LE MIRACLE DE LA PLAIDOIRIE : MON EXPÉRIENCE AU GHANA
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LE MIRACLE DE LA PLAIDOIRIE : MON EXPÉRIENCE AU GHANA
LE MIRACLE DE LA PLAIDOIRIE : MON EXPÉRIENCE AU GHANA P. Chika Onyejiuwa, C.S.Sp Mon ministère dans les criques du Nigeria, dans la Région du Delta du Niger, a fait naître en moi une prise de conscience et une vraie passion pour le service JPIC. Pendant huit années j'ai vu la pauvreté me fixer tout droit au milieu de la surabondance. J'ai vécu et travaillé avec des communautés dont l'environnement avait été détruit par les activités des compagnies pétrolières. Ces communautés manquaient des structures élémentaires de santé, d'eau, de maisons, d'électricité, d'écoles élémentaires et secondaires fonctionnelles, et pourtant chaque jour des bateaux remplis de pétrole quittaient les rives de ces communautés. Pour la première fois de ma vie de spiritain, j'ai commencé à me poser la question et à réfléchir sérieusement sur le but d'une vie de spiritain religieux missionnaire. Bien sûr, il est écrit dans notre RVS que nous sommes envoyés vers les plus abandonnés. Mais j'ai commencé à comprendre que la vie spiritaine va au-delà de ce qui est écrit dans les livres. Il s'agit surtout de l'incarner concrètement. Il est vrai que nous (mes compagnons spiritains et moi-même) cherchions à répondre à des situations particulières par une action directe; mais qu'est-ce qu'une aide en deux ou trois cas, comparés à des centaines d'autres autour de nous et ailleurs ? Durant tout ce temps j'ai vécu avec le sentiment que quelque chose n'était pas juste dans ma façon d'aborder le ministère, mais je n'arrivais pas à mettre le doigt dessus. Au fond, je manquais de force intérieure et de savoir-faire pour une quelconque action sociale. Au moment de quitter la mission pour un recyclage, j'étais préoccupé de trouver des cours pour développer mes savoirfaire pour un ministère JPIC et comment faire le lien avec ma spiritualité spiritaine. Depuis lors j'ai ajusté ma vision, et la mission ainsi qu'un tas d'autres choses ont changé, surtout le quotidien dans lequel j'avais vécu. Cependant, la participation à un atelier de VIVAT international sur "Principes et Pratique de la Plaidoirie" a provoqué un déclic dans ma vison et ma conception de la mission. Dans les brèves lignes qui vont suivre, je voudrais vous partager comment il y a eu un sursaut majeur de ma prise de conscience et de ma recherche de savoirfaire en JPIC, et comment ma récente découverte de la plaidoirie les a enrichies. Avant cette expérience d'un atelier VIVAT, j'ai eu à surmonter un défi plus important, celui d'une vision duelle de la réalité. D'un côté j'ai grandi avec la conscience que le ciel mettait l'accent sur la vie dans l'Esprit et donnait la récompense éternelle à ceux qui persévéraient. De l'autre côté j'aspirais à une vie meilleure, qui irait au-delà de cet endoctrinement, vers une vie plus réaliste, d'où l'injustice de notre société serait éliminée. J'entendais constamment l'appel de Jésus à collaborer avec lui pour instaurer le Royaume de Dieu. Cela peut sembler une querelle de mots, mais en moi c'est une question de faits. Des écailles sont tombées de mes yeux et la lumière s'est faite en moi quand un jour j'ai décidé de vérifier le sens du mot ciel dans le Catéchisme de l'Église catholique. Je fus surpris que ce Catéchisme (n° 2794) définissait le ciel dans un sens contraire à ce que j'avais toujours pensé. Il souligne que cette expression biblique (ciel) ne désigne pas un lieu, mais une manière de vivre sur cette terre; cela ne veut pas dire que Dieu est distant, mais majestueux. Notre Père n'est pas "ailleurs". Comme Moïse, j'ai réalisé que là où je me trouvais, c'était une terre sainte et le travail de collaboration avec Jésus pour construire le Royaume des cieux avait un sens et un but. En d'autres termes, le Royaume des 1 cieux, ce sont des événements de cette terre et non une dérivation céleste. Plus précisément, le ministère JPIC concerne la transformation de notre monde présent, dominé par l'injustice, l'exploitation et la discrimination, en un monde caractérisé par la compassion, la justice, la paix, l'amour et le souci de protéger l'intégrité de la création de Dieu tout entière. Comment réaliser ce projet de transformation ? La lumière m'est venue avec force durant l'atelier VIVAT international de l'an dernier au Ghana. Elle est tombée comme un éclair quand j'ai pris fortement conscience que des attitudes profondément ancrées, de réels conditionnements religieux, culturels et sociaux, étaient sousjacentes à des structures d'injustice, qu'elles soutiennent et dans lesquelles nous vivons. Je me demandais quels changements importants des siècles de services sociaux de l'Église : hôpitaux, bureaux de conseil, maisons d'adoption et d'éducation, centres de collecte de vivres, etc., avaient apportés à la société. Devrai-je dire presque rien ? Et puis je me demandais aussi : allons-nous passer une éternité à soigner les blessures et à masser les douleurs que des structures sociales et économiques injustes sont en train de provoquer ? N'y a-t-il pas une sagesse qui ira à contre-courant pour débusquer les attitudes et les conditionnements solidement ancrés qui maintiennent en place les habitudes sources des souffrances, avec l'intention de les transformer pour qu'elles servent mieux la vie ? N'est-ce pas la façon de voir et de penser des gens qui les amène à vivre et à se comporter comme ils le font ? Que signifie donc exactement briser les chaînes injustes, libérer du joug et ôter les entraves ? (Is. 58,6-12) J'arrivai à la conclusion, et je voudrais la suggérer, que la plaidoirie est la clé de ce projet de transformation. Ce fut pour moi une expérience de conversion radicale. Je vis clairement que j'avais en tête un "mythe" de plaidoirie, vu comme un champ hautement technique, sophistiqué et dangereux, réservé aux avocats et aux activistes politiques. Ce fut pour moi une réelle libération de me rendre compte que la plaidoirie pouvait se faire avec succès, à petite et à grande échelle. Les organismes sociaux civils et les ONG qui travaillent pour la dignité de la personne, sous une forme ou une autre, sont mes collaborateurs dans le ministère. J'ai vu aussi que j'avais été impliqué dans la plaidoirie sans la connaître, mais beaucoup de gens ne recherchaient même pas les fruits attendus, puisque les principes de base de la plaidoirie et de l'analyse sociale n'étaient pas observés. Je suis à présent en bonne position pour faire de la "conscientisation à la plaidoirie " l'orientation première de mon ministère JPIC. J'ai déjà intégré mes vues dans le programme pour les groupes ruraux que j'aide et la conscientisation se fait jour. Une femme de ces groupes a dit combien c'était soulageant pour elle de savoir que ses droits de femme étaient soutenus par l'enseignement social de l'Église et qu'elle avait la possibilité de les réclamer de façon non violente. J'ai confiance que le niveau de prise de conscience va continuer à s'élever dans ces groupes et ailleurs. Mais ce qui est important pour moi, c'est que la plaidoirie sera désormais ma mise en pratique, concrète et incarnée, de la spiritualité spiritaine. 2