05 Brunelle - HEC Montréal

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05 Brunelle - HEC Montréal
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Entreprises virtuelles ou
virtualité dans les entreprises?
Un modèle d’analyse
brons trois perspectives différentes qui
semblent émerger des écrits publiés
par les chercheurs et les praticiens afin
de décrire ce type d’organisation, soit
la perspective commerciale, la perspective interne et la perspective stratégique (Dubé et Paré, 1999).
Premièrement, la perspective commerciale décrit l’entreprise virtuelle
dans sa relation avec ses clients et
ses fournisseurs. Il s’agit de ce que
plusieurs appellent la cyberentreprise.
Ce sont en quelque sorte des entreprises où les consommateurs (particuliers ou organisationnels) peuvent
entrer en communication avec elles à
travers l’utilisation de TIC (par exemple un site Web transactionnel ou un
centre d’appels). Les exemples typiques
d’entreprises virtuelles selon la perspective commerciale sont les compagnies Amazon.com, qui était à l’origine
une librairie propre à Internet et qui
y vend une multitude de produits
aujourd’hui, et Dell Computer, le leader
mondial des fabricants d’ordinateurs.
Ces entreprises effectuent des transactions de plusieurs millions de dollars
américains annuellement exclusivement à travers des TIC5. Ce type d’entreprise est dite virtuelle parce que la
totalité ou une partie importante des
transactions commerciales effectuées
se font sur un marché électronique et
non plus sur un marché physique avec
une place d’affaires tangible, comme
cela se fait traditionnellement (Rayport
et Sviokla, 1994).
Deuxièmement, la perspective
interne fait référence à l’organisation du travail. Ce qui confère à ces
entreprises leur caractère virtuel est
l’absence de bureaux conventionnels.
Ces derniers sont remplacés par l’uti-
lisation de nouvelles technologies qui
permettent de décentraliser le travail
en le dispersant géographiquement et
temporellement tout en permettant
aux employés de conserver un lien
direct avec l’entreprise. C’est ce que
plusieurs ont appelé le bureau virtuel.
On recense plusieurs formes d’organisation du travail qui s’inscrivent
dans cette perspective : le bureau sans
papier, le bureau partagé, la réservation
de bureau (hotelling), le télétravail,
le travail à domicile et les équipes de
travail virtuel (Davenport et Pearson,
1998; Kurland et Egan, 1999). À l’image
de ces nouvelles formes d’organisation
du travail, l’entreprise Verifone, le
leader mondial des systèmes d’automatisation de transactions financières, est
souvent citée comme étant la première
véritable entreprise virtuelle (Galal et
al., 1995; Lebrun et Déry, 1998).
Finalement, la perspective stratégique décrit l’entreprise virtuelle par
la proximité de ses relations avec ses
partenaires d’affaires dans la réalisation d’objectifs communs et partagés.
Dans cette perspective, l’entreprise
virtuelle est définie comme étant une
organisation qui rallie des individus
et des groupes d’intérêts complémentaires dans une association dont
l’action correspond à celle des entreprises conventionnelles (Vachon, 1996).
Ainsi, selon la perspective stratégique,
il existerait trois types d’entreprises
virtuelles : le regroupement de travailleurs autonomes, le maillage de
P.M.E. pour la réalisation d’un produit
ou d’un service et l’entreprise globale,
dont les produits ou l’expertise se
trouvent partout dans le monde sous
différentes filiales. Ces divers types
d’organisations répondent à certaines
Gestion, volume 28, numéro 2, été 2003
Au début des années 1990, un
nouveau concept a fait son apparition
dans le vocabulaire de la gestion, celui
d’entreprise virtuelle (Davidow et
Malone, 1992, 1995). Depuis, comme
en fait foi le nombre croissant d’articles scientifiques et pratiques y faisant
référence, nous constatons un intérêt
de plus en plus marqué pour ce sujet
de la part des gens liés de près ou de
loin au monde des affaires. Plusieurs
revues traitant principalement des
technologies de l’information et de la
communication (TIC) ainsi que de la
gestion renvoient continuellement à
cette forme d’entreprise dite de l’avenir
en tentant d’apporter certains éclaircissements sur ses possibilités stratégiques et sur les avantages compétitifs
possibles1, sur les différentes formes
structurelles et leurs caractéristiques2,
sur son aspect technologique3 et finalement sur ses implications pour les
gestionnaires4.
