Apport à la capitalisation de l`équipe d`Evry Coordination

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Apport à la capitalisation de l`équipe d`Evry Coordination
Apport à la capitalisation de l’équipe d’Evry
Coordination internationale
Quartiers du Monde : histoires urbaines
Année I
Février 2005
I. Introduction
La particularité de l’équipe d’Evry par rapport aux autres équipes du projet Quartiers du
Monde : Histoires urbaines, est que c’est la mairie d’Evry qui réalise le projet dans sa ville, à
travers les responsables de la politique de la ville : Miled ZRIDA et de l’intégration sociale :
Maryse FONTAINE. Dans les autres villes et quartiers, les équipes locales sont composées par
des organisations sociales locales, qui s’articulent avec leurs autorités locales pour
construire le projet localement.
Cette situation spécifique à Evry a apporté de nouvelles réflexions à l’ensemble du réseau,
car elle nous a fait connaître et donner l’occasion de comprendre de « l’intérieur » les visions
d’une autorité locale, ses conditionnalités et sa temporalité pour réaliser un projet, son
pouvoir dans la ville et ses limites.
La coordination Internationale du projet, de par sa proximité géographique mais aussi à la
demande de l’équipe d’Evry, a suivi de très près le processus du projet dans la ville. Nous
sommes devenues, en quelque sorte, les facilitatrices de cette recherche et c’est pour cela
que nous nous permettons d’écrire notre analyse de cette première année du processus du
projet, en appui à la capitalisation locale.
II. Le processus
On peut identifier dans le processus d’Evry deux étapes :
1
La première va de février à juin 2004. L’objectif était de constituer un groupe de jeunes et
d’identifier les facilitateurs du groupe parmi les associations et centre sociaux intéressés par
le processus. Nous avons commencé alors un travail d’appui quasi hebdomadaire avec des
jeunes de l’association « Si-T-Show ». Se sont joints au groupe deux représentants de
l’association Relief : Mina et Sébastien. Maryse, de la Mairie d’Evry, a participé à toutes les
rencontres.
Durant cette étape, nous avons réalisé des séances de formation avec ce groupe et avec des
représentants de la maison de quartier des Pyramides. Cela a été l’étape où le groupe des
jeunes de Si-T-Show construisait la confiance avec la mairie d’Evry et les institutions via le
projet Quartiers du monde.
Vers le mois de juin, et avec l’arrivée des vacances scolaires, le groupe a commencé à se
disperser. Au cours d’une dernière rencontre, nous avons planifié le temps des vacances et
nous nous sommes donnés rendez vous pour la rentrée suivante (septembre 2004).
La deuxième étape, à partir de septembre 2004, a été marquée par l’absence des jeunes.
Maryse a été surchargée de travail en mairie, n’a pas réussi à retrouver le groupe après les
vacances. L’absence de facilitateurs sur le terrain de façon permanente n’a pas permis de
consolider le groupe et sa réflexion. Des conflits personnels entre la mairie et les jeunes de
Si-T-Show ont freiné Maryse dans son envie de continuer avec ce groupe. Consciente du
nombre restreint des jeunes, elle a suivi de nouvelles pistes pour augmenter le nombre des
participants et consolider à nouveau un groupe à Evry.
Dans cette « recherche de jeunes et d’associations», Maryse et Miled ont tissé une stratégie
qui réunit : une classe d’intégration de jeunes immigrants primo arrivants d’Evry (CLIO), une
association de jeunes qui devrait mobiliser les jeunes d’Evry et consolider un groupe pour le
projet Quartiers du Monde (Unis Cités), et une association de femmes pour participer à
l’approche de genre (Génération Femmes). Cette deuxième étape a été également marquée
par un travail difficile auprès des élus dans la préparation du Conseil Municipal, et qui a
donné comme résultat l’approbation du projet Quartiers du Monde : histoires urbaines et
son insertion dans le contrat Ville d’Evry.
III. Axes transversaux1
III.I. La Recherche-action participative
Le travail de l’équipe d’Evry a commencé par une séance de formation RAP. C’était au début
de la constitution du groupe. Cela lui a permis de se connaître, de définir la posture des
différents participants dans le projet Quartiers du Monde à Evry, et surtout d’identifier les
problèmes prioritaires.
Nous avons trouvé dans le groupe des postures différentes, et de fait des implications
variées en termes de temps et d’engagement envers le projet:
1
Pour plus de précisions, voir le rapport des sessions de formation méthodologique
2
-
une posture de facilitateurs : les jeunes qui veulent être considérés comme les
facilitateurs du projet et non pas comme des « jeunes », catégorisation discréditée.
-
une posture institutionnelle : l’administration, le conseil de quartier et le centre social.
une posture de jeune : une adolescente de 15 ans.
une posture de représentants d’associations : l’association Relief qui travaille à Evry et
qui propose de donner au groupe un « appui ponctuel et technique ».
Une fois définis les rôles, et donc les espaces d’action, le groupe a identifié les problèmes
suivants comme devant être prioritairement travaillés dans le cadre du projet :
-
Les promesses faites aux jeunes, qui ne sont pas toujours tenues et suivies.
