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9 NOVEMBRE 2015 La Lettre Union Française des Industries des Cartons, Papiers et Celluloses COP21 : quels enjeux pour l’industrie papetière française ? La COP21, ou 21e Conférence des Parties prenantes à la Convention Climat des Nations Unies, a pour objectif de définir le contenu d’un accord international visant à limiter le réchauffement anthropique de 2°C par rapport à la période préindustrielle (1750). Un tel accord, qui vise à succéder à partir de 2020 à celui qui avait été conclu en 1992 à Kyoto (Protocole de Kyoto), est complexe à établir. En effet, la responsabilité passée et actuelle en matière d’émission de gaz à effet de serre (GES) varie selon les Etats, tout comme leur niveau de développement, leur capacité à effectuer une transition vers une économie à bas niveau de carbone ou encore leur vulnérabilité aux conséquences du changement climatique. La question des transferts financiers entre Etats, enfin, constitue l’une des difficultés majeures qui se pose aux négociateurs. En raison de l’importance de cette réunion internationale, il nous est apparu utile de publier un numéro spécial de la Lettre de COPACEL, non pas pour rappeler les grands enjeux de la COP, mais plus modestement pour préciser les trois raisons qui conduisent l’industrie papetière française à être attentive à ce processus. En premier lieu, la question de la lutte contre le changement climatique nécessite l’implication de tous, et les entreprises papetières ne font pas exception à la règle. La première partie de ce bulletin présentera ainsi les émissions de GES actuelles et passées du secteur papetier, ainsi que les moyens qui ont été mis en œuvre pour réduire « l’intensité carbone » de la fabrication des pâtes, papiers et cartons. En second lieu, les décisions qui seront prises durant la COP21 entraîneront, comme cela avait été le cas après l’adoption du Protocole de Kyoto, des conséquences sur le cadre juridique dans lequel opèrent les entreprises. Ainsi, le système européen d’échange de quotas d’émission de GES, la fiscalité de l’énergie ou encore les dispositifs d’aide au développement des énergies renouvelables sont, dans une large mesure, les fruits de la « politique climat » de l’Union européenne et de la France. Les outils de la politique climatique ayant un retentissement direct sur les entreprises papetières seront ainsi présentés dans une deuxième partie. Enfin, au-delà même de la transformation de ce cadre, se pose plus fondamentalement la question du contenu même de l’accord qui sera conclu lors de la COP21, et de son impact sur la compétitivité des entreprises industrielles (troisième partie). • Numéro spécial Quelques précisions méthodologiques et sources Dans cette lettre d’information, nous limitons le champ de l’analyse à l’industrie papetière française. A l’échelle européenne, le bilan et les perspectives de réduction des émissions sont précisés par les publications de la Confédération Européenne de l’industrie papetière (CEPI), telles que la « Roadmap 2050 » (www.unfoldthefuture.eu/uploads/ CEPI-2050-Roadmap-to-a-low-carbon-bioeconomy.pdf). Le terme de « gaz à effet de serre » (GES) désigne les sept molécules prises en compte dans le cadre des conventions internationales relatives au climat (CO 2, CH 4, N 2O, HFC, PFC, SF 6 et NF 3). Le gaz dont l’effet est prépondérant étant le dioxyde de carbone (CO2), c’est principalement celui-ci qui est analysé dans cette lettre. Les valeurs numériques correspondant aux émissions de CO2 prennent en compte la combustion des combustibles fossiles, mais pas le dioxyde de carbone provenant de la valorisation énergétique de la biomasse (voir encadré page 2). Une information technique complète sur le changement climatique est disponible sur le site du CITEPA (www.citepa.org), association dont est membre COPACEL. Des études économiques et analyses stratégiques sont pour leur part disponible sur le site de l’Institut pour l’Economie du Climat (www.i4ce.org). • La Lettre 02-BAT-DEF-LaLettreDeCopacel-N9.indd 1 1 03/11/15 22:49 2 La Lettre L’industrie papetière a sensiblement réduit ses émissions de gaz à effet de serre ●● Les émissions de GES de l’industrie papetière ont reculé de 40 % entre 1990 et 2013 La production de pâtes, papiers et cartons en France a conduit en 2014 à l’émission de 2,3 millions de tonnes de CO2. A titre de comparaison, et en prenant les valeurs de 2013, les émissions de l’industrie papetière représentent 0,4 % des émissions