Cependant, bien qu’il y ait
plusieurs écrits et recherches sur le
sujet, nous constatons que le concept
d’entreprise virtuelle reste flou et vide
de sens pour plusieurs, et qu’aucune
définition clairement établie n’existe
(Lemke, 1998). Cela nous pousse à
nous questionner sur l’existence même
de ce concept. En quoi les entreprises
virtuelles sont-elles différentes des
organisations traditionnelles? Y a-t-il
vraiment une différence entre ce type
d’organisation et les types qui ont été
décrits auparavant (Mintzberg, 1979;
Chandler, 1962)? Comme nous l’avons
exposé, il n’existe actuellement, et ce,
malgré plus de 10 ans de réflexion et de
recherche sur le sujet, aucun consensus sur la définition d’une entreprise
virtuelle. Cependant, nous dénom-
ARTICLES GÉNÉRAUX
Éric Brunelle
ARTICLES GÉNÉRAUX
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caractéristiques, soit l’engagement de
partenaires légalement indépendants,
une durée de vie limitée, l’existence
d’une mission commune aux entreprises participantes, la concentration sur
les compétences clés de chacun des
partenaires et l’utilisation intensive des
technologies de l’information (Aubert
et al., 1997). Le caractère virtuel de ce
type d’organisation provient du fait que
ces entreprises n’ont en quelque sorte
aucune existence physique propre à
elles, mais qu’elles existent par la mise
en commun de ressources appartenant
à chacun des partenaires.
Plus récemment, certains auteurs
ont tenté de rassembler ces trois
perspectives. Dubé et Paré (1999),
par exemple, indiquent que ces trois
formes d’organisations virtuelles ne
sont pas exclusives mais plutôt complémentaires. À cela, Venkatraman
et Henderson (1998) ajoutent qu’elles
sont interdépendantes et que l’une
n’est complètement possible que par la
réalisation des autres. Pour ces auteurs,
contrairement à ce qu’on trouve dans
les écrits, il devient limitatif de définir
les entreprises virtuelles par une seule
de ces perspectives. Pour eux, il est plus
juste de les considérer comme reliées
(voir le schéma 1).
L’ENTREPRISE VIRTUELLE EXISTE-T-ELLE?
mieux comprendre celui d’entreprise
virtuelle. Ainsi, les dictionnaires définissent le mot «virtuel» de la manière
suivante : qui n’est pas réalisé, qui n’a
pas d’effet actuel, qui est potentiel, qui
est théorique.
Le virtuel a pour point de départ
l’individu. Il existe par la projection
que fait un individu dans son imaginaire d’une conceptualisation fictive,
potentielle ou théorique. Le virtuel
vient d’abord et avant tout de l’imagination individuelle. Un objet est virtuel
parce qu’il demande à l’individu d’user
de son imagination pour se le représenter.
Un bref rappel qui nous permet de
mieux illustrer nos propos nous amène
à souligner que, contrairement à une
croyance populaire, la virtualité n’est
en rien un sujet récent et exclusivement relié à l’utilisation de la technologie. Déjà, les Grecs et les Romains
vivaient dans un contexte qui y faisait
référence. Un bel exemple de cela est
la création des dieux. Les dieux avaient
une vie en quelque sorte virtuelle puisqu’ils n’existaient que théoriquement,
par la représentation de l’imaginaire
humain. Cette création virtuelle ou
cette projection de l’imagination était
partagée entre les hommes, ce qui
créait une réalité que l’on pourrait qualifier de virtuelle.
Le virtuel
L’entreprise virtuelle
De notre point de vue, il est indispensable de faire un léger détour par
l’explication du concept de virtuel pour
Ainsi, le constat selon lequel la
virtualité découle d’une construction
de la réalité à l’aide de l’imagination
entraîne la question suivante : qu’estce qu’une entreprise virtuelle? Dans ce
sens, l’entreprise virtuelle serait une
entreprise qui n’est pas réalisée, qui n’a
pas d’effet actuel, qui est potentielle,
qui est théorique, bref une entreprise
qui existe seulement dans un imaginaire. Rapidement, on se rend compte
qu’aucune des trois perspectives
proposées par les différents écrits ne
répond spécifiquement à cette définition. Car, peu importe la perspective, il
existe toujours un aspect actuel, réel et
concret. Voyons en quoi ces approches
ne peuvent être véritablement définies
comme étant virtuelles.