Les moyens financiers, qui peuvent ne pas être mobilisés pour réaliser les activités.
Les facilitateurs (jeunes de Si-T-Show), qui ne sont pas reconnus socialement et
institutionnellement, et peuvent être rejetés par les jeunes et les habitants des
quartiers.
-
Les relations difficiles entre les garçons et les filles.
Suite aux séances de formation, le groupe a commencé sa recherche sans trop s’en
apercevoir, en ayant comme objectif principal celui d’augmenter le nombre des jeunes du
groupe pour commencer réellement le travail.
Dès les premières rencontres et lors des sessions de formation, nous avons remarqué la
forte demande « d’action ». Une jeune fille disait sans cesse : « Quand est-ce qu’on passe à
l’action ? ». Nous demandions au groupe de quelle action s’agissait-il ? Pour atteindre quel
objectif ? Pour avoir quel résultat ? Elle nous a expliqué qu’elle était habituée, quand elle
allait au centre social, à faire des actions : à demander (sorties, jeux, etc.) et obtenir… c’est
cela l’action !
« Les plus grands », expliquaient aussi que dans les centres de loisirs, sociaux et autres, les
animateurs devaient remplir la journée des adolescents. Ils ne sont pas habitués à proposer
des activités, jeux ou dynamiques avec l’objectif de réfléchir sur une situation.
Ils ont proposé de faire une sortie en invitant les adolescents du quartier, comme prétexte
pour les rencontrer et commencer à former un groupe. L’un d’entre eux a dit « la sortie sera
la carotte! ». Les autres ont répliqué qu’ils ne voulaient plus entendre parler de carottes. Si
dans leur jeunesse on leur avait proposé des projets de réflexion, cela aurait tout
changé pour eux!
Par ailleurs nous avons su lors d’une réunion à la DIV2, que la politique de jeunesse en
France exigeait de pouvoir mesurer le nombre d’activités et le nombre des participants aux
sorties. La réflexion n’étant pas mesurable, elle n’intéresse pas les décideurs.
Les jeunes de « Si-T-Show », sans le savoir vraiment, devenaient les acteurs de leur propre
recherche…
2
Délégation Interministérielle de la Ville
3
Ainsi, se dessinait une configuration possible : le groupe de jeunes d’Evry pouvait devenir le
facilitateur des négociations avec les différents acteurs du quartier, par exemple en
appliquant la cartographie sociale au sein du Conseil de quartier. Et ils pouvaient également
devenir les facilitateurs de la réflexion avec les plus jeunes, sur les thèmes du projet. Mais
les jeunes/facilitateurs d’Evry n’étaient pas encore prêts, ils se décourageaient vite. La
pression sociale du quartier était forte. Pour que ce groupe se consolide et mûrisse, il fallait
un accompagnement régulier par des professionnels qui les aident à se poser les bonnes
questions et à chercher les réponses par eux-mêmes.
Il y a tellement à faire que ça fait peur…
Maryse et Miled, de part leurs fonctions à la mairie, n’avaient pas le temps nécessaire pour
pouvoir les accompagner. Ils espéraient que les jeunes seraient plus autonomes, que les
associations Relief et Génération femmes, ou encore le centre social, s’investiraient
davantage et pourraient les accompagner.
Nous avons eu plusieurs échanges sur ce qu’il faudrait au projet à Evry pour avancer dans
son processus. Notre point de vue était qu’un accompagnement régulier était nécessaire au
groupe des jeunes, pour sa mobilisation et sa consolidation. Tandis que pour l’équipe
d’Evry, le grand problème était le manque de jeunes pour commencer l’action.
La coordination internationale a continué son rôle de facilitation, cette fois seulement avec
Maryse et Miled, dans leur recherche action sur le terrain du politique et de l’administration
de la municipalité.
Dans l’objectif de trouver de nouveaux acteurs et de nouvelles stratégies pour réaliser le
projet à Evry, l’équipe d’Evry a organisé plusieurs réunions avec différents partenaires
associatifs possibles d’Evry, ainsi qu’avec les différents acteurs de l’administration pour faire
le bilan du projet à Evry, et enfin avec les élus pour pouvoir présenter le projet en Conseil
municipal. Chaque réunion représentait un moment de réflexion et de discussion sur la
difficulté de travailler avec des jeunes, de les mobiliser, de les accompagner, pourquoi
encore et toujours les jeunes… Tel qui que Maryse l’écrit sur un document du projet3 en
décembre 2005 :
Il est constaté qu’Evry est en décalage par rapports aux autres quartiers ; les orientations
souhaitées par les élus, ce qui avait été défini dès le début du projet et la raison de
l’adhésion de la ville, est de travailler avec LES HABITANTS.
Dans le souci de répondre au critère d’un nombre minimum de participants au projet, et de
pouvoir le défendre au Conseil municipal selon le positionnement des élus, Maryse et Miled
ont redessiné l’architecture du projet à Evry :
3
Préfiguration de l’organisation 2005 – Maryse Fontaine responsable de l’Intégration et de la Coopération
décentralisée de la Mairie d’Evry.