nationales de CO2. Depuis plusieurs années, l’industrie p a p e t i è re s ’ e s t i n s c r i t e d a n s u n e dynamique de réduction des émissions de CO2 (voir Fig. 1). En effet, entre 1990 (année de référence du Protocole de Kyoto) et 2014, les émissions de ce gaz ont diminué de 40 % alors que la production de papier et de pâte marchande augmentait de 13 %. Sur la période 1990-2013, ce recul des émissions est voisin de celui de l’industrie manufacturière (- 35 %) et sensiblement plus important que la diminution des émissions françaises (- 13,4 %). Alors que les entreprises industrielles ont des émissions en réduction très sensible, le secteur résidentiel et celui du transport (voir Fig. 2) ont vu leurs rejets augmenter, de + 10 % et + 11 % respectivement. • 120 100 80 60 40 1990 20 production (papier + pâte marchande) 2014 émissions de CO2 0 Figure 1 : évolution des émissions de CO2 et de la production papetière entre 1990 et 2014 (base 100 en 1990) Transformation énergie Industrie manufacturière Résidentiel Tertiaire Agriculture Sylviculture Transport routier Autres transports - 24 Mt - 58 Mt + 9 Mt - 6 Mt + 12 Mt - 0,2 Mt - 31 % - 35 % + 10 % -6% + 11 % -2% Figure 2 : évolution 1990-2013 des émissions de GES en France par secteur Source : CITEPA / SECTEN 2014 ●● Le changement du mix énergétique et l’amélioration de l’efficacité énergétique sont les principales raisons expliquant le recul fort des émissions de GES Cette bonne performance de l’industrie papetière est en premier lieu le résultat d’une évolution de son mix énergétique. Depuis 1990 (voir Fig. 3), le charbon a disparu des sites industriels papetiers, e t l e f i o u l l o u rd a v u s a p a r t t rè s fortement décroître au profit du gaz naturel et de la biomasse. En 2014, la biomasse (liqueur noire, écorces, boues papetières…) a représenté plus de 50 % de l’approvisionnement en chaleur, ce qui permet la production d’une importante quantité d’énergie sans impact sur le changement climatique. Pourquoi la combustion de la biomasse est-elle sans impact sur le changement climatique ? La combustion de gaz, de charbon ou de dérivés pétroliers entraîne à une augmentation du stock net de carbone dans l’atmosphère (ce carbone était, avant sa combustion, séquestré dans les formations géologiques du sol depuis des millions d’années). A la différence de ce processus, la combustion de la biomasse conduit à rejeter dans l’atmosphère du carbone qui s’y trouvait déjà, et qui a transitoirement (pendant quelques dizaines d’années par exemple pour un arbre) été capté par les végétaux photosynthétiques. Cette « neutralité carbone » nécessite évidemment que les prélévements de biomasse soient inférieurs à la croissance de la forêt, ce qui est le cas en Europe. • Figure 3 : évolution du mix énergétique de l’industrie papetière entre 1990 et 2014 Charbon 1990 Fioul Gaz naturel Electricité thermique Biomasse 02-BAT-DEF-LaLettreDeCopacel-N9.indd 2 2014 La réduction des émissions de GES est également le résultat d’une démarche continue d’amélioration de l’efficacité énergétique. Cette démarche consiste au remplacement d’équipements anciens par des matériels plus performants, en optimisant la conduite des procédés industriels ou encore en mettant en place des sy stèmes de management de l’énergie. • 03/11/15 22:49 Numéro spécial L’industrie papetière est concernée par de nombreux dispositifs visant à une réduction des GES ●● L’industrie papetière est massivement impactée par le système européen d’échange de quotas de CO2 Depuis 2005, l’UE s’est engagée dans la lutte contre le changement climatique en introduisant le Système communautaire d’Echange de Quotas d’Emission (EU ETS pour Emission Trading Scheme en anglais). Pierre angulaire de la politique environnementale européenne, ce dispositif couvre plus de 11 000 installations industrielles et de production d’électricité. Avec ce système, qui vise une régulation des émissions par le marché (à la différence, par exemple, d’autres outils comme la fiscalité), une installation doit restituer chaque année un volume de quotas égal à ses émissions de CO2 de l’année précédente. La régulation est effectuée par des règles communautaires fixant les modalités d’allocation et du volume des quotas mis sur le marché. La crise économique survenue en 2008 et la réduction progressive du tissu industriel européen ont conduit à un recul de la demande de quotas et donc à un repli du cours (qui est passé de 20€/t en 2007 à 6€/t en 2014). Afin d’inciter les installations