gene vincent, chaussettes noires, 1963-1
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gene vincent, chaussettes noires, 1963-1
Tout au long du calendrier de Bernard Bayoux 1963/1 GENE VINCENT, CHAUSSETTES NOIRES... Pourquoi n’ai-je tenu à jour un agenda précis qu’à partir de 1963 ? Je ne le sais pas... ou plutôt si : je dirais que les années 1961 et 1962 ont été tellement intenses pour l’explosion du rock et du twist, en France comme ailleurs, que j’ai senti confusément qu’il allait continuer à se passer des événements musicaux inoubliables ! Et j’ai décidé de les noter par écrit, dès janvier 1963. Ces agendas, ou journaux intimes, étaient monnaie courante en ce temps-là, les adolescents y inscrivant leurs activités. Mais le plus incroyable est que j’aie conservé le mien intact, pendant 50 ans, malgré les déménagements, tout comme ceux de 1964, 1965 et 1966 ! A la faveur de retrouvailles en 1993 avec une ancienne petite amie de cette année-là, je ressors celui de 1963 du carton qu’il n’avait pas quitté depuis 30 ou 40 ans. Nous le feuilletons et je réalise qu’il contient ma vie de cette période, avec force détails, ce qui en fait un formidable témoignage sur ce qu’a vécu un adolescent de 16 ans fou de la musique de ces extraordinaires années 60. Encore lycéen, je suis un batteur débutant, fan absolu des Shadows, Chaussettes Noires, Pirates, Chats Sauvages et autres Vautours, mais aussi de Gilbert Bécaud, et d’Elvis bien sûr. En route pour une ballade nostalgique, tout au long de 1963, année qui m’a marqué à jamais. Bernard BAYOUX L e mercredi 2 janvier est mon avant-dernier jour de vacances de Noël avant la rentrée des classes. J’en profite pour inviter chez moi mes cousines, pour une mini-surboum. Les Chaussettes, les Pirates et les Chats sont à l’honneur sur mon Teppaz. Je fais la connaissance d’une jolie brune de 16 ans, Annie, copine de mes cousines, que je drague avec succès, et avec qui je découvrirai, plus tard dans l’année, le Londres 60. Le 3 janvier je suis de retour en classe, en seconde classique (latin, anglais), à Paris, chez les curés, à l’institution Sainte-Marie de Monceau dans le 8e arrondissement ; pas vraiment rock ’n’roll ! Ma mère m’a inscrit dans ce collège parce que je glandais au lycée Janson-de-Sailly. Elle croyait, naïvement, que je deviendrai brillant sous l’autorité des curés. Difficile de leur expliquer qu’en classe, sans être un cancre, je pense davantage aux Chaussettes Noires qu’à mes cahiers et bouquins, sauf en anglais, où j’excelle, ce qui va me servir toute ma vie. A l’époque, le jeudi est le jour de la semaine où il n’y a pas classe, équivalent du mercredi de nos jours. Je fais donc en sorte, chaque jeudi, d’inviter copains et copines, dont la jolie brune de 16 ans, sur laquelle j’accentue ma drague, tandis que mon Teppaz fait tourner les 45 tours d’Elvis, Johnny, Chaussettes, Chats et Pirates. SALUT LES COPAINS Le lundi 7 janvier, en rentrant du collège, la première chose que je fais en arrivant est d’allumer mon transistor, sur Europe N°1, 1647 mètres grandes ondes, et d’écouter Salut Les Copains. Agréable surprise, les Champions, version instrumentale, sont les chouchous de l’émission avec le titre-phare de leur premier 45 tours sans leur chanteur Jean-Claude Chane, « Poupée Brisée ». J’adorais déjà les Champions avec Chane, et là je découvre un son plus rond, un enregistrement plus abouti, et ils cartonnent avec ce morceau. Le 9 janvier, je reste à l’étude, ce que je déteste, car on projette dans la grande salle le film « Assassins Et Voleurs » de Sacha Guitry. Jean Poiret et Michel Serrault en sont les vedettes. Une scène mémorable et extrêmement drôle montre Bernard Bayoux (à g.), Hervé Cristiani, Jacques et Olivier (chez ce dernier). Bonjour Les Amis N°2 de janvier 1963. Darry Cowl en témoin-clé à la barre d’un tribunal, se trompant de prétoire... et donc de procès ! Darry Cowl me fait toujours hurler de rire, tant au cinéma qu’au théâtre. Sa mort, au début des années 2000, m’a fait repenser à cette scène irrésistible, dans le premier sketch du film « Les Parisiennes » avec les Chaussettes Noires et Dany Saval. Le 10 janvier, je passe l’après-midi au Golf Drouot avec ma jolie brune, emballée définitivement ! On se retrouve en bas de l’escalier (mythique pour tous ceux qui ont connu le Golf), à 16h. Tout le monde comprendra que je choisis de ne danser que les slows. Vers 19h, abreuvés de slows et de rocks, nous quittons le Golf que je fréquente depuis 1962 et que je viens de faire découvrir à ma jolie brune. Le 15 janvier, il fait beau et pas trop froid, au lieu de prendre le métro, je rentre du collège à pieds. J’habite dans le quartier des Champs-Elysées. En remontant les Champs depuis le rond point, je passe au Prisunic (aujourd’hui Monoprix) où je file au rayon des cartes postales et photos d’artiste, à côté des disques. J’achète des cartes postales en couleur des Chats et des Pirates, conservées soigneusement jusqu’à ce jour. En sortant du Prisunic, je remonte les Champs jusque chez Sinfonia, le plus grand magasin de disques à Paris, espérant découvrir des 45 tours nouveaux de mes groupes et chanteurs préférés. Je suis bien inspiré et je remarque le premier super 45 tours instrumental des Champions, avec « Poupée Brisée », chouchou SLC la semaine précédente. Petite déception, la pochette ne propose pas de photo des Champions au recto (mais quatre petites au verso), tant pis, il me le faut. 13