4
Groupe 1
Groupe 2
Groupe 3
Groupe 4
Animateur : ville
Animateur : ville
Animateur : ville et
Animateur : FIA/ISM
Pourvoir et
Pourvoir et
Identités juvéniles
Thématique de genre
participation
participation
Constitué des
Composé des élus
Groupe de recherche
Constitué par
membres du Conseil
référents sur le
constitué de
l’association
membres des
la démocratie
Cités, la classe
et le collectif des
des parents, FIA/ISM,
l’intégration et à la
d’Orientation - CLIO et
de quartier, des
associations Collectif
Si-T-Show, et le
quartier, mais aussi à
participative, à
politique de la ville.
Unis Cités
l’association Unis
d’intégration et
par ce thème
consolidé par
l’association Europe
l’association Unis
Génération Femmes
parents.
les jeunes intéressés
groupe des jeunes
d’Evry constitués et
et Ville
(s’appuyer sur
Afrique).
Cités.
Selon le nouveau planning des séances de formation méthodologique avec les nouveaux
acteurs du projet ont été prévue, ainsi qu’une première représentation de théâtre forum
dans le quartier pour présenter la thématique et la démarche aux habitants du quartier, des
moments de réflexions avec les nouveaux acteurs, la capitalisation du processus et une
deuxième représentation de théâtre forum dans le quartier, à partir de la capitalisation, avec
la participation du Conseil municipal.
En septembre/octobre 2005, les nouveaux groupes du projet devront élaborer des
propositions d’actions et les présenter au débat d’orientation budgétaire pour 2006.
Evry ne sera pas représenté à la rencontre Internationale des jeunes, à Dakar en mars 2005.
Luis, de Si-T-Show, le jeune identifié par l’équipe d’Evry, après longue réflexion nous a
répondu :
Le projet a ses aspects qui me plaisent et d’autres moins. Donc je pense avoir
mûrement réfléchi et ma décision est définitive. Pour moi le principal n'est pas
de voyager ou de profiter des avantages et plein de paramètres font en sorte que
je ne désir plus participer au projet. Je veux entièrement me dédier a SI.T.SHOW
et apparemment dans ce projet SI.T.SHOW n'a pas sa place...pour moi, nous
sommes en plein dans les problèmes « des jeunes » face aux institutions dont on
avait pu débattre aux cours de nos réunions. Donc je suis désolé de ne pas
continuer avec vous et vous souhaite bon courage.
Une nouvelle étape de Recherche-action commence avec la participation de nouveaux
acteurs, et de la population à travers la présentation des théâtres forums dans le quartier. Le
défi pour l’équipe d’Evry reste de répondre aux attentes des jeunes facilitateurs de Si-TShow.
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III.II. La Cartographie sociale
Les journées de formation ont été destinées à l’équipe des multiplicateurs ou facilitateurs,
en charge de dynamiser le processus dans le quartier. Ceux-ci étaient en même temps les
jeunes du projet. Deux membres de l’association RELIEF, le président du conseil de quartier,
Maryse Fontaine, responsable de l’équipe d’Evry et représentante de la Municipalité, ont
participé à ces journées. La coordination internationale du projet, ainsi que des référentes
sur la Cartographie Sociale et sur l’approche du genre les ont animées.
Nous avons réalisé un atelier de réalisation de cartes du présent et du futur, ainsi que des
dynamiques de simulation qui ont facilité l’expression du groupe. La séance de formation en
cartographie sociale a été pour l’ensemble très intéressante, et singulièrement informative
pour les adultes qui n’avaient jamais eu l’occasion d’échanger avec les jeunes sur leur vision
du quartier, et qui se sont étonnés de leur savoir et de leur lucidité.
Sur le plan culturel, les jeunes ont fait remarquer qu’il n’existe aucune offre pour les jeunes
de plus de 16 ans. Le Centre Social est la référence pour les plus jeunes, en ce qui concerne
la socialisation et la culture. Les jeunes voient la culture comme un ensemble d’actions
artistiques entreprises au bénéfice de la population; cependant, ils ne présentent pas leur
propre diversité culturelle comme un fait de la « culture » du quartier.
Nous avons appris également, que la communauté ne s’inquiète que très peu des problèmes
environnementaux. Les autorités locales prennent des mesures, comme par exemple le tri
des déchets, mais mis à part le développement d’actions de sensibilisation, il n’existe aucun
engagement collectif sur ce problème. Peut-être est-ce dû à l’absence de prise de
conscience qui amènerait l’ensemble de la population à se réunir pour penser et agir pour
l’habitat urbain.
La socialisation de la carte sociale nous a révélé le territoire : il s’agit d’une petite ville où
cohabitent des familles de 58 nationalités différentes, c’est-à-dire qu’effectivement la
diversité culturelle constitue une donnée importante pour tous les habitants et suppose un
défi pour les institutions et les programmes qu’on réalise. Pour d’autres, la carte montre de
façon subjective le sentiment d’appartenance, comme le raconte l’une des jeunes filles :
« Je suis attachée à ce quartier, on y trouve beaucoup de richesse »
Pour d’autres jeunes, la carte exprime les aspects concrets de la réalité des familles de
migrants, ou de personnes en situation irrégulière, avec tout ce que peut impliquer la vie
dans un pays lorsque l’on n’a pas ses papiers. D’autre part, les caractéristiques urbaines du
quartier évoquent « un quartier à plusieurs niveaux, la ville contenue dans différents
niveaux ».