industrielles à investir dans des technologies bas-carbone, la Commission européenne a mis en place, en 2014, une Réserve de Stabilité de Marché (ou MSR pour Market Stability Reserve en anglais), ceci afin de prélever des quotas du marché lorsque la quantité disponible dépasse une certaine limite et ainsi soutenir les prix. L’industrie papetière française est très fortement impactée par l’échange de quotas, qui concerne 84 des 88 sites français. La modification des modalités du système ETS, prévue pour 2020 mais discutée dès 2016, est un enjeu de compétitivité important pour l’industrie papetière. • ●● La fiscalité de l’énergie est également un levier important La politique climatique européenne est complétée par des dispositifs nationaux visant à lutter contre les émissions de GES. La loi sur la transition énergétique pour la croissance verte, promulguée le 17 août 2015, fixe ainsi les objectifs du nouveau modèle énergétique français. Le but est ainsi, pour la France, de réduire ses émissions de GES de 40 % entre 1990 et 2030 et de diminuer sa consommation énergétique finale de 50 % en 2050 par rapport à la référence 2012. Un des leviers des pouvoirs publics pour y parvenir est d’augmenter la fiscalité sur l’énergie, c’est-à-dire de relever les taxes intérieures pesant sur la consommation de produits énergétiques (gaz naturel, pétrole et charbon). Dans la pratique, depuis 2014, ces taxes incluent une « contribution climat énergie », également appelée « taxe carbone », dont le montant s’élève en 2015 à 16 Euros/t de CO 2. Le premier article de la loi sur la transition énergétique pour la croissance verte dispose ainsi que le gouvernement doit se fixer pour objectif de faire payer les émissions de GES, au travers de cette taxe, à hauteur de 100 €/t en 2030. Signalons que, fort logiquement, les installations concernées par le système ETS ne sont pas assujetties à la taxe carbone sur leurs achats de combustibles fossiles. Quelques entreprises papetières, celles de plus petite taille, sont cependant directement concernées par ces évolutions de la fiscalité, de sorte que l’objectif de COPACEL sera de veiller à ce que le coût du carbone soit pour elles semblable à celui qu’acquitteront les papeteries soumises au système ETS. • L’industrie papetière est inquiète de certaines des orientations prises par les « politiques climat » ●● Les « politiques climat » devraient afficher des objectifs liés à la consommation des biens et services Les objectifs des politiques de lutte contre le changement climatique portent sur les émissions d’un territoire donné (France, UE). Cette approche a le mérite de la simplicité (l’inventaire des émissions des différentes sources de GES est bien maitrisé) et permet une action des pouvoirs 02-BAT-DEF-LaLettreDeCopacel-N9.indd 3 publics sur ces mêmes sources. Pourtant, l’impact d’un territoire sur le changement climatique est surtout lié aux émissions induites par sa consommation de biens et services plutôt qu’aux émissions qui peuvent être comptabilisées sur son sol. Ainsi, la fermeture d’une usine sur le sol français contribue à ce que la France atteigne ses objectifs de réduction d’émission, mais ne réduit pas pour autant l’impact associé à sa consommation. En effet, dans ce cas de figure, les biens non produits en France mais nécessaires à la vie des citoyens seront fabriqués ailleurs puis importés. Au total, la délocalisation de la production peut même s’accompagner d’émissions plus importantes, dès lors que (et même sans prendre en compte l’impact du transport international) le pays de production a une plus forte « intensité carbone » que la France. • 03/11/15 22:49 4 La Lettre ●● Des engagements analogues doivent être pris par toutes les Parties avec lesquelles les entreprises sont en concurrence Actuellement, selon les termes du Protocole de Kyoto, seule une partie des Etats, représentant 15 % des émissions mondiales de GES, s’est engagée à réduire ses émissions. L’enjeu de la COP21 est donc d’obtenir un engagement des parties représentant les 85 % restant. Le succès de la démarche implique l’adhésion de deux Etats, les Etats-Unis et la Chine, qui représentent, à eux seuls, 35% des émissions mondiales de GES. Par comparaison, l’Union européenne ne contribue qu’à 11 % des émissions mondiales et la France à moins de 1 %. Le coût de l’émission d’une tonne de CO2 varie de manière très forte selon les pays. Alors que certains ont mis en place des systèmes de régulation par le marché ou une fiscalité