La Dispute de Marivaux

Transcription

La Dispute de Marivaux
Projet itinérant Ensatt - Avril 2014
La Dispute de Marivaux - Mise en scène de Richard Brunel
La Dispute de Marivaux,
« Qui, de l’homme ou de la femme, fut le premier inconstant en amour ? ». Question
troublante. Elle fut, d’après Marivaux, le sujet d’une dispute qui éclata à la cour d’un Prince.
Et comme le débat était sans issue, le monarque fomenta un plan mystérieux : il enleva
quatre enfants et les fit élever isolément dans un lieu tenu secret. Dix-huit ans plus tard, la
dispute renaît à la cour du nouveau Prince et de sa fiancée Hermiane. Mais cette fois, une
réponse est possible : il suffit d’observer les prisonniers devenus adolescents, de les mettre
en présence comme des cobayes, de voir ce qui se produit. Le théâtre de la preuve peut
commencer.
La Dispute, pièce tardive de Marivaux, est un petit bijou théâtral, une redoutable mécanique
dans laquelle l’auteur entrelace habilement ses thèmes de prédilection : naissance de
l’amour, épreuve, liens entre connaissance et langage. Richard Brunel y reconnaît ses
obsessions : la monstruosité et l’innocence ; la pression sociale écrasant l’individu, la
vitalité de la jeunesse. Sous sa direction, les comédiens et les créateurs techniques de la
73ème promotion de l’ENSATT invitent le spectateur à une véritable aventure théâtrale : il
plongera dans les méandres de la dispute avec les membres de la Cour. Il suivra Hermiane et
le Prince et observera, comme eux, cette expérience étrange dont nul ne ressort indemne.
Nous allons en effet traverser deux disputes. Celle que nous allons construire grâce aux
Journaux dans lesquels Marivaux interroge inlassablement, en observateur de son temps, la
question de l’inconstance. Celle de la pièce, sous-terraine et simplement évoquée, qui sert
de justification à l’inconstance. Deux disputes, deux langues, deux univers, deux
temporalités, deux façons de convoquer le public, deux endroits de jeu. Pour qu’au bout du
compte, le spectateur, revenu chez lui, poursuive la dispute avec ses propres mots, ses
propres références.
Á une époque où des Natascha Kampusch se font enlever dès l’enfance pour satisfaire des
perversités, à une époque où la téléréalité impose à la sensibilité des spectateurs des
expériences plus ou moins scénarisées, La Dispute de Marivaux revêt de nouvelles couleurs,
une nouvelle urgence. Certes, depuis Jean Vilar, depuis Patrice Chéreau, il est d’usage de voir
dans le théâtre de cet auteur des accents sadiens ou pasoliniens. Mais n’est-on pas
aujourd’hui dans une cruauté qui se dénie, dans une autre forme de noirceur, en quelque
sorte banalisée : celle du voyeurisme et de son autre versant l’exhibitionnisme, celle du
cynisme ou de l’indifférence à la douleur d’autrui, celle de l’éphémère et de l’instant dans les
relations ?
Les jeunes comédiens devront se faire équilibristes. Ils retrouveront le présent absolu du
moment où les mots et les émotions s’inventent. Ils feront entendre la jubilation du jeu
quand ce dernier s’incarne sans être pensé. Ils feront résonner les méandres de la pensée de
Marivaux moraliste comme le lapidaire de la réplique théâtrale quand elle est aux limites de
la brièveté et de la densité. Ils seront jeunes gens d’aujourd’hui et fantômes du passé.
Catherine Ailloud-Nicolas
Conférence : La Dispute, synthèse du théâtre marivaudien ou laboratoire dramaturgique ?
Catherine Ailloud-Nicolas
Pièce de la dernière partie de la vie de Marivaux, La Dispute peut être envisagée selon deux
modalités. Elle est une sorte de synthèse des thématiques et des problématiques
marivaudiennes : surprise de l’amour, double inconstance, épreuve. Elle renoue aussi avec
des structures théâtrales comme la pièce cadre et la pièce interne. Elle met en valeur la
distinction entre les personnages qui ont le pouvoir de la parole et ceux qui révèlent et
libèrent, à chaque mot, une partie de leur inconscient.
En même temps, du fait de son extrême brièveté, de l’absence d’un cadre social sécurisant
pour entraver ou contrôler les désordres affectifs, du fait de l’importance du hors-scène et
du mystère de la fin, la pièce est aussi un laboratoire dramaturgique qui a évidemment
passionné les metteurs en scène.
Cette conférence montrera comment ils ont, en particulier, envisagé la question du début et
de la fin de la pièce comme des endroits particuliers pour affirmer leur geste dramaturgique.

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