L’atelier de cartographie sociale a relevé le défi de travailler avec les autres, d’aboutir à des
consensus, de rassembler des arguments pour négocier et en dernier recours, d’avoir une
incidence et une participation beaucoup plus efficace dans les décisions qui influencent
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notre vie. Les méthodologies sont un moyen de nous rapprocher de la réalité pour la
transformer, si nous voulons construire un quartier différent.
Chaque nouvel exercice d’élaboration de cartes sociales devra apporter des éléments
différents de ceux qui sont ressortis au cours de cet atelier. C’est pourquoi, à la fin de
l’atelier, nous avions prévu de continuer la réalisation des cartes avec la participation de
nouveaux acteurs, y compris les élus, dans le cadre des conseils des quartiers… Mais tout
cela demandait un accompagnement régulier du groupe et un investissement en temps que
ni Maryse ni Miled ne pouvaient fournir.
III.III. La perspective de genre
Depuis le forum local réalisé à Evry en décembre 2003, pendant lequel le besoin de travailler
le rapport entre les filles et les garçons a été exprimé de façon claire par le groupe des
jeunes participantes au forum. De tristes événements, liés à ces rapports plutôt tendus, où la
force et le préjugé sont la règle principale entre les genres, ont été racontés, analysés et
presque mis en scène par les adolescents et adolescentes.
Lors de la session de formation de Recherche-action, un des problèmes identifiés par les
jeunes avait été également « la relation entre filles et garçons ». On sentait que ce travail sur
la perspective de genre était particulièrement important chez ces jeunes français issus de
cultures différentes mais ayant en commun le renforcement des rôles historiques de genre.
Les jeunes filles ont exprimé l’urgence d’un changement dans les représentations et dans la
négociation de leur autonomie.
Le travail de perspective de genre a été initié par une session de formation réalisée en même
temps que la cartographie sociale. Tout le groupe d’Evry, y compris les représentants des
associations, du Conseil de quartier et Maryse, y a participé.
Durant cette session de formation nous avons réalisé des exercices qui nous ont permis de
connaître, de débattre et d’analyser ensemble les visions et les représentations des
participants. Les conversations ont mis en évidence les éléments d’oppression et de
discrimination relatifs aux femmes, que l’on retrouve dans le quartier. Ceux-ci sont
notamment associés à la liberté de mouvement, que le groupe a défini comme
« l’indépendance géographique », et qui dérive des imaginaires liés au genre et à la
répartition traditionnelle des rôles. La femme est à la maison, s’occupant des tâches
domestiques, tandis que l’homme est dans la rue, s’inscrivant dans une socialisation
précoce. Les préoccupations quant aux différentes formes de violence ont été explicitement
exposées, en se focalisant sur les violences commises envers les femmes, non seulement à
la maison mais aussi dans la rue, et qui s’expriment dans le harcèlement et l’abus sexuel, ce
qui justifie apparemment que les jeunes filles restent à la maison.
Nous avons également utilisé la cartographie sociale pour rendre visible davantage, et
comprendre ensemble la situation des filles et des garçons dans le quartier. Pour introduire
la perspective de genre dans la cartographie et dans la réflexion, deux éléments ont été pris
7
en compte: les intérêts pratiques et stratégiques de genre. Ces éléments ont été expliqués et
amplement discutés par le groupe.
On a alors proposé d'étudier une carte du futur concernant l'équité entre les hommes et les
femmes. Le travail de réalisation de la carte a été difficile, et en même temps positif car il a
permis de clarifier ce qui ne l’était pas. Est apparu notamment le fait que les activités
proposées pour les jeunes dans certains centres municipaux sont de fait destinées aux seuls
garçons. Les animateurs ayant principalement un public masculin, ils se préoccupent peu de
proposer des activités pour les filles. Celles-ci se sentent donc exclues et désertent les
centres de loisirs. Ces lieux publics théoriquement mixtes, se trouvent donc être dans la
pratique des lieux masculins…
Chaque personne, chaque catégorie d’acteur pense différemment et il faut donc se mettre
d’accord par le biais de discussions. Cela nous oblige à décider ensemble ce qu’il faut faire
et comment mener à bien les idées que nous voulons réaliser.
Suite à la session de formation, le groupe d’Evry avait intégré l’importance du travail à faire.
Aïda avait proposé de faire un documentaire sur la relation des filles et garçons dans le
quartier, en interviewant des filles et des garçons, leurs familles. Pour approfondir la
réflexion, nous avons visionné un documentaire réalisé par une jeune colombienne sur ce
thème. Nous avons échangé sur les visions différentes, sur les attentes des filles et des
garçons, et construit un guide pour que Aïda accompagnée des jeunes Si-T-Show et des
techniciens de l’association Relief puisse réaliser le documentaire.