Dans la perspective commerciale,
des bases de données, des individus
travaillant réellement pour l’entreprise,
des entrepôts, des bureaux, des lieux
SCHÉMA 1 – Formes de l’entreprise
virtuelle
Gestion, volume 28, numéro 2, été 2003
Perspective
interne
Perspective
commerciale
Perspective
stratégique
Source : Adapté de Dubé et Paré (1999).
L’AUTEUR
Éric Brunelle est professionnel
de recherche à HEC Montréal.
de travail, etc., existent réellement,
ayant un effet actuel et tangible. Ces
éléments permettent de circonscrire
concrètement l’entreprise, et non
seulement de façon théorique et
potentielle. Ainsi, malgré l’utilisation
d’un marché électronique qui nécessite
une certaine interprétation à l’aide
de l’imagination, on ne peut définir
ce type d’entreprise comme étant
virtuelle. Il s’agit plutôt d’un type de
transaction ou d’échange : le commerce électronique.
En ce qui a trait à la perspective
interne, la présence d’infrastructures
concrètes, de bureaux tangibles, de
technologies physiquement accessibles, d’individus qui travaillent réellement et qui sont membres de
l’entreprise nous amène à conclure
qu’on ne peut complètement qualifier
ce type d’entreprise de virtuelle. En
aucun cas, tout comme dans la perspective commerciale, ces entreprises
ne sont pas tout à fait le fruit d’une
interprétation dans l’imaginaire. Nous
croyons qu’il serait plus adéquat de
qualifier ces entreprises de dispersées
ou d’étendues.
Finalement, la perspective stratégique est celle qui se rapproche le plus
de ce qui pourrait être défini comme
étant une entreprise virtuelle, puisqu’à
la limite il est indiqué que l’entreprise
n’est qu’une plate-forme reliant plusieurs partenaires légalement indépendants. Cependant, le simple fait
que cette entreprise utilise des outils
technologiques (réseaux, serveurs,
base de données, etc.), qu’elle réalise
des activités et que, même s’ils ne sont
pas exclusivement membres de cette
entreprise, elle embauche des individus nous empêche de la qualifier de
complètement virtuelle. Ainsi, il serait
plus approprié de décrire ce type d’organisation comme étant une entreprise
en réseau, une entreprise impartie, une
entreprise en partenariat ou encore
une alliance stratégique.
Bref, en tenant compte de l’étymologie du mot «virtuel», peu importe la
LA VIRTUALITÉ DANS LES ENTREPRISES
La virtualité, telle que nous le
proposons, est présente dans toutes les
organisations, et le développement des
technologies de l’information et de la
communication accentue son impor-
Puisque la virtualité est de plus en
plus présente dans la vie organisationnelle quotidienne et qu’elle engendre
une multitude de conséquences de
plus en plus tangibles, la mise au point
d’un modèle permettant une meilleure
visualisation de la virtualité dans les
organisations s’avère pertinente. Nous
proposons donc ce modèle d’analyse
qui a été construit à partir des écrits
sur le sujet et de nos recherches.
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UN MODÈLE D’ANALYSE INTÉGRATEUR
Le modèle permet d’analyser les
relations entre les différentes entités
qui communiquent avec l’entreprise
étudiée. Comme nous l’avons démontré
précédemment, la virtualité dans
l’organisation provient de la relation
entre les intervenants. Le degré de
virtualité est directement lié à l’importance que prend l’utilisation de
l’imagination pour se représenter la
réalité. On pourrait définir l’imagination comme étant la faculté de se
représenter dans l’imaginaire ou dans
l’esprit des objets, des personnes, des
faits irréels ou jamais perçus. Au niveau
organisationnel, ces images sont partagées par le biais d’un lieu commun
où différentes personnes interagissent.
Tout comme Barnatt (1995), nous
appellerons cet endroit le cyberespace.
Le cyberespace est un lieu atemporel
et sans limite géographique. Il est en
quelque sorte l’endroit où existe l’imaginaire collectif. Ainsi, lors d’une communication, plus les individus auront
besoin d’user de leur imagination pour
se représenter la réalité, plus la présence du cyberespace sera importante.
Les communications qui s’effectuent dans le cyberespace ont nécessairement besoin d’une interprétation
imaginative de la part des intervenants. Puisque le temps et l’espace des
communications ne sont plus nécessairement les mêmes, les personnes en
cause doivent conceptualiser plusieurs
éléments dans leur esprit afin d’être en
mesure de bien fonctionner et d’arriver
à réaliser leurs activités. Ainsi, plus
les relations avec le cyberespace sont
importantes, plus le niveau de la virtualité dans l’entreprise est important.
