L`opposition entre l`homme et la femme sur la notion de l`amour

 Faculté Docteur Ali Chariati
(Lettres et Sciences Humaines)
Université Ferdowsi
Machhad, IRAN
Mémoire De Master
Sujet :
L'opposition entre l'homme et la femme sur la notion de l'amour dans le roman Indiana de George Sand.
Préparé par :
Simine SALAHCHOURAN
Dirigé par :
Monsieur le Docteur Mohammad‐Réza FARSIAN
Professeur conseiller :
Monsieur le Docteur Jamshid PARTOVI
Décembre 2011
Au nom de Dieu
À mes très chers parents qui m'ont donné un magnifique modèle de persévérance. Et à tous qui m'ont encouragée tout au long de ce travail. Remerciement
J'exprime en tout premier lieu mes particulières reconnaissances à mon directeur de mémoire Monsieur le Docteur FARSIAN pour ses précieux conseils, sa constante disponibilité et les encouragements qu'il m'a offerts tout au long de la rédaction de ce mémoire. Je tiens à remercier sincèrement Monsieur le Docteur PARTOVI, pour avoir accepté d'être le professeur consultant de mon travail et pour ses propositions efficaces. Je voudrais également présenter ma gratitude aux membres de jury qui se sont donnés la peine de lire ce mémoire. Enfin, je suis très reconnaissante à mes parents pour leurs soutins et leurs bénédictions. Introduction
George Sand (1804-1876), est le pseudonyme d'Aurore Dupin,
romancière française d'inspiration romantique. Elle a écrit des romans,
des contes, des pièces de théâtre, une autobiographie, des articles
critiques et politiques et vingt-six volumes de Correspondance.
Les œuvres romanesques de George Sand sont classifiées en trois
grands courants: le romantisme sentimental, le socialisme humanitaire
et la vocation paysanne. Selon cette division, nous pourrions mettre
Indiana parmi ses romans sentimentaux. Le roman comporte une
intrigue sentimentale qui donne à George Sand l'occasion de peindre
avec finesse les nuances de l'amour. Elle y plaide pour le droit à la
passion plutôt que pour le mariage. Nous y trouvons l'expression des
sentiments intimes, de l’amitié, de l'égoïsme, du dévouement, des
4
déceptions et des espérances. Indiana, son premier roman connaît un
immense succès.
L’ouvrage, publié le 19 mai 1832, est la révélation d'un talent. C'est
le premier roman que George Sand a écrit seule puisqu'avant celui-ci,
elle avait écrit Rose et Blanche avec la collaboration de Jules Sandeau.
Le roman nous raconte l'histoire d'une jeune femme mariée contre sa
volonté à un homme plus âgé qu'elle (Le colonel Delmare). Son âme
douloureuse attendait toujours le grand amour, mais elle ne le trouve
même pas chez son cousin, Sir Ralph. Enfin, elle tombe amoureuse d'un
parisien beau parleur, Raymon de Ramière, qui lassé de sa maîtresse
(Noun), vient séduire Indiana. Malheureusement, il se détache d'elle
aussitôt qu'il la possède.
Indiana, c'est le récit des malheurs d'une jeune femme, victime du
mariage, victime de l'amour. Ce dernier procure
aussi le thème
principal du roman: l'opposition qui existe entre l'homme et la femme
quand ils sont amoureux. En présentant cette différence, nous avons
essayé de trouver la cause principale de cette dissemblance. D'où
vient-elle? Provient- elle de leur nature ou de leur situation?
L'amour, étant l'un des thèmes majeurs de la littérature, a inspiré à
beaucoup d'écrivains la création des œuvres impérissables. Avant le
XIIᵉ siècle, il y avait peu de place pour l'amour et toute relation
amoureuse se résumait à travers le mariage, une relation légitimée.
Le regard sur les passions a connu des changements au fil du temps.
Si certains ont condamné les passions, d'autres au contraire ont tenté
5
de les réhabiliter. Le christianisme les considère comme un péché mais
le romantisme les glorifie. Dans ses romans, George Sand exalte
l'amour romanesque qui se heurte aux conventions mondaines et aux
préjugés sociaux comme s'y heurta elle-même lors de ses passions
surtout pour Alfred de Musset et pour Chopin. Dans tous ses romans,
les héroïnes ont la soif de se sacrifier pour l’amour. Elles rêvent de
grandes et de belles actions.
