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JMH
98/04
Point de vue
La chasse à l’arc, plus « écolo » : pas si sûr...
(JM. Harmand – Le Chasseur à l’Arc, 1998)
Un des maux de la chasse française, qui présente une grande diversité de modes, est que chacun dans
sa discipline est persuadé de détenir la vérité et ne rate rarement une occasion de dénigrer son voisin
pour tenter de se mettre en valeur. Les chasseurs à l’arc ne font pas exception à la règle. Certains de
nos articles ou vidéos contiennent quelquefois des phrases assassines envers nos camarades. Voici
quelques exemples entendus ou lus :
«avec l’arc, la forêt est tranquille, pas de cris de chiens, pas de coups de fusils ! ! !» ou bien « j’ai eu
l’animal sans tricher ! ! !» et même « en douze sorties, j’ai fléché un brocard, alors qu’à la carabine,
j’aurais pu en tuer douze (sic)»...
La polémique sur l’efficacité des projectiles
On peut discourir longtemps sans jamais trouver de réponse sur la chasse qui fait le moins de blessés.
Il y a des débats sans fin sur le projectile qui tue le plus vite et sans souffrance entre la balle et la
flèche (il y a même des points de vue divergents sur les balles entre elles et sur les pointes de flèches
entres elles). Et là, chacun n’hésite pas à dire que son projectile tue vite et bien alors que celui du
voisin fait atrocement souffrir... Pourtant, il ne faut pas se voiler la face, dans tous les modes de
chasse, on tue et, hélas, on blesse des animaux qui sont parfois condamnés à une mort différée. En
fait, le seul projectile qui tue vite et bien, balle ou flèche, est celui qui est bien placé. Le retour
d’expérience est suffisant pour l’affirmer tant pour la flèche que pour la balle. La seule chose qui
compte, est que chacun dans sa discipline respective, ne tire qu’à coup sûr. Cela pourra être 100 ou
150 mètres pour le carabinier, ou 15 mètres pour l’archer. Peu importe la distance, pourvu que se ne
soit pas trop loin par rapport à la capacité du tireur...
La motivation de l’acte de chasse ne doit pas être unique
Pour autant que le chasseur respecte certaines règles d’éthique, de respect des animaux et de
l’environnement, la motivation (en fait, le plaisir trouvé) de l’acte de chasse de chacun doit être
respecté. L’aspect difficile (pour ne pas dire sportif) de la chasse à l’arc, si souvent mis en avant par
les archers, ne saurait constituer à lui seul la justification de tout acte de chasse. Il y en a qui
chassent pour le plaisir de déguster du gibier, d’autres parce qu’ils vibrent en voyant leur chien à
l’arrêt ou encore certains sont envahis de joie lors de la pose d’une bande de sarcelles à l’endroit
précis où ils l’avaient décidée. Toutes ces motivations se valent. Je pense même qu’un vrai chasseur
intègre une multitude de motivations indissociables les unes des autres. Il est donc difficile de
comparer les modes de chasse entre eux et complètement absurde de considérer que tel chasseur
appartient à une quelconque élite parce qu’il chasse de telle façon.
La chasse à l’arc demande beaucoup de qualités physiques. Elle permet un contact rapproché avec
les animaux. Elle apporte beaucoup de joies. Pratiquée dans les règles de l’art, elle n’a pas besoin de
comparaison avec d’autres modes de chasse pour exister.
De toute façon, sur le plan écologique, la justification de la chasse ne vaut que par l’impact qu’elle a
sur l’environnement (régulation des espèces sauvages, maintien d’un équilibre agro -sylvocynégétique, préservation ou mise en valeur d’écosystèmes, maintien de la vie rurale, ...). Elle ne
vaut pas par la motivation du chasseur (recherche de jolis trophées, d’émotions fortes, de
convivialité, ...). Le chasseur moderne chasse avant tout pour son plaisir (et je le revendique) et
sûrement pour d’autres raisons plus obscures, mais son activité ne perdurera que si elle s’inscrit dans
une politique de protection et d’amélioration de l’environnement. Notre avenir ne saurait être lié à
une question d’arme ou de calibre (on a déjà entendu : « si tous les chasseurs chassaient au 20, ça
serait plus sportif et il y aurait plus de gibier »).
L’arc n’est pas la seule arme qui permette l’observation
A en croire certains archers, chasser à l’arc permet d’observer les animaux, d’apprécier et de
respecter la nature alors que chasser à la carabine ne permet que de tirer. D’où l’idée que le chasseur
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à l’arc serait plus imprégné d’écologie que son homologue armé d’une carabine. Ce jugement me
paraît quelque peu excessif. Certes, il y a des tireurs de gibier à la carabine (malheureusement
beaucoup), mais il y a aussi des tireurs de gibier à l’arc (pas moins en proportion). Lorsque le
chasseur n’est qu’un consommateur de « produit chasse », il est le même, que ce soit avec un fusil
ou avec un arc. L’arc n’est donc pas plus un moyen d’observer la nature que la carabine. Je ferais
d’ailleurs remarquer à ces archers persuadés d’être les nouveaux chasseurs écologiques que tous les
ouvrages traitant de l’observation des animaux et de leur description (disons d’éthologie) sont le fait
de chasseurs à la carabine. Pour l’instant, les ouvrages d’auteurs archers traitent de techniques de tir
à l’arc et de matériels, pas d’environnement. Par ailleurs, ce qui intègre la chasse dans l’écologie
n’est pas le fait que le chasseur prenne du plaisir à redevenir une bête fauve mais bien l’impact qu’il
produit sur l’environnement (terme pris au sens large, c’est à dire y compris la faune sauvage).
La notion de dérangement
Le dérangement que l’on attribue aux différents modes de chasse évolue sans cesse. Là encore, les
thèses sont multiples et contraires. Les archers prétendent ne pas déranger les animaux, car
« silencieux et invisibles ». Par opposition, les veneurs affirment qu’une meute de chiens courant un
animal particulier ne stresse pas les autres animaux de la forêt. D’autres encore affirment que
quelques battues bruyantes dans une saison dérangent moins qu’une fréquentation quasi quotidienne
de chasseurs (prétendus silencieux et inodores) qui crée une pression psychologique importante sur
le gibier.
Alors, si pour maintenir un équilibre faune-flore, il faut supprimer 10 chevreuils sur un territoire
pendant une saison que vaut-il mieux : 60 sorties à l’arc (avec des hommes invisibles qui fouinent
partout), 10 affûts à la carabine (pas « sportif ») ou 4 battues (avec des chiens qui crient tout le
temps) ? La solution ne serait-elle pas un peu de tout cela ?
Un chasseur est un environnementaliste, non par son arme mais par ses actes
Je dirai donc pour conclure que les polémiques qui existent parfois entre chasseurs à l’arc et
chasseurs à l’arme à feu sont stériles et ne servent en rien la cause de la chasse en général. Si des
chasseurs peuvent parfois se prétendre être de véritables écologistes, c’est plus par le nombre de
sorties sur le terrain qu’ils effectuent sans arme et les actions qu’ils entreprennent pour
l’environnement (disons leur participation plus ou moins directe à la gestion des territoires) que par
les armes qu’ils choisissent pour capturer leur gibier. Peut-être faut-il considérer simplement que la
chasse à l’arc est une chasse, certes très passionnante, mais qui reste complémentaire d’autres modes
de chasse pour s’inscrire dans la gestion cynégétique des territoires.
JM. HARMAND