Puisque la virtualité dans les
organisations provient de la relation
avec le cyberespace et que les relations
dans les trois perspectives présentées
ARTICLES GÉNÉRAUX
tance et sa présence. Même s’il est utopique de parler d’entreprise virtuelle au
sens précisé dans les écrits sur le sujet,
il est impératif de bien comprendre
la place que la virtualité occupe dans
les organisations si l’on veut être en
mesure de mieux comprendre toute
sa portée et ses implications. Les trois
perspectives décrites reflètent des
situations où les individus en cause
n’ont d’autre choix que d’utiliser leur
imagination afin de se représenter la
réalité. Ainsi, dans ces organisations,
les gestionnaires doivent composer
avec un certain degré de virtualité.
Puisque toutes les organisations comportent une dimension virtuelle, elles
peuvent se situer sur un continuum de
la virtualité.
Le niveau de virtualité dans les
organisations s’explique par les relations communicationnelles entre les
différents acteurs. Les perspectives
décrites par les auteurs ne sont donc
pas le fruit du hasard, puisqu’il s’agit
de l’ensemble des communications
possibles faites par les organisations.
Effectivement, dans la première perspective (relation commerciale), la relation s’établit avec les clients ou les
fournisseurs. Dans la deuxième perspective (relation interne), la relation
s’installe entre les membres internes
de l’entreprise. Enfin, dans la troisième
perspective (relation stratégique), la
relation existe entre l’entreprise et
ses différents partenaires travaillant de
concert à la réalisation d’un projet.
Les relations avec les différentes instances gouvernementales peuvent être
incluses dans les relations commerciales ou stratégiques selon leur nature.
Bref, chaque entité qui est susceptible
de maintenir une relation avec l’entreprise est représentée par ces trois perspectives.
Peu importe le type de relation,
qu’il s’agisse d’une transaction financière, d’un transfert de données, d’un
partage d’information, etc., la virtualité
dans une organisation provient toujours d’une relation entre au minimum
deux entités. Sans relation, la virtualité
n’intervient que pour l’individu et par
conséquent n’a qu’un impact indirect
sur l’organisation. Bien qu’il puisse
être très intéressant d’étudier le niveau
individuel (Mazouz, 1998), nous limiterons notre réflexion à la virtualité qui
s’établit au niveau des organisations.
Gestion, volume 28, numéro 2, été 2003
perspective présente dans les écrits sur
le sujet, il devient conceptuellement
impossible de qualifier ces entreprises
de virtuelles puisqu’il y aura la présence soit d’êtres humains, soit d’une
infrastructure ou d’outils technologiques, permettant le traitement
et l’entreposage d’informations qui
rendent, en quelque sorte, ces entreprises «non virtuelles».
Une compréhension étendue du
terme «virtuel» nous amène à croire
que la seule entreprise pouvant se définir comme étant virtuelle est celle qui
n’existe que potentiellement ou théoriquement. Par exemple, l’entreprise que
l’entrepreneur imagine lorsqu’il développe son plan d’affaires peut être qualifiée de virtuelle, puisqu’elle n’existe
que dans son imagination.
Dans le même ordre d’idées, toutes
les entreprises possèdent ni plus ni
moins une dimension virtuelle. Tout
comme l’entrepreneur qui imagine sa
future entreprise, l’entreprise existante
est aussi en devenir. Chaque entreprise
requiert une part d’imagination pour
être comprise comme un tout cohérent. Cette représentation est plus ou
moins importante selon les différentes
organisations, mais elle est toujours
présente.
Le qualificatif «virtuel», devenu à
la mode ces dernières années pour
décrire les nouvelles formes d’entreprises, semble surtout utilisé dans le
but de représenter les modifications
spatiotemporelles que connaissent les
entreprises. Ces changements sont
fortement liés à l’existence de nouvelles technologies qui permettent le
développement d’organisations omniprésentes. Certes, ces technologies
accentuent la dimension virtuelle des
entreprises, mais ne les rendent pas
pour autant virtuelles. La mauvaise
compréhension du terme «virtuel» a
conduit à cette impasse conceptuelle
décrite par Lemke (1998), c’est-à-dire
qu’aucune définition du concept
d’entreprise virtuelle ne peut faire
l’unanimité.