Comme nous avons déjà signalé, il s'agit d'un roman sentimental,
alors dans la première partie du travail, nous caractériserons avant
tout ce roman en tant qu'un récit sentimental. Ensuite, nous aurons
pour but de bien connaître la notion de l'amour et ses différentes
formes, de présenter la place de chaque personnage à travers ces
formes. Puis, en analysant les comportements amoureux chez les deux
sexes de point du vue psychologique, nous tenterons d’expliquer leurs
besoins et leurs critères dans le choix de l'objet d'amour, et de
déchiffrer les origines de leur dissemblance.
Dans la deuxième partie, nous trouverons des réflexions sur le
thème principal du roman. En
personnage face à
l'amour,
présentant
l'attitude de
chaque
nous essayerons de justifier cette
affirmation que l'homme n'est qu'un " être d'amour-propre" et la
femme en est " l'être de passion".
À travers la présentation de la vie amoureuse de George Sand,
nous avons l'intention de découvrir le lien qui existe entre sa vie
6
passionnelle et son activité littéraire. Nous observerons son effet sur
la rédaction d'Indiana. Le dernier chapitre s'agira d'une recherche sur
les affinités entre la romancière et l'héroïne. Là, nous nous
demanderons si Indiana pourrait
être
autobiographique?
7
appelé comme un
récit
Première Partie
8
Chapitre I
Indiana, roman sentimental
Avant de définir l'amour et d'analyser psychologiquement ce
concept, il est indispensable de déterminer les traits littéraires du
roman, et de préciser dans quel genre romanesque il se situe. Il
semblerait que pour la rédaction du roman, George Sand s’est inspirée
de thèmes romantiques. L'héroïne solitaire, qui est usée avant l’âge,
lutte contre son destin et sa mélancolie. Indiana met en scène la vie
terne d'une femme provinciale dont la seule aventure est la passion
inachevée. L'un des thèmes constants du texte romantique est l'amour
malheureux, présent dans la liaison de l'héroïne avec Raymon.
D'ailleurs, nous pouvons trouver dans ce récit un mélange du
réalisme et du romantisme. Le réalisme parce que George Sand a
essayé de nous dépeindre la vie quotidienne d'une femme inassouvie, il
semblerait qu'elle cherche à s'exprimer dans cette œuvre : « Il s'agit
pour la romancière d'apaiser un désespoir, de dominer une angoisse,
de porter consolation.»1
D'autre part, en vertu du rôle joué par l'amour dans ce roman,
nous pouvons le considérer comme un roman sentimental. Certains
caractères en sont témoins par exemple: l'héroïne, le héros et le rival.
1
Marie – Ève THÉRENTY, Les mouvements littéraires du XIXᵉ et du XXᵉ siècle, Hatier, coll. "Profil",
Paris, 2006, p.39.
9
Le profil des personnages justifie leurs traits romantiques. «L'héroïne
doit être belle, généreuse, féminine et dévouée à l'amant. Le héros est
généralement supérieur à la femme selon l'âge, l'instruction et la
position sociale. Il doit aussi être fort, grand et doté d'un sens de
l'humour. Le rival est souvent égoïste, arrogant et avide.»2
Indiana ne voit le monde comme il est mais comme elle le voudrait.
Elle est l’être rêveur. N’est-ce pas un des concepts romantiques
courant de l’époque
qui s’est perdue dans ses rêves : « Elle le
(Raymon) vit comme elle le désirait, comme elle l'avait rêvé, Raymon
eût pu la tromper, s'il n'eut pas été sincère.»3 Et cela nous montre que
le héros est supérieur à la femme. Indiana pense aussi aux autres plus
qu'à elle-même ; « Elle connaissait si peu la société qu'elle se faisait de
la vie un roman tragique; timide créature qui n'osait aimer, dans la
crainte d'exposer son amant à périr.»4 Pour sauver la vie de son amant
elle décide de ne plus le voir. Indiana a tous les caractères pour être
une héroïne. Elle a peur de son mari, ne l'aime pas et Le colonel ne
peut être dorénavant qu'un éventuel rival de l'amant de sa femme.
Selon le schéma classique, le roman sentimental se présente en cinq
séquences. « Ces "séquences" sont la rébellion, la fuite, le dressage, la
lutte contre la raison et la reddition finale de l'héroïne. Il faut
2
http://www.lurens.ens.fr/IMG/pdf/Ironie_et_roman_sentimental.pdf 17/06/2011.
3
George SAND, Indiana, texte établi, avec introduction, notes et relevé de variantes par Pierre
Salomon, Garnier Frères, Paris, 1962, p.90.
4
Ibid., p.94.
