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Le film en caméra cachée réalisé par Sofie Peeters dans les rues
de Bruxelles a soudain mis sous les projecteurs les machos qui
importunent les jeunes femmes dans l’espace public. Toute
femme sait que ces comportements sont d’une grande banalité. Et
ils n’ont rien non plus de nouveau, comme le montrent des notes
que j’avais prises en 1976.
Rien de nouveau sous le soleil
Machos d’aujourd’hui et d’hier, même combat !
Faisant du rangement dans mes paperasses, je tombe sur un classeur où j’avais rassemblé des
observations sur mon vécu de féministe dans la société, disons, en pleine évolution des années ’70. J’en
extrais une anecdote précisément datée et située : 18 juin 1976, dans le bus entre Gembloux et Perwez.
Voici l’histoire.
Je m’assieds à côté d’une jeune fille qui avait l’air pas très à l’aise et devant un vieux type fumant une
cigarette et sentant la bière. Le type m’apostrophe avec un fort accent wallon et je lui réponds :
Moi - ’Si c’est à moi que vous parlez, commencez par éteindre votre cigarette. Il est interdit de fumer
dans les bus. Lui - Elle a raison. Je vais l’éteindre. Et alors, vous me répondez ? Moi - Ça, ce n’est pas
prouvé.’
On entend des grommellements informes et le type fume deux cigarettes sur le parcours
(parcours qui devait durer une dizaine de minutes, si je me souviens bien) :
Lui qui continue - ’Chameau… Celui qui mariera celle-là, il fera la vaisselle. Enfin, maintenant, il y a des
lave-vaisselle mais il faut tout de même mettre dans le bac… Y faudrait se mettre à genoux devant un
chameau pareil… On croirait la comtesse de Montaigu et elle pisse devant comme les autres… On n’aurait
jamais dû donner l’égalité… Les femmes qui veulent travailler, qu’elles travaillent comme nous…
Chameau… Bonne à enfermer… Pas capable de répondre quand on lui parle poliment… Ah, son mari, il n’a
rien à dire chez lui… Allez, une cigarette, on ne va tout de même pas se gêner pour le chameau… On est
tout de même libre.’"
Le bus était loin d’être vide et, bien entendu, personne n’a jugé utile de faire taire le grossier
personnage.
Ah ! le plaisir charmant de devenir vieille, comme dirait Gréco : au moins, on peut se promener sans
essuyer ce genre de commentaires. Et quand d’aventure un homme vous siffle, on peut voir le côté positif
de l’affaire : au moins, on fait encore illusion…
P.-S.
Marie-Rose Clinet

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