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se font à l’aide du cyberespace, nous les
retenons dans l’élaboration de notre
modèle. De plus, comme nous l’avons
déjà expliqué, ces dernières ont l’avantage de circonscrire toutes les relations
organisationnelles possibles.
La relation commerciale
On entend par «relation commerciale» le fait qu’une transaction avec
un client ou un fournisseur s’effectue
ou se négocie. Cette relation peut s’établir soit avec une entreprise, ce que
l’on appelle le commerce interentreprises, mieux connu sous le nom de
business to business ou B2B, soit avec
le consommateur final, c’est-à-dire un
individu qui acquiert le produit ou le
service offert.
ARTICLES GÉNÉRAUX
La relation interne
La relation interne correspond à
toutes les communications que font
les membres d’une organisation. Ces
communications peuvent se faire du
sommet stratégique à la base hiérarchique (top-down), de la base au
sommet (bottom-up) ou encore entre
membres du même niveau hiérarchique. De plus, ces communications peuvent être acheminées à un individu
précis ou à un groupe spécifique
(par exemple le syndicat, les comités,
une communauté de pratique, les
membres d’un service ou l’ensemble
des employés).
Gestion, volume 28, numéro 2, été 2003
La relation stratégique
On entend par «relation stratégique» toute relation que l’entreprise
entretient avec des partenaires d’affaires dans le but de réaliser un projet
commun. Les partenaires peuvent être
des travailleurs autonomes, des entreprises ou des filiales indépendantes. Il
s’agit de relations avec des partenaires
qui ont les mêmes objectifs que l’entreprise, mais qui sont légalement indépendants.
Les écrits et nos recherches nous
amènent à regrouper en cinq types
les relations qui peuvent s’établir
dans les organisations et qui ont une
influence sur le degré de virtualité
de l’entreprise : les relations directes,
interposées, différées, planifiées ou
automatiques (voir le tableau 1).
La relation directe. Ce type de
relation ne nécessite pratiquement
aucune relation dans le cyberespace.
Les individus en cause discutent face
à face. Cela a pour effet de minimiser
l’importance de la dimension virtuelle.
Cependant, une certaine virtualité
s’imposera quant aux subtilités du
langage non verbal et aux mécanismes
d’interprétation.
La relation interposée. Ce type
de relation fait intervenir le cyberespace. Tout comme dans la relation
directe, la relation entre les individus
se fait en temps réel (synchrone). Toutefois, un élément qui agit comme
un écran, souvent technologique, intervient entre l’émetteur et le récepteur.
C’est le cas, par exemple, d’une conversation téléphonique où le téléphone
joue le rôle d’écran. On pense aussi
aux centres d’appels, qui peuvent être
situés à n’importe quel endroit dans
le monde sans que l’émetteur en soit
conscient. L’individu qui entre en relation avec un centre d’appels n’a pas
d’autre choix que de s’imaginer une
certaine réalité. Un autre exemple de
relation interposée est le clavardage
(chat). Cet outil relationnel permet
d’établir une relation en temps réel,
mais qui est interposée par un écran
informatique. Ainsi, les participants
imaginent leurs interlocuteurs en fonction d’une multitude de critères personnels.
La relation différée. La relation
différée est le prolongement de la
relation interposée. Ce type de relation
augmente le degré de virtualité, car
il introduit un nouveau facteur : le
temps. La relation différée met en
rapport des individus où le message de
l’émetteur est reçu à un moment différent par le récepteur. Ainsi, la rétroaction ne se fait pas en temps réel. Par
exemple, la communication par courriel permet une relation entre individus. Cependant, la réponse au message
envoyé se fera plus tard. Ce moment
est inconnu. De plus, l’incertitude
concernant le bon fonctionnement du
processus d’envoi électronique reste
toujours présente. Par l’incertitude
créée, les individus en cause doivent
imaginer une panoplie d’éléments afin
de concevoir qu’il existe bien une communication entre les entités. Ce type
de relation nécessite l’intervention
humaine pour qu’une rétroaction soit
faite, mais il s’agit d’une intervention
asynchrone.