10
également exister un lien romantique entre l'héroïne et son amant, et
une fin heureuse.»5
Dès le début du livre, Indiana est prête à faire la rébellion mais elle
ne connaît encore ni l'amour ni les hommes; « Mais peut-être la jeune
et timide femme de M. Delmare n'avait-elle jamais encore examiné un
homme avec les yeux.»6 Enfin Indiana se révolte quand elle rencontre
Raymon et se rend compte qu'elle l'aime, elle prend la fuite, même si
cela choque sa famille et ses amis. Raymon, à son tour, fait le dressage
d'Indiana en lui révélant ses sentiments et la présentant comme le seul
amour de sa vie. Dès ce moment, Indiana lutte contre la raison et se
décide à tout perdre pour l'amour, mais la reddition finale ne se trouve
pas entre ces deux personnages puisque Raymon ne veut pas être
sentimental.
Dans le récit, il y a un autre personnage qui aime Indiana
passionnément, c'est son cousin, Sir Ralph. « Je comptait sur vous:
vous étiez la compagne de ma vie, le rêve de ma jeunesse.»7 C'est
après beaucoup de réflexion qu'il manifesta son amour à la pauvre
Indiana. La reddition finale apparaît à la fin du roman. Alors, nous
voyons que c'est plutôt Ralph qui est
le héros de cette histoire
d'amour. La fin du roman est heureuse et les deux amants
commencent une nouvelle vie ensemble.
En fait, le livre pourrait être un roman sentimental parce que tous les
éléments nécessaires sont employés mais de façon mélangés. Au début
5
http://www.lurens.ens.fr/IMG/pdf/Ironie_et_roman_sentimental.pdf 17/06/2011.
George SAND, Indiana, op. cit., p.86.
7
Ibid., p.329.
6
11
du roman, l'avancement du récit fait croire au lecteur que Raymon
occupe le rôle du héros de l'histoire, mais en s'approchant vers le
milieu du roman, le vrai rôle de celui-ci se précise : c’est le rival de
Ralph. Ainsi, le rôle du héros principal du roman n’est attribué qu'à la
fin du récit au meilleur ami d'Indiana qui est Ralph.
12
Chapitre II
De la définition à la psychologie de l'amour
Pour la définition de l'amour, nous nous référons au Nouveau Petit
Robert : « [amuR] n.m – milieux IXᵉ de l'ancien occitan amor, du latin
amor. REM. Le mot est souvent féminin de l'IXᵉ au XVᵉ S. Le masculin
s'impose au XVIIᵉ S., alors que le féminin se maintient au pluriel. 1.
Attachement à quelqu'un. – disposition à vouloir le bien d'une entité
humanisée (Dieu, le prochain, l'humanité, la patrie) et à se dévouer à
elle. L'amour de l'homme pour Dieu : Adoration, charité, dévotion,
piété. Loc. pour l'amour de Dieu: Par pitié, je vous en pris. – L'amour du
prochain, d'autrui: Altruisme, dévouement, fraternité, philanthropie. –
L'amour de la patrie, patriotisme. 2. Affection, tendresse entre les
membres d'une famille. L'amour maternel, paternel, filial, fraternel, de
la mère, du père (envers les enfants), des enfants (envers les parents),
des frères (envers les frères et sœurs). 3. (fin XIIᵉ) Inclination envers
une personne, le plus souvent à caractère passionnel, fondée sur
l'instinct sexuel mais entraînant des comportements variés. Amour
courtois, platonique, chaste. L'amour physique: érotisme, sexe,
sexualité. Amour homosexuel. Amour libre, hors mariage. Amour
13
passager : amourette, caprice, flirt, passade. Contr. Antipathie, haine,
aversion.»8
L'amour se présente comme le guide des sentiments, confirmant
des qualités sensuelles, corporelles et morales. Il peut supprimer les
oppositions sociales. «L'énamourement» est une force qui peut créer
un lien fort en dehors de l'enfance, en dehors des liens familiaux. Le
psychologue italien Francesco Alberoni, dans son livre appelé Le choc
amoureux, examine les mécanismes de l'amour et des sentiments qui
en dérivent, comme la jalousie. Dans cette œuvre, il analyse si bien ce
qu'il appelle « énamourement». Deux individus qui ne se connaissent
pas, en tombant amoureux, deviennent indispensables l'un à l'autre
comme un enfant à ses parents. Selon lui, le processus amoureux, à
part du désir sexuel ou de la tendresse, c'est un état émotif nouveau,
inattendu : « Il s'agit d'un bouleversement radical de la sensibilité, de
l'esprit et du cœur qui fond ensemble deux êtres différents et
éloignés.»9
L'énamourement est un mécanisme qui permet le lien amoureux.
