables.
Bien, sur ce point-ci, je suis actuellement d'accord. Je suis effrayé, mais pas pour les
raisons pour lesquelles Bush nous bouscule. Le terrorisme international est un grave
problème qui requiert une attention sérieuse, et il a bien des raisons pour être inquiet
quant à de futures attaques aux États-Unis. Et si les USA s'en vont en guerre contre
l'Irak, la vraisemblance de telles attaques augmentera de façon spectaculaire. Là se
situe la vraie raison d'avoir peur.
Mais au-delà de cela, j'ai peur d'autres menaces. Je suis effrayé par un pays qui
favorise l'avidité de quelques-uns aux dépens des besoins du plus grand nombre :
les États-Unis.
J'ai peur d'un Moyen-Orient inondé par les armes vendues par le premier fournisseur
d'armes au monde, les États-Unis.
Et je suis effrayé —je suis terrifié— par un monde dominé par un empire qui a acquis
une telle capacité de destruction, et qui a démontré sa volonté de s'en servir. Je
crains l'empire dans lequel je vis, cet empire dont je suis un citoyen. J'ai peur des
hommes qui siègent à Washington —des Rumsfeld, des Cheney, des Wolfowitz, et
de George W. Bush— qui planifient les existences et les morts des gens, partout, de
par la planète.
Mais j'espère ne pas avoir peur de résister à cette folie. J'espère ne pas avoir peur
de m'exprimer. C'est toujours plus facile si la voix de l'un n'est pas la seule voix.
Ainsi, aujourd'hui, j'ai l'espoir que nous pourrons tous trouver nos voix et que nous
parviendrons ensemble à parler d'une seule voix.
Une voix qui dise NON à une guerre illégale et immorale, et dise OUI à la loi
internationale et à la diplomatie...
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Une voix qui dise NON à un système économique qui enrichit une minorité aux
dépens de la majorité, et dise OUI à une économie qui place le nécessaire au
dessus de la rapacité.
Et, le plus important, une voix qui dise NON à l'Amérique Impériale, et OUI à une
Amérique vraiment démocratique, qui deviendra une partie du monde, et non la
maîtresse du monde...
Nous devons non seulement dire OUI à la vision d'un vrai nouvel ordre mondial, basé
sur la justice, mais nous devons nous engager dans une lutte indispensable pour
rendre réel ce monde. Nous devons avoir la volonté de risquer nos propres conforts
et privilèges, d'être malpolis si nécessaire, d'agiter, de causer des troubles.
En 1857, le grand Frederick Douglass 1 a dit clairement que :
«S'il n'y a pas de lutte, il n'y a pas de progrès. Ceux qui professent qu'il faut favoriser
la liberté, tout en désapprouvant l'agitation (politique), sont des hommes qui veulent
des récoltes sans avoir labouré, qui désirent qu'il pleuve sans tonnerre et éclairs, qui
veulent un océan sans l'affreux rugissement d'une eau abondante. Cette lutte peut
être uniquement morale, ou encore physique, ou elle peut être à la fois physique et
morale, mais elle doit être une lutte. Le Pouvoir ne donne rien sans une demande. Il
ne le fera jamais et ne le voudra jamais».
Ne soyons pas irréalistes à propos de cette lutte. Nous avons à (nous) demander qui
est de notre côté dans cette lutte. Les médias sont-ils de notre côté? Non ! Les
grandes sociétés sont-elles avec nous? Non ! Les politiciens sont-ils à nos côtés?
Non !
Où notre bord se situe-t-il? Prenez une minute et regardez la personne qui est à côté
de vous. Voilà ce que nous avons. Nous n'avons pas la puissance de l'argent, nous
avons celle du peuple. Beaucoup de voix en une, ne démentant pas nos différences,
mais s'unissant dans notre force, la force des gens de conscience qui ne veulent pas
abandonner le combat.
Par cette vois, nous pouvons confronter Cheney, Rumsfeld, Wolfowitz et George
W. Bush, avec nos demandes.
Nous avons tous de nombreuses demandes pour la justice, et au fil du
temps nous ferons pression sur eux-tous. Mais aujourd'hui, nous venons tous
ensemble pour dire, d'une seule voix, qu'à ce moment crucial de l'histoire de notre
nation, de celle du
monde, les meilleures traditions de l'humanité — les traditions politiques, morales et
spirituelles qui nous ont conduits ici, aujourd'hui—, que ces traditions nous
demandent de dire, d'une seule voix forte, déterminée, fière et résolue :
Non à la GUERRE !
1
Un des principaux leaders de la lutte anti-esclavagiste, avant la Guerre de Sécession. (Note du
traducteur). Voir : http://perso.club-internet.fr/nord_sud/fdouglas.html .