La relation planifiée. Ce type
de relation est particulièrement caractérisé par la non-intervention directe
d’une des deux parties. Ainsi, le récepteur tentera de prévoir les réponses
possibles d’un message provenant d’un
émetteur. Les systèmes de boîtes vocales sont un bel exemple de ce type de
relation. Le développeur du système de
boîtes vocales tentera de prévoir les
demandes provenant des clients concernant les services et les produits
offerts. Un complexe cinématographique qui offre l’horaire de ses films, le
prix des billets et des critiques sur
les films est une belle démonstration
de ce type de relation. Ce système ne
tient cependant pas compte des cas
d’exception. Le client entre en contact
avec l’organisation sans aucune intervention directe de la part d’un membre
de l’entreprise. Pour l’intervenant qui a
programmé l’interface, la relation fait
abstraction du temps et de l’espace, car
le tout se déroule dans le cyberespace.
Cependant, malgré l’absence physique
d’une des parties, il y a une rétroaction
dynamique entre les agents. Dans ce
type de relation, les technologies de
l’information et de la communication
jouent d’habitude un rôle déterminant
permettant la mémorisation et l’utilisation de réponses programmées.
La relation automatique. Ce
type de relation est le prolongement
de la relation planifiée. Elle requiert
davantage une relation dans le cyberespace puisque la relation entre l’émetteur et le récepteur se fait sans aucune
intervention directe. C’est le cas des
systèmes intégrés qui effectuent
automatiquement les commandes au
fournisseur en les inscrivant dans la
base de données de ce dernier. Ce type
de relation est effectuée exclusivement
dans le cyberespace et ne demande
aucune intervention en temps réel.
Cependant, le récepteur tout comme
l’émetteur doivent programmer la relation en utilisant leur imagination pour
parvenir à ce type de relation.
Le tableau 2 présente quelques
exemples de relations tenant compte
des différents types présentés. Il est
clair que toutes les organisations doivent composer avec un certain degré
de virtualité, particulièrement par
l’utilisation indispensable de techno-
graphique des différents types
de relations
Type de
relation
Directe
A
B
Interposée
A
B
Différée
A
Planifiée
A
B
T
T=2
B
T=3
Automatique
T=1
A
B
T=1
T=1
T = temps
logies. Le modèle proposé permet de
visualiser le degré de virtualité dans
l’organisation sur un continuum à trois
branches qui correspondent aux perspectives décrites (voir le schéma 2).
Dans le but de déterminer le type
de relation qui existe entre les différentes entités, trois indicateurs doivent
être observés : le temps réel (ou asynchrone), l’utilisation d’un écran (ou
non) et la réaction d’un individu nécessaire à une réponse (ou non).
Ainsi, les relations directes se font
en temps réel, sans écran et nécessitent
la réaction d’un individu. Les relations
interposées se font en temps réel et
nécessitent la réaction d’un individu.
Toutefois, cette relation se fait par le
biais d’un écran (téléphone, clavardage,
etc.). Les relations différées nécessitent la réaction d’un individu, se font
par le lien d’un écran, mais ne sont
pas faites en temps réel. Les relations
planifiées ont lieu en temps réel pour
A, mais pas pour B. Ce dernier utilise
l’écran en prévoyant les demandes de
A. On n’a donc pas besoin d’avoir la
réaction d’un individu pour répondre,
car l’écran s’en charge. Les relations
automatiques se font en temps réel par
le biais d’un écran et les entités n’ont
pas besoin de réagir, mais plutôt de
prévoir (voir le tableau 3).
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CONCLUSION
Le but de cet article était d’apporter une réflexion sur le concept
d’entreprise virtuelle en le remplaçant
par celui de virtualité dans l’entreprise.
Dans cette optique, nous avons élaboré
un modèle d’analyse qui permet de
mieux évaluer le degré de virtualité présent dans les organisations.
Comme nous l’avons vu, les entreprises d’aujourd’hui évoluent dans un
contexte qui engendre un déphasage
spatiotemporel important. Ce nouveau
contexte organisationnel exige de plus
en plus des individus qu’ils interprètent
la réalité à l’aide de leur imagination.