Mais, ce lien n'est pas comme le lien qui rapproche un enfant de ses
parents (en particulier de sa mère, le premier objet d'amour). Ce lien
demande aux individus une forme d'engagement mutuel. «La relation
mère- enfant évolue vers la prise d'autonomie de l'enfant, dans
l'énamourement, au contraire, deux individus adultes et autonomes
8
Josette REY-DEBOUE et Alain REY, Le Nouveau Petit Robert de la langue française 2010, édition de
Petit Robert, Paris, 2009, p.85.
9
Gilles MARCHAND, " De l'énamourement", Sciences Humaines, n°141, Août- septembre, 2003,
p.36.
14
s'unissent et se fondent pour former une nouvelle entité sociale, la plus
petite communauté possible.»10
L'amour n'est jamais un phénomène abstrait de l'approchement des
sexes. La plupart du temps, il a pris un sens détourné du sentiment
amoureux, c'est-à- dire le désir à la copulation ou au mariage. « Les
recherches récentes de la psychanalyse
nous montrent que
l'apparition de l'émotion amoureuse n'a aucun rapport avec la
sexualité, cela signifie que l'amour n'a aucune relation avec l'acte de
reproduction.»11 Alors l'idée de Freud est récusée, et le complexe
œdipe apparaît dès maintenant comme une idée qui consiste à
confirmer l'affection du fils à la mère et la fille au père. Mais selon
Freud, l'amour est lié essentiellement à un concept sexuel.
Les inclinaisons de l'amour se partagent en deux groupes: « certaines
visent les buts bornés et certaines d'autres se contentent aux objets
très élevés. L'amour captatif désire la possession mais l'amour oblatif
est basé sur le sacrifice.»12 L'amour oblatif est la meilleure forme de
l'amour,
celle-ci
se
réalise
rarement.
D'après
les
règles
psychanalytiques, cette sorte d'amour se forme après la phase
narcissique. Dans ce cas, le sujet met son désir à la satisfaction de
l'objet aimé. Son but est servir au bien-aimé, par ce fait il oubliera ses
intérêts. «Si le sacrifice se fait librement, il prépare une évolution, une
10
Idem.
René ALLENDY, L'amour, édition Denöl, Paris, 1942, p.26.
12
Ibid., p.29.
11
15
maturité de l'être. C'est le sacrifice qui modifie l'être et implique un
perfectionnement de l'impulsion sexuelle. »13
Si certaines passions sont érotiques, d'autres apparaissent
écartées de l'érotisme. Il s'agit d'un amour idéalisé, construit du
mysticisme qui peut être observé chez les jeunes, chez les vieillards ou
chez les adultes qui arrivent à maîtriser leur besoin physique. « Ce type
d'amour, certainement sexuel mais aussi peu érotisé que possible, est
intéressant en ce qu'il démontre que l'amour, assez puissant pour
orienter toutes les pensées et actions et même pour retenir sur toute
la vie morale d'un individu, peut pourtant se développer, durer et
s'épanouir en toute indépendance du besoin érotique.»14
L'émotion amoureuse est irrésistible et entraîne un changement
des opinions et des habitudes. Elle apparaît sans avoir été préparée.
Elle se manifeste dans les conditions affectives particulières qui
éprouvent ce besoin d'amour qui existe chez toute personne privée de
la tendresse. «L'être humain naît de la tendresse parentale et quand il
est dépouillé de l'affection familiale, il tend à le remplacer par d'autres
tendresses à forme active chez l'homme et passive chez la femme.»15
Dans Indiana, l'héroïne qui n'a pu goûter ni l'amour parental, ni
l'amour marital, elle essaie pour cette raison de compenser ce manque
à travers sa relation avec
Raymon. «Toutes les circonstances qui
mettent en valeur l'inassouvissement, l'incomplétude de la solitude
morale, préparent l'amour qui peut se réaliser sous diverses formes
13
14
15
Ibid., p.35.
A. HESNARD, La Sexologie, Petit Bibliothèque PAYOT, Paris, 1962, p.245.
Ibid., p. 246.
16
successives, mais d'abord dans les seules limites de l'aptitude
narcissique, c'est-à-dire de la capacité à se contenter de l'amour de soimême. »16
L'amour apparaît soudainement ou progressivement et il prend des
formes différentes selon les tempéraments, l'âge et le sexe, les
circonstances du milieu. Nous pouvons classifier ces formes de la
tendance instinctive jusqu'à l'amour raffiné. Nous en distinguons17 :
L'amour-désir : où nous observons une possessivité jalouse, parfois
cruelle et violente à l'égard de l'objet. « Dans l'amour-désir, l'élément
psychique est très infantile et se ressent des survivances digestives de
la sexualité. Amour dans lequel le sujet tend à s'incorporer l'objet, à
l'assimiler sinon à disposer comme d'une chose anonyme.»18 Cette
forme d'amour est observée chez M.Delmare et Raymon. Ils étaient en
proie des formes primitives de l'amour. Dans une relation affective, ils
pensent avant tout à leurs intérêts personnels. Raymon croit que la
femme est faite pour le plaisir de l'homme. Il est un séducteur qui
utilise la ruse et la rouerie pour saisir les belles.