élevée sur les sources de GES, d’autres encouragent le développement de la consommation et de la production de combustibles fossiles (gaz de schistes aux Etats-Unis, schistes bitumineux au Canada…). Dans un monde globalisé, où les produits manufacturés sont transportés à coût modique d’un endroit à l’autre de la planète, ces différences marquées du coût du CO2 agissent fortement sur la compétitivité des entreprises. A cet effet direct de la contrainte carbone sur les industries manufacturières s’ajoute un impact macro-économique. Faut-il rappeler que la reprise économique ténue dont bénéficie l’UE depuis le début 2015 est notamment la conséquence d’un recul très sensible des cours du pétrole (et du gaz dans une moindre mesure) ? En d’autres termes, un renforcement unilatéral de la contrainte climatique au sein de l’UE serait inefficace en termes de lutte contre le changement climatique, négatif sur le plan macro-économique et destructeur sur le plan industriel. Certains envisagent la mise en place d’une « taxe carbone aux frontières », qui permettrait un rééquilibrage entre les différents pays (du papier importé de Chine serait ainsi assujetti à une taxe équivalente au « coût carbone » supporté par un fabricant européen). Un tel dispositif est cependant pour l’heure illusoire, tant sur le plan pratique (comment le calculer ? ) qu’au regard des règles du commerce international. Pas plus que de vagues promesses de tel ou tel, la perspective d’un hypothétique « mécanisme d’ajustement aux frontières » ne devrait conduire l’UE à s’engager de manière unilatérale sur la voie de mesures accentuant des distorsions de concurrence entre les pays. • ●● Favoriser l’émergence d’une bioéconomie ●● De nouvelles technologies sont nécessaires pour substantiellement décarboner les économies modernes La production de biens manufacturés à partir de ressources renouvelables végétales est tout à la fois une composante de la bioéconomie et un moyen de réduire la dépendance au carbone fossile. L’industrie papetière, en transformant une ressource végétale en une multitude de produits manufacturés répondant à des usages divers (graphique, emballage, hygiène…) et en recyclant très largement ces mêmes produits, s’inscrit pleinement dans ce mouvement de montée en puissance de la bioéconomie. Par son utilisation d’une ressource végétale, le bois, elle contribue en outre à la dynamisation du puits de carbone qu’est la forêt. • Dans sa feuille de route 2050, publiée en 2011, la confédération européenne de l’industrie papetière (CEPI) s’était donnée comme ambition, d’ici à 2050, de simultanément réduire de 50 % les émissions de GES de l’industrie papetière et d’accroitre de 50 % la valeur ajoutée produite. Le prérequis pour que cette ambition se matérialise était l’émergence de nouvelles technologies de rupture, à basse intensité en carbone fossile. Cette nécessité est plus que jamais d’actualité, car seules des innovations de rupture, et donc des efforts massifs de soutien à la recherche industrielle, permettront demain à un nombre croissant d’êtres humains de réduire leur impact carbone. • ●● Les objectifs de réduction des émissions devraient être couplés à ceux relatifs à la croissance économique Les objectifs que fixent les politiques publiques, que ce soit en matière de lutte contre le changement climatique, ou dans le domaine de l’énergie, sont indépendants des perspectives de croissance. Mais quel est le sens de vouloir réduire (art. 1 de la loi sur la transition énergétique) la consommation d’énergie finale de 50 % en 2050 (par rapport à 2012) s’il n’est fait aucune hypothèse sur la croissance économique souhaitée (ou prévue) durant les 38 ans qui nous séparent de cette date ? Sur cette période, une croissance du PIB de 1 % en moyenne annuelle conduit à multiplier le PIB de 2012 par moins de 1,5, alors qu’il est plus que doublé si le taux de croissance est … de 2 % ! Il n’est nul besoin d’être expert pour comprendre que l’objectif de 50 % de réduction est beaucoup plus difficile à atteindre dans le second cas que dans le premier. • The Forest Fibre Industry 2050 Roadmap to a low-carbon bio-economy Pour en savoir a http://www.unfoldthefuture.eu/uploads/ CEPI-2050-Roadmap-to-a-lowcarbon-bio-economy.pdf 23, rue d’Aumale - 75009 PARIS Tél. : 01 53 89 24 00 - Fax : 01 53 89 24 01 E-mail : [email protected] Site Internet : www.copacel.fr Directeur de la Publication : Paul-Antoine LACOUR Rédaction : Anaïs ROBERT 02-BAT-DEF-LaLettreDeCopacel-N9.indd 4 03/11/15 22:49