IV. Axes thématiques
IV.I- Le pouvoir/la participation
a- Les politiques urbaines de jeunesse
Comme décrit par Maryse Fontaine dans l’étude préliminaire rédigée pendant le projet pilote,
la municipalité d’Evry a mis en place une plénitude d’infrastructures en direction de la
jeunesse, sous l’égide d’une Direction de la Jeunesse qui a été mise en place au sein de la
Municipalité: centres sociaux, centres ado, service de prévention, création d’un Conseil local
de la Jeunesse, un journal édité par la ville destiné aux 16/25 ans « le magazine des Jeunes
de la ville d’Evry ».
Cependant, ces services publics, et plus largement les politiques, sont toujours conçus par
les pouvoirs publics en direction des populations, et dans ce cas des adolescents et des
jeunes, sans leur permettre d’y participer. Ils ne correspondent donc pas forcément à leur
vision, à leurs attentes, ni à leur réalité de vie.
La préoccupation première des politiques publiques locales est la résolution du « problème
jeune » : délinquance, chômage ; ou l’occupation de leur temps libre, afin d’éviter ces
mêmes « problèmes ».
Les jeunes sont vécus par les autorités locales comme un problème, et en même temps, on
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refuse de travailler avec eux, de les écouter, de considérer leur malaise, de prendre en
compte leurs revendications. On parle même de « génération perdue ».
Comment conçoit-on et vit-on la politique ?
En ce qui concerne la politique, on remarque qu’il n’existe pas de véritable démocratie
participative: le regard critique des jeunes rend compte de leur compréhension de la
politique bien au-delà des questions d’infrastructures ou d’équipements, et rend manifeste
l’importante distance entre les lieux de prises de décisions et les habitants. Les jeunes
évoquent le problème en précisant qu’il existe un « délire de la participation » de la part de
la municipalité, mais qui en réalité ne permet pas une véritable prise de décision par les
habitants sur le développement de leur quartier. La planification des quartiers semble être le
problème de quelques personnes qui prennent les décisions pour beaucoup d’autres, sans
tenir compte d’une bonne partie de la population. Celle-ci qui ne voit pas ses besoins et ses
intérêts se refléter dans les choix faits. Les relations politiques peuvent s’expliquer par un
exemple concret: les propriétaires fonciers du quartier, qui dans la plupart des cas n’en sont
pas les habitants puisqu’ils louent ces logements, sont ceux que l’on consulte et qui
gagnent un pouvoir de décision dans la vie du quartier, bien au-delà de l’ensemble de la
population qui y vit quotidiennement.
b- Le niveau d’implication politique des jeunes et des associations
L’association de jeunes Si.T.Show a été repérée par Maryse Fontaine par son initiative
d’animation de quartier pendant l’été 2003.
« Nous avons voulu organiser ce jeu afin d’occuper les jeunes de 12 à 17 ans du
quartier qui n’ont pas pu aller en vacances et aussi leur faire découvrir de
nouveaux jeux, différents de leurs distractions habituelles ». Rapport du projet
pilote
Maryse Fontaine, a établi le contact avec eux et a commencé à travailler pour les intégrer
dans le projet, malgré la méfiance de certains administratifs/élus qui les considèrent comme
des délinquants (certains ont eu affaire à la justice quelques années auparavant), et pensent
donc qu’il est dangereux de travailler avec eux.
L’association a été soutenue dans un premier temps par la mairie : mise à disposition d’un
local, donation de mobilier, formation dans le cadre du projet QDM. Pendant les sessions de
formations en RAP et CS, les jeunes ont fait part de leur analyse clairvoyante sur les rapports
de force et les pratiques de la mairie, qui tente de récupérer les initiatives à son compte, afin
d’imposer un certain contrôle social.
Un certain rapport de force s’est alors installé entre l’association et la municipalité : les
jeunes sont sur leurs gardes, ayant peur de se faire manipuler ; la municipalité craint de se
faire avoir, ayant accordé certains avantages à des jeunes qui finalement, pourraient ne pas
entrer dans leur projet comme elle le souhaite.
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La grande méfiance réciproque a prévalu sur l’espace de dialogue et de négociation. Après le
licenciement inexpliqué par le maire de l’un des jeunes membres de l’association, qui était
animateur pour la municipalité, la situation s’est bloquée. La frustration et l’humiliation
devant une situation vécue comme un abus de pouvoir font dégénérer les choses : les jeunes
menacent de casser les locaux du centre ado…
L’association Si-T-Show a depuis été écartée du processus de reconfiguration du projet, la
municipalité cherchant d’autres associations partenaires, plus « adultes », peut-être moins
polémiques. Comment vont réagir les jeunes quand le projet, « leur » projet, va redémarrer
sur leur quartier, par le biais d’autres acteurs ? Comment construire la confiance après une
nouvelle – et attendue – déception de la part de l’institution tant décriée ? Comment
s’étonner alors que les jeunes se ferment à toute proposition, à toute initiative venant de la
mairie ?
Ce groupe, après de nombreuses rencontres, durant lesquelles il a été nécessaire
d’acquérir leur confiance et qui restent encore très interrogateurs sur la
manipulation dont ils pourraient faire l’objet, et du coup, les exclurait des autres
jeunes, est très attachant et il sera important de ne pas les décevoir.