L'amour-passion : dans ce cas, nous
trouvons
tous les
caractères de l'émotion durable. Il est souvent dans la littérature,
comme un orage qui détruit la personnalité sociale. «Véritable
intoxication
morale
ou
psychose,
dont
l'individu
évoque
ultérieurement les souvenirs en ayant l'impression qu'il était vraiment
16
Ibid., p. 247.
Cette division a été reprise de l’œuvre : La sexologie d’A. HESNARD. Nous pouvons retrouver la
même structure dans les autres ouvrages écrits sur l’amour.
18
A. HESNARD, La Sexologie, op.cit., p. 248.
17
17
autre que lui-même. Ce type est plus intense chez la femme, l'homme
est protégé contre l'influence mentale,
contre
la fascination
passionnelle par son besoin physique et quand son besoin est satisfait,
il fait tomber si vite l'enchantement.»19 Les femmes du roman, Indiana
et Noun, ont vécu cette sorte d'amour. Elles ont adoré l'objet-aimé,
elles ne voyaient autre chose que lui. Parmi les hommes du roman, Sir
Ralph Brown, est le cas exceptionnel qui se situe dans cette forme. Le
jeune homme assimile la femme aimée (Indiana) à un être divin ou
exceptionnel. Il est timide à déclarer ses sentiments, il aime avec
frénésie mais sa fougue reste tout intérieur et n'aboutit pas à l'aveu.
L'amour chez Ralph est caractérisé par l'absence d'initiative.
L'amour-instinct acquis : cet instinct non inné dans sa forme est
contre la conception traditionnelle d'Instinct. Un tel amour n'arrive à
son apogée qu'après une longue période d'adaptation, il a essayé de
faire un compromis entre la satisfaction affective, et la satisfaction
érotique. « C'est le cas de l'évolution psycho-sexuelle complète des
amants ou conjoints qui se sentent attachés l'un à l'autre comme les
êtres du même sang. L'amour qui unit les vieux couples paraît bien
représenter le stade achevé de l'évolution psycho-sexuelle. Sa
caractéristique est d'être emprunt d'altruisme, le dévouement au
partenaire devenu une nécessité naturelle et non plus une obligation
morale théorique. »20 Mais cette sorte d'amour, cette "amitiécompagnonnage" ne s'est pas formée dans la vie conjugale de M.
Delmare et Indiana. Ce qui est très marquant chez ce couple, c'est
19
20
Ibid., p.249
A. HESNARD, La Sexologie, op.cit., p.250.
18
l'absence d’un langage commun, c'est la discordance dans l’expression
de leurs émotions.
En fait, celui qui ne s'aime pas lui-même ne mérite pas à être aimé
par les autres. Personne ne peut aimer un autre qu’elle-même s'il se
mépriserait d’elle-même. Personne ne peut discerner les qualités des
autres s'il n'a pas pu se connaître auparavant. Une personne égoïste ne
peut aimer ses semblables puisque son désir est concentré sur luimême. «Aimer c'est vouloir que la personne unique s'édifie dans
l'individu. Cette règle est la norme morale, en tout domaine, aussi bien
dans celui de l'érotique que dans l'éducation, l'amitié et le mariage.
L'amour-passion oriente le moi vers un objet qu'il veut unique,
infiniment différencié de tous les autres, et dans lequel s'investissent
toute la présence et toute la valeur retirées aux autres existences.»21
George Gusdorf, dans son ouvrage La connaissance de soi, résume ce
que l'homme attend de l'amour. «L'amour nous révèle à nous-mêmes
en nous faisant sortir de nous-mêmes. Nous nous affirmons au contact
de ce qui nous est étranger et complémentaire. L'amour comme forme
de la connaissance découvre de nouveaux cieux et de nouvelles
terres.»22
L'objet de l'amour parfait n'est pas limité, c'est cette sorte
d'amour qui est un amour pur. Celui qui cherche l'amour dans l'espoir
21
Denis de ROUGEMONT, Les mythes de l'amour, Gallimard, coll. "Idées", Paris, 1972, p.273.
22
Cité dans : Le Deuxième Sexe, de Simone de BEAUVOIR, Gallimard, coll. "Soleil", tom. II., Paris,
1968, p. 506.
19