La mélancolie par Lucas Cranach

La mélancolie par Lucas Cranach
Le Cardiologue
-- Le cardiologue - Vie sociale - Le coup de coeur du cardiologue - En 2011 --
En 2011
La mélancolie par
Lucas Cranach
Par Christian Ziccarelli - Le
Cardiologue n° 343 (Juin
2011)
Equipe éditoriale
Publié le vendredi 18 novembre 2011
Résumé :
Modifié le vendredi 6 janvier 2012
Des quatre tableaux de Lucas Cranach sur ce thème, c'est celui du musée d'Unterlinden
à Colmar
retiendra
notre attention.
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le dimanche
8 janvier
2012
Le Cardiologue
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La mélancolie par Lucas Cranach
Des quatre tableaux de Lucas Cranach sur ce thème, c'est celui du musée d'Unterlinden à
Colmar qui retiendra notre attention.
Un peintre de la Renaissance allemande
Lucas Cranach l'Ancien, de son vrai nom Lukas Maler, est né à Kronach en Rhénanie, ville dont il
adopte le nom. Entre 1501 et 1504, il voyage dans la vallée du Danube jusqu'à Vienne, où il
fréquente alors les milieux humanistes. Il s'établit à Wittenberg en 1505 et accède à la prestigieuse
fonction de peintre à la cour du prince électeur de Saxe, Frédéric le Sage. Peintre prolifique aux
talents multiples (décoration de châteaux, dessins de vêtements de cour, de médailles, etc.), il fonde
un atelier et s'entoure, dès les débuts des années 1530, de ses fils, dont le plus célèbre, un
remarquable dessinateur, Lucas Cranach le Jeune. Son protecteur ayant été capturé après la
bataille de Muhlberg, Cranach l'accompagne dans sa captivité de 1550 à 1552 à Augsbourg, avant
de revenir à Weimar, nouvelle résidence électorale, pour y mourir l'année suivante à l'âge de 83 ans.
Une oeuvre foisonnante de diversité, des portraits d'un grand réalisme, des scènes religieuses,
bibliques et mythologiques où le nu féminin et masculin est omniprésent. Influencé par Durer son
contemporain, il est le témoin de la Renaissance des arts et des lettres dans cette Allemagne
influencée par la réforme protestante de Martin Luther.
Mélancolie du verbe mélancholân (cholân : avoir de la bile)
« On voit naître la théorie de la mélancolie au moment où les philosophes et les médecins s'avisent
d'expliquer la peur, la tristesse, les désordres de l'esprit, par une cause naturelle qui puissent évincer
toute interprétation mythique. Les hommes sont en proie à une substance qui s'accumule en excès
dans leur corps... c'est la "bile noire" dont parlent les premiers physiologistes » [1], l'une des quatre
humeurs qui chacune détermine notre tempérament (sang, flegme, bile jaune).
Le mot « mélancolie » apparaît dans un texte d'Aristophane en 414 avant notre ère et vers la même
époque dans certains traités médicaux regroupés sous le nom de Collection Hippocratique. Aristote
et ses disciples, sur l'étude des « caractères » (dans les Ethiques) définissent le caractère
mélancolique. Au Moyen-Age, l'acedia (conjonction d'apathie et de mélancolie : le mal de l'âme)
atteint les ermites isolés, les communautés monastiques, puis le monde laïc, ce qu'attestent à leur
manière les artistes et les poètes. A la Renaissance elle devient affliction de l'esprit, un vague à
l'âme assombrissant la pensée et le visage, mais aussi une entité physique la « bile noire » nocive
secrétée par la rate...
La Mélancolie de Colmar, une oeuvre ésotérique
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La mélancolie par Lucas Cranach
Peinte à l'huile sur un panneau de bois (76,5 x 56 cm), la Mélancolie de Colmar est une dame ailée,
vêtue d'une élégante robe, d'un rouge intense rehaussée par l'or du corsage et le liseré noir du
décolleté. Elle ébauche un sourire ironique. Ses yeux taillés en amande nous regardent d'un air
malicieux. Le plissé de sa robe laisse apparaître un ventre rond, habituel sur les représentations
féminines de Lucas Cranach. La tête ceinte d'une couronne d'épines, elle taille une verge enfi lée
sous son aisselle. Un lévrier est couché à ses pieds. Elle est chaussée de blanches sandalettes.
Cette représentation d'un ange faussement pudique à la grâce perverse est pour le moins
énigmatique : une allusion à une prostituée ?
Continuons notre analyse. Selon la tradition chrétienne, la pomme dans le plateau sur la table et les
perdrix symbolisent la tentation et la perdition de l'homme. Le sombre nuage de l'arrière-plan évoque
un espace démoniaque. Un seigneur en tenue de parade, entouré de femmes nues, chevauche un
taureau, une caricature du mâle impétueux et de la luxure. L'ours émane des cavernes, il est une
expression de l'obscurité, de l'invisible lié à l'interdit comme le serpent est une image du mal, du
diable, de Satan.
Trois putti regardent une scène où un bambin oscille sur une immense balançoire, une métaphore
probable des quatre humeurs. Pour Avicenne l'humeur noire pourrait avoir pour origine le sang.
Philip Melanchthon, ami de notre peintre, en a parfaitement décrit le processus. Alors, comment ne
pas voir dans « le bambin qui se balance et que sa corde va entraîner de la dame rouge vers la nuée
noire, une adustion, transformant la bile rouge en humeur noire » » [2] ?
L'orientation de son pied gauche est suspecte, elle semble boiteuse, un attribut des diaboliques. Il
n'y a plus de doute : c'est une femme perverse pernicieuse. La lecture médicale de l'époque
décrivant l'amour (amor) comme une grave maladie prévoit un autre type d'adustion cette fois
métaphorique : le feu qui plonge les hommes dans le délire mélancolique peut être le feu de l'amour.
N'est ce pas cela que Lucas Cranach a voulu représenter !
Bibliographie
[1] Mélancolie, génie et folie en Occident. Catalogue de l'exposition organisée par la réunion des Musées Nationaux. RMN,
édition Gallimard 2005.
[2] Cranach et son temps au Musée du Luxembourg. Beaux Arts éditions 2011-05-08
[3] Cranach l'Ancien au musée du Luxembourg. L'objet d'art hors-série n°54 Février 2011.
[1] Extrait du texte publié dans la Nouvelle Revue Française n°123, 1er mars 1963 p410-423)
[2] Extrait du texte publié dans la Nouvelle Revue Française n°123, 1er mars 1963 p410-423)
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