Maryse Fontaine, rapport du projet pilote – décembre 2003
Apparemment dans ce projet (QDM) SI.T.SHOW n'a pas sa place... Pour moi nous
sommes en plein dans les problèmes « des jeunes » face aux institutions dont on
avait pu débattre aux cours de nos réunions.
Luis – février 2005
Plus
généralement,
on
peut
souligner
la
responsabilité
de
la
mairie
dans
le
renforcement/disparition des associations locales par le biais des subventions qu’elle
accorde ou non. En effet, la mairie soutient des initiatives qui suscitent son engouement
pendant un temps, puis les abandonne quand elles ont un discours trop divergent ou
prennent trop d’autonomie face au pouvoir, ou que le processus ne donne pas de
« résultats » assez vite. Cela va sans respecter les savoirs et les expériences des
professionnels des associations, les rythmes des processus de changement, qui ne
concordent pas avec ceux des politiques, les attentes et besoins des habitants.
Les associations locales sont reconnues pour leur travail dans des espaces où l’Etat et les
collectivités locales sont absents ou se sont désengagés. Les associations ont créé de
nouveaux métiers (médiateurs), elles ont une expérience dans le travail avec les populations.
Cependant, on tend à municipaliser leurs missions, à absorber leur travail et leurs
techniques au sein de l’administration publique, au lieu de les aider à se renforcer, à
s’autonomiser pour mieux articuler autorité locale et société civile.
Dans le cadre du projet QDM, les représentants de la mairie d’Evry, dans leur engagement
avec le projet et de par l’importance qu’ils lui accordaient, ont voulu mener sa réalisation
personnellement. Ils pensaient pouvoir le faire directement, voulaient le préserver face à des
services ou des associations locales qui l’auraient dénaturé ou s’en seraient servi à d’autres
fins. Ainsi, la proposition de réaliser un projet tel Quartiers du Monde à Evry est d’abord une
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initiative de deux responsables de la Mairie, préoccupés par un véritable travail avec la
population, et qui par la suite l’ont travaillée avec les élus pour qu’elle soit réalisée sur le
terrain.
Malheureusement, la confiance des habitants, et notamment des jeunes, n’est pas la même
face à un représentant de l’institution que face à un membre d’une association de terrain, et
la disponibilité non plus, et cela a rendu la mise en œuvre du projet difficile.
IV.II- Identités juvéniles
Le territoire
Les jeunes du groupe Si-T-Show sont nés en France, en grande majorité d’origine
maghrébine (Algérie, Maroc, Tunisie). Cette double appartenance est vécue par ces jeunes
comme une appartenance de nulle part et se traduit parfois par une identité restreinte au
quartier, où ils ont leurs références et construisent leurs référents territoriaux. Cela se
traduit parfois également par un malaise profond provoqué par un déracinement suivi d’une
non implantation.
En France, on est des Arabes, et au bled, on nous appelle les Français…
Arabe en France, Français en Algérie… Finalement, les jeunes n’ont nulle par où se sentir
chez eux, où être reconnus comme personnes et non pas comme catégorie.
Pendant une dynamique de groupe, où chacun devait dire d’où il était, tous ont répondu
qu’ils étaient du quartier Pyramides. Le territoire de référence n’est pas le pays d’origine des
parents, ni celui de la naissance, mais le quartier, ce microcosme qui enferme et stigmatise
autant qu’il accueille et construit.
La transmission
Ce sont les parents de ces jeunes nés en France qui sont venus de l’étranger, dans un projet
migratoire visant à l’amélioration des conditions de vie. L’échec scolaire des enfants, le
chômage, la discrimination sont alors vécus comme un double échec.
Les pères sont souvent dévalorisés par des métiers disqualifiés ou par le chômage, par une
société dont ils comprennent mal les codes, la langue, par leurs enfants absorbés par la
société de consommation. L’autorité sur la famille est alors souvent confiée aux « grands
frères », à la fois par les mères et par les institutions, ce qui renforce le sentiment d’échec et
de marginalisation des hommes.
Mon père, je ne lui en veux pas, mais le soir il rentrait crevé du boulot, il ne
savait pas trop ce qu’on faisait.
La stigmatisation
Etre d’origine étrangère et vivre dans un quartier populaire, c’est être objet de
discrimination, comme le montre les trajectoires personnelles des jeunes. L’école, qui
pousse à une orientation vers une filière professionnelle, dévalorisée.
On note que les filles ont un projet d’études et professionnel plus construit que les garçons,
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qui vivent « l’échec scolaire » de plein fouet.
J’ai arrêté la fac, je n’y arrivais pas, je ne savais pas écrire…
Crise économique et consommation
Le chômage est une réalité vécue par les jeunes : dans le quartier des Pyramides, 20% des
jeunes de mois de 26 ans sont en chômage, contre 9% pour la moyenne nationale.