C’est cette relation avec l’imaginaire
qui engendre dans toutes les organisations une certaine virtualité. Plus
les communications entre les différentes entités rattachées à l’entreprise
se font par le biais du cyberespace,
plus l’utilisation de l’imagination est
nécessaire et, par conséquent, plus le
degré de virtualité sera grand. Bien que
nous entendions de plus en plus parler
de la virtualité depuis quelques années,
ARTICLES GÉNÉRAUX
TABLEAU 1 – Représentation
TABLEAU 2 – Quelques exemples de relations de différents types en fonction des perspectives
Perspective stratégique
Perspective commerciale
Directe
• Vente en magasin
• Réunion face à face
• Congrès d’industrie
Interposée
• Vente téléphonique
• Réunion électronique
• Vidéoconférence
• Audioconférence
• Réunion électronique
• Vidéoconférence
• Audioconférence
Différée
• Achat ou vente par courtier
• Vente par la poste
• Vente ou achat dans le Web
• Utilisation d’un intranet
• Communication par courriel
• Utilisation d’une liste de distribution
• Soumission électronique
• Communication par courriel
Planifiée
• FAQ* sur un site Web
• Information par des téléphonistes
numériques (boîte vocale)
• Vente par échange de données
informatisées
• Vente par extranet
• Utilisation d’un intranet
• Utilisation d’une base de données
collectives
• Information par un échange de
données informatisées
• Information par un extranet
• Échange d’informations par un réseau
multi-entreprises
Automatique
• Transaction générée par un système
intégré
• Planification d’une réunion à travers un
collecticiel
• Échange d’informations effectué par un
système intégré
* FAQ signifie «foire aux questions».
Gestion, volume 28, numéro 2, été 2003
Perspective interne
Relation
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SCHÉMA 2 – Virtualité dans l’organisation
Perspective
commerciale
Très
virtuelle
Relation automatique
Relation planifiée
Relation différée
Relation interposée
ARTICLES GÉNÉRAUX
Relation directe
Relation directe
Relation interposée
Relation différée
Relation planifiée
Relation automatique
Peu
virtuelle
Relation directe
Relation interposée
Relation différée
Relation planifiée
Relation automatique
Très
virtuelle
Très
virtuelle
Perspective
interne
Perspective
stratégique
cette dimension organisationnelle a
toujours été présente. Toutefois, les
nouvelles possibilités technologiques
et la complexité croissante des organisations contemporaines accentuent sa
présence et son importance.
Dans ce sens, la virtualité dans
les entreprises doit être gérée. Ainsi, il
devient impératif pour les gestionnaires de prêter attention à la source de
cette virtualité, c’est-à-dire aux relations individu-cyberespace. Comme
TABLEAU 3 – Différents types de relations entraînant la virtualité organisationnelle
Gestion, volume 28, numéro 2, été 2003
et leurs indicateurs avec la présence d’un écran*
Réaction nécessaire
Réaction non nécessaire
Temps réel
Relation interposée
• Relation planifiée (pour A)
• Relation automatique
Asynchrone
Relation différée
Relation planifiée (pour B)
* Lorsque aucun écran technologique n’est présent, la relation est nécessairement de type direct.
nous l’avons vu, l’utilisation d’un
écran lors des relations est un élément
important de l’accroissement du degré
de virtualité. La conception, l’implantation et l’utilisation d’interfaces
qui permettent l’établissement d’une
relation de confiance deviennent donc
indispensables à la réalisation d’une
gestion de la virtualité efficace. Le rôle
qui était autrefois joué par le gestionnaire lui-même dans ses relations
avec ses fournisseurs, ses clients, ses
employés et ses partenaires d’affaires
est de nos jours remplacé lentement
et partiellement par des interfaces
technologiques. Un nouveau défi pour
les gestionnaires consiste alors à bien
gérer cette relation individu-cyberespace en considérant que les interfaces
sont la concrétisation de la virtualité
Dess, G.G., Rasheed, A.M.A., McLaughlin, K.J., Priem, R.L.,
«The new corporate architecture», The Academy of
Management Executive, vol. 9, no 3, 1995, p. 7-20.
Notes
Dubé, L., Paré, G., «Les technologies de l’information et
l’organisation à l’ère du virtuel», Gestion, vol. 24, no 2,
1999, p. 4-22.
Rangan, V.K., Bell, M., «Dell online», Harvard Business
School Publishing, 26 mars 1999, 27 pages.
Rayport, J.F., Sviokla, J.J., «Managing in the marketspace»,
Harvard Business Review, vol. 72, no 6, 1994, p. 141-150.
Rayport, J.F., Sviokla, J.J., «Exploiting the virtual value
chain», Harvard Business Review, vol. 73, no 6, 1995,
p. 75-85.
1. Voir Snow et al. (1992), Olgilvie (1994), Quinn et Hilmer
(1994), Rayport et Sviokla (1994, 1995), Dess et al.
(1995), Benjamin et Wingmand (1995), Gill (1996),
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