La genèse des trois petits cochons.
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La genèse des trois petits cochons.
La genèse des trois petits cochons. Il était une fois, dans une forêt fort lointaine en un temps fort reculé, une famille de suidés, animaux peu fréquentables de réputation, et bruyants à l’heure des repas. Le père suidé, vieux sanglier couard, n’avait rien trouvé de mieux que d’établir sa soue dans une souche creuse, et de marquer son territoire par un amalgame d’épluchures, de vieux journaux et d’objets délabrés dénichés dans une décharge sise à quelques lieues de là ; l’ensemble était si kitsch qu’aucun autre habitant de la forêt n’avait eu l’idée d’en faire autant avant lui, ni le goût de l’imiter après avoir vu le résultat. De fait, la famille coulait ainsi des jours paisibles à l’abri des importuns, rebutés par les monceaux hétéroclites qu’il eût fallu escalader pour rencontrer ces charmants locataires. La mère suidé, en bonne mère traditionnelle, avait pour tâche quotidienne de nourrir son époux et leurs trois rejetons ; toute autre qu’elle eût jeté l’éponge sans demander son reste, mais la laie était si pleine de zénitude qu’elle acceptait leurs travers et leurs exigences. L’amour, sans aucun doute, l’aveuglait absolument. Les marcassins étaient au nombre de trois. L’aîné tenait de sa mère son indolence, le puîné tenait de son père son mauvais goût, tandis que le benjamin ne tenait de personne : animal excentrique, il était tout à la fois intelligent et travailleur. Tous avaient cependant hérité de leur père sa goinfrerie. Un jour, alors qu’il fallait bien faire le plein de victuailles pour nourrir son monde, la mère suidé partit glâner des denrées au marché le plus proche. Fait inattendu, c’était jour de kermesse, et elle put ainsi observer le comportement d’animaux autrement plus civilisés que ses petits et leur géniteur. Un stand en particulier attira son attention, il portait sur les valeurs à transmettre aux nouvelles générations ; chacun était convié à apporter ses idées sur un lourd registre, ancêtre des sites wiki. A la lecture des contributions, elle eut une fulgurance et sa sérénité disparut. Au feu, son panier! A diable, le chaudron ! Les autres animaux enseignaient à leurs petits à être autonomes, et les mères pouvaient ensuite vaquer à de douces occupations empreintes d’égocentrisme. Bref, elles avaient tout compris, et lui avaient par un heureux hasard transmis leur ambition de bien-être – bravo ! Il fallait maintenant à la mère monter une stratégie, cibler le moment opportun, et lancer les trois parasites dans la vie. Pour mettre toutes les chances de son côté, elle subtilisa un grigri déniché sous un tréteau, et repartit dans sa forêt. Cette nuit-là, Mère Suidé eut un sommeil agité. La culpabilité l’étranglait, elle qui souhaitait voir ses enfants prendre leur envol et profiter de la vie avec son Jules. Elle cauchemarda, imagina ses chers mignons en prise avec le froid terrible en territoire inuit, ou avec la chaleur de braise d’une île tropicale. Heureusement, jamais elle ne songea au loup, ou elle n’aurait jamais mis son plan à exécution. C’est ainsi que la sérendipité de Mère Suidé relança l’industrie du bâtiment… Juliette Veglis (Gagnante du concours « dis-moi dix mots » catégorie adulte)