Quand ils voient l’adresse avec le quartier sur le CV, c’est foutu…
Or, les jeunes sont confrontés à une offre de consommation véhiculée par la télévision :
publicité et émissions de TV-réalité participent à la construction d’une représentation de
l’argent facile, gagné sans effort et qui ouvre la porte d’entrée du bonheur, de la
reconnaissance. Les vêtements de marque sont des codes identitaires très importants. Les
marques sont la marque d’appartenance à un groupe, enjeu de reconnaissance sociale par
les paires.
Cette pression entre la capacité réelle de pouvoir d’achat et la reconnaissance sociale que
donne la consommation génère une grande frustration.
Les politiques publiques considèrent également les jeunes comme des consommateurs :
consommateurs de loisirs, de vacances. On leur offre des séjours au ski, des activités, des
loisirs. Dans les centres sociaux, peu ou pas de travail est mené dans le sens d’une
réflexion, d’une formation des personnalités en construction. Il faut réaliser le plus grand
nombre d’activités, avec le plus grand nombre de jeunes, pour pouvoir afficher des
« résultats ».
Au-delà de l’incitation à la consommation, la télévision a un rôle déterminant dans la vie des
jeunes et la formation des identités. Omniprésente dans les familles, les jeunes passent de
nombreuses heures par jour devant la télévision.
A la fois fenêtre vers un monde qui fait rêver et auquel on n’a pas accès, la télévision
véhicule des valeurs très éloignées de celles de la culture d’origine des parents et peut
provoquer des réactions de crispation, de repli identitaire (image de la femme, sexualité).
Par ailleurs, la télévision participe fortement à la construction des clichés et de la
discrimination dont souffrent les jeunes en tant qu’issus de l’immigration et vivant dans des
quartiers périphériques, en véhiculant presque uniquement des images négatives de la
banlieue : délinquance, violence. A la télévision, la banlieue fait peur, représente un danger
pour le reste de la population. La banlieue est vue comme un monde à part, qu’on ne
connaît pas, qu’on comprend mal et qui est vécue comme une menace. Cette image est
récupérée par le politique au niveau national et sa priorité donnée à la lutte contre
« l’insécurité ».
C’est dans cette optique que les jeunes ont formé l’association Si-T-Show : pour utiliser le
langage de la télévision : l’image, pour mieux la détourner et montrer une autre réalité, leur
réalité, jamais diffusée sur le petit écran, et mieux lutter contre cette stigmatisation.
Le quartier : en sortir…
Le quartier est synonyme d’une certaine promiscuité sociale… Tout le monde se connaît,
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tout se sait. Cette pression sociale est parfois dure à vivre. Le quartier est un monde, et il est
fermé au monde.
Ce qui m’a sauvé, c’est de changer de lycée, d’aller dans un lycée où il y avait
des Blancs, d’autres catégories sociales, ça m’a ouvert l’esprit vers d’autres
choses.
Les sorties du samedi soir se font généralement à Paris, la ville qui fait rêver, mais dont on
se sent étranger, refoulé…
Il n’y a plus de RER4 après 23h, comme ça, on ne les envahit pas…
Le communautarisme
Autant le groupe de jeunes de Si-T-Show est composé majoritairement de garçons d’origine
maghrébine, autant celui de l’association Génération Femmes est composé uniquement de
jeunes filles d’origine malienne et sénégalaise.
Cette
composition
nous
renforce
dans
l’impression
d’un
fonctionnement
social
communautaire, c’est à dire que l’on se retrouve selon la région d’origine, et du manque de
mixité culturelle entre les différentes populations d’origine étrangère. Les populations
s’observent, se connaissent mal, se mélangent peu. Une sorte de méfiance imaginaire sur
l’autre s’installe entre les différentes communautés. Chaque communauté a un nom propre
dans le vocabulaire des jeunes, souvent issus du verlan : les keblas, les rebeus5…
Les associations d’Evry sont pour la plupart basées sur une appartenance ethnique ou
nationale. Les groupes de jeunes informels sont assez peu « mélangés ». L’école représente
un des rares espaces de mixité culturelle.
IV.III- Auto-régulation sociale
Tout le monde s’accorde à combattre le communautarisme, même si parfois on
confond avec « volonté d’expression collective, ou de solidarité
communautaire ». Le communautarisme est la volonté de structurer le champ
politique avec des représentations à base ethnique, culturelle et religieuse. Le
communautarisme traduit la volonté d’un groupe de se définir sur une base
ethnique, culturelle et religieuse et les individus sont assujettis au groupe et
celui-ci représenté politiquement négocie des droits culturels collectifs,
dérogatoires du droit commun.
Maryse Fontaine et Miled Zrida – Pacte républicain, Thème I
Le quartier a ses règles, que tout le monde connaît. Dans le cadre du projet nous n’avons
pas eu le temps pour l’étudier de plus prêt. Ainsi, ce que nous écrivons dans ce chapitre se
réfère surtout à ce que nous avons pu constater de l’auto-régulation de la situation des filles
dans le quartier.
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Train de banlieue
Les blacks (noirs), les beurs (arabes)
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On sent les filles contrôlées par les frères, les cousins, les voisins: dans leurs itinéraires, leur
façon de s’habiller, leurs sorties. Les filles ont un honneur, une réputation à défendre et la
famille en fait un « butin ». Les garçons n’en ont pas, mais ils en sont les gardiens du « butin
familial », ils veillent à l’honneur des filles, qui s’y soumettent ou se cachent pour voir leur
amoureux. Les garçons qui sortent avec une fille, dévalorisent souvent cette fille, puisqu’elle
sort avec un garçon…
Quand elle aura 16 ans, elle ne pourra plus aller au centre social et ses parents
ne la laisseront plus sortir… Maryse Fontaine
Les strings, c’est pour les putes…
Les filles sont, de façon assez insidieuse, exclues des espaces publics sensés être mixtes. Le
centre ado, par exemple, propose plus d’activités pour les garçons, public majoritaire. Du
coup, les filles s’en sentent exclues et ne le fréquentent pas, renforçant encore le processus,
et réclament un lieu de rencontre qui leur soit propre, « entre filles, même si on pourra
inviter des garçons ».
Les filles évitent de passer devant le bar, uniquement fréquenté par les hommes, pour ne
pas se faire interpeller, insulter.
Devant cette pression, le port du voile est parfois vécu, et de façon très paradoxale, comme
un instrument de libération : on a la paix, on entre dans un espace protégé des agressions
masculines, sa réputation devient inattaquable… mais on s’enferme aussi dans un modèle de
soumission, d’image de pureté de la femme, d’aliénation et de négation du corps féminin
face au désir de l’homme.
Une fille qui met le voile, on ne peut plus aller lui parler, la draguer…
Les jeunes filles d’origine africaine semblent, à première vue, avoir plus d’autonomie, de
liberté de mouvement, que celles d’origine maghrébine.
Dans le quartier, le poids de la religion musulmane est très fort sur les jeunes d’origine
maghrébine, en tant que code culturel et norme de comportement. On naît musulman/e, on
ne choisit pas de l’être. C’est une identité héritée de ses parents qui se négocie peu, voire
pas.
Les Islamistes recrutent parmi les jeunes qui sont dévalorisés par les médias, la municipalité,
le monde du travail, l’école... la pratique de la religion de façon extrémiste est peut-être l’un
des seuls espaces où ils peuvent se sentir reconnus.
Les différentes communautés ethniques et culturelles ont certainement leurs modes de
règlement de conflits. On en perçoit des signes, mais il faudrait continuer le processus avec
les jeunes pour les étudier de façon plus approfondie.
V. Pour continuer…
En janvier 2005, Maryse Fontaine et Miled Zrida responsables de l’intégration sociale et de la
politique de la ville à Evry, ont écrit un document appelé le « Pacte républicain ». Ce
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document est une réflexion sur l’intégration des populations issues de l’immigration sur le
territoire français en général et sur celui d’Evry en particulier. Il réfléchit également à
l’intégration de tous les individus qui participent à « l’espace civique », donc sur la
citoyenneté, en ayant comme outil principal la construction de politiques publiques
d’intégration.
Dans ce document, fort intéressant, les rédacteurs mettent en cause la puissance publique
dans l’intégration des populations : « La puissance publique ne s’intéresse à ces population
qu’à partir du moment où elles posent problème ». Ils évoquent la nécessité de construire
une réelle politique d’intégration comme stratégie de changement social, de l’importance
d’impliquer les population dans une telle démarche ; affirment le rôle important des
associations sur la ville, car elles accompagnent les population dans leur chemin d’insertion
au sein de la société française ; préconisent une politique publique sur le long terme, afin de
prendre en compte les nouveaux rythmes des citoyens.
A la fin du document, les rédacteurs listent les actions menées par la Mairie. Celles-ci
n’incluent par toujours la participation de la population, mais proposent plutôt une
consultation populaire. C’est de fait un premier pas… Ce document servira de base pour
négocier avec les élus de la ville une nouvelle proposition d’action de lutte contre les
discriminations à Evry. Il faudra continuer la recherche et l’étendre aux populations, pour
construire avec elles leurs propres stratégies de lutte contre l’exclusion.
Dans le processus RAP à Evry, les jeunes ont commencé par être les protagonistes de la
recherche et on fini par être les « révél-acteurs » des grandes contradictions communes à la
plupart des autorités locales dans le monde : les jeunes représentent une ressource dans
leur quartier et dans leur ville, mais par manque de savoir faire et à cause du temps du
« politique6 » les autorités locales ne veulent pas travailler réellement avec eux.
« Le projet Quartiers du Monde : histoires urbaines » est actuellement inscrit dans le projet
de ville de la Mairie d’Evry. Construire la participation est un processus de longue haleine,
qui demande de la volonté politique, du temps, du savoir-faire (outils méthodologiques) et
du savoir-être (respect, écoute de la parole, résolution positive des conflits dans la
construction de la confiance). Il faut maintenant que l’équipe d’Evry retourne sur le terrain et
grâce aux associations désormais impliquées dans la nouvelle architecture du projet,
implique les jeunes, les habitants, le conseil de quartier et les élus dans leur rechercheaction.
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Dans l’idée que la temporalité politique est le temps qu’un élu dispose pour faire preuve de son action.
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